mercredi 31 mai 2023

3. 3. Dont vient que par succeßion de temps nous avons appellé l' Evesque de Romme, Pape,

Dont vient que par succeßion de temps nous avons appellé l' Evesque de Romme, Pape, & que parlans à luy nous usons de ces mots, vostre saincteté. 

CHAPITRE III. 

Comme la grandeur de l' Evesque de Romme se fust manifestee à chacun, & que sans controverse elle eust obtenu le dessus de tous les autres Evesques, aussi par traicte de temps commencerent de s' insinuer en sa faveur ces grands & magnifiques tiltres de Pape, &, Vostre Saincteté, quand on parle à luy. En quoy, pour n' obmettre rien de l' ancienneté, si je puis, faut noter que les Ecclesiastics faisans au commencement un vœu general d' obeissance, plus ils furent appellez à grands honneurs, plus ils refuserent les haults, & superbes tiltres. Et de faict tous les noms qui eurent cours souz la primitive Eglise estoient plus noms de charge, que d' honneur. Car le mot d' Evesque en Grec ne signifie qu' Intendant, ou ayant l' œil sur quelque chose, le Diacre, ministre, par ce qu' il administroit aux tables des veufves, & orphelins, le Prestre, vieillard, pour monstrer qu' il ne falloit appeller à ceste charge que les anciens. Depuis souz le second aage, nostre Eglise prenant nouvelle discipline par nouvelle devotion, l' on commença de mettre entre nous le mot de Pere, pour gratifier à ceux qui avoient les premiers lieux: Ainsi vint le mot de Patriarche en avant, qui veut dire Prince des Peres: ainsi celuy d' Abbé, qui nesonne autre chose que Pere, dont sainct Hierosme toutesfois se plaignoit sur le cinquiesme chapitre de l' Epistre de sainct Paul aux Galates, disant que les nouveaux Religieux de son temps, par une ambition extraordinaire, & irreguliere, se vouloient attribuer mesme tiltre que nostre Seigneur avoit donné à Dieu son Pere, quand il l' avoit appellé Abba Pater. Tout de ceste mesme façon se planta dans nostrer (nostre) Christianisme, le mot de Pape, lequel aussi ne signifie autre chose que grand Pere, & gaigna ce tiltre du commencement vogue à l' endroict des Evesques, j' entends de ceux qui pour leur aage, ou doctrine, avoient acquis quelque credit, & authorité dessus les autres. Ce que l' on peut descouvrir d' une infinité de passages des Autheurs Ecclesiastics en leurs Epistres: d' un S. Cyprian, sainct Hierosme, S. Augustin, sainct Gregoire, & par especial de Sidonius Apolinaris Evesque de Clairmont en Auvergne, dans les Epistres duquel vous ne le voyez escrire à aucun Evesque, que ce ne soit avecq' ce tiltre de Pape: Et mesmement au livre sixiesme escrivant à sainct Loup, qui avoit tenu le siege de Troye l' espace de cinquante ans, non seulemet il le qualifie Pape, ains Pere des Peres, & Evesque des Evesques. Qui a faict que quelques uns, & paraventure non sans apparence de raison, ont estimé que ce mot de Papa ait esté composé de deux mots. Car comme ainsi fust que l' on appellast quelquefois les vieux peres avec tiltre, & preface d' honneur Patres Patrum, & que par une abreviation on meit à quelques inscriptions Pa. Pa. Aussi avecq' le temps on en composa puis apres ce mot de Papa, & ce encores de tant plus que tombant en la personne du Pape, comme il fit, il sembloit être merveilleusement propre à cest effect, comme celuy qui pour sa dignité se pouvoit vrayement dire être le Pere des Peres. Qui est un discours sinon vray, pour le moins trouvé avecq' quelque belle rencontre. Et ainsi Yves Evesque de Chartres, escrivant au Pape Urbain en sa 12. Epistre l' appelle Patrem Patrum. Cest epithete de Pape estant doncques deferé aux Evesques, qui tenoient quelque rang entre les autres, depuis par tiltre de prerogative singuliere tomba en la personne de celuy, que par succession de temps on respecta par dessus tous les autres Prelats de l' Eglise, le tout en la mesme façon que le mot de sainct ou de Saincteté, que premierement on avoit accoustumé d' approprier à toutes personnes vivantes, qui devotement faisoient profession de nostre Religion Chrestienne, ainsi que nous lisons dans les Actes des Apostres, & en plusieurs passages de S. Paul. Chose depuis fort familiere aux Chrestiens. Comme nous le voyons dans Tertullian, S. Hierosme & autres. 

Depuis avec le temps, ce mot fut specialement adapté aux Evesques: Sidonius au quatriesme livre de ses Epistres, parlant de l' election d' un Evesque, en laquelle y avoit eu de grandes brigues: Sainct Patient, & Euphrone ont en fin éleu, dit-il, Sainct Jean, personnage recommandable en toute honnesteté, humanité, & douceur. Sainct Hierosme escrivant à Florence: Sainct Euagre Prestre vous presente les affectionnees recommandations: Et de la suitte de cecy vint, que quand on parloit aux Evesques, c' estoit avecq' cest honneste Eloge: Vostre Saincteté. Ainsi le trouverez vous par exprés en toutes les Epistres de Cassiodore, toutes & quantesfois que Theodoric, Athalaric, Theodaat, ou Vitige Roys d' Italie, escrivoient à quelques Evesques de leur Royaume. S. Gregoire escrivant, au Patriarche d' Antioche, use tantost de ces mots Vestra beatitudo, tantost de Vestra sanctitas: à l' Evesque de Milan qui tenoit grand lieu dedans l' Italie, Vestra sanctitas: Aux autres communs Evesques Vestra fraternitas. Socrate au sixiesme livre de son Histoire Ecclesiastique s' excuse de ce que parlant des Evesques, il ne les avoit honorez de cest Epithete de Sanctissimes, ou telle autre sorte de tiltres que l' on avoit accoustumé de leur bailler: Au contraire Theodoric par tout le discours de son Histoire ne parle gueres des Evesques, qu' il ne les accompaigne de ces mots, Saincts, ou Beats, encores qu' ils fussent vivans. Et tout ainsi que du peuple Chrestien ce tiltre s' estoit faict particulier aux Evesques, aussi finalement des Evesques aboutit-il en la personne de l' Evesque de Romme: non toutesfois du premier coup. Car dans les Epistres d' Yves, il luy donne diverses qualitez de grandeurs, comme de Beatitude, Paternité, Majesté, & entre autres de saincteté qui luy est pour le jourd'huy aussi commun, comme celuy de Majesté aux Roys, & Monarques: toutesfois les Papes au contraire voulans donner à entendre qu' ils n' affectoient ces grands tiltres, ains faisoient profession d' humilité, sur laquelle leur grandeur avoit pris son premier, & principal fondement, plus ils se trouverent être grands, plus choisirent-ils termes esloignez de l' ambition, & se qualifierent Serfs des Serfs: paroles d' humilité, lesquelles toutes fois n' ont pas moins d' effect dessus nous, que celles qui au pays de Perse estoient donnees à leur Prince, quand on l' appelloit Roy des Roys. Et le premier qui en usa entre les Papes, fut Damase, & l' autre qui luy donna cours, & regne, fut Gregoire premier, tous deux personnages de grand poids, & singuliere recommandation.

3. 2. Comme & vers quel temps le tiltre d' Evesque universel se planta dedans l' Eglise,

Comme & vers quel temps le tiltre d' Evesque universel se planta dedans l' Eglise, & en quelle façon les choses se passerent pour cest esgard. 

CHAPITRE II. 

Tout ainsi que soubs le moyen aage de nostre Eglise le tiltre de Patriarche fut introduict en ces cinq grands sieges: aussi commença l' on de les honorer diversement de ceste qualité de Prelats universels ainsi que j' ay presentement touché: mais comme, les coustumes ne sont pas jettees en moule, ains prennent leur accroissement par un taisible progrez, & alluvion: ainsi ne s' insinua, ce mot tout d' un coup entre nous. Celuy qui en fut premierement honoré, fut le Pape Leon premier de ce nom au Concil general de Chalcedoine tenu sous l' Empereur Marcian par six cens Evesques, où fut condamnee l' heresie Eutichienne. Sainct Gregoire escrivant à l' Empereur Maurice, dit que ce tiltre avoit esté accordé à Leon par le suffrage commun du Concil: toutesfois dans le Concil qui court par nos mains, je n' en trouve un tout seul article: mais bien trouverez vous que ceux du menu Clergé, qui lors presenterent Requestes au Concil, meirent en la suscription d' icelles, Sanctissimo & beatissimo universali Archiepiscopo, & Patriarcha magnae Romae, & sanctae universali Synodo. Tiltre que Leon n' accepta, mais aussi ne le refusa. Je ne voudrois pas certes dire, que ce grand personnage sainct Gregoire se fut mespris: car mesmes il attouchoit de pres ce temps là, & y avroit à penser que le Concil tel qu' il nous est representé, a esté paradventure corrompu par la nonchalance des ans: mais soit l' un, ou l' autre, ce n' est point un petit advantage pour le Pape, voire peut être plus grand de la façon que nous le lisons dans les actes de ce Concil. Car si par le suffrage commun des Evesques ce titre luy eust esté accordé, il sembleroit que c' eust esté à sa solicitation, & poursuitte, comme une qualité qu' il eust ambitieusement mendiée: mais ce tiltre estant emané par l' organe de ce petit peuple: il n' y a homme si aueuglé qui ne voye que ce fut pour un respect, honneur & devotion qu' il portoit singulierement au siege de Rome: voire par dessus celuy de Constantinople, en faveur duquel Anathole Patriarche de ce lieu, fit glacer par brigues, & menees un article, dont la teneur estoit telle, laquelle j' ay icy rapporté mot à mot en nostre langage. En ensuyvant en tout & par tout les Decrets des saincts Peres & la sanction Canonique n' agueres leuë, nous avons advisé d' ordonner & statuer des privileges en faveur de la tres-saincte Eglise de Constantinople, nouvelle Rome. 

Car aussi noz anciens Peres voulurent à bon droict octroyer des privileges au siege de la vieille Romme, par ce qu' elle commandoit: & tout d' une mesme consideration cent cinquante venerables Evesques tres-fidelles serviteurs de Dieu accorderent privileges esgaux au siege de la nouvelle Romme, cognoissant fort bien que ceste ville, qui est honnoree du tiltre de l' Empire, & du Senat, devoit jouyr de pareilles prerogatives que la vieille Romme: voire qu' és choses Ecclesiastiques, elle ne devoit être moins extollée que l' autre tenant le second lieu apres elle. A maniere que les Metropolitains d' Alsacie, & de Thrace, & encore tous les Evesques constituez és pays barbares doivent être ordonnez du sainct Siege de Constantinople: c' est à sçavoir, que chaque Metropolitain avecq' ses comprovinciaux, puisse consacrer les Evesques de sa Province, comme il est statué par les saincts Decrets, & Canons, & que le Metropolitain soit confirmé par le Patriarche de Constantinople, apres que l' election faicte canoniquement luy aura esté rapportee. Duquel article vous ne pouvez recueillir autre chose par cest entrelas de paroles, sinon que le Patriarche de Constantinople voyant que toutes les grandes prerogatives estoient accordees au Pape de Romme, recherchoit tous moyens de l' égaler en authorité sur ceux de son Patriarchat. Et à tant tout ainsi que le menu Clergé avoit au Concil de Chalcedoine donné au Pape Leon le tiltre d' universel: aussi les Patriarches de Constantinople le voulurent puis apres usurper. Qui causa une infinité de dissentions entre les deux Sieges. Car pour bien dire, encores, que ceste qualité eust esté donnee à Leon premier, toutesfois ny luy, ny longuement apres, ses successeurs ne la mirent en usage: mais bien l' Archevesque de Constantinople. Je diray cecy en passant, & peur être ne seray-je desauoué de ceux qui sans passion ont fueilleté l' Histoire Ecclesiastique, que la grandeur du Siege de Romme creut du commencement par la

