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mercredi 28 juin 2023

4. 20. Dont vient qu' anciennement en la France representation n' avoit lieu tant en ligne directe, que collaterale.

Dont vient qu' anciennement en la France representation n' avoit lieu tant en ligne directe, que collaterale.

CHAPITRE XX.

Je seray en ce Chapitre, & Advocat, & Historien tout ensemble. Tout ainsi que nature nous a separez d' Italie d' un grand entreject de montagnes, aussi sommes nous en une infinité de choses, distincts & separez des propositions de droict. Laissant à part plusieurs autres rencontres, je toucheray seulement ces deux cy, que je me suis mis en butte par ce Chapitre. La representation en matiere des successions, & la Communauté de biens d' entre le mary, & la femme. Si vous prenez le droict des Romains, representation avoit lieu en ligne directe, jusques à une infinité de lignes, chose certes tres-juste: & en succession collaterale, jusques aux enfans des freres & soeurs: Car les nepueux succedoient avecques leurs oncles en souches, c' est à dire, que quatre ou cinq enfans plus ou moins representoient leurs peres & meres: Mais si tous les oncles estoient morts, & qu' il n' y restast que des cousins, la question estoit s' ils succederoient par testes, ou par souches: L' opinion d' Azon estoit d' y parvenir par testes, celle d' Accurse, par souches. Or par le droict ancien de nostre France, nous ne recognoissons aucune representation, tant en succession directe, que collaterale: & le fils excluoit l' arriere-fils és successions des peres & meres, & l' oncle pareillement son nepueu en une succession collaterale. Chose infiniment rude, voire cruelle pour le premier cas, & neantmoins tant approuvee, qu' elle s' observoit en la succession de nostre Couronne. Car il est certain que l' Empereur Charlemagne eut deux enfans, Pepin son aisné, & Louys le Debonnaire puisné: Pepin deceda du vivant de son pere, delaissé un seul fils nommé Bernard, auquel si representation eust eu lieu, devoit appartenir tant le droict d' Empire d' Italie & Germanie, que de la Couronne de France: Toutesfois Charlemagne estant decedé, on ne douta jamais que Louys ne deust estre le principal heritier (comme il fut) & pour tout partage Bernard eut tant seulement l' Italie. Coustume qui se practiqua aussi par toutes les Seneschaussees, & Bailliages de France: Vray qu' estant trouvee trop rude, on y apporta avec le temps quelque moderation & attrempance. De tant qu' és contracts de mariages que l' on faisoit, on avoit accoustumé d' y adjouster cette clause, que là où les futurs mariez iroient de vie à trespas auparavant leurs peres & meres, les enfans qui naistroient d' eux succederoient à leurs ayeuls, & ayeules, avec leurs oncles, nonobstant toutes coustumes à ce contraires. Clause qui fut depuis trouvee devoir operer pour tous les autres enfans: Car s' il fust advenu qu' en mariant l' un des autres enfans on eust oublié d' opposer cette reservation dans leur contract de mariage, toutes-fois il suffisoit que l' un d' entr'eux eust esté autres-fois rappellé, pour faire jouyr de mesme privilege ses autres freres: & ainsi le jugeoit-on par les Arrests de la Cour, jusques à ce qu' aux reformations de Coustumes qui furent faites en l' an 1507. par Monsieur Baillet President, cet article fut biffé, & en son lieu mis, que de là en avant representation avroit lieu en ligne directe in infinitum. La Coustume d' Amiens a encores perseveré en l' ancienne: car combien qu' en l' an 1567. elle fut reformee par Monsieur le premier President de Thou: Toutes-fois par article expres, il est dit que representation n' a lieu en ligne directe, si elle n' est expressément stipulee par contract de mariage. Mais Charles du Moulin en ses Annotations rendant raison de cet article dit fort à propos, que jaçoit que cette Coustume semble de prime-face estrange, si est-elle plaine de raison, pour empescher que les enfans ne se marient sans le consentement de leurs peres & meres. Dedans la Chronique du Moine Sigebert, l' on trouve que cette mesme question ayant esté agitee devant l' Empereur Othon premier, les Docteurs en Droict de la Germanie s' y trouverent tant empeschez, qu' il la convint juger par les armes, & en fin celuy qui estoit pour le party de la representation obtint la victoire.

