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lundi 7 août 2023

8. 49. Entendre le Numero.

Entendre le Numero. 

CHAPITRE XLIX.

L' invention des Italiens (gens naturellement destinez pour espuiser par subtils moyens l' or & l' argent de ceste France) a introduit entre nous un jeu que l' on appelle la Blancque, jeu le plus propre que l' on sçavroit dire, pour pipper doucement une populace, & lequel je veux icy representer en passant. Il y a un Marchand entrepreneur, qui se faict porteur de plusieurs belles beatilles, lequel se retire pardevers le Roy, & moyennant quelque don qu' il faict à quelque favory de Cour, il obtient permission d' ouvrir une Blancque, la permission obtenuë il faict appretier ses joyaux par le Magistrat ordinaire des lieux: Mais Dieu sçait quelle appreciation: Car à bien dire, ce jeu n' estant introduict que pour tromper gracieusement le monde, il n' y a celuy de ceux qui s' en meslent, qui ne vueille avoir part au butin. Tous ces preambules estans faicts par une forme d' avant-jeu, ce Marchand commence d' exposer en la monstre de tout le peuple tout ce qu' il entend perdre au jeu de la Blancque. Pendant lequel temps un chacun y est receu a apporter son denier. Et voicy la forme que de nostre temps j' y ay veu tenir: Celuy qui vouloit entrer en ce hazard estoit tenu de bailler un teston au Maistre de la Blancque. Et neantmoins au lieu de faire enroller son nom, il apportoit une devise qui estoit enrollee dans un registre. Ce neantmoins pour autant qu' il pouvoit advenir que plusieurs se rencontroient en mesme conformité de devise, qui eust causé un differant entr'eux, pour obvier à cecy en enregistrant la devise, l' on adjoustoit par mesme moyen la quantiesme elle estoit, c' est à sçavoir, ou la centiesme, ou ducentiesme, que plus que moins, & tout d' une main rendoit-on un billet signé de la main du Greffier contenant nostre devise, avec le mesme nombre que celuy qui estoit porté par le registre: Et ainsi le Maistre de la Blancque recevoit deniers d' uns & autres, jusques à ce que le Marchand eust remply ce à quoy estoient appreciez ses joyaux. Le jour venu pour tirer la Blancque, on asseoit un aveugle au milieu des deux vaisseaux, en l' un desquels estoient mises toutes les devises distribuees par petits billets avec le nombre auquel elles estoient cottees sur le registre, & en l' autre autant de buletins, dont les aucuns contenoient les joyaux destinez pour celuy auquel le hazard du jeu diroit, nommoient cecy Benefices, & les autres sans escriture, lesquels pour cette cause estoient appellez Blancs ou Blancques. L' aveugle ayant tiré d' une main la devise, il la bailloit à un homme qui estoit pres de luy: & de l' autre, dans lequel estoient contenus les Benefices, ou les Blancques, il tiroit pareillement un buletin qu' il bailloit à un autre homme qui le costoyoit de l' autre part. Tellement que le premier ayant fait recit hautement de la devise qui luy estoit mise entre mains avec son nombre, le second respondoit Blancque ou Benefice, selon le billet qui luy avoit esté rendu par l' aveugle, voulant par ce mot de Blancque signifier un rien, ou neant, pour celuy duquel on recitoit la devise, & le mot de Benefice emportoit quant & soy le gain de ce qui estoit contenu dans le billet, dont luy estoit puis apres faite deliurance. Tellement qu' entre plusieurs il y avoit ordinairement peu de personnes qui rencontroient aux Benefices. Comme ainsi fust que pour un Benefice, il y eust 100. & 200. Blancques. Et neantmoins pour le peu de perte que chacun sentoit en son particulier, il y avoit une infinité de personnes qui se hazardoient à ce jeu. Or avons nous dict Blancque & non Blanc, par un mot François Italiennizé, au lieu de Biancho, ou Biancha, voire pour autant que ce mot de Blancque estoit souvent repeté, nous appellasmes ce jeu Blancque. Et aussi de l' Italien introducteur de ce jeu, nous usasmes du mot de Numero, au lieu de Nombre, qui nous est naturel François, & dismes celuy entendre le Numero, qui n' avoit oublié le nombre sous lequel sa devise estoit enregistree. Et depuis accommodasmes cette maniere de parler en toute autre chose disans qu' un homme entendoit le Numero, quand il avoit certaine information, & cognoissance d' une chose, & n' estoit pas cecy sans raison: Car autres-fois dedans la ville de Rome se trouva un differend en semblable jeu par faute d' y avoir apposé le nombre, ou le Numero. Nous lisons dedans Vopisque en la vie de Probus Empereur, qu' en une expedition des Romains contre les Alains, avoit esté pris un cheval sur les ennemis qui estoit d' une telle vistesse, qu' en un jour il faisoit cinquante lieuës: continuant ce mesme train l' espace de 10. & 12. jours tout de suite. Or estoit Probus en cette deffaite Lieutenant general de l' armee. Au moyen dequoy chacun se persuadoit que par un droict de bien-seance il le gratifieroit de ce beau present: Ce qu' il ne voulut toutesfois faire, disant que tel don estoit plus seant à un homme coüard, qu' à un Gentil-homme genereux. Si voulut pour le contentement d' un chacun que tous tant de soldats qu' ils estoient, missent leurs noms par buletins dedans un Vaze, a fin que celuy auquel le sort favoriseroit, & qui seroit le premier tiré du vaisseau, eust pour son lot ce cheval, ne voulant quant à luy avoir part à ce butin. Là par fortune y avoit 4. Soldats portans mesme nom que leur Colonel, sur lesquels la fortune voulut donner, parce que le premier que l' on tira estoit appellé Probus. Dont sourdit noise & querelle entre ces quatre, un chacun d' entr'eux pretendant estre le Probus, auquel le hazard avoit bien voulu. Qui fut cause que pour assopir la querelle, il fut advisé de rebroüiller tous les noms, & de rechef encore tira-l'on tousjours un nom de Probus, jusques à la quatriesme fois, que les gendarmes se firent accroire que les dieux avoient destiné ce cheval à leur General seulement, qui portoit le nom de Probus, veu qu' en la concurrence de ces quatre, d' un mesme nom, on ne pouvoit discerner auquel il le falloit adjuger. Et à tant ils luy en firent present. En quoy l' on voit certainement que le deffaut du Numero depuis amené en usage par ceux qui ont voulu negocier entre nous tel jeu, fut cause de ce differend qui sourdit entre les quatre de mesme nom. Ce jeu m' appresta quelquesfois occasion de m' esgayer pendant mes jeunes ans, en un Sonnet sur ce jeu, par lequel il me plaist de clorre le present Chapitre.