saincte vie des saincts Peres qui y presiderent, & par la devotion que les bonnes gens leurs porterent: Et quant à celuy de Constantinople, encores qu' il y ait eu quelques Prelats, gens de bien, si est-ce que la plus-part donnoit ordre d' accroistre ce Siege plus par brigues, & ambition, qu' autrement, & ce pour le lieu qu' ils tenoient pres des Empereurs. Le premier d' entre eux qui le prit à face ouverte, fut un nommé Jean, personnage de grande recommandation, tant en jugement, & doctrine, qu' à bien escrire. Plus ces Prelats se rendoient recommandez en grandeur de sens, plus affecterent-ils de former la grandeur en leurs Sieges, ainsi que vous voyez par ces quatre grands personnages. Leon Evesque de Rome, Cyrille Evesque d' Alexandrie, Chrysostome, & Jean Evesques de Constantinople. Ce tiltre fut non seulement pris par Jean, ains plausiblement accordé par le cinquiesme Concil de Constantinople: auquel Concil le Pape de Rome ne fut appellé, tellement que Jean y presida. Qui me faict presque juger que ce fut pour s' authoriser de ce nouveau tiltre, d' autant que vous y trouverez une infinité de fois ceste qualité d' œcumenique, & universel luy estre donnee, tantost par quelques particuliers du Clergé, tantost par le Concil mesmes, & entre autres y a un acte de telle substance. Domino nostro sanctissimo, & beatissimo, Patri Patrum; Archiepiscopo, & oecumenico Patriarchæ Ioanni, Synodus in hac imperiali civitate congregata, in Domino salutem. Qui est à dire. A nostre Sanctissime, & Beatissime Seigneur, Pere des Peres, Archevesque, & Patriarche universel Jean, tout le Concil de present assemblé en ceste ville Imperiale, desire salut en Dieu. A quoy s' opposa vertueusement, premierement le Pape Pelage second, & apres son decés, Sainct Gregoire son successeur, lequel ayant opinion que l' Empereur Maurice favorisoit aucunement la cause du Constantinopolitain, prit ceste querelle en main, & luy en escrivit vertueusement, ensemble à l' Imperatrix Constance, & specialement escrivant à Maurice, apres avoir recueilly tous les passages de la saincte Escriture, par lesquels on voit que la primauté de l' Eglise avoit esté donnee à sainct Pierre, il adjouste, & tamen universalis Apostolus non vocatur: & vir sanctissimus consacerdos meus Ioannes, universalis Episcopus vocari conatur, exclamare compellor, ac dicere, ô tempora, ô mores, &c. Et toutesfois (dit-il) sainct Pierre ne fut appellé Apostre universel, & reverend Pere en Dieu Jean mon confrere tasche de se faire nommer Evesque universel: Et vrayement je suis contrainct de m' escrier, & dire, ô temps, ô mœurs, &c. Non content de cela, encores escrit-il à Jean qu' il eust à bannir ceste ambition insuportable de sa teste: Et estant advenu à Euloge Patriarche d' Alexandrie d' appeller en l' une de ses lettres, Gregoire Evesque universel, il l' en reprend tres-aigrement. Pour tout cela neantmoins ne laissa le Patriarche de Constantinople de continuer ce tiltre par luy usurpé, en son siege. Et à l' imitation de luy nous trouvons dedans le trente troisiesme livre de Nicephore, qu' au premier Concil d' Ephese, qui fut tenu souz Theodose second, Cyrille Patriarche d' Alexandrie, grand personnage de son temps, & qui fut prié par le Pape Celestin de tenir son lieu, en ceste assemblee se fit donner pareil tiltre d' Evesque universel. Tiltre (dit-il) qui fut usurpé depuis long temps apres par tous les successeurs en ce Siege. Cela fut cause que le Pape ne douta plus de là en avant de prendre ceste mesme qualité, non seulement pour ne descheoir du degré qui luy avoit esté adjugé par dessus le Constantinopolitain, & les autres, mais aussi qu' il estimoit qu' elle luy estoit loyaument deuë: & passerent les choses de façon, que le Grec en langue Gregeoise se faisoit appeler Oecumenique, & le Romain en Latine, Universel. Ce que je dy expressemment pour respondre à ceux qui se persuadent que Maurice premierement adjugea ce tiltre d' Universel au Patriarche de Constantinople, au prejudice de l' Evesque de Romme, & que son successeur Phocas luy osta, pour le rendre au Romain. Encores que je sçache bien que Reginon l' Abbé, & apres luy Adon de Vienne facent mention de ce jugement de Phocas. Car je ne me puis persuader que Nicephore, qui a escrit l' Histoire Ecclesiastique jusques à la mort de Phocas, eust passé par oubliance le jugement de Maurice, luy qui d' ailleurs, pour favoriser son pays a falsifié le Concil de Constantinople tenu souz le grand Theodose, disant qu' en cestuy fut la primauté de l' Eglise adjugee au Patriarche de Constantinople: & sainct Gregoire, qui descouvrit brusquement à Maurice ce qu' il en pensoit, n' eust oublié de luy en toucher quelque mot. Joinct que depuis ces deux Empereurs, ceste qualité passa en tel usage, qu' au sixiesme Concil de Constantinople tenu par l' authorité de l' Empereur Constantin Pogonat, ces deux Prelats, (comme j' ay dit) sont diversement appellez, l' un Oecumenique, l' autre Universel, & neantmoins en ceste concurrence de tiltre, les Legats, & Vicegerans du Pape sont en la soubscription nommez les premiers, & apres eux les Patriarches de Constantinople, Alexandrie, Antioche, & Hierusalem.

Depuis petit à petit, à mesure que les Empereurs de Constantinople decheurent de leur majesté, aussi d' une mesme balance declina l' authorité du Patriarche, comme celuy qui n' avoit tiré sa grandeur que par les brigues des Empereurs. Toutesfois il ne voulut jamais demordre ce tiltre. Car au Concil mesmes de Basle tenu en l' an 1435. Joseph Patriarche Constantinopolitain, envoya une Bulle soubz plomb, dans laquelle il se qualifioit par la grace de Dieu Archevesque Metropolitain, & Patriarche universel de la nouvelle Romme. En fin tout ainsi que nostre Religion Chrestienne a presque perdu son cours par tout le Levant, aussi se sont par mesme moyen esvanouyes, & anichilees les authoritez, prerogatives, & grandeurs de ces quatre grands sieges, esquels on ne peut voir autre chose que l' image d' un Patriarche. Estant la grandeur de l' Eglise universelle devoluë par effect en la dignité Pontificale de Rome. En quoy apres avoir discouru ce qui appartient à l' Histoire, je feray pour conclusion ceste remarque, qui ne desplaira, comme j' espere, à ceux qui sont touchez d' un meilleur enclin envers l' Eglise Catholique. Tout ainsi que nostre Seigneur Jesus Christ appella sainct Pierre premier de tous ses Apostres à sa suitte, aussi luy promeit il de bastir sur luy son Eglise. En consequence de ce grand Arrest, je trouve une chose memorable de luy, qui merite d' être remarquee. Par ce que l' histoire Ecclesiastique nous enseigne, qu' il presida successivement en trois Sieges. Premierement quelque peu de temps a Anthioche, puis en Alexandrie, jusques à ce que finalement il vint confiner, & fa demeure, & sa vie à Romme: Aussi trouvez vous que ces trois sieges furent erigez en Patriarchats, comme premiers, & generaux des Eglises, avecq' celuy de Hierusalem, receptacle des miracles de la Passion de nostre Sauveur. Car quant à celuy de Constantinople, je pense qu' il y eut plus de l' homme pour son progrés, & advancement, que de la Religion: mais tout ainsi que sainct Pierre establit en fin son principal siege dans Romme, & que les deux autres ne luy avoient esté que comme passagers, & transitoires: aussi toutes les puissances des autres Patriarchats sont en fin abouties en ce grand siege de Rome, ainsi que nous avons veu. Au demourant ceux qui principalement provignerent ceste grande puissance entre les Papes, furent Leon, Gregoire, & Nicolas, tous trois premiers de leurs noms, que la posterité ne sçavroit assez dignement recommander. 

3. 1. De la preseance du sainct Siege de Rome, sur l' Eglise Catholique.

De la preseance du sainct Siege de Rome, sur l' Eglise Catholique. 

CHAPITRE I. 

Qui voudra considerer quel fut le premier plant de nostre Religion Chrestienne, apres que nostre Seigneur eut satisfait à tous les mysteres cachez, qui avoient esté long temps auparavant de luy predicts, il trouvera que le dernier, & plus solemnel commandement qu' il donna à ses Apostres, & quasi comme un fideicommis general de son testament: ce fut qu' ils espandissent par tout l' Univers les semences de la saincte parole qu' il leur avoit annoncee. Depuis estant monté au Ciel, & ayant en eux imprimé le caractere du sainct Esprit, la premiere chose qu' ils eurent en recommandation, apres avoir ordonné des affaires de l' Eglise de Hierusalem, ce fut de partager entr' eux par commune devotion tout ce monde. Et leurs estans, & à leurs disciples escheuës diverses Provinces pour cultiver, il seroit impossible de dire, combien fructifia en peu de temps ce nouveau fruict, par la devotion, diligence, & hardiesse de ces bons & vertueux jardiniers. Et encores que chacun diversement selon le pays qu' il avoit à traitter, introduisit diverses ceremonies, & coustumes, si est-ce qu' eux tous raportoient leur creance à une unité de principes. 

Ceux-cy du commencement estoient indifferemment appellez Evesques, ou Prestres. Ainsi l' aprenons nous de sainct Luc, au chapitre 15. & 16. des Actes des Apostres, & au 25. où sainct Paul prenant congé des Ephesiens en la harangue qu' il leur feit, appelle sur la fin Evesques, ceux que sur le commencement il avoit appellez Prestres: Vray que ceste police ne dura pas entr' eux longuement: Voire prit changement dés le temps mesme des Apostres, comme nous aprenons du venerable Beda sur le 10. chap. de S. Luc, disant. Sicut duodecim Apostolos, formam Episcoporum praemonstrare nemo est qui dubitet, sic & hos septuaginta discipulos, figuram Presbyterorum, id est, secundi ordinis Sacerdotes gessisse sciendum est. Tametsi primis Ecclesiae temporibus, ut Apostolica scriptura testis est, utrique Presbyteri, utrique vocabantur Episcopi. Quorum unum, sapientiae maturitatem, alterum, industriam curae pastoralis significat: Passage que l' on ne peut assez solemnizer pour ceste ancienneté. Comme aussi est-ce la verité, que depuis à l' imitation de ceste saincte police, la Religion Chrestienne provignant, & la necessité requerant divers Ministres, non seulement sur les Provinces, mais aussi sur les villes, bourgs, & bourgades, l' on commença petit à petit, d' y establir difference. De là vint que ceux qui avoient l' œil & intendance generale sur les Provinces, furent appellez Evesques: & les autres qui particulierement avoient la charge des quantons des villes, & bourgades, estoient seulement appellez Prestres. C' estoient ceux, qui par la permission de l' Evesque, avoient puissance d' administrer la parole de Dieu, & les saincts Sacremens de l' Eglise, la part qui leur estoit distribuee. Chose qui estoit observee dés le temps mesmes de Tertulian, comme il nous enseigne en son traicté du Baptesme. Nous les avons depuis nommez Curez. Toutesfois, pour autant qu' anciennement l' on ne donnoit l' ordre de Prestrise qu' à ceux qui devoient avoir charge d' ames, & consequemment quelque tiltre: depuis noz Evesques par leur avarice ayans converty en abus ceste honorable coustume, distribuans à toutes occurrences, & sans acception de personnes, ceste charge à uns & autres, entre toutes ces corruptions, encores nous est demouree une image de ceste belle ancienneté. D' autant que nous disons que l' on ne peut appeller aucun aux ordres de Prestrise, qu' il n' ait tiltre, rapportans à je ne sçay quoy de temporel, ce que ces saincts Peres rapportoient au spirituel: & nommons encores Presbitaires les maisons destinees pour l' hebergement des Curez. Aussi entre les Cardinaux de Rome l' on en appelle les aucuns, Prestres, c' est à dire, les Cardinaux qui sont pourveuz des anciennes Cures de Rome, à la difference de ceux qui sont Cardinaux Diacres. On appella par succession de temps le ressort que tenoient les Evesques, Dioceses. Mot dont les anciens Romains usoient quelquefois sur le declin de l' Empire, pour Province: & celuy des Prestres, ou Curez, parroisses, combien que je trouve les Evesques avoir assez souvent appellé leurs Dioceses du nom de paroisses, comme s' ils eussent voulu dire que leur charge estoit une grande Prestrise, & que les Prestres estoient petits Evesques en leurs charges, par une reduction que l' on appelle du grand au petit pied.

