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jeudi 10 août 2023

9. 28. Sçavoir si la science des Loix reduicte en Digestes soubs l' authorité de Justinian, a esté autres-fois enseignee en l' Université de Paris.

Sçavoir si la science des Loix reduicte en Digestes soubs l' authorité de Justinian, a esté autres-fois enseignee en l' Université de Paris.

CHAPITRE XXVIII.

Je vous ay cy dessus discouru que l' Université de Paris estoit bastie sur quatre grands pilliers, que nous appellons Facultez de Theologie, Decret, Medecine, & des Arts. Il y en a une quatriesme que nous appellons des Loix, qui vogue par toutes les autres Universitez de nostre France, lesquelles prennent à grand honneur d' estre intitulees Universitez de Loix, encore que dedans cette profession il y en ait d' autres meslees.

Et n' est pas une petite question, de sçavoir si lors que nostre Université fut bastie, sous la Faculté de Decret estoit comprise celle des Loix, je veux dire, que celuy auquel estoit permis d' enseigner le Decret, pouvoit par mesme moyen lire en la chaire le Droict des Romains, que nous appellons Droict Civil. Si vous parlez à un Rigord qui vivoit sous le Roy Philippes Auguste, & apres son decez voüa l' Histoire qu' il fit de luy au Roy Louys huictiesme son fils, il vous dira que les Droicts Canon & Civil s' enseignoient en la ville de Paris. Et parce que le passage est de merite, non seulement pour ce qui s' offre maintenant: mais aussi pour le mot d' Université dont il use, je le vous insereray icy tout au long. 

In diebus illis studium litterarum florebat Parisiis, nec legimus tantam aliquando fuisse Scholarium frequentiam Athenis, vel Aegypti, vel in qualibet parte mundi, quanta locum praedictum studendi gratia incolebat: quod non solum fiebat propter loci illius admirabilem amoenitatem, & bonorum omnium superabundantem affluentiam, sed etiam propter libertatem, & specialem praerogativam defensionis, quam Philippus Rex, & pater eius ante ipsum ipsis Scholaribus impendebant. Cum igitur in eadem nobilißima civitate, non modo de trivio & quadrivio, verum & de quaestionibus Iuris Canonici, & Civilis, & de ea Facultate, quae de sanandis corporibus, & sanitatibus conservandis, scripta est, plena & perfecta inveniretur scriptura, ferventiori tamen desiderio, sacram paginam, & Theologicas docebant. En ce passage vous voyez que Rigord faict mention expresse de trois Facultez, qui estoient enseignees dans Paris, Theologie, Decret, & Medecine, lesquels presupposent les supposts avoir prealablement passé par celle des Arts. Et nommément que dedans Paris on y enseignoit le Droit Canon, & Civil. Et par le mesme Livre vous trouverez que du temps de Philippes Auguste, le mot d' Université couroit par la France en la ville de Paris: quand il parle qu' Amaulry Heretique fut condamné par Decret du Pape, ainsi que j' ay cotté ailleurs, & pour cette cause je ne reprendray le passage. Et finalement outre ce qu' il dedie à Louys huictiesme l' histoire qu' il faisoit de Philippes premier son pere, parlant encore de la bataille qui fut faite à Bouines entre Philippes Auguste d' une part, & l' Empereur Othon, Jean Roy d' Angleterre, Henry Comte de Flandres, & Richard Comte de Boulongne d' autre. Car comme ainsi fust que le Roy voulust choquer les ennemis: Rigord poursuit ainsi son Histoire. His dictis petierunt milites à Rege benedictionem, & statim insonuerunt tubae, & fecerunt insultus viriles in hostes, & audacißime, & strenuißime conflixerunt. In ipsa hora stabant retro Regem non procul ab ipso, Capellanus qui scripsit haec, & quidam Clericus, qui audito tubarum clangore, cecinerunt Psalmos. Benedictus Deus meus, qui docet usque in finem. Et post. Exurgat Deus. Passage qui monstre que Rigord escrivoit lors l' histoire qui estoit advenuë de son temps. Adjoustez que de ce mesme Autheur nous apprenons que le nom d' Université estoit en essence à Paris. Particularitez qui me font croire que le Droict Civil des Romains estoit enseigné en ce mesme lieu, tout ainsi que le Droict Canon, puis qu' ainsi je l' apprens de ce mesme Autheur. Ce qui n' est point certes hors de propos: car adonc le Concil general qui depuis fut fait en la ville de Tours sous le Pape Alexandre III. n' estoit intervenu. Et quand nous voyons Honoré troisiesme au Chapitre: Super specula. De privileg. Extr. faire deffense à l' Université de Paris de lire en Droict Civil, cela me faict croire qu' auparavant on y lisoit, qui occasionna le Pape de faire les mesmes deffences, voyant que l' Université de Paris croissoit assez, par le moyen des quatre autres Facultez: Et ce qui m' induit mesme de penser que nonobstant ces pretendues deffenses, on y faisoit leçon de ce Droict; c' est que je trouve un Epitaphe sur une Tombe qui est dedans le Chapitre des Augustins de Paris: Hic jacet Nobilis vir Philippus de Vologniaco, Legum Professor, qui obijt anno 1317. die Dominica, post Assumptionem Beatae Mariae Virginis, cuius anima requiescat in pace. Amen. 

