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lundi 7 août 2023

8. 61. Pleger celuy qui boit à nous d' autant, Coquu, Avoir veu le Loup, Loup-garou, Abry,

Pleger celuy qui boit à nous d' autant, Coquu, Avoir veu le Loup, Loup-garou, Abry, Toutes manieres de dire dont on use à contre-sens.

CHAPITRE LXI.

Puisque le Chapitre precedant a esté dedié à la friponnerie, pourquoy ne puis-je dedier cestuy à l' yurongnerie? S' il n' y a de la raison en cecy, pour le moins y a il de la rime. Davantage, quelle raison pouvez vous demander à un homme yure? Cela est en partie le sujet du present Chapitre. Nous avons une coustume non seulement aux banquets, mais aux communes tables, de boire les uns aux autres: Chose que nous tirons à courtoisie, voire pour signal d' amitié. Le formulaire que l' on tient est, que si un homme boit à moy, à l' instant mesme, le remerciant je luy diray, que je le plegeray promptement, c' est à dire, que je m' envois boire à luy. Response certainement inepte, & qui ne se rapporte aucunement à l' assaut que l' on m' a liuré. Car le mot de plege signifie en soy celuy qui intervient pour un autre. Je vous diray doncques ce que j' en pense. Encores que cette coustume eust esté introduite d' une bien-veillance mutuelle, si est-ce qu' à la longue elle se tourna en abus. Et de fait repassez par toute l' Allemagne, la Flandre, & pays bas, & plusieurs Provinces de nostre France, quand un homme a beu à un autre d' autant, il tire cela en obligation, voire le tourne à mespris & injure, si l' assailly ne luy rend la pareille. Cela fut cause que nostre Charlemagne, pour les querelles qui en sourdoient, deffendit expressément aux Soldats, de ne boire les uns aux autres, quand ils seroient en l' armee, au livre 3. de ses Ordonnances chap. 33. Et encores au premier livre art. 138. il est dit en termes expres, ut nemini liceat alterum cogere ad bibendum. Mon opinion donc est que quand celuy auquel on avoit beu, ne vouloit faire la raison à l' autre (tel est le terme dont usent les bons biberons) fust, ou par sagesse, ou par impuissance, alors l' un de ses amis, ou quelque bon compagnon declaroit qu' il l' alloit pleger, & prenant le verre en la main beuvoit d' autant à celuy qui avoit esté l' assaillant. Si vous le prenez autrement, il n' y a aucun sens en nostre response & aplegement. Cela mesme se practique aujourd'huy par ceux qui veulent faire la desbauche, entre lesquels s' il y en a un qui vueille estre plus retenu, il prend un second pour le deffendre & pleger contre tous les autres qui le semondront de boire.

Pareille faute faisons nous quand nous appellons Coquu celuy dont la femme va en dommage: Car au contraire la nature de cet oyseau est d' aller pondre au nid des autres, comme nous apprenons de Pline au X. de son Histoire naturelle. Parquoy pour rapporter proprement le Coquu à l' homme, il y avroit plus de raison de l' adapter à celuy qui agit, & non qui patit.

De mesme ignorance est venu quand nous voyons un homme enroüé, que nous le disons avoir veu le Loup. Car à l' opposite, il faudroit dire le Loup l' a veu. D' autant que si nous croyons au mesme Pline, livre VIII. si le Loup fiche le premier sa veuë sur nous: il nous fait affoiblir la voix. C' est pourquoy le Poëte disoit,

Lupi illum videre priores.

Le mesme Pline, au mesme livre se mocque de ceux qui de son temps croyoient que quelques hommes estoient transformez en Loups: Erreur qui s' est transmis jusques à nous, quand nous les appellons Loups garoux. Vray que pour en user proprement il le faudroit rapporter à la Lycantropie, maladie discovruë par les Medecins, quand une personne affligee d' une imagination furieuse, pense estre transformé en Loup. Je ne veux icy oublier le mot de Apricus Latin dont les nostres ont formé Abry, & toutesfois tous deux de contraire signification. Car le Latin signifie estre à l' ouvert, & le nostre, au couvert du Soleil.

vendredi 4 août 2023

8. 15. Sur ce que le peuple compare la femme qui s' addresse au pire à la Louve, & de quelques autres proverbes empruntez de la nature du Loup.

Sur ce que le peuple compare la femme qui s' addresse au pire à la Louve, & de quelques autres proverbes empruntez de la nature du Loup.

CHAPITRE XV.