Or eurent-ils une coustume fort familiere: car ayans entrepris de gaigner par leurs sainctes exhortations, tout le monde, ils avoient accoustumé de deleguer les plus capables & suffisans aux principales villes de chaque Province: Dont est venu que par une police Ecclesiastique, s' estant nostre Eglise divisee en Patriarches, Archevesques & Evesques, vous voyez les noms des Patriarchats, & Archeveschez és villes, où la domination temporelle avoit plus de lieu: & ceste mesme raison apporta puis apres de grands troubles à la grandeur de l' Evesque de Rome, ainsi qu' il sera dit en son lieu. Cecy à mon jugement, fut cause que Rome estant du temps des Apostres, le siege de l' Empire & ressort general de tout l' Univers: & S. Paul' s' estant transporté en ceste ville par necessité, pour respondre de son faict devant l' Empereur, l' on deputa depuis avec sainct Pierre pour y venir annoncer la doctrine de Dieu: Auquel lieu, comme chacun sçait, apres y avoir faict plusieurs grands miracles, en fin ils porterent un tres-vertueux tesmoignage de leur foy par leurs martyres. Lors se faisoient & long temps apres les assemblees des Chrestiens en cachete, pour eviter la fureur du Magistrat. Car encores que par traitte de temps quelques Empereurs feissent contenance de n' exercer leurs cruautez contre nous, si est ce que telles douceurs n' estoient qu' une amorce pour nous surprendre. D' autant que ceux qui sous cest appast s' estoient trop descouverts en leurs deportemens, à la premiere mutation d' Empereur, il se trouvoit un successeur qui recommençoit de seuir, comme au precedent encontre eux. Tellement que chacun estoit contrainct d' être retenu en ses actions. Et certes l' Eglise Romaine se rend grandement recommandable en ce point cy. Par ce que depuis S. Pierre jusques à Silvestre, qui fut du temps de l' Empereur Constantin, n' y eut Evesque dedans Rome qui ne seellast de son sang le tesmoignage de sa foy. Et encores que quelques uns se trouvassent plus foibles à supporter le premier heurt des persecutions, si est-ce que revenans à leur mieux, & second penser, ils embelissoient leur memoire de quelque beau & brave traict. Comme nous voyons qu' il advint à Marcelin Pape, lors de la grande boucherie & persecution de Diocletian, lequel pour caller la voile à la tempeste qui lors couroit, ayant par crainte immolé aux Idoles, en fit depuis penitence publique aux pieds de l' Eglise. Et non content de ceste confession, pour satisfaire d' avantage à sa conscience, se presenta devant Diocletian, luy reprochant ses cruautez, & sur ce reproche receut volontairement la couronne de martyre. 

Je ne trouve qu' adoncques tombast la Primauté de l' Eglise en dispute, ains quelque temps apres que les Apostres furent passez de ce monde en l' autre, le premier ordre de l' Eglise estoit des Evesques, le second des Prestres, & le dernier des Diacres. Et entre les Evesques on faisoit grand estat de ceux qui avoient leurs sieges és lieux, ausquels les Apostres, ou leurs disciples avoient presidé, & entre iceux, de celuy de Rome principalement pour la dignité de la Chaire Sainct Pierre, comme nous l' apprenons expressement de Tertullian en son livre contre les heretiques. Ceste primauté commença d' être aucunement enviee en ce grand Concil de Nice sous Constantin, quand l' exercice de nostre Religion commença d' être faict à huys ouvert. Car lors se trouva l' Evesque d' Alexandrie qui voulut concurrer en seance, avecques celuy de Rome. Depuis ce temps, je ne voy point que le Romain n' ait tenu le premier lieu sur les autres, sans exception ou reserve. A ceste cause trouvons nous dans Optat, qui fut soubs les Empereurs Valens, & Valentinian, en son premier livre, encontre les Donatistes, que Donat heretique, ayant presenté requeste à Constantin pour faire juger sa cause par trois Evesques des Gaules, l' Empereur luy ayant baillé pour juges, Materne Evesque de Colongne, Rhetice Evesque d' Autun, & Marin Evesque d' Arles, ils s' acheminerent à Rome pour decider par expres ceste affaire sous l' auctorité de Militiades Evesque du lieu. Et le mesme Optat, au deuxiesme livre, pressant de pres ses adversaires, qui s' estoient divisez de l' union de l' Eglise, & avoient creé sur eux un Evesque: Vous ne pouvez nier (dit-il) qu' en la ville de Rome ne fust premierement donnee à Sainct Pierre, la chaire Episcopale, en laquelle il a tenu le siege, comme chef de tous les Apostres. Puis il recite par honneur d' une longue suitte, l' un apres l' autre, tous les successeurs de S. Pierre, desquels avoit despendu l' union de l' Eglise universelle. Chose que fait en cas semblable Sainct Augustin en la cent soixante cinquiesme Epistre à Generose. Et Amian Marcellin mesmes, qui fut Ethnique, au quatorziesme livre de son histoire, faisant mention d' une sentence decretale, qui avoit esté donnee contre Athanaise Evesque d' Alexandrie par ses mal-vueillans, à la suscitation & pourchas de l' Empereur Constance, qui estoit Arien, recite que cest Empereur desira sur toutes choses que ceste sentence fut signee de Libere, qui lors siegeoit à Rome: Le passage estant de telle substance. Combien que cest Empereur eust attaint au dessus de son entreprise, & qu' il ne doutast point qu' Athanaise ne fust destitué de son Evesché, toutesfois pour l' authorité que tenoient lors les Evesques de Rome, il eust grandement desiré que Libere souz-signé avecques les autres Evesques contre luy. 

Ce qui fit passer condemnation plus facile à l' Evesque d' Alexandrie, en faveur de l' Evesque de Rome (j' useray de ce mot maintenant, en attendant l' occasion selon l' ordre des temps que je le nommeray Pape tout à faict) ce fut la desunion qui se trouva entre les Eglises du Levant. Deslors mesmes que l' Eglise commença de n' être plus affligee, par la puissance seculiere, elle s' affligea d' elle mesme. Il y avoit un Prestre dans la ville d' Alexandrie, nommé Arius, qui avoit esté degradé de l' ordre de Prestrise, lequel indigné de ce rebut, commença de se faire chef de part. Et de fait, il sema une grande zizanie en Egypte, sur le mystere de la Trinité, dont depuis sourdirent grands troubles, partialitez, & divisions en la Religion Chrestienne, speciallement entre les Eglises du Levant. Presque en ceste mesme saison, Donat remua une autre nouvelle erreur, qui partialisa tous les Afriquains, s' estans ces premiers & seconds heretiques tellement authorisez, qu' ils avoient leurs Evesques à part, les uns Ariens, les autres Donatistes. Il seroit impossible de dire quelle desolation il en vint: par ce que les Evesques está (estan, estant) divisez en sectes, se forgeans Concils sur Concils, & defaisans par un Concil ce qui avoit esté arresté par l' autre, la vraye definition de la foy s' esvanouit presque entr' eux. Et qui est encores un plus grand malheur, pendant que les Prelats n' avoient autres desseins que de ruiner leurs adversaires, au lieu de s' estudier à une reconciliation Chrestienne, & que le Catholic estoit excommunié par l' Arien, & cestuy-cy par le Catholic, division qui continua par une tres-longue traite de temps: Mahommet se meit aux aguets, & sur ce seul divorce, prit argument d' envahir sur nous la plus grande partie de nostre Chrestienté, & des deux Religions en forma une troisiesme, de plus pernicieux effect, & consequence que n' estoit l' Arianisme.

Pendant ces divisions, toutainsi que durant les tribulations premieres de nostre Religion, tous les Evesques de Rome furent martyrs, aussi est-ce un autre poinct tres-grandement loüable, qu' il ne se trouva jamais aucun d' eux, lequel parmy ces dissensions Ecclesiastiques, fut infecté ny de l' heresie Arienne ny de celle des Donatistes, ains demourerent perpetuellement en leur ancienne Religion fermes & stables, ainsi qu' un roch au milieu des vagues. D' avantage lors que les Evesques Catholiques du Levant, ou d' Afrique, contre lesquels on ioüoit à boute hors, estoient exterminez de leurs sieges par les heretiques, ils n' avoient autre plus seur refuge, que par devers l' Evesque de Rome, lequel leur estoit comme leur dernier & souverain port de salut. Or entre les villes qui en furent les plus affligees, ce fut celle d' Alexandrie, où l' heresie d' Arius avoit pris son commencement, en laquelle neantmoins y eut de vertueux Evesques, comme Alexandre, Athanaise, & autres qui porterent vaillamment les chocs, & efforts des ennemis de la foy. Si n' y peurent-ils si bien resister, qu'ls ne fussent tantost bannis de leurs Eglises, tantost restablis, puis chassez comme devant, selon que le bras seculier favorisoit plus ou moins le party Catholic.