Et neantmoins cette question advint plusieurs centaines d' ans apres, entre nos Princes François de la Maison d' Anjou, qui tenoient le Royaume de Naples. Car entre les autres enfans masles du Roy Charles deuxiesme, qui furent neuf en nombre, il eut Charles Martel son fils aisné, Louys son second qui fut Evesque de Tholoze, & lequel pour avoir espousé une vie Ecclesiastique ne pretendoit rien en la succession de son pere: Le troisiesme fut Robert Prince de Salerne. Pendant la vie du pere Charles Martel Roy de Hongrie decede, delaissé un fils nommé Charles par les Hongrois, & par les Italiens Carobert, mot composé de Charles & Robert, l' un empruntant le premier de son pere, & le second de Robert son oncle & parrain. Apres la mort de Charles second, Robert se fit investir Roy de Naples par le Pape Clement cinquiesme, tenant son siege en Avignon. Carobert son nepueu pretendoit le Royaume luy appartenir, comme representant au droict d' aisnesse son pere Charles Martel. Il fait adjourner son oncle pardevant l' Empereur Henry septiesme, où l' oncle ne compare: & par son jugement declare la Couronne n' appartenir à Robert. Arrest depuis cassé & annullé par le Pape Clement, fondant sa sentence sur ce que Robert n' avoit esté oüy, & neantmoins luy-mesme estoit tombé en mesme faute, parce qu' il n' avoit oüy Carobert. Quelques Docteurs Italiens pour excuser ce dernier jugement dirent que le Pape avoit esté meu d' ainsi le sententier, d' autant que Carobert se devoit contenter du Royaume de Hongrie, partant qu' il n' estoit pas mal seant d' adjuger celuy de Naple à Robert son oncle Prince sage, pour l' utilité des sujects. Qui eust esté une absurdité telle que le Gouverneur du Roy Cyrus dedans Xenophon declara, Quand deux hommes, l' un grand, l' autre petit, disputerent devant ce jeune Roy, deux robbes, l' une grande, & l' autre petite, sans approfondir la cause il adjugea la grande au grand, & la petite au petit. Sur quoy il fut griefvement repris & blasmé par son gouverneur: luy disant que la cause avoit deu estre par luy jugee, non sur un droict de bienseance, ains sur le merite du droict de portion. C' est pourquoy je veux croire que l' Empereur jugeant contre Robert, establit son jugement sur la representation du pere, & le Pape sur la proximité du sang. Tellement que chacun d' eux à son endroit avoit quelque grande apparence de raison au soustenement de son opinion. A quoy j' adjousteray ce mot en passant par forme de remplissage, & peut estre ne sera ce discours oiseux. Carobert mourant laissa deux enfans, Louys son aisné Roy de Hongrie, & Audrasse son puisné. D' un autre costé Robert n' eut qu' un fils nommé Charles dit Sans-terre qui le preceda, delaissees trois filles, Jeanne, Marie, & Marguerite: Robert mourant par son testament ordonna Jeanne son heritiere universelle au Royaume de Naples, à la charge qu' elle espouseroit Audrasse son cousin comme elle fit apres sa mort. Et cette Ordonnance testamentaire dernier jugement de Robert, me fait dire qu' en sa conscience il recogneut lors avoir fait tort à Carobert son nepueu: Cecy soit par moy touché en passant, pour les successions directes.

Quant à la ligne collaterale, toutes les Coustumes anciennes demeurerent en leur estat, jusques à ce que le mesme de Thou President obtint Commission lors du Semestre, pour reformer quelques unes, & en toutes celles où il besongna, il fut dit que representation avroit lieu en ligne collaterale, jusques aux enfans des freres & soeurs, tout ainsi que du droict civil des Romains, & que les cousins germains succedans en mesme degré viendroient par testes, non par souches, & aux autres qui n' ont esté reformees, on suit ce qui estoit de l' ancienneté. Voila ce qui est tant de l' ancien usage que moderne, en matiere de successions, directes & collaterales.

Mais dont estoit procedee cette Coustume, que nulle representation n' avoit lieu en quelque lignee que ce fust? Je le vous diray en peu de paroles. C' est une Loy generale de cette France en tout pays Coustumier, quand il s' agit des successions: Que le mort saisit le vif, le plus prochain habile à succeder. En consequence de laquelle il falloit, ou qu' elle n' eust point de lieu, ou bien l' ayant, que les petits enfans ne succedassent aux biens de leur ayeul & ayeule, avec leurs oncles qui estoient plus proches en degré, ny pareillement en ligne collaterale les nepueux. C' est ce qui fut amplement disputé en la cause du Comte de Blois, & Jean Comte de Montfort pour le Duché de Bretagne. Actur deuxiesme de ce nom Duc de Bretagne mourant delaissa trois enfans, deux de Beatrix Vicomtesse de Limoges sa premiere femme, nommez Jean & Guy: & un autre appellé aussi Jean d' Yoland de la Comtesse de Montfort sa seconde femme. Actur estant decedé, Jean son fils aisné luy succeda au Duché qui fut troisiesme de ce nom. Guy de Bretagne Comte de Pontieure decede quelque temps apres, delaissee Jeanne la Boiteuse sa fille, qui fut mariee à Charles de Chastillon Comte de Blois, nepueu du Roy Philippes de Valois. Jean Duc de Bretagne decede sans enfans. Par son decez Jean Comte de Montfort son frere fut dans la ville de Nantes proclamé Duc de Bretagne par les Prelats & Barons, & depuis dans la ville de Renes receut la Couronne Ducale. Il voulut faire la foy & hommage au Roy, à quoy Charles de Blois s' opposa du chef de sa femme soustenant le Duché luy appartenir. Cette opposition renvoyee par le Roy en sa Cour de Parlement pour y estre jugee par luy & ses Pairs: Charles proposoit que par les uz & coustumes notoires de Bretagne en successions feudales entre nobles personnes, quand il y avoit plusieurs freres, l' aisné succedoit en tous les Fiefs de quelque grandeur & Noblesse qu' ils fussent, & estoit seulement tenu de faire provision de viures à ses freres puisnez, ou de les apannager selon leur estat, & valeur de la terre. Disoit que le frere aisné trespassé sans hoirs procreez de son mariage, tout son bien estoit transmis au second d' apres luy, ou à ses enfans, qui venoient en tel droict d' aisnesse, comme si leur pere eust vescu. Que ce n' estoit chose nouvelle de voir en France les filles succeder aux grands Duchez & Comtez, comme on avoit veu advenir és Comtez de Tholoze, Champagne & Arthois, & mesmement en la Bretagne, en laquelle la femme de Pierre Mauclerc avoit recueiily le Duché par la mort de son pere, sans aucune contradiction: Que Jean Comte de Montfort n' estoit conjoinct du deffunct Duc, que du costé paternel, & Jeanne Comtesse de Blois des deux costez: Qu' elle estoit fille de Guy, qui secondoit en aage Jean le dernier mort, qu' à luy s' il eust vescu eust appartenu le Duché, consequemment que l' on ne le pouvoit denier à sa fille unique, qui representoit son pere. A cela Jean Comte de Montfort respondoit en un mot, Que par la Coustume generale du Royaume, le mort saisissoit le vif son plus prochain lignager, du costé dont venoient les heritages, en excluant tous autres, estans de plus loingtain degré, ores qu' ils fussent parens de l' un & de l' autre costé. 

