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dimanche 2 juillet 2023

5. 4. Que le Roy Charles le Chauve fut l' un des principaux instrumens de la ruine des Martels,

Que le Roy Charles le Chauve fut l' un des principaux instrumens de la ruine des Martels, & changement de leur Estat en ceste France.

CHAPITRE IV.

Je vous supplie Lecteur, vouloir faire icy une pause pour considerer combien de couronnes Charles le Chauve porta sur son chef. Car outre celle de France dont il estoit le vray titulaire, il se fit contre tout ordre de droict, Roy d' Aquitaine, Lotharingie, Italie, & Lombardie: Qui estoient en tout cinq couronnes, non en ce comprise l' Imperiale, qu' il usurpa induëment sur son nepueu par les pratiques de luy avecques le Pape Jean. Chose que Adon de Vienne s' est bien donné garde d' escrire dedans sa Cronique, pour ne faire tort a la renommee de ce Prince, sous le regne duquel il vivoit. Et comme son ambition estoit inexpuisable & sans frain, aussi voulut-il avoir un nouveau Roy pour vassal. Parce que mariant Bosson son beau-frere avec l' Infante Hermingarde fille unique de l' Empereur Louys, outre la despence prodigieuse qu' il fit pour l' exaltation de leurs nopces, il erigea la Provence en Royaume, dont il investit Bosson qui luy en fit la foy & hommage: Toutesfois pour vous dire franchement ce que j' en pense, Charles le Chauve est celuy auquel nous devons attribuer plus qu' à nul autre la ruine de cette famille que nos ancestres appellerent Carlienne. Nous avons eu cinq Charles dedans cette France. Charles Martel, Charles le Grand, Charles le Chauve, Charles le Simple, & Charles Duc de Lorraine (car quant à Charles le Gras qui porta le titre de Roy dedans nostre France, ce fut un Roy passager) & tout ainsi que le Chauve fut au milieu de ces cinq, aussi est-ce à luy, que comme à un centre, je rapporte les principaux malheurs, & changemens de cette lignee, soit ou que son ambition en fust cause, ou le desastre de son mesnage, ou tous les deux ensemblement. Voire que son aage d' innocence fust le premier motif des mal-heurs, car comme vous avez entendu: les deux premieres donations que sa mere Judith luy procura, furent cause des deux guerres que les enfans du premier lict firent au Debonnaire leur pere: & de la troisiesme se provignerent les troubles cruels qui furent entre les freres, apres le decés du pere, prognostic tres-certain de la desolation future de l' Estat. Et comme le commencement de ces maux prit de luy sa premiere source, aussi estant arrivé en aage plus meur, il fut continuellement porté à cette ruine: Mesme lors qu' il pensoit mieux faire. Il estoit de son naturel coüard, mais ambitieux le possible. J' ay leu une vieille histoire laquelle en coüardise le comparoit à un lievre, & qui pour supplément adjoustera qu' en astuces & tromperies, il estoit un autre renard, ne sera du tout hors de propos. Or pendant que par ces indeus artifices, il espioit toutes les occasions pour s' enrichir de la despoüille de ses plus proches parents, les Normands commencerent sous son regne de prendre pied ferme en cette France, & depuis opiniastrerent leurs conquestes. De maniere que de ceux qui de son temps s' habituerent vers la Loire, & se dirent Comtes de Blois, sourdit avecques le temps la famille des Comptes de Champagne, & de ceux qui depuis devers la Seine se logerent en la ville de Roüen & païs circonvoisins, vindrent les Ducs de Normandie, nouveaux fleaux des Roys qui succederent au Chauve. Il me suffit de dire que sous luy cette race de Normands planta ses premieres racines dans la France. Et comme son ambition causa une infinité de troubles dés son vivant entre les siens, aussi mourant fonda-il deux obits en la famille des Martels. L' un