Cet Epitaphe vous represente ce deffunt, comme ayant faict profession d' enseigner le Droict Civil des Romains, sans declarer en quel lieu. Tellement qu' il sembleroit de premier œil que c' eust esté en la ville de Paris où il est enterré. Toutesfois ce seroit errer: d' autant que lors l' estude des Loix en la ville d' Orleans avoit esté authorizee par Edict du Roy Philippes le Bel de l' annee mil trois cens douze: Et de faict que depuis la lecture des Loix n' eust esté faicte à Paris, nous en avons un fidele tesmoignage. Parce que lors que la ville de Caen voulut faire emologuer ses lettres d' erection de l' Université des Loix à elle octroyees par Henry sixiesme, soy disant Roy de France & d' Angleterre, l' Université s' y opposant offroit de faire enseigner le Droict Civil. Sur quoy par Arrest du Parlement de Paris, qui lors suivoit le party Anglesche, fut ordonné qu' elle bailleroit ses causes d' opposition par escrit, & que cependant sans prejudice d' icelles, les lettres seroient verifiees.

Cet Arrest prononcé le douziesme jour de Novembre mil quatre cens trente & trois. Reglement dont je tire deux choses: L' une de la part de la Cour de Parlement, que par son Arrest elle entendoit dire par son appointé au Conseil, n' en parlez plus nonobstant vos offres: Comme aussi est-ce la verité que cette opposition se tourna en fumee: L' autre de la part de l' Université, qu' elle ne lisoit point lors en Droict Civil: car en vain eust elle offert d' y lire de là en avant, si elle y eust lors leu. Cela estoit fait depuis les deffenses d' Honoré troisiesme: mais devant, je me fais fort aisément accroire que sous le mot de Decret, les supposts de l' Université, y comprindrent le Droict Civil, suivant les termes de Rigord: Or pour oster toutes ces obscuritez, nostre Roy Henry troisiesme par le soixante-neufiesme Article de son Edict, faict en la ville de Blois par l' advis de ses trois Estats, deffend nommément à tous ceux de l' Université de Paris, de lire ou graduer en Droict Civil; Loy qui donna effect aux choses futures, sans prejudicier aux passees.

lundi 10 juillet 2023

6. 21. De quelle ruze le grand Capitaine Bayard sauva la ville de Maisieres contre les forces de l' Empereur Charles cinquiesme.

De quelle ruze le grand Capitaine Bayard sauva la ville de Maisiere contre les forces de l' Empereur Charles cinquiesme.

CHAPITRE XXI.