La ville de Rome estant la plus asseuree retraitte de tous ces Evesques, comme celle, en laquelle n' estoit ceste des-union: au contraire la ville d' Alexandrie estant combatue de ces flots, cela petit à petit fit choir l' Evesque d' Alexandrie d' un degré, lequel au Concil de Nice s' estoit voulu aucunement apparier à l' autre: & à vray dire, la decroissance de l' un, fut l' augmentation de l' autre. A maniere que de là enavant vous trouverez la grandeur de l' Evesque de Rome beaucoup plus recogneuë qu' elle n' estoit auparavant. De là vient qu' Athanaise est accusé devant Jules Pape, qui donne assignation aux parties pour comparoir devant luy à Rome. Aussi commencerent les Catholics au Levant de faire grand rapport de luy encontre les Ariens. Pour ceste cause ne voulurent-ils point soubsigner les Decrets du Concil tenu à Arimini, par ce entre autres choses que l' Evesque de Rome n' y avoit presté consentement & assistance. Et Socrate historien Ecclesiastique, pour montrer qu' un Concil, qui avoit esté tenu en Anthioche sous l' authorité d' Eusebe Evesque de Nicomedie, lequel avoit grand credit pres de l' Empereur Constance, ne devoit être aprouvé par l' Eglise: Mais a ce Concil (dit-il, au livre I. de son histoire) ne se trouva Jules Evesque de la grande Rome, ny aucun Legat de sa part, combien que la reigle Ecclesiastique commande qu' il ne faille celebrer les Concils outre sa volonté, & sentence. En cas semblable Sosomene au livre troisiesme, dit qu' il y avoit une loy generale en l' Eglise, qui vouloit tous actes estre anullez, qui s' estoient passez au deceu de l' Evesque de Rome. Et le mesme autheur racontant peu apres, qu' Athanaise avoit esté contrainct de se retirer à Rome par la calomnie de ses ennemis, comme pareillement Paul Evesque de Constantinople, Marcel Evesque d' Aurice, Asclepas Evesque de Gaze, nous enseigne que Jules Evesque de Rome ayant entendu les accusateurs des uns, & des autres, & cognoissant que tous ces Evesques fuitifs simbolisoient unanimement au Concil de Nice, les receut tous en sa communion, comme ayant soin d' eux. Et ce à cause de la dignité speciale de son siege (faict-il) & à chacun d' eux rendit son Eglise. Accusant par lettres les Evesques Orientaux de ce qu' à tort ils avoient chassé ces preud'hommes de leurs Eglises, mesmes qu' ils observoient les Decrets du Concil de Nice, & enjoignit à quelques uns d' entr' eux de comparoir par devant luy, pour leur monstrer que le jugement par luy prononcé, estoit juste. Les menaçant au surplus de ses censures s' ils ne vouloient se deporter de tels troubles & novalitez. A quoy les Evesques Ariens firent responce qu' ils recognoissoient l' Eglise Romaine tres-liberale envers tous, comme celle qui tousjours avoit vescu apostoliquement, & qui de tout temps & ancienneté avoit esté destinee mere de pieté: toutesfois qu' il ne les falloit point postposer à elle pour n' avoir ny tant ny de si grandes Eglises, comme elle, veu qu' ils ne luy cedoient nullement en qualité. Desquelles choses l' on peut recueillir que les Catholics portoient lors l' Evesque de Rome sur leurs espaules, pour faire teste aux Ariens: & qu' à l' opposite les Ariens s' en defendoient comme ils entendoient. Car peu après ce mesme autheur nous tesmoigne que les Evesques Orientaux scismatiques excommunierent l' Evesque de Rome, par ce qu' il avoit receu en sa communion Athanaise: & toutesfois que la sentence de l' Evesque de Rome fut de tel poids, que par le moyen d' icelle, Athanaise & Paul r' entrerent dans leurs Eveschez. Et depuis ayant esté Athanaise suivy par les ennemis, & s' estant rendu fuitif à Rome, Jules blasma rigoureusement ceux, qui contre son sceu s' estoient assemblez dans la ville d' Antioche, veu qu' ils sçavoient, ou devoient sçavoir que les saincts Canons defendoient de decreter rien aux Concils, sans son consentement & authorité. Qui est pour revenir à ce que Socrate avoit dit comme cestuy-cy.

Ainsi croissoit de jour en jour à veuë d' œil l' authorité du sainct Siege, luy ayant l' Evesque d' Alexandrie en toutes choses cedé: & neantmoins belle fut la contention de ces deux sieges, par ce que ce qui avoit en ceste façon, authorisé l' Alexandrin entre les autres, estoit que deslors de l' advenement de S. Marc, premier Evesque d' Alexandrie, tousjours avoit esté ceste Eglise autant bien edifiee en bonnes & sainctes institutions, que nulle autre. Et de faict, en icelle furent premierement introduicts les precepteurs, & maistres d' escoles, & nourris aux despens de l' Eglise. Pareillement en ceste ville se poussa une pepiniere de gens Religieux & devots, dont depuis sourdirent les Ordres des Monasteres & Religions, qui entreprindrent d' introduire entre eux une forme de gouvernement, à l' instar de la Republique, qui fut du commencement entre les Apostres. Et vrayement ceste dispute estoit honorable. Par ce que ces deux grands Evesques picquez d' une belle & saincte ambition, ioüoient chacun à qui mieux mieux, l' un pour être collateral, & l' autre pour n' avoir point de compaignon & pareil. Ce que je deduiray maintenant à quelque peu plus de l' homme. 

J' ay dict cy dessus que plus les villes estoient grandes, plus y estoient grands les Evesques, soit que la grandeur & authorité des lieux en fust cause, ou bien que la necessité leur apprit d' y commettre gens, non seulement nourris aux affaires de l' Eglise, ains du monde, lesquels estans tels, gaignoient avec le temps de grands advantages sur les autres. Je trouve sur le declin de l' Empire trois villes, qui devindrent fort grandes par le remuement de menage que fit Constantin de la ville de Rome en Grece: Constantinople, Milan, & Ravenne. Constantinople, pour autant que les Empereurs y establirent leur principal sejour: Milan, par ce que quand l' on trouvoit deux Empereurs fraternisans, dont l' un prit la protection du Levant, l' autre, celle de l' Occident, celuy qui s' habituoit en Italie sejournoit ordinairement à Milan, ou bien passoit les monts pour venir demourer aux Gaules: Ravenne, d' autant que les nations Barbares s' estans desbordees contre l' Empire, & les Ostrogots faits maistres de l' Italie, Theodoric leur premier Roy y constitua sa demeure: & depuis estant ceste nation chassee, & l' Italie commençant d' être gouvernee par un gouverneur, qu' ils appellerent Exarque, il choisit son habitation en la mesme ville. Cela fut cause que les Evesques qui presidoient en ces trois villes, voulurent aussi faire leur profit de l' amplitude & dignité de leurs sejours. Et tout ainsi que leurs villes chacune à leur tour, avoient precedé en superiorité temporelle, aussi soustenoient-ils chacun en leur endroict, le Constantinopolitain devoir precede, ou pour le moins s' apparier avec celuy de Rome, & les deux autres, de ne le recognoistre pour superieur, ains estre francs & exempts de la puissance spirituelle. Voyez je vous prie comme la diversité des siecles apporta diversité de mœurs & d' humeurs. Lors que l' Evesque Alexandrin vouloit estre conservé en sa grandeur, c' estoit en consideration de sa longue ancienneté, & maintenant ces trois villes cy vouloient être authorisees pour leur nouveauté. 

Grande & ambitieuse fut la contention de l' Evesque de Constantinople contre le Romain. Celuy là alleguoit la Noblesse de sa ville, pour avoir esté tousjours illustree de la presence de l' Empereur. Que de toutes les villes de l' Empire cette cy se pouvoit dire vrayement Chrestienne: Par ce que deslors que Constantin y avoit planté, & son nom, & son siege, à l' instant mesmes y avoit-il aussi planté la foy & la Religion Chrestienne. Et ne pouvoit-on depuis remarquer temps, sous lequel on eust faict exercice de l' idolatrie, fors quelques mois sous Julian l' Apostat: mais soudain s' estoit cela, par la mort de luy, evanouy en fumee. Soustenant pour ces considerations l' Evesque de Constantinople, qu' il devoit preceder, ou à tout le moins esgaler en tout & par tout, l' Evesque de Rome. Toutes fois contre tout cecy le Romain avoit grandes defences: l' authorité de sainct Pierre entre les Apostres, duquel il estoit successeur, la reverence des saincts Peres de Rome, qui tous avoient esté exposez à mort pour le soustenement du nom de leur maistre, la continuation de leurs successeurs en leur foy sans varier, lors des scismes & divisions de l' Eglise, les preeminences qui luy avoient esté accordees tant au Concil de Nice, qu' autres: & à peu dire, combien que la ville de Constantinople fust reparee de la presence de l' Empereur, si est-ce que la seule memoire de la grandeur ancienne de Rome (bien qu' elle fust lors comme ville-gaste) effaçoit la dignité de ceste ville nouvelle. Aussi voyons nous infinis passages dans les anciens, ausquels parlans de la ville de Rome, ils l' appelloient urbem aeternam, parole qui sortit de la bouche des Payens mesmes, comme si Dieu eust voulu par leur organe predire une autre nouvelle grandeur qu' elle couuoit dans son sein, telle que nous avons depuis veüe. Ce different fut terminé au Concil general de Constantinople, dessous l' Empereur Theodose, où apres avoir condamné l' heresie de Macedonius, il fut arresté que la premiere seance appartenoit à l' Evesque de Rome. Et combien qu' auparavant apres luy, eut lieu l' Evesque d' Alexandrie, puis d' Antioche, puis de Hierusalem, toutesfois il fut ordonné qu' immediatement, apres le Romain, seroit l' Evesque de Constantinople, les trois autres descheans par ce moyen chacun en leur endroict, d' un degré. Cela fut cause que depuis Sozomene, Evagre, & autres autheurs Ecclesiastics parlans de ces cinq sieges, comme des chefs de la Chrestienté, ils suivent tousjours ce mesme ordre d' Evesque de Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche, & Hierusalem. Concil que l' on ne peut dire sans calomnie, n' avoir esté tres-sainct & tres-juste en ce jugement, de tant que l' Evesque de Rome n' y estoit, ny autre pour luy, par l' entremise duquel il eust peu sous main se conserver ceste authorité. Et neantmoins fut ceste primauté confirmee sans contredict par le commun suffrage de 15. Evesques qui y assisterent, comme aussi fut elle ratifiee par l' Empereur Justinian, en sa cent trente & uniesme nouvelle constitution. Grande pitié: l' ambition en cecy fut telle, que les Grecs pour gratifier à leur Patriarche falsifierent ce Concil: & se trouverent quelques uns si impudens de dire, que par ce Concil le premier lieu de l' Eglise fut adjugé à l' Evesque de Constantinople, & le second à celuy de Rome.

Jusques icy tout le different de ces deux Prelats estoit sans plus de la Primauté, & non de la Principauté, & ne s' estoit encores insinué en nostre Eglise à face ouverte le tiltre d' oecumenique, ou universel. Voicy à mon jugement, qui en donna l' ouverture. En ce Concil de Constantinople furent arrestez des degrez Ecclesiastics entre les Prelats, & à ceste fin trouvez nouveaux mots, peu, ou point usitez au precedent. Car au lieu où l' ancienneté respectoit par honneur ces cinq grands sieges, on commença depuis ce Concil à les honorer par police. Car si nous croyons Nicephore, l' on ordonna lors les ordres de Patriarchats, Archeveschez, & Eveschez, c' est à sçavoir que ces cinq grands sieges seroient erigez en Patriarchats, qui auroient sous eux divers Archeveschez, & les Archeveschez des Eveschez. Laquelle police, bien que specieuse, si ne pouvoit elle être du commencement goustee par plusieurs Eglises, craignans que ce nom venerable de Primauté, tant honoré par la primitive Eglise, se tournast en quelque extraordinaire puissance sous le nom de Principauté: & de fait, au Concil de Chartage, qui fut celebré par 217. Evesques, 30. ans apres, auquel fut condamnee l' heresie de Pelagius: entre autres articles, il fut par expres defendu aux Prelats, qui tenoient lieu de Primace, de ne s' intituler Princes des Evesques, ains seulement Primats. Toutesfois ce Decret demoura sans effect, & avec le nouveau nom de Patriarche, qui signifie Prince des Peres, nasquit aussi en l' Eglise une nouvelle puissance. Car au lieu, où auparavant on pourvoyoit aux Archeveschez & Eveschez, par l' advis des Prelats comprovinciaux, les Patriarches commencerent à se donner loy d' en ordonner comme ils trouvoient bon de faire, sans prendre autre advis que d' eux-mesmes. Ainsi lisons nous que S. Jean Chrisostome, Patriarche de Constantinople, voyant qu' il y avoit 13. Evesques en la Licie & Phrygie, qui par voye Symoniaque estoient parvenus à leurs Eveschez, les en priva de tout poinct, & en instala d' autres: voire establit Heraclide en l' Archevesché d' Ephese, & Pansophie en celle de Nicomedie, apres en avoir chassé Geronce. Et à l' exemple de luy Procle l' un de ses successeurs, le siege de Cesaree vacquant au pays de Capadoce, qui estoit l' un des premiers du Levant, & en pourveut Thalasie. Qui estoient traits, non de Primauté, ains de Principauté souveraine. De là vint que quelques uns des patriarches prindrent depuis par succession de temps le tiltre d' oecumeniques, c' est à dire universels, non que par cela ils pretendissent avoir commandement sur toutes les Eglises de l' Univers: mais bien qu' en ce qui dependoit de leurs patriarchats, ils estoient universels, je veux dire qu' ils avoient universellement autant de puissance sur tous les Archeveschez & Eveschez, comme particulierement chaque Evesque dans le destroict de son Diocese: & de fait, c' est à mon jugement errer en l' histoire, d' estimer que depuis le Concil de Constantinople, tenu soubs Theodose le grand, le patriarche de Constantinople eust opinion de donner la loy au Pape de Rome, encores qu' il se feist appeller universel, comme aussi voyons nous qu' au 6. Concil de Constantinople, tenu sous Constantin Pogonat, le Pape de Rome, & le patriarche de Constantinople, sont tous deux diversement appellez Evesques Oecumeniques & universels, dans les mandemens qui leur sont envoyez par l' Empereur. Chose qui eut esté inepte, si on ne les eust estimez universels, chacun en leur endroit dedans leurs destroits & ressorts: toutesfois a fin de n' enjamber sur l' ordre du temps, & que ceste histoire qui depuis a engendré plusieurs divorces en quelques esprits contumax, soit recogneuë de poinct en poinct & par le menu, il me semble qu' elle merite bien son chapitre particulier, pour faire reprendre haleine au lecteur.