C' estoit à dire en bon langage, que representation n' avoit point de lieu, puis que luy comme plus prochain devoit estre saisi du Duché. Disoit outre que par la Coustume notoire de France, la femme ne devoit estre receuë à succession de Fiefs & dignitez feudales en ligne collaterale, quand il y avoit hoirs masles qui l' en excluoient, voire quand ils seroient en pareil degré. Et que pour le regard des Comtez de Tholoze, Champagne, Arthois, esquels les femmes avoient succedé, c' estoit en succession directe, comme aussi au Duché de Bretagne la femme de Pierre Mauclerc, ayans mesmement succedé à leurs peres au prejudice des collateraux.

Raisons certes tres-pertinentes, & si j' ose dire indubitables, & lors mesmes il est tres-certain que representation n' avoit point de lieu en ligne directe, à plus forte raison il n' y avoit propos de l' admettre en ligne collaterale: & quant au second point de ses repliques, par lequel en matiere de Fiefs, mesmes en ces grandes dignitez, le masle excluoit la femelle, la cause avoit esté fraischement jugee au profit de Philippes de Valois pour la Couronne de France, contre Edoüard d' Angleterre, fils d' Ysabelle & nepueu de Charles le Bel: Toutesfois par Arrest donné à Conflant le 7. jour de Septembre 1341. le Roy Philippes de Valois estant en son lict de Justice avecques ses Pairs, fut Charles Comte de Blois à cause de Jeanne sa femme declaré Duc de Bretagne, & le Comte de Montfort debouté. Dont il appella à Dieu: car combien que pour complaire à un Roy, les hommes luy eussent osté ce que justement luy appartenoit selon les Coustumes de France, Dieu le luy conserva, & apres plusieurs guerres demeura le Duché à luy, & à sa posterité. Cela soit par moy discouru pour le faict de la representation.

mardi 30 mai 2023

2. 16. Du droict d' Aisneesse, Apanages, Loy Salique, Successions aux anciennes Duchez & Comtez de la France.

Du droict d' Aisneesse, Apanages, Loy Salique, Successions aux anciennes Duchez & Comtez de la France. 

CHAPITRE XVI.