L' Empereur Charles cinquiesme estoit en paix avecques nostre Roy François I. de ce nom. Avient que Robert de la Marc Seigneur de Sedan, qui pour lors estoit au service du Roy, fit quelques courses sur les terres de l' Empereur, lequel pour en avoir sa revange leva une armee de quarante mille hommes, à laquelle commandoit le Comte de Nassau, & le Comte Francisque Gaillard qui lors estoit en reputation de grand guerrier: Qui prindrent sur luy Florenge, Boüillon, Longnes, Messancourt, & feirent passer au fil de l' espee tous les Capitaines & soldats qui estoient dedans. Ce premier effort & grande levee de gens apresta aucunement à craindre au Roy François qui estoit desarmé, toutesfois pour luy en lever toute crainte, passans ou logeans ez maisons des François ils payoient leurs hostes, comme ceux qui se disoient n' avoir aucune charge de leur Maistre d' enfraindre la paix: Et neantmoins tout à coup prindrent la ville de Mozon, proche de celle de Maisieres, qui n' en devoit pas moins attendre si on n' y eust promptement pourveu. Au moyen dequoy le Roy s' avisa d' en commettre la deffense à celuy auquel il voyoit un conflux de fidelité, prudence, proüesse, diligence, & experience ensemble, ce fut au grand Capitaine Bayard, qui accepta cette charge d' un cœur gay: Bien deliberé d' empescher l' ennemy de la prendre, quoy que soit de ne la rendre, & tirer le siege en longueur, jusqu' à ce que son Maistre eust gens en main pour le faire lever.