quand poussé d' une vaine gloire il erigea en Royaume la Provence en faveur de Bosson, l' autre quand il s' empara du Royaume de Lotharingie, qui avoit appartenu au Roy Lothaire; Royaume, dis-je qui appartenoit à l' Empereur Louys son nepueu: comme plus proche de sang à Lothaire son frere. Car pour le regard du premier, Louys & Charles le Chauve freres estans decedez, Carloman, Louys, Charles le Gras, Louys le Begue, leurs enfans estimans qu' il n' appartenoit qu' à la lignee de Charlemagne de prendre le titre de Roy, se liguerent contre Bosson, qui leur fut un long amusoir de guerres, sans en rapporter grand profit. Et quant au second obit, Hugues fils bastard de Lothaire (la question n' est pas petite de sçavoir s' il estoit legitime ou non) venu en âge de maturité ne voulut pas laisser croupir l' injure qu' il pensoit luy avoir esté faite, ains remua toutes sortes de pierres pour en avoir la raison tant contre les enfans de Louys Roy de Germanie, que contre Louys le Begue fils du Chauve, & encores contre Bosson, auquel le Chauve avoit fait present de la Provence, membre despendant du Royaume de Lothaire. Querelle qui receut divers heurts, jusques à ce que Hugues, & Godeffroy Duc de Frise son beau-frere, furent proditoirement tuez par Henry Duc de Saxe Lieutenant General de ce grand Empereur Charles le Gras. Je vous ay touché toutes ces particularitez, pour vous monstrer de combien de maux fut cause l' ambition de Charles le Chauve. Il ne fut pas qu' en son mesnage le malheur ne l' accompagnast, quoy que soit que ce mal-heur ne produisist nouveaux changemens en la France. C' est en luy auquel je remarque la premiere introduction des Ducs de Guyenne, Comtes de Tholoze, & autres. Car apres qu' il se fut fait couronner Roy d' Aquitaine dedans la ville de Bordeaux (estant rappellé à la France pour les guerres, tant des Normands que Bretons) il y establit un Duc, qui seroit secondé de plusieurs Comtes pour l' assister de conseil. Et de là prindrent leurs premieres origines, les Ducs de Guyenne, Comtes de Tholoze, Poictou, Auvergne, Xaintonge, Angoulesme, Perigueux, païs exposez sous le Royaume d' Aquitaine. Dignitez qui depuis ne tomberent à terre; ains se perpetuerent aux familles, plus ou moins, selon le plus ou le moins de la magnanimité de ceux qui y commanderent. Le semblable advint-il, mais avecques plus d' indignité pour la Flandre. Car Judith veufve d' un Roy d' Angleterre, & fille du Chauve, s' estant laissee enlever au desceu de luy, par Baudoüin gouverneur de la Flandre, non seulement il ne vengea cette injure qui luy avoit esté faite aux yeux de toute la France, mais au contraire a fin que sa fille veufve du Roy ne manquast de dignité il erigea le gouvernement de Flandres en titre de Comté hereditaire, dont Baudoüin & ses successeurs jouyrent. Or cettuy est l' un des premiers fleurons qui par le nouveau mesnage de ce Roy fut demembré de nostre couronne sous la seconde lignee, ayant rendu feodal à un tiers ce qui estoit auparavant patrimonial à nos Roys. Sus ce modelle, comme nous sommes en un Royaume de consequence, Charles le Simple ne douta depuis de faire le semblable, en faveur de Raoul le Normand moyennant le mariage de luy avec Gillette sa fille, luy donnant tout le païs que nous avons appellé Normandie, & l' erigeant en Duché. Je vous ay dit que le Chauve donna la Provence à Bosson, & en fit un Royaume suject à son Empire. Encores que par succession de temps, le nom de Royaume se soit effacé en ce pays-là, & que l' on y eust planté celuy de Comté seulement, si demeura-il tousjours separé de nostre France, & exposé sous le Vasselage de l' Empire, jusques à ce que par la sage conduicte de nostre Roy Louys XI. il fut annexé à sa Couronne.