LIVRE TROISIESME.

DES RECHERCHES

DE LA FRANCE, 

LIVRE TROISIESME. 

Encores que voulant icy discourir des affaires de nostre France, quelques uns estimeront de prime face que je m' esloigne de mon but, de traverser les montaignes, toutesfois qui repassera sommairement les grandes obligations que nostre Couronne a receu du sainct Siege Apostolic, & celles en contr' eschange que le saint Siege a receu de nous, indubitablement il jugera, que non seulement les discours que je me suis maintenant proposez, ne devoient être escoulez souz silence: mais au contraire que les escoulant, j' eusse faict tort à mon entreprise. Je dy obligations que le sainct Siege a receu de nous: car combien que toute puissance de ce bas être soit establie de Dieu, & specialement ceste cy que nous recognoissons avoir la primauté, & intendance sur nous, si est-ce que les plus grands esclairs se manifesterent par l' aide & instrument de noz Roys. Jamais principauté ne prit traict d' une origine si basse (j' entens basse quant au monde, non quant à Dieu: car elle fut bastie du commencement sur une pauvreté obstinee, sur une affliction continuë, sur un martire juré) & jamais principauté n' arriva à telle extremité de grandeur, tant en temporel, que spirituel, ayant quelquefois faict vacquer les Empires & Royaumes, quand les occasions s' y sont presentees. Et qui est chose plus esmerveillable c' est que les autres Monarchies qui ont voulu accroistre leurs frontieres, l' ont faict par les armes: au contraire ceste-cy, bien que par fois se soit desbandee aux armes, si n' est-elle en ses communes regles retenuë par la force, & violence humaine, ains par la seule parole qui procede de sa puissance absoluë. Je ne veux pas denier que de fois à autres, il n' y ait eu en cecy de l' homme plus que la dignité Ecclesiastique ne requeroit, toutesfois non seulement ne s' est l' Eglise demembree par ce defaut, lors que le chef s' est trouvé malade, mais par un mystere de Dieu admirable, ceste maladie a servy quelquefois d' edification au peuple pour le contenir en devoir. Et si avecq' tout cecy il vous plaist adjouster les obstacles, que receut du commencement ce sainct Siege, encores vous esbahirez vous d' avantage, comment il ait esté possible selon le jugement humain, qu' il soit parvenu à tel accomplissement de grandeur. Car en la premiere distribution des Evesques, le suffrage commun des Apostres tomba sur sainct Jacques dit le Juste, au premier Concil qui jamais fut tenu. D' avantage en ce grand Concil de Nice, qui fut celebré soubz l' Empereur Constantin, semble qu' il y eut un article, par lequel on luy bailla pour compagnon l' Evesque d' Alexandrie: voire que s' il vous plaist passer jusques à nous, combien que nostre Gaule ne fut jamais accusee de desobeissance contre l' Eglise (car entre autres loüanges que sainct Hierosme nous baille escrivant contre Vigilance, c' est que la Gaule n' avoit oncques produit des monstres, voulant dire qu' elle ne produisoit des heretiques) toutesfois je ne voy point soubz toute la lignee de Clovis, que ceste superiorité, & primace fust recogneuë absolument, de la façon que nous avons depuis faict, ains se passoient les choses par Synodes Provinciaux és affaires, où l' authorité du sainct Siege a depuis esté requise: Et noz Roys mesmes avoient bonne part à toutes les Constitutions Ecclesiastiques, ainsi qu' il sera deduit en son lieu. Ce neantmoins chacun sçait la parole qui avoit esté donnee à sainct Pierre, quand nostre Sauveur Jesus Christ luy promeit de bastir sur luy son Eglise, & qu' il luy donnoit les clefs des Cieux. C' est luy qui fut le premier mandé, luy, le dernier commandé par nostre Seigneur montant au Ciel, de bien gouverner ses oüailles, luy auquel d' ordinaire il adresse en particulier sa parole, au millieu de tous ses Apostres, luy qui en contr' eschange se donne la liberté de l' interroger, pendant que les autres se taifent, & quelquefois de le dedire par une abondance de zele: luy, di-je, qui en tous les actes solemnels de son maistre, y est expressement par luy appellé, & sans y être appellé, s' y trouve. Et combien qu' il y ait de fois à autres, & en ses demandes, & en ses actions, quelque fragilité, comme celuy sur lequel nostre Seigneur n' avoit encores espandu les rayons de son sainct Esprit, par le merite de sa passion, si est-ce que non seulement il ne voulut tourner cela au scandale, mais au contraire à l' edification generale de nous tous. C' est pourquoy on ne fit jamais de doute que de la chaire de S. Pierre, despendoit l' union de nostre Eglise universelle. Ains l' aprenons nous de S. Frenee au livre second encontre les heretiques, de Tertulian en son traité contre les Gnostigies, de S. Cyprian en l' Epistre de l' unité de l' Eglise, & en une autre à Jubaïan, de S. Hierosme au livre premier contre Jovinian, en une Epistre à Damase Evesque de Rome de sainct Augustin en l' Epistre cent soixante cinquiesme, & de S. Ambroise escrivant à Sirice Pape, & encores sur le vingtdeuxiesme chapitre de sainct Luc. Mesmes combien que sainct Jacques, eust esté esleu pour presider sur l' Eglise de Hierusalem, si est-ce que pour *cela la surintendance & Primace generale de sainct Pierre entre les Apostres, ne luy feust ostee. Comme de faict en ce premier conseil par moy cy-dessus touché, c' est luy qui ouvre le pas, luy qui fait les propositions, luy qui les resoult, en cela suivy par S. Jacques, & tous les autres Apostres. Et neantmoins toutes ces particularitez n' empescherent pas, que ceste grande Superiorité ne feust quelque temps traversee en ses successeurs. Tellement que quand je voy les longueurs qui se sont trouvees depuis à l' advancement, & progrés de ceste grande dignité, & neantmoins que l' arrest de Dieu ne pouvoit être menteur, je ne puis que je ne la compare presque à la nativité & suitte qui se trouve en la propagation de nous autres. Car tout ainsi que Dieu ayant procreé l' homme à son image, luy donna toutes prerogatives sur tous les autres animaux, & qu' à ceste cause, nature comme grandement empeschee en l' Architecture d' un si grand & laborieux bastiment, esleve ce petit corps avec une infinité de difficultez, lesquelles ne se rencontrent en toutes les autres creatures terrestres: Aussi Dieu voulant authoriser ce sainct Siege de grandes preéminences, pardessus les autres, cela ne devoit être faict qu' avecques longues racines, lesquelles petit à petit ont jetté & espandu leurs effects, de la façon que nous avons veu. Et comme ainsi soit que les choses, qui ont esté preordonnees par un jugement tres-certain de Dieu, ont toutesfois leurs heurts & rencontres fluctuantes & incertaines, ainsi qu' il plaist à sa majesté qu' elles s' acheminent à leur effect determiné: Aussi puis-je dire qu' au present discours si l' on y voit quelques traverses (comme il est malaisé qu' en racontant les histoires des hommes, il ne se trouve en eux passions, & quelquesfois des-mesurees.) Si protesté-je ne le faire en intention de vilipender la grandeur de celuy, que nous avons tousjours recogneu, & recognoissons pour le chef de l' Eglise: ains parce que la necessité de l' histoire me le commande, & que ce sont mesmes fautes à celuy qui descrit l' ancienneté, de pallier un mensonge, comme de taire une verité. Et de ma part, j' estime que combien que la vertu des premiers peres de Romme ait grandement servy pour l' accomplissement, & augmentation de ce Siege, toutesfois les vices, qui se sont depuis trouvez aux uns, & aux autres Papes, n' en ont en riens diminué l' authorité. Voila pourquoy je supplieray tout homme, qui se donnera le loisir de lire ce Troisiesme livre, d' y apporter mesme candeur, tondeur, & syncerité que je fais. 

2. 17. Gouvernements des Rois mineurs par les Roynes leurs meres, Regences & Majoritez de noz Rois.

Gouvernements des Rois mineurs par les Roynes leurs meres, Regences & Majoritez de noz Rois. 

CHAPITRE XVII. 

Combien que religieusement nous ayons observé ceste Loy Salique, au desadvantage des femmes pour le regard de la succession du Royaume, si ne leur voulumes nous oster le gouvernement des Roys leurs enfans, au temps de leurs minoritez, encores que je sçache bien que quelques plumes partiales se soient assez mal à propos, apres la mort du Roy Henry second, voulu faire acroire du contraire, par une consequence qu' ils tiroient du droict successif du Royaume, au gouvernement d' iceluy. Or que ce que je dy soit veritable, nous trouverons que posé que jamais n' ayons veu femme succeder à la Couronne, si en avons veu plusieurs és anciennes histoires avoir eu, & le maniement du Royaume, & la charge de leurs enfans, pendant leurs minoritez, & jusques à ce qu' ils eussent attaints aage de plein commandement. En ceste façon tint Amalafonte (dont j' ay parlé cy-devant) le gouvernement de son fils Athalaric entre les Ostrogots, elle toutesfois qui jamais n' avoit aspiré au sceptre. Et entre nous la Roine Fredegonde mania toutes les affaires de France pendant le soubzaage du Roy Clotaire son fils: Et les mania si dextrement, qu' il se veit avant que de mourir, Monarque des Gaules, & des Allemaignes. Le semblable feit Nantilde veufve du Roy Dagobert à l' endroict du Roy Clovis deuxiesme de ce nom, son fils: Et long entreject de temps apres Blanche mere de sainct Louys, laquelle s' y comporta avec telle sagesse, que tout ainsi que les Empereurs de Romme se faisoient appeller Augustes en commemoration de l' heur qui s' estoit trouvé au grand Empereur Auguste, aussi toutes les Roines Meres anciennement, apres les decés des Rois leurs maris, vouloient être nommees Roines Blanches, par une honorable memoire tiree du bon gouvernement de ceste sage Princesse. Et s' il nous faut passer plus bas, pendant que le Roy Charles sixiesme se trouva alteré de son bon sens, le gouvernement feut deferé du consentement de tout le conseil à la Roine Isabelle sa femme. Comme aussi de la memoire de noz Peres, pendant la prison du grand Roy François, à Louyse de Savoye sa mere, laquelle apres le retour du Roy son fils, feut tout le reste de sa vie honoree de ce grand tiltre de Regente, quand on parloit d' elle: Qui nous rend assez certains que noz ancestres ne voulurent oncques balancer les Regences, de mesme poix que le droict successif du Royaume. Aussi est-ce la verité qu' ores que les anciens Germains de l' estoc desquels nous sommes issus semblassent ne deferer la Couronne qu' aux enfans masles, si avoient ils accoustumé d' appeller les femmes aux affaires d' Estat, tout aussi bien que les hommes, comme nous apprenons de Tacite. Et mesmement pour montrer que l' argument rapporté des successions aux Regences, est captieux, nous voyons en cas non beaucoup dissemblable de raison, que de droict primitif & originaire des François, les fiefs estoient seulement destinez pour les masles, comme estans du tout dediez aux necessitez des guerres, ce neantmoins noz anciennes coustumes ne delaisserent apres le trespas des peres, de transmettre la garde noble des enfans pupilles, aux meres, c' est à dire le gouvernement de leurs personnes, & de leurs biens, soit qu' ils consistassent en Fiefs, ou en Rotures.