Je ne sçay comment le Loup entre les bestes sauvages nous a esté, ou si commun, ou si odieux, que par dessus tous autres animaux nous avons tiré plusieurs proverbes de luy. De quelle marque sont ceux-cy, Qui parle du Loup on en voit la queuë: Il fait mauvais aller au bois quand les Loups se mangent l' un l' autre: La faim chasse le Loup hors du bois: Neceßité fait gens mesprendre (dit Villon en son Testament) & faict saillir le Loup du bois, Tandis que le chien crie le Loup s' enfuit. Hurler avec les Loups, Qui se fait brebis le Loup le mange, & quand pour denoter les rets de la nuict, nous disons entre chien & Loup, & plusieurs autres de telle façon, entre lesquels il y en a trois ou quatre, que nous tirons de la nature de cette beste.

La Louve (comme recite le Comte Phoebus de Foix au livre qu' il a fait de la Chace) lors qu' elle entre en chaleur se trouve incontinent accompagnee du premier Loup qui la rencontre, lequel la fleurant sous sa queuë se met pareillement à sa suite: Celuy qui la suit par un instinct de nature se met à suivre cestuy: & le tiers semblablement à la queuë du second, tellement que de queuë en queuë ils font une grande trainee de Loups: Mais elle se sentant ainsi caressee par ces gentils amoureux (comme est la nature de toutes femelles en leur espece prompte à se faire courtiser) vague continuellement de part en autre, sans aucun arrest. Tant que finalement eux tous las & recreus, elle qui est la lanterne des autres, commence à se reposer. Ce qu' à son exemple font semblablement tous les Loups: mais pour autant que ceux-cy, outre la fatigue du corps, sont travaillez (si ainsi faut que le die,) en leur sensitive de l' esprit, chacun d' eux entre en un fort sommeil, pendant lequel cette Louve s' addresse au pire de la troupe, qui est celuy qui premier a fait la rencontre d' elle, & qui pour avoir esté premier en datte & plus attouchant de la chaleur que les autres, s' est maceré le corps davantage. De là frustrant de son attente le reste de la troupe amoureuse, qui est ensevelie d' un profond somme, prend de celuy qu' elle esveille tout le contentement où son naturel la semond, puis ayant satis-faict à son deduit, & s' estans decouplez, s' esloigne cette Louve de tous les autres, lesquels à leur resveil estonnez de son absence, & recognoissans au fleur, celuy qui les a supplantez, tous d' un commun despit le devorent. De ces manieres de faire est venu en premier lieu ce qu' au jeu des petits enfans qui s' entresuyvent, nous disons Joüer à la queuë Leu Leu, par un ancien mot François: Aussi ce que nous faisons ressembler les enfans bastards aux Loups, disans que tout ainsi que les Loups, aussi ne voyent-ils jamais leurs peres: Et d' avantage lors que nous comparons la femme à une Louve, quand entre plusieurs Ribaux (que nous appellons Corrivaux) elle s' attache au pire, lequel proverbe a eu dés long temps vogue entre nous, mesmes du temps de Jean de Mehun en son Roman de la Rose, disant:

Tantost la chetiue se laisse,

Et prend un autre, où mout s' abaisse,

Et le vaillant arriere boute,

Prenant le pire de la route,

Là nourrit ses amours & couve,

Tout ainsi comme fait la Louve, 

Qui sa folie tant empire, 

Qu' el' prend de tous les Loups le pire.

Jean de Mehun faisoit profession expresse de mesdire des Dames. C' est pourquoy il a usé de ce proverbe à leur desadvantage. Et neantmoins pour en parler sans passion, si la femme ressembloit en cecy à la Louve, elle seroit aucunement excusable en sa folie, parce qu' elle favoriseroit celuy de ses serviteurs, qui pour estre le premier en datte, vray semblablement a receu plus d' affliction en son ame.

lundi 22 mai 2023

CHAPITRE XIII. Du pays de Gascongne & du Languedoc.

Du pays de Gascongne & du Languedoc

CHAPITRE XIII. 