Comme celuy qui d' une Blancque pense

Tirer tel heur qu' il s' est en soy promis,

Entre les mains de l' Aveugle a remis

Tout le succez de sa douteuse chanse: 

Ainsi au sort d' une double puissance

Dessous l' Amour aveugle j' ay sous-mis,

Et sous les ans, le meilleur qu' avoit mis

Le Ciel dans moy dés ma folle naissance, 

Jamais d' Amour je ne tiray butin,

Quoy qu' un & un & autre buletin.

De mon meilleur dans sa trousse je misse: 

Mais toy, ô Cours d' une posterité,

Si ma clameur ne te rend irrité,

Fay moy trouver dans tes ans Benefice.

vendredi 9 juin 2023

3. 14. Des Eveschez, Abbayes, & autres charges Ecclesiastiques, que nous appellons Benefices,

Des Eveschez, Abbayes, & autres charges Ecclesiastiques, que nous appellons Benefices, & de la nouvelle forme de Republique qui se planta dans nostre Eglise, depuis que ce mot de Benefice fut mis en usage. 

CHAPITRE XIV.

En l' Ordre premier de nostre Eglise, il n' y avoit distinction entre l' Evesque & le Prestre. Quelque temps apres l' Evesque tint la premiere dignité, & le Prestre la seconde. Et deslors on ne promouvoit nul à la dignité d' Evesque, que ce ne fust par eslection. Bien est vray que de fois à autres en mourant, quelques Prelats nommoient leurs successeurs au Clergé, comme dans Rome, Linus, Anaclet, & luy, Clement: dans Alexandrie Athanaise, Pierre qui avoit contribué à ses afflictions. Nominations qui estoient admises par le Clergé, non qu' il fust contraint de ce faire, ains par une curialité, pour le respect qu' il portoit à la memoire du deffunct. Mais quant aux eslections elles se faisoient de necessité. C' estoit une leçon qui nous avoit esté enseignee par les Apostres lors que pour remplacer l' Apostolat de Judas, ils esleurent sainct Matthias. Coustume trouvee si recommandable à la posterité, qu' à nostre exemple, l' Empereur Alexandre Etnique n' envoyoit aucun Visempereur par ses Provinces, que premierement il ne l' eust nommé au peuple, a fin que chacun peust proposer contre luy tout ce qu' il sçavoit de sa vie. Disant qu' il luy eust esté tres-mal seant de ne le faire, veu que les Chrestiens procedoient par eslections en leurs premieres dignitez. C' estoit la forme que l' on observoit pour les Evesques, non toutesfois pour les Prestres, que nous appellames depuis Curez. Parce que les Evesques les nommoient en leurs Dioceses. La devotion des gens de bien introduisit au milieu de ces deux Ordres, un troisiesme, qui fut de ceux qui voulurent mener vie solitaire, & se confinoient en lieux escartez avecq' leurs confreres, pour vacquer plus aisément à leurs prieres & oraisons, lesquels furent par les anciens appellez d' un mot Grec, Moines, dont Helisee fut le premier instituteur, auparavant la venuë de nostre Seigneur Jesus-Christ: & depuis, S. Jean Baptiste. Ordre qui prist depuis de grands avancemens dedans les deserts d' Egypte, sous la conduitte de Saincts Anthoine, Julian, Paule, Macaire, & Hilarion. Et à leur suitte nous eusmes au Levant Saincts Gregoire Nazianzene, & Basile qui firent provigner & espandre ceste devotion par les villes, & en l' Occident sainct Benoist, instituteur de l' Ordre des Benedictins, desquels, comme d' une grande fontaine, la plus grande partie de ceux qui furent depuis introduits sous autres noms, emprunterent leurs premiers fondements, jaçoit que l' on adjousta à leur ancienne institution quelques articles de nouvelle regle. En tous ces Monasteres, il y eut tousjours un Chef, que nous appellames, Abbé, lequel estoit esleu par les Religieux. 