Apres avoir discouru en peu de paroles ce point, il ne sera, ce me semble, hors propos de discourir maintenant, tant de la dignité des Regents, que majorité de noz Rois. Le premier Prince qui se feit appeller Regent en nostre France, feut Philippe le Long, pendant la grossesse de la Roine Clemence sa belle sœur, veufve du Roy Louys Hutin. Depuis ce temps jusques au regne du Roy Jean, il ne se presenta occasion pour laquelle il nous feust besoin d' être gouvernez par autres que noz Rois. Le desastre qui luy advint pres de Poictiers feut cause que pendant sa prison, Charles cinquiesme son fils prit la generale surintendance du Royaume, non souz le titre de Regent, ains de Gouverneur general seulement; estimant que la qualité de Regent estoit de trop grande authorité. Toutesfois voyant que quelques Princes & grands Seigneurs abusans de la longue absence du Roy, broüilloient outre mesure les affaires du Royaume, il feit publier lettres en l' an 1357. au Parlement de Paris, par lesquelles il declara que pour le bien & utilité de l' Estat il prenoit la qualité de Regent. Et de la en avant l' intitulation de toutes les lettres qu' il decernoit tant en la grande que petite Chancellerie, estoit telle. Charles fils de Roy, & Regent le Royaume de France, Duc de Normandie, Dauphin de Vienne. Toutes les expeditions, tant de Justice que de graces, se faisans souz son nom seulement. Vray que pour bannir de luy toute jalousie, apres le retour du Roy son pere, il obtint de luy lettres patentes du quatorziesme jour d' Octobre 1360. portans confirmation des collations par luy faictes des Benefices qui avoint vacqué en Regale, ensemble des dons, graces, pardons, & remissions par luy octroiées. 

Or comme il estoit Prince de grand sens, qui par soy mesmes avoit peu cognoistre de quelle consequence estoit la dignité du Regent pendant la pupillarité d' un Roy, & qu' il estoit à craindre qu' à la longue, il n' empiestat sur la Couronne quelque authorité extraordinaire, aussi voulut-il borner le soubz aage de noz Roys jusques à ce qu' ils feussent entrez au quatorziesme an. Quoy faisant il pensoit aussi borner la puissance passagere des Regents. L' Edict en feut dressé au bois de Vincennes 1374. plein de belles raisons & histoires pour montrer qu' il ne vouloit enjamber mal à propos sur la nature. Car par le narré il estoit porté que trois ou quatre Rois d' Israel avoient esté oincts & couronnez en fort bas aage: comme aussi entre nous, nostre bon Roy sainct Louys, lequel fort jeune estoit venu à chef de ses ennemis: Que la presence d' un Roy de quelque aage qu' il feust, estoit de si grand merite & recommandation envers ses subjects, que deux Roys, l' un de Macedoine, l' autre de France, estants en maillot, portez au millieu de leurs armees, les avoient tant encouragees, que deux victoires demourerent de leurs ostez. Que tous Roys, & specialement ceux de France, estoient dés leurs enfances mis en si bonnes mains pour être instruits, qu' ils s' advantageoient en peu de tems pardessus tous les autres enfans du commun peuple en bon sens, jugement & conduite. 

D' ailleurs que les grandes & souveraines puissances ayants esté donnees par Dieu, aux Princes, aussi estoit-il à presumer qu' il leur bailloit un advantage de jugement par dessus tous les autres, & de meilleure heure, pour le maniement & direction de leurs affaires: Pour ces raisons & considerations il vouloit & ordonnoit que sans attendre les vingt & cinq ans prefix par les anciennes loix pour la majorité de nous autres, soudain qu' un Roy seroit arrivé à l' aage de quatorze ans, il feust sacré & couronné, comme majeur, & que deslors toutes les affaires de son Royaume se passassent souz son nom & authorité seulement. Cest Edict rehaulsé de tant de belles couleurs, encores feut il authorizé d' une infinité de Princes & grands Seigneurs, & autres personnages de marque le 21. de May 1375. le Roy seant au Parlement de Paris en son lit de Justice: auquel lieu se trouverent le Dauphin de Viennois son fils aisné, le Duc d' Anjou son frere, le Patriarche d' Alexandrie, les Archevesques de Reims & Toulouse, Evesques de Laon, Meaux, Paris, Cornouaille, Auxerre, Neuers, Eureux, les Abbez de S. Denis en France, l' Estoire, S. Vast, saincte Colombe de Sens, sainct Cyprian & Vendosme: Monsieur le Chancelier de France, celuy du Duc d' Anjou, le Recteur de l' Université suivy de plusieurs Docteurs tant en Theologie, que Decret, les Doyen, Chancelier, & Penitentier de l' Eglise de Paris, & l' Archidiacre de Brie: Les Comtes d' Alençon, & de la Marche, Brienne, l' Isle, de Messires Robert d' Artois, & Raimond de Beaufort, & encores des Prevost des Marchands, & Eschevins de la ville de Paris: En la presence de tous lesquels Seigneurs feut l' Edict publié & verifié avec un general aplaudissement de tous: mais entendez quelle en feut la suite. 

Le Roy Charles V. mourut le 16. Septembre 1380. delaissez deux enfans masles, Charles & Louys, qui n' avoient encores attaint l' aage de quatorze ans. Il avoit trois freres, les Ducs d' Anjou, de Berry, & de Bourgongne, & un beau frere Duc de Bourbon. Deslors l' ambition se logea au milieu d' eux pour le gouvernement du Royaume. Louys Duc d' Anjou, comme aisné, soustenoit luy appartenir la Regence, le Roy Charles sixiesme son nepueu n' estant encores arrivé à l' aage porté par ceste Ordonnance. Les autres n' y pouvoient condescendre. En ce nouveau contraste, Maistre Jean des Marais, Advocat du Roy en la Cour de Parlement, bon citoyen & zelateur du repos public, se mest de la partie: Remonstrant que quelque Loy, qui eust esté establie, elle se pouvoit changer, ou modifier, pour obvier aux inconvenients, & que le meilleur seroit de passer les choses par amiable composition entre ces Princes. Ce qui feut par eux trouvé bon, & se soubmeirent au jugement & arbitrage de quelques sages Seigneurs: lesquels jurerent sur les sainctes Evangiles d' en donner leur advis sans passion: & les Princes d' entretenir en tout & par tout ce qui seroit par eux arbitré. Ces preud' hommes ayans esté quatre jours ensemblement pour se resoudre, en fin feurent unanimement d' advis, que l' Ordonnance de Charles ne pouvoit tellement retarder noz jeunes Rois, qu' ils ne peussent anticiper sur le terme prefix pour leurs Sacres & Couronnemens: Que pour ceste cause le Roy Charles sixiesme seroit sacré en la ville de Reims sur la fin d' Octobre (c' estoit l' an mil trois cens octante) où tous ses principaux vassaux seroient tenus de se trouver pour luy faire la foy & hommage. Que le fait de la Justice se conduiroit souz son nom & seel. Que les personnes du jeune Roy & de son frere seroient gouvernees par les Ducs de Berry, Bourgongne, & Bourbon, qui les seroient nourrir doucement, instruire & endoctriner en bonnes meurs jusques à ce qu' ils feussent parvenus à l' aage de puberté. Et au surplus que toutes les finances tant du domaine, que des Aides seroient mises au tresor du Roy. Mais que pour le regard des meubles, or, argent & joyaux, qui avoient esté delaissez par le feu Roy, ils seroient mis és mains de Louys Duc d' Anjou, en laissant toutesfois au jeune Roy sa provision competante: Et qu' à ce Duc demoureroit le nom de Regent, à la charge toutesfois de decider toutes les affaires d' Estat avec les trois autres Princes. Ceste sentence arbitrale redigee par escrit, feut embrassee par les quatre Princes, avec plusieurs actions de graces renduës aux arbitres de ce qu' avec une si bonne devotion & diligence, ils avoient assopy les differents qui s' estoient presentez entre eux. Et combien que par cest advis la dignité de Regent feut grandement ravalee, & reduite au petit pied, toutesfois le Duc d' Anjou se voyant être esclairé de prés par les trois autres, feit publier au Parlement sa puissance ainsi bornee, le premier jour d' Octobre, & le quatriesme Novembre, le consentement qu' il prestoit au Sacre du Roy, conformemment à l' advis des preud'hommes arbitres. Je diray cecy pour fin de ce chapitre: Que jamais loy ne sembloit avoir esté plus sagement ordonnee que celle de Charles cinquiesme, ny sentence plus politique que celle de ces arbitres, pour parer à l' ambition des plus grands pendant le soubzaage du Roy, si ne peurent-ils lors garentir nostre France de nouveaux Troubles ainsi que je deduiray plus amplement au cinquiesme livre de ces miennes Recherches. Les Loix de nature sont perpetuelles, & ne peuvent être dementies par nous quelque prudence d' homme que nous y voulions apporter, pour cuider supleer leur default. 

Fin du second livre des Recherches. 

mardi 30 mai 2023

2. 16. Du droict d' Aisneesse, Apanages, Loy Salique, Successions aux anciennes Duchez & Comtez de la France.

Du droict d' Aisneesse, Apanages, Loy Salique, Successions aux anciennes Duchez & Comtez de la France. 

CHAPITRE XVI.