Le mesme Chauve trouva dés son advenement la Bretagne à luy rebelle, & je ne voy point que depuis ce temps-là elle ne fit table à part, & separee d' avecques nos Roys, jusques à ce que par le mariage de la Duchesse Anne avecques le Roy Louys XII. elle a esté unie à nostre Royaume, par leur posterité. Conclusion, la troisiesme lignee de nos Roys n' a jouy du Royaume de France, que sur le modelle de celuy qui fut delaissé par Charles le Chauve, avec quelques racourcissemens. Mais sur tout fait grandement à peser que les familles qu' il choisit pour son secours, lors de ses affaires, furent au long aller les ruines de la sienne.

Estant tourmenté, tant des Bretons rebelles, que des Normands, le long de la riviere de Loire, il choisit Robert extraict du païs de Saxe brave Capitaine, pour leur faire teste, & l' y assigna un grand territoire és environs de la Loire, sous le nom de Marquisat ou Comté pour supporter les frais de la guerre: où il s' employa vaillamment mesmes en defendant la querelle du Roy son maistre, il y fut occis. Et c' est de luy duquel par diverses generations nasquit Hugues Capet, qui en fin se fit Roy de France, au prejudice de la posterité du Chauve, comme je deduiray par le menu au Chapitre subsequent.

Outre Bosson Roy de Provence, le Chauve avoit en Italie deux creatures, Guy Duc de Spolete, & Beranger Duc de Frioul, appellé par les anciens Foriules (Forjules), desquels il avoit receu le serment de fidelité, apres qu' il fut couronné Roy de Lombardie dedans la ville de Pavie, & ces deux seigneurs furent les principaux outils dont la fortune se joüa pour ruiner l' Italie. Luitprand au premier livre de son histoire nous tesmoigne que dés le vivant mesme de ce Roy, ils partagerent ensemblément par une esperance affamee ses Royaumes, Guy ayant pris pour son partage celuy de France, & Beranger celuy d' Italie: Or combien que soudain apres son decés ils n' eussent peu faire sortir effect à leurs desseins, toutesfois Louys le Begue estant decedé (qui fut le dernier de la lignee de Charlemagne, qui dans la France porta le titre d' Empereur & quelques annees apres ses bastards l' ayans suivy, n' y ayant plus que Charles le Simple enfant pour regner, Beranger se fit couronner Roy d' Italie dedans Rome, & Guy Roy de France, & comme estant entré en la Bourgongne pour exercer sa royauté, il eut advis que Eude fils de Robert avoit esté eleu Roy: estimant que son acheminement luy seroit inutile, il rebroussa chemin vers l' Italie, où trouvant son grand amy Beranger avec un plus heureux succez que luy estre entré en la joüissance du Royaume, il commença de broüiller son jeu & s' opposer à sa grandeur, nonobstant quelque amitié qu' ils se fussent auparavant voüee. De maniere que de là en avant se tromperent trois Princes qui joüoient au boutehors pour l' Estat d' Italie, Guy, Beranger, & Arnoul bastard Roy de l' Allemagne. Je n' ay icy entrepris de vous reciter les tours & retours, estant une histoire de trop longue haleine: Suffise vous que les principaux entremetteurs de cette tragedie furent les nourrissons du Chauve. Qui me fait dire (& c' est par où je veux finir ce chapitre) que ce ne fut point sans cause que l' annee qu' il nasquit, il y eut une infinité de prodiges extraordinaires, tant au ciel, comme en la terre, l' Empereur le Debonnaire ayant pris en payement le serment de Paschal Pape pour les morts de Theodore & Leon, & luy renvoyant ses Ambassadeurs; Imperator ergo natura misericordissimus (dit l' Autheur ancien qui escrivit tout au long sa vie) occisorum vindictam ultro persequi non valens, ab inquisitione huiuscemodi cessandum existimavit, & cum responsis congruis, Missos Romanos, absolvit. Eodem tempore quaedam prodigiosa signa apparentia animum Imperatoris sollicitabant; Praecipuè terrae motus palatij Aquensis, & sonitus inauditi nocturno tempore, & puellae cuiusdam ieiunia duodecim mensibus omni cibo penitus abstinentis, crebra & inusitata fulgura, lapidum cum grandine casus, pestilentia hominum & animalium, propter quae singula piißimus Imperator, crebro fieri ieiunia, orationumque instantia, atque eleemosynarum largitionibus, divinitatem per sacerdotum officium monebat placandam, certißimè dicens, per haec portendi magnam humano generi futuram cladem. Quo etiam anno, mense Iunio, natus ei est filius ex Iudith Regina, quem tempore baptismi Carolum vocitare placuit. L' Autheur dont j' ay tiré ce passage, parle de cette naissance par forme d' histoire seulement: & de moy j' en fais mon profit par forme de commentaire, & veux croire que tous ces prodiges estoient les prognostics des mal-heurs qui proviendroient du Prince qui nasquit le mesme an.