Et combien qu' ils se fussent du tout vouez au service de Dieu, si est-ce que de leur primitive & originaire institution, ils n' estoient mis au nombre des Ecclesiastics, qui fut cause que l' on ne les eust en telle estime entre nous, que le Clergé: Car combien que les eslections fussent tousjours entretenuës pour les Evesques, & que par nos Concils Gallicans il eust esté ordonné que les Abbez seroient esleuz par les Moines, toutesfois les choses arriverent en tel abus, que nos Roys s' en faisoient croire comme ils vouloient. Mesmes on commença d' obtenir d' eux, par forme de privilege les eslections des Abbez. En l' Abbaye de Tournuz païs de Maconnois, ils ont un vieux tiltre, par lequel Charles le Chauve leur octroya ce privilege. Caeterum eidem congregationi (porte le texte) licentiam concedimus, de se semper eligendi Abbatem, secundum regulam sancti Benedicti. Desbauche qui estoit dés le temps mesme de la premiere lignee de nos Roys: ainsi que nous apprenons de Flodoart, quand il dit qu' un Archevesque de Rheims, ayant fondé une Abbaye en l' honneur de S. Pierre & tous les Apostres, il obtint ce privilege du Roy Clovis second: Ut ipsi Monachi potestatem haberent, prælatum sibi regulariter eligendi, quemadmodum in descriptione ipsius privilegii continetur. Or comme un abus en produit aisément un autre, aussi advint-il que d' une mesme licence, on donna les Abbayes aux Gentil-hommes & Capitaines, Voire nos Roys, ne faisoient conscience de les donner à des femmes: car comme j' ay dit ailleurs, le premier mescontentement de Hugues le Grand, fut que Charles le Simple avoit osté à Rotilde sa belle mere une Abbaye qu' elle avoit, pour en revestir Haganon. Et lors que nos Roys exerçoient ces liberalitez induës, on disoit qu' ils avoient baillé telles Abbayes, iure Beneficii, c' estoit à l' instar des Fiefs, que l' on appelloit lors Benefices. Rheginon parle d' une Abbaye que Charles le Chauve avoit donnee à un particulier in Beneficium: Et Flodoart dit que Foulques Archevesque de Rheims, ayant conferé l' Evesché de Chaalons à un Herilande, au prejudice de Bertaire, qui avoit esté canoniquement esleu, Formose Pape l' en reprit: Succensens quod hunc vocatum canonicè, noluisset conservare, sed in transitu defuncti Episcopi, Herilando, Beneficiali more ferebatur Episcopatum contulisse. Depuis les choses se passerent de ceste façon, que le mot de Benefice se vint loger dedans nostre Eglise, laissant son ancien domicile des Fiefs. Tellement que l' on pouvoit dire y avoir double espece de Benefices viagers entre nous, les uns Seculiers pour les gens de Guerre, les autres pour les gens d' Eglise. Et tout d' une suitte introduisimes une nouvelle forme de Republique en nostre Eglise, sous l' authorité du S. Siege: qui fut d' admettre les resignations des Benefices à uns & autres. Parquoy la police Ecclesiastique devint telle. Les Archeveschez & Eveschez furent electifs, comme auparavant quand vacation en advenoit par mort, & que les Prelats ne les avoient resignez. Le semblable fut-il des Abbayes, non en consideration de leur premiere institution, mais par le moyen des nouveaux Ordres entez sur celuy de S. Benoist, qui se mirent sous la protection du sainct Siege, a fin de n' être plus exposez aux flots des Princes Seculiers qui en mes-usoient. Et failloit que les eslections fussent confirmees, ou bien les resignations admises en Cour de Rome. Car *quant aux autres Benefices: s' ils vacquoient par mort on se pourvoioit, ou en Cour de Rome, par prevention, ou par devant les Diocesains & Ordinaires: & si par resignations, les unes estoient pures & simples que l' on addressa aux Ordinaires, les autres en faveur de quelques uns, permutations de Benefices, retention de pensions sur iceux pour lesquels nous feusmes contrains d' aller reblandir le sainct Siege, par ce que toute paction en matiere Beneficiale est reputee Simoniaque, & n' y avoit que les Papes qui nous en peussent dispenser. Tout d' une suitte nous y allames rechercher les dispenses de l' aage de pluralité de Benefices, de Regulier en Commande, & de Commande en Regulier, bref toutes choses que l' on peut souhaitter de grandeur pour cest effect, auparavant incogneuës, & non jamais mises en usage dedans la France. Et tout ainsi que ces propositions regardoient plus le bien que les mœurs, aussi vous puis-je dire, & est vray qu' en la plus part des Concils qui furent depuis faicts, vous y trouverez autant d' articles & plus, concernans l' edification des procés, que l' edification de nos ames, sur lesquels on a depuis basty une bonne partie des Decretales, du Sexte, des Clementines & des Extravagantes. De maniere, que là où auparavant nous recherschions la ville de Rome, pour y puiser, comme d' une vive source, le repos de nos consciences, nous commençames de la recognoistre, comme un grand Occean de procez. Chose qui produisit à la longue, une pepiniere de Docteurs que nous appellasmes Canonistes, lesquels furent si excellens en ce subjet, que nous leur faisions cest honneur de dire, que les Jurisconsultes Romains les passent en decisions, mais qu' encontr' eschange ils passent les Jurisconsultes en pratique, & instruction de procez. Honneur qui à mon jugement, leur doit retourner à pudeur. Le malheur veut qu' il n' y ait poinct tant de chicaneries en tout le reste de noz affaires, & dont on se puisse moins desveloper qu' en matieres Feodales & Beneficiales, qui deussent toutesfois de leur premiere origine être franches de tous procez. Cecy soit par moy touché en passant. Voila doncques comme depuis la venue de Hugues Capet l' on commença de menager les affaires de nostre Eglise, tout d' autre pied qu' auparavant. Menage toutefois sagement institué selon l' occurrence qui se presentoit, mesmes pour les Resignations d' un benefice. Car puis que par un taisible consentement de tous, on les avoit approuvees, & qu' elles ne se faisoient qu' en intention que les Evesques pourveussent ceux qui leurs estoient nommez de bouche par les Resignans, ou par escrit. A quoy ils n' estoient contrains d' acquiescer, sous le pretexte de Simonie, ains en gratifioient leurs serviteurs ou amis: pour ne frustrer celuy qui resignoit en faveur d' un autre, on trouva l' expedient d' aller à Rome, où le Pape pour la plenitude de sa grace, ne fermoit les bras à aucun. Ce que je deduiray au prochain chapitre appresta plus grand subject de mescontentement à nostre Clergé.