M' estant en ce lieu proposé de deduire une partie de l' ancienneté de la police de France, il me semble que je ne feray point chose grandement eslongnee de mon intention, si je discours en ce lieu, la recommandation en laquelle nos vieux peres curent l' entretenement & perpetuation de leurs familles. Toutesfois premier que de m' advancer en plus longue estenduë de propos, il faut que je me plaigne en passant, de la commune resolution des Advocats de ce temps-cy, lesquels s' estans aheurtez à un droict Romain, comme à un port de seureté, duquel ils pensent tirer franchise de leurs erreurs, toutes les fois & quantes qu' il s' offre quelque dispute entr' eux, ou des Retraicts, ou des Testamens (matieres qui leur sont assez familieres & occurrentes) estiment la question des Retraicts être de soy odieuse, parce qu' elle contrevient, ce leur semble, au droit escrit: & au contraire être favorable ce qui a esté ordonné par un testament, comme estant une Loy & ordonnance de nos dernieres volontez. Tellement qu' à l' une des questions ils tiennent la bride courte, voire jusques à une superstition tres-estroite. Et à l' autre, ils laschent les resnes outre mesure pour autant qu' ainsi ils ont esté en partie enseignez par ceux qui traitent le droict des Romains. De ma part, je ne veux point icy controoller ce qui a esté opiné par les Jurisconsultes de Rome: mais je diray franchement, que tous ceux qui digerent de telle façon entre nous, & les Retraicts, & les Testamens, ne sonderent jamais au vif quel a esté le droict des François. Les Romains eurent leurs considerations peculieres, aussi eurent nos François, les leurs. Et si puis dire davantage, que nous les devançames en cecy. Car si sur les ventes, & dernieres volontez, ils voulurent gratifier au particulier consentement & contentement d' un chacun, nous autres d' un plus haut discours, nous fondames sur le commun devoir de nous tous. Ne nous arrestans pas és choses que particulierement nous voulions, & le plus du temps par un jugement effrené, ains à ce qu' il nous estoit bon & expedient de vouloir, pour l' utilité du public. Pour ceste cause eusmes nous l' entretenement des familles en grande recommandation, voire sur toutes autres contrees & nations. Du fonds de ceste raison sourdit (pour commencer par le chef) la Loy Salique, tant profitable au Royaume, qui ne veut que la Couronne tombe en quenoüille, de ceste, les Apanages és enfans puisnez de nos Rois, de ceste, le droit d' aineesse entre les Nobles grandement necessaire, pour subvenir aux fraiz des guerres, de ceste, generalement vint l' institution des Retraicts, & aussi les interdictions & defenses de ne tester à nostre appetit, sinon jusques à certaine quantité du bien que la Loy nous a prefix, ains que par coustume generale les biens aillent aux plus proches lignagers de main en main. Choses à la verité fort bien par nos anciens ordonnees. Car encores que quelquesfois naturellement, c' est à dire, suivant nostre nature & opinion corrompuë, nous soyons plus enclins en la faveur des estrangers, que des nostres (qui fut la consideration des Romains) si est-ce que nostre coustume, comme je disois maintenant, considerant de plus pres à ce que nous devons faire, qu' à ce que peut être par une desordonnee opinion, nous eussions eu envie de faire, s' advisa de trouver frain & moyen à nos passions. Temperant toutes fois les Retraicts de telle balance, que sans nous frustrer de la liberté des traffiques, elle nous permettoit de vendre à qui bon nous sembleroit, mais toutesfois à la charge que l' un de la consanguinité y avroit dedans l' an son regrés, si bon luy sembloit, pour mesme prix que le premier acquereur, & en le rembourçant de ses fraiz & loyaux cousts. Et au regard des Testamens, cognoissans que pour le defaut & imbecilité de sens que nous pouvons avoir lors de nostre decez, pourrions commettre plusieurs incongruitez, voulurent que la coustume qui estoit au suplément de la Loy, en prit la principale charge. Parquoy ne nous fut ostee plaine faculté de disposer à nostre arbitrage des choses acquises par nostre industrie: Mais de celles qui nous venoient de l' estoc de nos peres & meres, ou de nos ancestres, voulurent que nous usissions de mesme liberalité envers les nostres, & ceux qui estoient de nostre sang, comme les nostres avoient usé envers nous. Estimans (comme est le commun proverbe François) que le bon sang ne peut mentir. Loy vrayement du tout Platonique, & discouruë amplement par ce grand Philosophe Platon, dedans l' unziesme de ses loix. Ce qu' entrecogneurent mesmement les Romains sur la fin de leur Republique, quand ils introduisirent les Quartes & Legitimes, pour brider la volonté des testateurs. Qui demonstre que trop plus est nostre Loy en cest endroit equitable, que la Romaine. Certes quant au droict d' aineesse, c' est une question qui tombe souvent en propos, sçavoir si par raison de nature, la Loy doit donner plus de passedroict à l' un des enfans que aux autres. Car à dire le vray, il semble que ce soit chose fort estrange, qu' estans plusieurs enfans sortis d' un mesme ventre, un seul soit advantagé, au desadvantage des autres. Et combien que ceste Loy apporte plusieurs grands profits au Royaume, si est-ce que nos premiers ancestres ne se peurent aisément induire à l' introduire en leur Monarchie. Et de fait, ne furent ny les droicts d' ainesse, ny les apanages, cogneuz sous la premiere, ny mesme sous la seconde lignee de nos Roys. Qu' il soit vray, se trouvera qu' apres la mort du grand Clovis, quatre siens fils diviserent par égales parts, & portions le Royaume, faisans chacuns d' eux diversement leurs sieges à Paris, Mets, Soissons, & Orleans, & s' appellans chacun d' entr' eux Roys des villes, esquelles ils avoient establis leurs principales demeures. Lequel partage fut de rechef renouvellé aux quatre enfans de Clotaire premier. Et qui plus est, pour monstrer que tant s' en faut qu' il y eut lors, ou Apanages, ou droict de consanguinité, si estroitement gardez comme nous faisons maintenant, c' est qu' en defaut d' enfans procreez de leurs corps, ils pouvoient mesmement adopter & faire des feintes afiliations, sans s' arrester au droit d' intestat, & proximité de lignage. Car Gontran Roy d' Orleans, au prejudice de ses autres nepueux, adopta son nepueu Childebert Roy de Mets, & moyennant ceste adoption le fit heritier universel de tous ses pays & contrees. Aussi voyons nous que Dagobert ayant eu deux enfans masles, Sigisbert aisné, qui fut Roy d' Austrasie, & Clovis son puisné, qui eut pour partage le Royaume de France, se voyant iceluy Sigisbert sans enfans, institua pour heritier de son Royaume, un autre Childebert fils de Grimovault, Maire de son Palais. Se donnant par ceste ordonnance puissance de defrauder les enfans de son frere Clovis, de sa succession. Et si nous voulons descendre plus bas, nous trouverons que Louis le Debonnaire, fit un partage égal entre ses quatre enfans: & que s' il y eut inegalité, ce fut pour avoir investy de la meilleure piece de tous les Royaumes, Charles le Chauve son dernier fils: luy donnant pour son partage, ce Royaume de France. Dont ses trois autres freres jaloux, combien qu' ils esmeussent grandes querelles contre luy, si est-ce que le partage tint tout de la mesme façon que leur deffunct pere l' avoit dressé. Tous lesquels exemples nous doivent être argumens assez suffisans, pour penser que ce droict d' aineesse ne fut cogneu sous les deux premieres lignees de nos Roys. Au moyen dequoy il semble que ceste brave invention, ensemble des Retraits, & inhibitions de tester, soit venuë sous la lignee de Hugues Capet, & qu' estant nostre Royaume divisé en eschantillons & parcelles, chasques Ducs & Comtes pour se prevaloir davantage en leurs necessitez de guerre, voulurent que la plus grande part & portion des Fiefs de leurs vassaux, vint entre les mains de l' un des enfans: & fut cest un approprié en la personne de l' aisné. Car encores que par une consideration familiere & œconomique, le partage égalé entre les enfans, semble être de quelque merite, si est-ce que pour la protection d' un pays, il est bon qu' entre gens qui sont destinez pour la guerre, comme sont les Nobles, il y en ait un entre les autres, qui ait la plus grande part au gasteau. Parce que cestuy ainsi advancé supporte plus longuement la despense d' une longue guerre. 