ADVERTISSEMENT au Lecteur.

Amy Lecteur, tu recevras s' il te plaist pour bonne raison de la briefveté de ce cinquiesme Livre, que la Bibliotheque de feu Monsieur Pasquier, n' ayant esté entierement fueilletee qu' au temps que l' Impression de cét œuvre approchoit de sa fin, s' est trouvee par heureux rencontre parmy ses manuscrits la continuation d' iceluy, de laquelle ne voulans frustrer ta curiosité, en cette edition, a esté advisé de la rejetter sur la fin & d' en faire le dixiesme Livre, avec intention de la restablir en ce lieu la premiere fois qu' il sera remis sur la Presse.



lundi 22 mai 2023

CHAPITRE XI. Des Bretons Gaulois, que quelques-uns estiment avoir emprunté leur nom de ceux de la grande Bretaigne.

Des Bretons Gaulois, que quelques-uns estiment avoir emprunté leur nom de ceux de la grande Bretaigne

CHAPITRE XI. 

L' opinion de plusieurs François est (ne sçayen quel endroict peschee) que ceux de la grande Bretaigne, estans vers le temps de Theodose & Valentinian, grandement offensez des Pictes & Escossois, & non secourus des Romains, apres avoir plusieurs fois imploré en vain leur aide, furent contrains de creer un Roy de leur nation nommé Voltiger: par l' advis duquel ils appellerent à leur secours les Anglois & Saxons, peuples de la Germanie, adoncques fort redoutez. Lesquels ayans faict voile vers la grande Bretaigne, *ent la protection du pays sur leurs bras, avecques plusieurs heureux exploicts d' armes, qu' il executerent contre les Escossois. En façon que pour leurs victoires, favorisez du Roy Breton il leur feit assigner pour certain temps quelque territoire, dans lequel, allechez de la fertilité du pays, ils commencerent soubs-main à se fortifier contre les advenues des Bretons mesmes. Laquelle chose leur succeda si à poinct, que les pauvres Bretons furent finalement contraincts leur quitter le jeu & la place: demeurant le Royaume és mains des Anglois. Au moyen dequoy quelques uns, qui se sont meslez d' escrire entre nous, ont imaginé que les vrays habitans, bannis de leurs propres demeures, forcez en tout desespoir de se pourchasser nouveaux sieges, singlerent vers ceste coste des Gaules, que noz ancestres appelloient Armorique: laquelle estant par eux prise d' emblee, la nommerent de leur nom Bretaigne. Ceste histoire tient en tout lieu de verité, fors vers la fin. Car d' estimer que les Bretons d' outremer occupassent, depuis leur desconvenüe, aucune partie de la Gaule, au moins avec telle puissance, qu' ils y eussent peu fonder leur nom, c' est une opinion qui a esté controuvee pour la conformité des deux noms. Et est certes la verité, recogneuë mesmement par les histoires Anglesches, qu' apres que les Anglois & Saxons eurent entierement reduit soubs leur devotion la grand Bretaigne, ils confinerent les vrais Bretons en un arrriere-coing de la contree, nommé Galles. Qui fut cause que les Bretons se ressentans tousjours du tort que leur tenoient les Anglois, eurent plus de quatre ou cinq cens ans un Royaume de Galles separé d' avec celuy d' Angleterre. Et depuis estans unis par force soubs leur obeissance, tousjours furent les premiers, qui tindrent promptement la main aux seditions & revoltes. Parquoy si oncques les Bretons eurent occasion de baptiser l' Armorique du nom de Bretaigne, ce qui ne leur avint jamais, ce fut lors, que soubs l' aueu de Maxime, qui s' estoit faict proclamer Empereur de Rome en la grand Bretaigne, un sien Lieutenant nommé Conan s' en empara d' une partie avec une infinité de Bretons, soubs ferme propos d' y continuer sa demeure. A raison dequoy mesmement pour faire nouvelle peuplee de gens de sa nation, manda querir jusques à unze mille, que femmes, que filles: lesquelles par fortune de mer perirent toutes. Non pourtant que pour cela Conan depuis, ny les Gentils-hommes de sa suitte fussent demeuz de leur entreprise, ains s' habituerent en la Gaule, où ils donnerent commencement au Royaume de nostre Bretaigne, laquelle auparavant