M' estant en ce lieu proposé de deduire une partie de l' ancienneté de la police de France, il me semble que je ne feray point chose grandement eslongnee de mon intention, si je discours en ce lieu, la recommandation en laquelle nos vieux peres curent l' entretenement & perpetuation de leurs familles. Toutesfois premier que de m' advancer en plus longue estenduë de propos, il faut que je me plaigne en passant, de la commune resolution des Advocats de ce temps-cy, lesquels s' estans aheurtez à un droict Romain, comme à un port de seureté, duquel ils pensent tirer franchise de leurs erreurs, toutes les fois & quantes qu' il s' offre quelque dispute entr' eux, ou des Retraicts, ou des Testamens (matieres qui leur sont assez familieres & occurrentes) estiment la question des Retraicts être de soy odieuse, parce qu' elle contrevient, ce leur semble, au droit escrit: & au contraire être favorable ce qui a esté ordonné par un testament, comme estant une Loy & ordonnance de nos dernieres volontez. Tellement qu' à l' une des questions ils tiennent la bride courte, voire jusques à une superstition tres-estroite. Et à l' autre, ils laschent les resnes outre mesure pour autant qu' ainsi ils ont esté en partie enseignez par ceux qui traitent le droict des Romains. De ma part, je ne veux point icy controoller ce qui a esté opiné par les Jurisconsultes de Rome: mais je diray franchement, que tous ceux qui digerent de telle façon entre nous, & les Retraicts, & les Testamens, ne sonderent jamais au vif quel a esté le droict des François. Les Romains eurent leurs considerations peculieres, aussi eurent nos François, les leurs. Et si puis dire davantage, que nous les devançames en cecy. Car si sur les ventes, & dernieres volontez, ils voulurent gratifier au particulier consentement & contentement d' un chacun, nous autres d' un plus haut discours, nous fondames sur le commun devoir de nous tous. Ne nous arrestans pas és choses que particulierement nous voulions, & le plus du temps par un jugement effrené, ains à ce qu' il nous estoit bon & expedient de vouloir, pour l' utilité du public. Pour ceste cause eusmes nous l' entretenement des familles en grande recommandation, voire sur toutes autres contrees & nations. Du fonds de ceste raison sourdit (pour commencer par le chef) la Loy Salique, tant profitable au Royaume, qui ne veut que la Couronne tombe en quenoüille, de ceste, les Apanages és enfans puisnez de nos Rois, de ceste, le droit d' aineesse entre les Nobles grandement necessaire, pour subvenir aux fraiz des guerres, de ceste, generalement vint l' institution des Retraicts, & aussi les interdictions & defenses de ne tester à nostre appetit, sinon jusques à certaine quantité du bien que la Loy nous a prefix, ains que par coustume generale les biens aillent aux plus proches lignagers de main en main. Choses à la verité fort bien par nos anciens ordonnees. Car encores que quelquesfois naturellement, c' est à dire, suivant nostre nature & opinion corrompuë, nous soyons plus enclins en la faveur des estrangers, que des nostres (qui fut la consideration des Romains) si est-ce que nostre coustume, comme je disois maintenant, considerant de plus pres à ce que nous devons faire, qu' à ce que peut être par une desordonnee opinion, nous eussions eu envie de faire, s' advisa de trouver frain & moyen à nos passions. Temperant toutes fois les Retraicts de telle balance, que sans nous frustrer de la liberté des traffiques, elle nous permettoit de vendre à qui bon nous sembleroit, mais toutesfois à la charge que l' un de la consanguinité y avroit dedans l' an son regrés, si bon luy sembloit, pour mesme prix que le premier acquereur, & en le rembourçant de ses fraiz & loyaux cousts. Et au regard des Testamens, cognoissans que pour le defaut & imbecilité de sens que nous pouvons avoir lors de nostre decez, pourrions commettre plusieurs incongruitez, voulurent que la coustume qui estoit au suplément de la Loy, en prit la principale charge. Parquoy ne nous fut ostee plaine faculté de disposer à nostre arbitrage des choses acquises par nostre industrie: Mais de celles qui nous venoient de l' estoc de nos peres & meres, ou de nos ancestres, voulurent que nous usissions de mesme liberalité envers les nostres, & ceux qui estoient de nostre sang, comme les nostres avoient usé envers nous. Estimans (comme est le commun proverbe François) que le bon sang ne peut mentir. Loy vrayement du tout Platonique, & discouruë amplement par ce grand Philosophe Platon, dedans l' unziesme de ses loix. Ce qu' entrecogneurent mesmement les Romains sur la fin de leur Republique, quand ils introduisirent les Quartes & Legitimes, pour brider la volonté des testateurs. Qui demonstre que trop plus est nostre Loy en cest endroit equitable, que la Romaine. Certes quant au droict d' aineesse, c' est une question qui tombe souvent en propos, sçavoir si par raison de nature, la Loy doit donner plus de passedroict à l' un des enfans que aux autres. Car à dire le vray, il semble que ce soit chose fort estrange, qu' estans plusieurs enfans sortis d' un mesme ventre, un seul soit advantagé, au desadvantage des autres. Et combien que ceste Loy apporte plusieurs grands profits au Royaume, si est-ce que nos premiers ancestres ne se peurent aisément induire à l' introduire en leur Monarchie. Et de fait, ne furent ny les droicts d' ainesse, ny les apanages, cogneuz sous la premiere, ny mesme sous la seconde lignee de nos Roys. Qu' il soit vray, se trouvera qu' apres la mort du grand Clovis, quatre siens fils diviserent par égales parts, & portions le Royaume, faisans chacuns d' eux diversement leurs sieges à Paris, Mets, Soissons, & Orleans, & s' appellans chacun d' entr' eux Roys des villes, esquelles ils avoient establis leurs principales demeures. Lequel partage fut de rechef renouvellé aux quatre enfans de Clotaire premier. Et qui plus est, pour monstrer que tant s' en faut qu' il y eut lors, ou Apanages, ou droict de consanguinité, si estroitement gardez comme nous faisons maintenant, c' est qu' en defaut d' enfans procreez de leurs corps, ils pouvoient mesmement adopter & faire des feintes afiliations, sans s' arrester au droit d' intestat, & proximité de lignage. Car Gontran Roy d' Orleans, au prejudice de ses autres nepueux, adopta son nepueu Childebert Roy de Mets, & moyennant ceste adoption le fit heritier universel de tous ses pays & contrees. Aussi voyons nous que Dagobert ayant eu deux enfans masles, Sigisbert aisné, qui fut Roy d' Austrasie, & Clovis son puisné, qui eut pour partage le Royaume de France, se voyant iceluy Sigisbert sans enfans, institua pour heritier de son Royaume, un autre Childebert fils de Grimovault, Maire de son Palais. Se donnant par ceste ordonnance puissance de defrauder les enfans de son frere Clovis, de sa succession. Et si nous voulons descendre plus bas, nous trouverons que Louis le Debonnaire, fit un partage égal entre ses quatre enfans: & que s' il y eut inegalité, ce fut pour avoir investy de la meilleure piece de tous les Royaumes, Charles le Chauve son dernier fils: luy donnant pour son partage, ce Royaume de France. Dont ses trois autres freres jaloux, combien qu' ils esmeussent grandes querelles contre luy, si est-ce que le partage tint tout de la mesme façon que leur deffunct pere l' avoit dressé. Tous lesquels exemples nous doivent être argumens assez suffisans, pour penser que ce droict d' aineesse ne fut cogneu sous les deux premieres lignees de nos Roys. Au moyen dequoy il semble que ceste brave invention, ensemble des Retraits, & inhibitions de tester, soit venuë sous la lignee de Hugues Capet, & qu' estant nostre Royaume divisé en eschantillons & parcelles, chasques Ducs & Comtes pour se prevaloir davantage en leurs necessitez de guerre, voulurent que la plus grande part & portion des Fiefs de leurs vassaux, vint entre les mains de l' un des enfans: & fut cest un approprié en la personne de l' aisné. Car encores que par une consideration familiere & œconomique, le partage égalé entre les enfans, semble être de quelque merite, si est-ce que pour la protection d' un pays, il est bon qu' entre gens qui sont destinez pour la guerre, comme sont les Nobles, il y en ait un entre les autres, qui ait la plus grande part au gasteau. Parce que cestuy ainsi advancé supporte plus longuement la despense d' une longue guerre. 

Et les autres qui seulement s' attendent à leur vertu, se hazardent plus advantureusement aux perils, pour trouver moyen de se pousser & être cogneux de leur Prince. A ceste cause voyons nous qu' és endroicts où il y eut grands Seigneurs, qui firent pour quelque temps teste à nos Roys, ils eurent ce droict d' aineesse specialement affecté, comme en la Bretagne, Normandie, Vermandois & autres. Qui nous enseigne, que la necessité des guerres de ces Ducs & Comtes, qui estoient en leurs contrees comme Roitelets, nous amena premierement ceste invention d' Ainesse. Car quant aux Apanages, qui sont destinez pour les enfans puisnez de nos Roys, Paul Emile diligent perquisiteur de nostre histoire Françoise, a remarqué des anciens, que ce fut une invention, que nos Roys emprunterent des voyages qui se faisoient outre-mer, pour la recousse de la terre saincte. Car au lieu où premierement tous enfans du Roy estoient recompensez en Royaumes pour leurs partages: & que depuis on leur donnoit les grandes contrees par forme de Duchez, avec grandes prerogatives, & soy ressentans au plus pres de la Royauté, sous le nom de Ducs: nos Roys par une invention tres-politique & profitable, pour l' accroissement de ce Royaume, commencerent de retrancher ceste grandeur à leurs freres, leurs donnans terres & Seigneuries en Apanage. Quoy faisans, ils n' entendoient leur avoir rien donné en partage, fors le domaine & le revenu annuel. S' estans au demeurant reservez toute jurisdiction, ensemble toute souveraineté & puissance d' imposer sur le peuple parties casuelles, telles que la necessité leur conseilloit. Il se trouve arrest solemnel donné par les Pairs, & plusieurs personnages de marque, jusques à 35. en l' annee 1243. par lequel fut ordonné que defailans hoirs masles du corps, les Apanages retournoient au Roy, & non au plus prochain lignager. Cest arrest prononcé au profit du Roy, pour les Comtez de Poictou, & Auvergne, qui avoient appartenu à Alphons, frere du Roy S. Louys, à l' encontre de Charles Roy de Sicile.

Or combien que le droict d' Aineesse & l' Apanage, soient choses nouvelles au regard de la Loy Salique, si est-ce que le profit que nostre Royaume sent de telles maximes, nous les rapportons toutes communément, comme si elles eussent esté introduittes avec ceste Loy Salique, veritablement non sans grande occasion. Car encores qu' elle n' en face aucune mention, ce neantmoins la mesme raison qui occasionna nos ancestres à forclorre les filles de l' esperance du Royaume, fut cause que depuis on voulut attribuer aux aisnez tout le droict de la Couronne, & que par mesme moyen les freres de nos Roys furent seulement appennez. Toutesfois pour parler à son rang d' icelle loy, qui est tant celebree à l' advantage des François, il semble que pour le jourd'huy ceste loy nous soit peculiere entre tous autres Royaumes. Pour laquelle cause quelques-uns (comme Guillaume Postel) estiment qu' elle prit son ancienne origine des Gaules, & qu' elle fut appellee Salique, au lieu de Gallique, pour la proximité & voisinage que la lettre de G, en vieil moule, avoit avec la lettre S: Il seroit mal-aisé de raconter la diversité des opinions qui se rencontrent en l' etimologie de ce nom. Jean Cenal, Evesque d' Auranches, qui a laborieusement recherché plusieurs anciennetez, & de la Gaule, & de la France, l' a voulu rapporter à ce mot François, Sale: Parce que ceste Loy estoit seulement ordonnee pour les Sales & Palais Royaux. Claude Seissel, assez mal à propos, a pensé qu' elle vint du mot de Sel en Latin, comme une Loy plaine de sel, c' est à dire de sapience, par une metaphore tiree du sel. Un Docteurs és droits nommé Ferrarius Montanus, a voulu dire que Pharamond fut autrement appellé Saliq'. Les autres (comme l' Abbé Vespergense) plus ingenieusement la tirent de Salogast, l' un des principaux Conseillers de Pharamond. Et les derniers pensans subtilizer d' avantage disent que pour la frequence des articles qui se trouvent dans icelle Loy, commençans par ces mots, Si aliquis, & Si aliqua, elle prit sa derivaison. Combien que la verité soit qu' elle fut appellee Salique, à cause des François Saliens, desquels est faite assez frequente mention dans Marcelin. Chose qui a esté fort bien recogneuë par Paul Emile: Car les François, comme nous avons deduit au premier livre, lors qu' ils sejournerent sur le bord du Rhin, furent divisez en plusieurs peuples, dont les aucuns furent appellez Anthuariens, & les autres Saliens. 