Et les autres qui seulement s' attendent à leur vertu, se hazardent plus advantureusement aux perils, pour trouver moyen de se pousser & être cogneux de leur Prince. A ceste cause voyons nous qu' és endroicts où il y eut grands Seigneurs, qui firent pour quelque temps teste à nos Roys, ils eurent ce droict d' aineesse specialement affecté, comme en la Bretagne, Normandie, Vermandois & autres. Qui nous enseigne, que la necessité des guerres de ces Ducs & Comtes, qui estoient en leurs contrees comme Roitelets, nous amena premierement ceste invention d' Ainesse. Car quant aux Apanages, qui sont destinez pour les enfans puisnez de nos Roys, Paul Emile diligent perquisiteur de nostre histoire Françoise, a remarqué des anciens, que ce fut une invention, que nos Roys emprunterent des voyages qui se faisoient outre-mer, pour la recousse de la terre saincte. Car au lieu où premierement tous enfans du Roy estoient recompensez en Royaumes pour leurs partages: & que depuis on leur donnoit les grandes contrees par forme de Duchez, avec grandes prerogatives, & soy ressentans au plus pres de la Royauté, sous le nom de Ducs: nos Roys par une invention tres-politique & profitable, pour l' accroissement de ce Royaume, commencerent de retrancher ceste grandeur à leurs freres, leurs donnans terres & Seigneuries en Apanage. Quoy faisans, ils n' entendoient leur avoir rien donné en partage, fors le domaine & le revenu annuel. S' estans au demeurant reservez toute jurisdiction, ensemble toute souveraineté & puissance d' imposer sur le peuple parties casuelles, telles que la necessité leur conseilloit. Il se trouve arrest solemnel donné par les Pairs, & plusieurs personnages de marque, jusques à 35. en l' annee 1243. par lequel fut ordonné que defailans hoirs masles du corps, les Apanages retournoient au Roy, & non au plus prochain lignager. Cest arrest prononcé au profit du Roy, pour les Comtez de Poictou, & Auvergne, qui avoient appartenu à Alphons, frere du Roy S. Louys, à l' encontre de Charles Roy de Sicile.