Ce lieu paraventure requiert, apres avoir fait mention de quelques autres nations, qui butinerent les Gaules, parler semblablement des Gascons, peuples certainement incogneuz à noz vieux Gaulois, lors mesmement qu' ils sentirent le desbord de tant de peuples estrangers. Et à vray dire, malaisemment que l' on puisse bien descouvrir en quel temps ils planterent leur demeure en Aquitaine, pour être leur venuë presque oubliee, ou par l' injure des ans, ou par le nonchaloir de noz ancestres. En quoy mesmement quelques autheurs varient, d' autant que les aucuns (comme Blonde) ne recognoissent les Gascons, sinon d' autant qu' ils estiment qu' ils fussent issuz des Visegots, qui pour quelque temps occuperent l' Aquitaine: voulans dire que de Visegot, se feit à la longue le mot de Visgot, puis de Vascon, que nous avons dict en nostre langue Gascon. Tous de la mesme façon que nous voyons qu' il n' est pas hors de propos, d' estimer le pays de Languedoc être ainsi appellé, quasi comme langue de Got, pour autant que premierement les Visegots, puis apres les Ostrogots y feirent assez longue demeure, ainsi que j' ay deduit autrepart. Quant à moy je ne fais aucune doubte que le pays de Languedoc n' ait esté dit par une transposition & alteration de parole quasi Langue de Got: encore que je sçache bien que l' erreur commune soit telle que l' on estime que ce pays soit ainsi nommé de ceste diction Oc, qui signifie entr' eux Ouy, pour laquelle cause quelques ignorans diviserent autrefois la France en Langue d' oc & Langue d' ouy, comme voulans dire que les uns prononcent Oc, les autres Ouy. Mais c' est chose grandement ridicule d' estimer que par ces deux dictions affirmatives l' on ait voulu diviser toute ceste France. Parquoy la verité est comme j' ay dit que Languedoc a esté ainsi appellé par une corruption de langage à cause de la langue de Goth qui s' estoit insinuee plus familierement en ceste contree que en toute autre, pour la domination qu' illecq' avoit eu le Goth. Et de fait lisez tous les anciens autheurs de la France parlans de ce pays en Latin, ils l' appellent linguam Gotticam. Toutesfois tout ainsi que pour le regard du Languedoc, je suis d' advis qu' il a emprunté son nom des Gots, aussi n' accorderay-je tout au contraire à Blonde, que le Gascon ait pris sa derivation de Visegot, d' autant que long temps auparavant que le nom de Visegot fut en usage, celuy de Gascon estoit cogneu. Car de luy faict mention Tacite au 20. de ses Annales, & Lampride en la vie de l' Empereur Alexandre. Et d' eux parle le Poëte Silic Italien, lors qu' il dit qu' ils n' estoient coustumiers marchans en bataille de porter armes en teste. Et Lampride les pleuuit avoir esté grandement expers & entendus en ces supestitieuses divinations que les Ethniques tiroient des oyseaux. Et à ce que l' on peut recueillir de l' ancienneté, le Gascon feut un peuple demeurant dans le Pirené aux confins & frontieres de l' Espaigne, non grandement eslongné de l' Aquitaine, qui fut cause que plus aisemment il gaigna pied celle part, comme nous pouvons mesmes nous rendre certains de ces vers que Paulin escrivoit à Ausone. 

--- Quid tu mihi vastos, 

Vasconia saltus, & ninguida Pyrenaei

*Objcis hospitia? in primo quasi limite fixus, 

Hispaniae regionis agam. 

De rapporter seurement au vray poinct le temps de leur premiere arrivee, combien que ce soit chose mal aisee, comme maintenant je disois, toutesfois à mon jugement ce peut être vers le regne du Roy Chilperic, ou peu apres ? d' autant qu' auparavant noz autheurs n' en faisans aucune mention, commencerent de là en avant à les mettre assez souvent sur les rangs. Mesmes qu' il semble que Gregoire de Tours nous en baille quelque advertissement au septiesme chapitre du neufiesme de ses Histoires, quand il dict, que peu apres la mort de Chilperic, du temps que Gontran son frere tenoit une bonne partie de la France, bien qu' il ne s' intitulast que Roy d' Orleans, descendirent les Gascons des montaignes au plat pays, degastans les champs labourables & vignes, bruslans maisons & villages, & ensemble menans quant & eux une infinité de pauvres captifs avec leur bestial: contre lesquels se presenta assez souvent Austrovault Duc & gouverneur d' Aquitaine, combien qu' il y feist assez mal ses besongnes. Depuis ce temps là ils s' empieterent du pays, qui est aujourd'huy de leur nom: ne recognoissans autre seigneur que de leur nation, jusqu' à ce qu' environ quarante ans apres ils furent deffaits par Dagobert, & reduits en forme de Province. En laquelle maniere ils durerent longuement sans grandes revoltes, excepté vers le temps de Charles Martel. Car tout ainsi que Martel entreprenoit toute puissance & authorité sur le Royaume, aussi à son exemple en voulurent faire autant en leur endroit plusieurs Ducs. En maniere que Martel, qui representoit soubz son Estat de Maire du Palais la personne du Roy, se trouva avoir plusieurs grandes *contre Eude Duc d' Aquitaine, aidé en ses entreprises du Duc de Gascongne. Vers lequel mesmement Gaïfer & Hunault enfans d' Eude (desheritez du temps de Charlemaigne du pays qu' ils affectoient) se retirerent, ausquels il donna pour quelque temps assez grand confort & aide: tant que finalement soubz nostre Debonnaire, Loup Duc de Gascongne fut pris, & par l' advis des Barons de France confiné en perpetuel exil. En cestuy finirent les Ducs de Gascongne: car depuis noz Rois, ayans reüny tous ces païs d' Eude, & de Loup soubz leur puissance, comprindrent de là en avant le pays de Gascongne soubz le gouvernement d' Aquitaine.