Entré dedans la ville avec quelques troupes, tant d' hommes de cheval que de pied, tous gens lestes & de choix, mesmes de quelques jeunes Seigneurs volontaires, & entr'autres du jeune Montmorency Seigneur de grande proüesse, qui fut depuis Connestable de France, il mit en besongne, & le soldat & le citoyen pour fortifier la ville, avec si prompte diligence que le peu du temps luy pouvoit donner. Trois jours apres le siege est mis en deux lieux, l' un du costé de deça l' eau, où commandoit le Comte de Nassau avec 20. mil hommes, l' autre delà, commandé par le Comte Francisque, suivy de 15. ou 16. mil hommes. Bayard sommé par un heraut avec plusieurs belles protestations, s' en mocque, dont les deux Seigneurs irritez, en moins de 4. jours font tirer 5. mil coups de canon, ceux de la ville ne demeurans pas cependant oiseux à leur respondre, selon la quantité qu' ils estoient. Mais sur tout Francisque logé sur un haut endommageoit plus la ville. Ce que recogneu par Bayard il pourpensa en soy mesme, comme il pourroit trouver moyen de luy faire repasser l' eau: Parquoy il escrivit une lettre à Messire Robert de la Marche, dont la teneur estoit telle. Monsieur mon Capitaine, je croy qu' estes assez averty comme je suis assiegé en cette ville par deux endroits: car d' un costé est le Comte de Nassau, & deça la riviere le Seigneur Francisque. Il me semble que depuis 2. ans m' avez dit que vouliez trouver moyen de le faire venir au service du Roy nostre Maistre, & qu' il estoit vostre allié: d' autant qu' il a le bruit d' estre brave guerrier & bon Capitaine, je le desirerois grandement: mais si cognoissez que cela se puisse conduire à effect, vous ferez bien de le sçavoir de luy, plustost aujourd'huy que demain. S' il en a le vouloir j' en seray tres-aise, & s' il l' a autre, je vous advertis, que devant qu' il soit vingt & quatre heures, luy & tout ce qui est en son camp sera mis en pieces. Car à trois petites lieuës d' icy viennent coucher douze mil Souisses, & douze cens hommes d' armes, & demain à la pointe du jour doivent donner sur son camp: & je feray une faillie de ceste ville, de façon qu' il sera bien habile homme s' il se sauve. Je vous en ay bien voulu advertir; mais je vous prie que la chose soit tenuë secrette: Estant cette lettre escrite il baille un escu à un paysant, auquel il dit. Vat-en à Sedan, il n' y a que trois lieuës d' icy, porter cette lettre à Messire Robert, & luy dy que c' est le Capitaine Bayard, qui la luy envoye. Le bon homme s' en va incontinant, ne prevoyant aucun danger de sa personne, mais celuy qui le mettoit en besongne sçavoit bien qu' il luy seroit impossible de passer sans estre pris par l' ennemy, comme aussi le fut-il avant qu' il fust à deux jects d' arc hors la ville, & incontinant amené par devant le seigneur Francisque, qui luy demanda où il alloit. Le pauvre homme bien estonné, comme celuy qui se voyoit en danger de mort luy respondit. Monseigneur, le grand Capitaine qui est dedans nostre ville, m' envoye à Sedan porter ces lettres à Messire Robert, lesquelles il tira d' une boursette. Le seigneur Francisque les ayant leuës fut bien esbahy, & commença à douter que le Comte de Nassau luy avoit fait passer l' eau, a fin de se desfaire de luy: Parce que peu auparavant y avoit eu quelque picque entr'eux, iceluy Francisque ne voulant pas bien obeïr au Comte. A peine avoit il achevé la lecture qu' il commença de dire tout haut. Je cognois bien à cette heure que monsieur de Nassau ne tasche qu' à me perdre, mais il n' en sera pas ainsi. Et appella cinq ou six de ses plus privez, leur monstrant la lettre, qui furent autant estonnez que luy. Il ne demanda point de conseil, mais fit sonner promptement le tabourin, & à l' estendart charger tout le bagage, & se mist au passage de l' eau. Chose dont le Comte de Nassau estonné envoya sçavoir que c' estoit par un Gentil-homme, lequel luy vint redire ce qu' il en avoit appris: Et lors faisant une nouvelle recharge par le mesme, prie le seigneur Francisque de ne remuer son camp, qu' ils n' eussent premier parlé ensemble, autrement que c' estoit mettre leurs affaires en desarroy, & faire un mauvais service à leur maistre. Le messager luy dit sa charge, mais Francisque tout esmeu & courroucé luy respondit. Retournez dire au Comte de Nassau, que je n' en feray rien, & qu' à son appetit je ne demeureray pas icy à la boucherie. Que s' il me veut garder de loger aupres de luy, nous verrons par le combat auquel demeurera le camp à luy, ou à moy. Cela raporté au Comte, ne sçachant dont provenoit cette nouvelle querelle, fit mettre tous ses gens en bataille pour n' estre surpris: Ce pendant passerent ceux du seigneur Francisque, & eux passez, se mirent aussi en bataille, faisans sonner tambours d' une part & d' autre, comme s' ils eussent esté sur le point de combatre, qui donna loisir au bon homme d' eschapper, & de se retrouver dans Maiziere, où il s' excusa de bonne foy au Capitaine Bayard, de ce qu' il n' avoit rendu les lettres: pour avoir esté surpris, luy recitant tout au long comme le tout s' estoit passé, & la rumeur en laquelle estoient les deux camps des ennemis. Bayard se prit lors à rire, & cognut que sa lettre avoit servy de medecine à sa maladie: Parquoy se mist sur le rampart avec quelques Gentilshommes pour avoir le passe-temps de ce nouveau jeu, mesme fit tirer quelques coups de canon au travers d' eux, lesquels par l' entremise de quelques uns se reconcilierent & logerent ensemble. Mais le lendemain trousserent bagage, & leverent le siege, tant pour la crainte du nouvel advis porté par la lettre, que pour la valeur du grand Capitaine Bayard, qui tint les ennemis en abboy trois sepmaines sans y ozer liurer aucun assaut: Pendant lequel temps le Roy leva une forte & puissante armee, & y vint luy mesme en personne pour les combatre, où le grand Capitaine Bayard luy alla faire la reverence, & en passant, non content de luy avoir conservé Maiziere, reprit la ville de Mozon. Voila comment la prudence de ce vaillant Chevalier supplea le defaut des forces. A son arrivee le Roy luy fit un merveilleux bon recueil, & pour le recompenser le fit Chevalier de l' Ordre de sainct Michel, & luy donna une compagnie de cent hommes d' armes en chef: puis marcha contre ses ennemis, ausquels il donna la chasse jusques dedans la ville de Valentiane, où ils se blotirent. En ce que je vous discourray sur le commencement du Chapitre suivant, vous n' y trouverez pas tant de sagesse, & neantmoins un heureux succez, dont il fut accompagné pendant le cours de sa vie.