Or combien que le droict d' Aineesse & l' Apanage, soient choses nouvelles au regard de la Loy Salique, si est-ce que le profit que nostre Royaume sent de telles maximes, nous les rapportons toutes communément, comme si elles eussent esté introduittes avec ceste Loy Salique, veritablement non sans grande occasion. Car encores qu' elle n' en face aucune mention, ce neantmoins la mesme raison qui occasionna nos ancestres à forclorre les filles de l' esperance du Royaume, fut cause que depuis on voulut attribuer aux aisnez tout le droict de la Couronne, & que par mesme moyen les freres de nos Roys furent seulement appennez. Toutesfois pour parler à son rang d' icelle loy, qui est tant celebree à l' advantage des François, il semble que pour le jourd'huy ceste loy nous soit peculiere entre tous autres Royaumes. Pour laquelle cause quelques-uns (comme Guillaume Postel) estiment qu' elle prit son ancienne origine des Gaules, & qu' elle fut appellee Salique, au lieu de Gallique, pour la proximité & voisinage que la lettre de G, en vieil moule, avoit avec la lettre S: Il seroit mal-aisé de raconter la diversité des opinions qui se rencontrent en l' etimologie de ce nom. Jean Cenal, Evesque d' Auranches, qui a laborieusement recherché plusieurs anciennetez, & de la Gaule, & de la France, l' a voulu rapporter à ce mot François, Sale: Parce que ceste Loy estoit seulement ordonnee pour les Sales & Palais Royaux. Claude Seissel, assez mal à propos, a pensé qu' elle vint du mot de Sel en Latin, comme une Loy plaine de sel, c' est à dire de sapience, par une metaphore tiree du sel. Un Docteurs és droits nommé Ferrarius Montanus, a voulu dire que Pharamond fut autrement appellé Saliq'. Les autres (comme l' Abbé Vespergense) plus ingenieusement la tirent de Salogast, l' un des principaux Conseillers de Pharamond. Et les derniers pensans subtilizer d' avantage disent que pour la frequence des articles qui se trouvent dans icelle Loy, commençans par ces mots, Si aliquis, & Si aliqua, elle prit sa derivaison. Combien que la verité soit qu' elle fut appellee Salique, à cause des François Saliens, desquels est faite assez frequente mention dans Marcelin. Chose qui a esté fort bien recogneuë par Paul Emile: Car les François, comme nous avons deduit au premier livre, lors qu' ils sejournerent sur le bord du Rhin, furent divisez en plusieurs peuples, dont les aucuns furent appellez Anthuariens, & les autres Saliens. 

Et mesmement sans se donner peine d' avantage, pour la verification de cecy, on peut appertement discourir, dont a pris ceste loy sa source: singulierement pour le regard du chef qui a banny les femmes de la Couronne, par le passage que noz Princes tirent à leur advantage au tiltre, De allodis, où il est dit, De terra Salica nulla portio hæreditatis in mulierem transit, sed hoc virilis sexus acquirit. Nous defendons qu' aucune part & portion de la terre Salique soit baillee aux femmes, ains seulement que cela soit fait propre aux masles. Ceste mesme forme de loy excluant les femelles des Royaumes, a esté approuvee en plusieurs braves Republiques. Au Royaume des Israëlites, encores que la Loy de Moyse fut expresse (comme il appert par le vingt & septiesme chapitre des nombres) que les enfans masles succedoient premierement, puis en leur defaut, les filles: à faute d' elles, les collateraux: toutefois on ne trouve point que jamais fille ait tenu le sceptre entr' eux. Aux Lacedemoniens, Republique fort bien reformee, fut tout le semblable observé comme l' on apprend de Plutarque, recitant que le pere de Licurge Roy de Lacedemone, ayant esté meurdry par les siens, laissa pour successeur à la Couronne Polidecte son fils aisné, qui mourut laissant sa femme enceinte: Et dit nommément cest autheur, que Licurge solicité par quelques uns: d' aprehender le Royaume par le decez de son frere, respondit à ceux qui pour luy penser faire plaisir l' importunoient de ce faire, que le Royaume ne luy pouvoit appartenir, là & au cas que sa belle sœur accouchast d' un enfant masle. De sorte que l' on peut de ce recueillir, que si elle eust enfanté une fille, Licurge eust pretendu l' exclurre de l' expectative du Royaume. Ceste mesme loy, pour bien dire, fut pratiquee par nous. Bien est vray que l' entretenement d' icelle nous en fut autresfois cher vendu, lors que Philippes de Valois, par le conseil de Robert Comte d' Artois, la meit en avant, contre Edouart troisiesme de ce nom Roy d' Angleterre, qui avoit espouzé Isabelle fille de Philippes le Bel. Et de cecy fut l' occasion, pourautant que de toute ancienneté la fortune du temps n' avoit oncques permis (au moins que je voye bien exprimé dans nos histoires) que la Couronne se trouvast être sans hoirs masles en ligne directe, fors depuis la mort de Loys Hutin. Qui fut cause que les Flamans, pensans que ceste Loy fust de nouvelle impression, appelloient en leurs farces & joingleries, Philippes de Valois Roy trouvé. Comme si par un nouveau droict & non jamais recogneu par la France, il se fust faict proclamer Roy. Aussi se trouva un riche citoyen de Compieigne nommé Simon Pouiller (comme dict Gaguin) auquel pour ceste occasion advint de dire, que le Roy Edouart d' Angleterre avoit plus de droict à la Couronne que Philippes. Ce que venu à la cognoissance du Roy & de son conseil, il luy fist coupper bras & jambes, l' une apres l' autre, & puis la teste, laissant son corps seul comme un tronc. Et vrayement s' ils eussent tous esté bien informez de l' efficace & ancienneté de ceste loy, ils eussent changé de propos. Car encores que (comme j' ay dit) le cours du temps n' eust permis que jusques à la mort de Hutin, le Royaume fut jamais tombé en quenoüille, si est ce que si nous voulons rechercher les Histoires plus haut, nous trouverons que non seulement les François, mais aussi la plus part des peuples qui sortirent du profond de la Germanie, eurent ceste loy affectee, & en recommandation sur toutes autres: bien est vray que sous diverses modifications. Les Vandales, possedans l' Affrique, avoient pour Loy & institution solemnelle, de ne recevoir à leur Couronne que les masles, non toutesfois les plus proches parens, comme nous, ains ceux qui en la famille des Roys estoient les plus anciens du lignage. Les Ostrogots regnans dessus l' Italie, ne recevoient à la succession du Royaume les femelles, mais aymoient encores mieux avoir un enfant pour leur Roy, qu' une femme: tellement que le fils forcluoit la mere. Chose que nous pouvons assez clairement induire de cest exemple. Car estant Theodoric Roy des Ostrogots allé de vie à trespas, delaissee Amalasfonte (o Amalassonte, o Amalaffonte) sa fille unique, qui avoit un seul fils nommé Athalaric, jeune enfant, aagé seulement de dix ans, le Royaume escheut à Athalaric, & non à Amalasfonte sa mere: mesmes depuis la mort d' Atalaric, la Couronne fut deferee à Theodaat, sans que jamais Amalasfonte (femme au demeurant tres-advisee) la querellast: Ce qu' elle n' eut pas aisément permis, si la Loy commune du pays luy eust assisté en ceste querelle, veu qu' elle estoit grandement cherie & favorisee de ses subjets, pour la memoire de son pere. Et les Anglois arrivans en la grand' Bretaigne, bannirent du tout la femme de l' esperance du Royaume, luy permettans seulement de recueillir de la succession de son pere ses meubles & precieux joyaux. Non en ce grandement eslongnez de nostre commune observance. De façon que nous pouvons presque dire que ce fust une Loy qui couroit generalement entre les Germains, lors qu' ils se desborderent encontre l' Empire de Rome, de ne permettre que leur Couronne tombast en quenoüille. 