Et mesmement sans se donner peine d' avantage, pour la verification de cecy, on peut appertement discourir, dont a pris ceste loy sa source: singulierement pour le regard du chef qui a banny les femmes de la Couronne, par le passage que noz Princes tirent à leur advantage au tiltre, De allodis, où il est dit, De terra Salica nulla portio hæreditatis in mulierem transit, sed hoc virilis sexus acquirit. Nous defendons qu' aucune part & portion de la terre Salique soit baillee aux femmes, ains seulement que cela soit fait propre aux masles. Ceste mesme forme de loy excluant les femelles des Royaumes, a esté approuvee en plusieurs braves Republiques. Au Royaume des Israëlites, encores que la Loy de Moyse fut expresse (comme il appert par le vingt & septiesme chapitre des nombres) que les enfans masles succedoient premierement, puis en leur defaut, les filles: à faute d' elles, les collateraux: toutefois on ne trouve point que jamais fille ait tenu le sceptre entr' eux. Aux Lacedemoniens, Republique fort bien reformee, fut tout le semblable observé comme l' on apprend de Plutarque, recitant que le pere de Licurge Roy de Lacedemone, ayant esté meurdry par les siens, laissa pour successeur à la Couronne Polidecte son fils aisné, qui mourut laissant sa femme enceinte: Et dit nommément cest autheur, que Licurge solicité par quelques uns: d' aprehender le Royaume par le decez de son frere, respondit à ceux qui pour luy penser faire plaisir l' importunoient de ce faire, que le Royaume ne luy pouvoit appartenir, là & au cas que sa belle sœur accouchast d' un enfant masle. De sorte que l' on peut de ce recueillir, que si elle eust enfanté une fille, Licurge eust pretendu l' exclurre de l' expectative du Royaume. Ceste mesme loy, pour bien dire, fut pratiquee par nous. Bien est vray que l' entretenement d' icelle nous en fut autresfois cher vendu, lors que Philippes de Valois, par le conseil de Robert Comte d' Artois, la meit en avant, contre Edouart troisiesme de ce nom Roy d' Angleterre, qui avoit espouzé Isabelle fille de Philippes le Bel. Et de cecy fut l' occasion, pourautant que de toute ancienneté la fortune du temps n' avoit oncques permis (au moins que je voye bien exprimé dans nos histoires) que la Couronne se trouvast être sans hoirs masles en ligne directe, fors depuis la mort de Loys Hutin. Qui fut cause que les Flamans, pensans que ceste Loy fust de nouvelle impression, appelloient en leurs farces & joingleries, Philippes de Valois Roy trouvé. Comme si par un nouveau droict & non jamais recogneu par la France, il se fust faict proclamer Roy. Aussi se trouva un riche citoyen de Compieigne nommé Simon Pouiller (comme dict Gaguin) auquel pour ceste occasion advint de dire, que le Roy Edouart d' Angleterre avoit plus de droict à la Couronne que Philippes. Ce que venu à la cognoissance du Roy & de son conseil, il luy fist coupper bras & jambes, l' une apres l' autre, & puis la teste, laissant son corps seul comme un tronc. Et vrayement s' ils eussent tous esté bien informez de l' efficace & ancienneté de ceste loy, ils eussent changé de propos. Car encores que (comme j' ay dit) le cours du temps n' eust permis que jusques à la mort de Hutin, le Royaume fut jamais tombé en quenoüille, si est ce que si nous voulons rechercher les Histoires plus haut, nous trouverons que non seulement les François, mais aussi la plus part des peuples qui sortirent du profond de la Germanie, eurent ceste loy affectee, & en recommandation sur toutes autres: bien est vray que sous diverses modifications. Les Vandales, possedans l' Affrique, avoient pour Loy & institution solemnelle, de ne recevoir à leur Couronne que les masles, non toutesfois les plus proches parens, comme nous, ains ceux qui en la famille des Roys estoient les plus anciens du lignage. Les Ostrogots regnans dessus l' Italie, ne recevoient à la succession du Royaume les femelles, mais aymoient encores mieux avoir un enfant pour leur Roy, qu' une femme: tellement que le fils forcluoit la mere. Chose que nous pouvons assez clairement induire de cest exemple. Car estant Theodoric Roy des Ostrogots allé de vie à trespas, delaissee Amalasfonte (o Amalassonte, o Amalaffonte) sa fille unique, qui avoit un seul fils nommé Athalaric, jeune enfant, aagé seulement de dix ans, le Royaume escheut à Athalaric, & non à Amalasfonte sa mere: mesmes depuis la mort d' Atalaric, la Couronne fut deferee à Theodaat, sans que jamais Amalasfonte (femme au demeurant tres-advisee) la querellast: Ce qu' elle n' eut pas aisément permis, si la Loy commune du pays luy eust assisté en ceste querelle, veu qu' elle estoit grandement cherie & favorisee de ses subjets, pour la memoire de son pere. Et les Anglois arrivans en la grand' Bretaigne, bannirent du tout la femme de l' esperance du Royaume, luy permettans seulement de recueillir de la succession de son pere ses meubles & precieux joyaux. Non en ce grandement eslongnez de nostre commune observance. De façon que nous pouvons presque dire que ce fust une Loy qui couroit generalement entre les Germains, lors qu' ils se desborderent encontre l' Empire de Rome, de ne permettre que leur Couronne tombast en quenoüille. 

Toutes ces choses par moy cy discourues, serviront pour nous apprendre que ceux (car je veux reprendre mes premiers *arreliemens) qui en se mocquants voulurent revoquer en doute ceste grande loy Salique, du temps des Roys Philippes de Valois, & Edouart troisiesme, le firent ou par ignorance de l' Histoire, ou par la calomnie du temps: Et toutesfois s' il nous faut démeler de ce procez qui fut entre ces deux grands Princes (procez puis-je dire, qui a tant cousté à la France, car de là vindrent ces deux malheureuses journees de Cressy & Poictiers, esquelles fut presque defaicte & saccagee toute la Noblesse Françoise) certainement il est tout clair, que presupose que la Loy Salique n' eust eu lieu entre nous, comme elle avoit, si est-ce que Edouard, qui premier voulut mettre ceste controverse sur le bureau, estoit du tout sans interest, & à vray dire debatoit le droict d' autruy, & non le sien. Aussi est-ce la verité qu' il n' eust jamais entrepris ceste querelle, s' il m' eust esté à ce faire induit & semonds par les sollicitations & pratiques de Robert d' Artois lequel en haine de ce qu' il avoit esté privé par arrest, de la possession du Comté d' Artois, contre Matilde sa parente (qui avoit mesmement encontre luy averé une fauseté) se voyant non seulement esbranlé de la plus grand partie de son bien, mais aussi de son honneur, se transporta, comme tout forcené par devers le Roy d' Angleterre. Qui fut cause que ce Roy s' achemina à ceste entreprise, non point tant en intention de poursuivre par armes son droict, que pour se vanger de l' injure que Robert pretendoit luy avoir esté faite. Comme sont ordinairement les Princes & grands Seigneurs bons coustumiers de conduire & mettre à effect la veangeance de leurs inimitiez privees, soubs le masque du bien public. Et au surplus pour monstrer que l' Anglois ne pouvoit quereller à juste raison nostre Couronne, il convient entendre que Philippes le Bel eut trois enfans masles & une seule fille: C' est à sçavoir Louys Hutin, Philippes le Long, Charles le Bel, & Ysabelle, qui fut mariee avec Edouard. Apres le Bel vint à la Couronne Louys Hutin son fils aisné, qui eut pour tous hoirs une seule fille, nommee Jeanne, qui fut femme de Louys Comte d' Eureux. Par ainsi si le Royaume fust tombé en quenoüille, ceste-cy forcluoit oculairement Ysabelle sa tante. Et toutes fois ceste question fut deslors vuidee, & le Royaume declaré par l' advis du Parlement appartenir à Philippes le Long: lequel aussi eut trois filles qui ne revoquerent jamais en doute le droict de la Couronne, ains liberalement accorderent que Charles le Bel leur oncle en fut investy. Aussi eut cestuy Charles le Bel une seule fille, nommee Blanche, laquelle se contenta d' avoir pour son partage le Duché d' Orleans. Concurrans donques unanimemment cinq heritieres, qui precedoient cest Edouard, lesquelles sans aucune controverse s' estoient demises de tous leurs droicts sur les masles: & la pluspart mesmement d' entr' elles au profit de Philippes de Valois, il n' y avoit pas grand pretexte pour lequel Edouard deust quereller le Royaume, sinon que contre raison il fut induict à ce faire, à la solicitation & poursuitte de Robert d' Artois, pour la consideration par moy cy dessus touchee. Ceste querelle appresta à plusieurs gens de bon esprit à escrire, les uns en faveur des François, & les autres en faveur des Roys d' Angleterre. Polidore Virgile, ennemy capital de nostre nation, se crucie & crucifie dans son Histoire d' Angleterre, pour le tort qu' il dit que nous tenons aux Anglois: Entre les nostres Paul Emile (homme advisé en tout le cours de son Histoire) a plus modestement discouru ce subject: Claude Seissel Archevesque de Thurin, en a faict un traicté exprés qu' ils intitule la loy Salique: mais entre tous j' ay leu un discours escrit à la main, intitulé: Traicté auquel est contenuë l' occasion ou couleur pour laquelle le feu Roy Edouard d' Angleterre se disoit avoir droict à la Couronne: Qui fut composé par un nommé Jean de Monstrueil Prevost de l' Isle, auquel livre sont discouruës amplement les raisons qui sont à l' avantage tant de l' un que de l' autre party. Et certes ce n' est pas chose qu' il faille escouler soubs silence, que combien que jamais nous n' ayons veu en France, femme qui se dist Royne de France, à cause d' elle, sinon par adventure Catherine fille de Charles VI. par la capitulation qu' il fist (estant lors mal ordonné de son bon sens) avec Henry d' Angleterre, toutesfois ceste loy ne se trouva pas tousjours avoir lieu és Duchez & Comtez, bien qu' ils semblent être membres dependans de nostre Couronne. Car on lit que Henry deuxiesme de ce nom Roy d' Angleterre, devint grand en toute extremité, par le moyen de deux filles, & que par l' une d' icelles, qui estoit Matilde sa mere, luy escheut le Duché de Normandie, & par Leonor son espouse fille & heritiere du Duc Guillaume d' Aquitaine, il annexa à sa Couronne les Duché d' Aquitaine & Comté de Poictou. Se trouvera aussi que Charles frere de sainct Louys espousant Beatrix fille du Comte de Provence, eut à l' occasion de sa femme ce Comté. Et Alphonse son autre frere celuy de Tholoze, en mariage faisant de luy avec la fille unique de Raimond: Et semblablement que par la mort de Henry Roy de Navarre Comte de Champaigne, & de Brie, Jeanne sa fille, se conioignant par mariage avec Philippes le Bel, comme seule heritiere de son pere, raporta à nostre Couronne les pays de Brie, & Champaigne qui y sont depuis demeurez, jusques à present. Voire que comme ainsi fust que depuis les Comtes d' Eureux voulussent debattre iceux pays encontre le Roy, soustenans qu' ils leur appartenoient à raison de Jeanne fille unique du Roy Louys Hutin, de laquelle ils estoient descendus, leur fut donné en recompense par Charles VI. la ville de Nemours, avec ses appartenances & dependances: & fut le tout erigé en Duché. Et en cas semblable, estant le Comté de Flandres tombé en quenoille, ne se trouve point que Charles le quint en pretendist lors reünion, mais au contraire il apanagea, au grand dommage de ses successeurs, Philippes son frere, de la Bourgongne, pour en faire le mariage avec la Comtesse de Flandres.

Qui nous doit assez rendre asseurez que l' article de ceste Loy Salique, ne fut pas tousjours observé aux membres comme au chef, paradventure par induë usurpation que l' on faisoit sur noz Roys. Toutesfois (comme toutes choses se policent par succession de temps) les affaires de France sont pour le jourd'huy reduictes en tel train, que les pays que l' on pretend avoir esté anciennement donnez en apanage aux enfans de France, soit en Duchez ou Comtez (defaillant l' hoir masle) retournent à leur premiere Nature, je veux dire à la Couronne, de laquelle ils sont sortis. Et en ceste façon le veirent nos ancestres pratiquer pour la Bourgongne, lors que par la mort de Charles, dernier Duc de Bourgongne, le Duché tomba és mains de Marguerite sa fille, qui fut mariee avec Maximilian, bysayeul du Roy des Espagnes. Mesmes long temps auparavant (comme j' ay deduit cy dessus) par arrest qui fut donné du consentement de tous les Pairs, contre le Roy de Sicile, les Comtez de Poictou & d' Auvergne, furent reunis à la Couronne par faute d' heritiers masles d' Alphons, combien qu' à prendre les choses suyvant la commune Loy des successions, ce Roy de Sicile fut le plus proche habile à y succeder. Et telle question, à peu dire, a grandement appresté à jargonner aux Docteurs de Droict: Non pas proprement sur le fait des Apanages, mais bien pour sçavoir si tant qu' il y avoit hoirs masles en une ligne, les filles, quoy qu' elles fussent plus proches (voire en ligne directe) devoient être receuës aux successions des Duchez, se trouvans les uns & autres bigarrez en opinions.