avoit tousjours esté gouvernee sous la generalité de ceste Province Gauloise. Qui est le temps, à mon jugemet, qui donna le premier cours à la langue que nous appellons Bretonne * Bretonnant, & feit separation entre le Breton Galois, & le Breton Bretonnant, par un redoublement de mesme parole, comme si noz anciens eussent voulu dire, qu' une partie des Bretons qui habitoient és Gaules avoient a pris à Bretonner en la maniere du Breton d' outremer. Car quant au mot de Bretaigne, il est certain que la nostre estoit ainsi appellee de toute ancienneté, & du temps mesmes des premiers Empereurs, comme nous pouvons apprendre de Pline en la description des Gaules, qui est long temps auparavant la venüe de Conam ( : Conan), ny des Anglois. Au contraire je diray cecy pour recommandation de noz Bretons, si nous croyons Bede homme natif d' Angleterre, & qui florist vers le temps de nostre Pepin, ceste isle de la grand Bretaigne, auparavant appellee Albion, fut depuis ainsi nommee Bretagne par les Bretons Gaulois, qui s' en estoient faicts maistres long temps devant la venüe de Jules Cesar. Et à dire le vray, noz Bretons ont esté tousjours gens de guerre, & qui par privilege special seuls entre tous les autres peuples de la Gaule se sont dispensez de la domination des François. Bien est vray, que comme dict Gregoire de Tours, ils furent vaincus par Clovis: & encores soubs Chilperic ils estoient gouvernez par Comtes qui obeissoient aux François, toutesfois dés le mesme temps ils commencerent à se revolter, & ne vouloient de là en avant dependre que de leur seule authorité & puissance, jusques au temps de Dagobert, qui les rendit tributaires : Toutesfois depuis ce temps ils eurent tousjours ou Roys ou Ducs extraicts de leur ancien estoc, & n' ont noz Roys estably gouverneurs en leurs pays, comme aux autres Provinces. Qui est la cause, pour laquelle en ceste generale division, & Aristocratie des Pairs leur Duc n' y fut ennombré, comme celuy qui faisoit ses besongnes à part, & qui ne dependoit de l' ancienne police de noz Ducs, lesquels d' un office viagere & temporelle, en feirent une perpetuelle, comme j' entends deduire au second Livre de ce mien œuvre. D' autant que le Duc de Bretaigne pour s' entretenir en grandeur, temporisa tousjours selon les occasions, tantost ne voulant tenir son authorité que de Dieu & de l' espee, comme l' on vit du temps de Louys le Debonnaire, & de Charles le Chauve, qui pour ceste cause, le guerroyerent longuement avec diverses fortunes, tantost s' il se sentoit plus foible, nous recognoissant pour souverains: une autrefois, si la necessité le forçoit pour quelque desastre qui nous fust survenu, recognoissant tenir ses biens de la couronne d' Angleterre. Comme de la memoire de nos ancestres, nous en veismes un exemple notable, afin que je ne m' amuse aux autres qui sont de trop longue recherche, du temps de Philippes de Valois, entre la maison de Blois, & celle de Mont-fort, qui querellerent longuement pour la succession du Duché, advenuë par la mort de Jean Duc de Bretaigne. Philippe de Valois ayant pris en main la cause du Blesien lequel luy en avoit faict foy, & hommage: & Edoüard Roy d' Angleterre, le party de Jean de Mont-fort, qui d' un autre costé aduoüoit tenir sa terre de l' Anglois: jusques à ce que ceste querelle ayant pris fin par la mort de Charles de Blois en la journee d' Aulroy, & le Duché demeurant au Comte de Montfort du consentement du Roy Philippe, il nous en feit lors pour luy & ses successeurs recognoissance & hommage, qui s' est depuis continuee jusques à la mort de Madame Anne de Bretaigne fille unique du Duc François: laquelle conjoincte en premieres nopces avec Charles huictiesme, & depuis avec Louys douziesme, annexa à la couronne de France le Duché par Madame Claude sa fille aisnee, mariee avec François premier de ce nom, duquel mariage nasquit le Roy Henry deuxiesme, à bien dire premier entre tous noz Roys, qui fut Roy de France, & Duc de Bretaigne