Toutes ces choses par moy cy discourues, serviront pour nous apprendre que ceux (car je veux reprendre mes premiers *arreliemens) qui en se mocquants voulurent revoquer en doute ceste grande loy Salique, du temps des Roys Philippes de Valois, & Edouart troisiesme, le firent ou par ignorance de l' Histoire, ou par la calomnie du temps: Et toutesfois s' il nous faut démeler de ce procez qui fut entre ces deux grands Princes (procez puis-je dire, qui a tant cousté à la France, car de là vindrent ces deux malheureuses journees de Cressy & Poictiers, esquelles fut presque defaicte & saccagee toute la Noblesse Françoise) certainement il est tout clair, que presupose que la Loy Salique n' eust eu lieu entre nous, comme elle avoit, si est-ce que Edouard, qui premier voulut mettre ceste controverse sur le bureau, estoit du tout sans interest, & à vray dire debatoit le droict d' autruy, & non le sien. Aussi est-ce la verité qu' il n' eust jamais entrepris ceste querelle, s' il m' eust esté à ce faire induit & semonds par les sollicitations & pratiques de Robert d' Artois lequel en haine de ce qu' il avoit esté privé par arrest, de la possession du Comté d' Artois, contre Matilde sa parente (qui avoit mesmement encontre luy averé une fauseté) se voyant non seulement esbranlé de la plus grand partie de son bien, mais aussi de son honneur, se transporta, comme tout forcené par devers le Roy d' Angleterre. Qui fut cause que ce Roy s' achemina à ceste entreprise, non point tant en intention de poursuivre par armes son droict, que pour se vanger de l' injure que Robert pretendoit luy avoir esté faite. Comme sont ordinairement les Princes & grands Seigneurs bons coustumiers de conduire & mettre à effect la veangeance de leurs inimitiez privees, soubs le masque du bien public. Et au surplus pour monstrer que l' Anglois ne pouvoit quereller à juste raison nostre Couronne, il convient entendre que Philippes le Bel eut trois enfans masles & une seule fille: C' est à sçavoir Louys Hutin, Philippes le Long, Charles le Bel, & Ysabelle, qui fut mariee avec Edouard. Apres le Bel vint à la Couronne Louys Hutin son fils aisné, qui eut pour tous hoirs une seule fille, nommee Jeanne, qui fut femme de Louys Comte d' Eureux. Par ainsi si le Royaume fust tombé en quenoüille, ceste-cy forcluoit oculairement Ysabelle sa tante. Et toutes fois ceste question fut deslors vuidee, & le Royaume declaré par l' advis du Parlement appartenir à Philippes le Long: lequel aussi eut trois filles qui ne revoquerent jamais en doute le droict de la Couronne, ains liberalement accorderent que Charles le Bel leur oncle en fut investy. Aussi eut cestuy Charles le Bel une seule fille, nommee Blanche, laquelle se contenta d' avoir pour son partage le Duché d' Orleans. Concurrans donques unanimemment cinq heritieres, qui precedoient cest Edouard, lesquelles sans aucune controverse s' estoient demises de tous leurs droicts sur les masles: & la pluspart mesmement d' entr' elles au profit de Philippes de Valois, il n' y avoit pas grand pretexte pour lequel Edouard deust quereller le Royaume, sinon que contre raison il fut induict à ce faire, à la solicitation & poursuitte de Robert d' Artois, pour la consideration par moy cy dessus touchee. Ceste querelle appresta à plusieurs gens de bon esprit à escrire, les uns en faveur des François, & les autres en faveur des Roys d' Angleterre. Polidore Virgile, ennemy capital de nostre nation, se crucie & crucifie dans son Histoire d' Angleterre, pour le tort qu' il dit que nous tenons aux Anglois: Entre les nostres Paul Emile (homme advisé en tout le cours de son Histoire) a plus modestement discouru ce subject: Claude Seissel Archevesque de Thurin, en a faict un traicté exprés qu' ils intitule la loy Salique: mais entre tous j' ay leu un discours escrit à la main, intitulé: Traicté auquel est contenuë l' occasion ou couleur pour laquelle le feu Roy Edouard d' Angleterre se disoit avoir droict à la Couronne: Qui fut composé par un nommé Jean de Monstrueil Prevost de l' Isle, auquel livre sont discouruës amplement les raisons qui sont à l' avantage tant de l' un que de l' autre party. Et certes ce n' est pas chose qu' il faille escouler soubs silence, que combien que jamais nous n' ayons veu en France, femme qui se dist Royne de France, à cause d' elle, sinon par adventure Catherine fille de Charles VI. par la capitulation qu' il fist (estant lors mal ordonné de son bon sens) avec Henry d' Angleterre, toutesfois ceste loy ne se trouva pas tousjours avoir lieu és Duchez & Comtez, bien qu' ils semblent être membres dependans de nostre Couronne. Car on lit que Henry deuxiesme de ce nom Roy d' Angleterre, devint grand en toute extremité, par le moyen de deux filles, & que par l' une d' icelles, qui estoit Matilde sa mere, luy escheut le Duché de Normandie, & par Leonor son espouse fille & heritiere du Duc Guillaume d' Aquitaine, il annexa à sa Couronne les Duché d' Aquitaine & Comté de Poictou. Se trouvera aussi que Charles frere de sainct Louys espousant Beatrix fille du Comte de Provence, eut à l' occasion de sa femme ce Comté. Et Alphonse son autre frere celuy de Tholoze, en mariage faisant de luy avec la fille unique de Raimond: Et semblablement que par la mort de Henry Roy de Navarre Comte de Champaigne, & de Brie, Jeanne sa fille, se conioignant par mariage avec Philippes le Bel, comme seule heritiere de son pere, raporta à nostre Couronne les pays de Brie, & Champaigne qui y sont depuis demeurez, jusques à present. Voire que comme ainsi fust que depuis les Comtes d' Eureux voulussent debattre iceux pays encontre le Roy, soustenans qu' ils leur appartenoient à raison de Jeanne fille unique du Roy Louys Hutin, de laquelle ils estoient descendus, leur fut donné en recompense par Charles VI. la ville de Nemours, avec ses appartenances & dependances: & fut le tout erigé en Duché. Et en cas semblable, estant le Comté de Flandres tombé en quenoille, ne se trouve point que Charles le quint en pretendist lors reünion, mais au contraire il apanagea, au grand dommage de ses successeurs, Philippes son frere, de la Bourgongne, pour en faire le mariage avec la Comtesse de Flandres.

Qui nous doit assez rendre asseurez que l' article de ceste Loy Salique, ne fut pas tousjours observé aux membres comme au chef, paradventure par induë usurpation que l' on faisoit sur noz Roys. Toutesfois (comme toutes choses se policent par succession de temps) les affaires de France sont pour le jourd'huy reduictes en tel train, que les pays que l' on pretend avoir esté anciennement donnez en apanage aux enfans de France, soit en Duchez ou Comtez (defaillant l' hoir masle) retournent à leur premiere Nature, je veux dire à la Couronne, de laquelle ils sont sortis. Et en ceste façon le veirent nos ancestres pratiquer pour la Bourgongne, lors que par la mort de Charles, dernier Duc de Bourgongne, le Duché tomba és mains de Marguerite sa fille, qui fut mariee avec Maximilian, bysayeul du Roy des Espagnes. Mesmes long temps auparavant (comme j' ay deduit cy dessus) par arrest qui fut donné du consentement de tous les Pairs, contre le Roy de Sicile, les Comtez de Poictou & d' Auvergne, furent reunis à la Couronne par faute d' heritiers masles d' Alphons, combien qu' à prendre les choses suyvant la commune Loy des successions, ce Roy de Sicile fut le plus proche habile à y succeder. Et telle question, à peu dire, a grandement appresté à jargonner aux Docteurs de Droict: Non pas proprement sur le fait des Apanages, mais bien pour sçavoir si tant qu' il y avoit hoirs masles en une ligne, les filles, quoy qu' elles fussent plus proches (voire en ligne directe) devoient être receuës aux successions des Duchez, se trouvans les uns & autres bigarrez en opinions.