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samedi 12 août 2023

9. 33. Que le Droict Civil des Romains, compilé par l' Ordonnance de l' Empereur Justinian, fut longuement perdu, & quelques centaines d' ans apres retrouvé.

Que le Droict Civil des Romains, compilé par l' Ordonnance de l' Empereur Justinian, fut longuement perdu, & quelques centaines d' ans apres retrouvé.

CHAPITRE XXXIII.

Puisque nous avons naturalizé en nostre France le Droict Civil des Romains, qui du commencement nous estoit Aubain, & basty sur les ruines plusieurs polices non cognuës, ny sous la premiere famille de nos Roys, ny sous la seconde, ny bien avant sous la troisiesme, je ne pense faire œuvre esloignee de mon projet, si je discours de quelle façon, ayant esté perdu, il fut retrouvé, & comme depuis par succession de temps il se vint loger en ce Royaume, dont nos Universitez de Loix prindrent leur origine. Histoire si je ne m' abuse, non aucunement traictée par aucun en son tout. En la deduction de laquelle si je passe les Monts, pour puis me trouver dedans nostre France, je ne me fourvoyeray non plus, que quand du commencement de cet œuvre, j' ay passé le Rhin pour recognoistre l' ancienneté de nos premiers Roys. D' une chose sans plus prié-je le Lecteur, vouloir recevoir de moy cette mienne estude d' un aussi favorable accueil, comme je luy en fais present.

L' Empereur Justinian ayant faict reduire les Ordonnances de ses devanciers en douze livres soubs le tiltre du Code, & les Advis des Jurisconsultes, soubs les noms de Pandectes, & Digestes en cinquante, & à tout cecy annexé ses nouvelles Constitutions, & les quatre livres des Institutes, abregé de tout le Droict en forme d' Art, prohiba tres-estroitement que nul ne fust si ozé d' y faire aucuns Commentaires de longue haleine, ains seulement des Paratitles, c' est à dire de briefs argumens sur les tiltres. Prevoyant la confusion qui pourroit advenir, & ne voulant qu' on tombast au mesme desarroy qui s' estoit auparavant trouvé par le nombre innombrable des livres faicts par les Jurisconsultes. On ne peut dérober à ce nouveau mesnage de Droict, qu' il n' y ait une infinité de belles Decisions, & singulierement que les Pandectes ne soient escrites en beau Latin, encore que de fois à autres on y trouve des paroles & manieres de parler esloignées du temps de Ciceron & Cesar. 

Et ne fais aucune doute que Tribonian principal entrepreneur de cette tasche, n' en envoyast des coppies & exemplaires par les Provinces sujettes à l' Empire, tant pour contenter l' opinion de l' Empereur son Maistre, que la sienne propre. Toutesfois la question n' est pas petite de sçavoir s' il fut tout aussi tost observé; d' autant que quelques esprits hardis se mettans à l' essor soustiennent, que l' execution de cet ouvrage fut seulement un souhait (tout ainsi comme il nous en prend en ces longues Ordonnances Royaux, qui sont faites & assemblees, & sur les Remonstrances des trois Estats) & que jamais il n' eut cours, ny du vivant de Justinian ny depuis.

Long temps auparavant sa venuë (disent-ils) & apres, l' Empire fut non seulement troublé, ains amorcelé par les Huns, Alains, Vandales, Visigots, Ostrogots, Bourguignons, François, Pictes, Escossois, Anglosaxons, Lombards; le son de leurs tabours, clairons, & trompettes, fit que ce Droict ne peut estre oüy. L' Allemagne non jamais sujette au Romain, l' Italie, la Gaule, l' Espagne, & la grand Bretagne, voüees à autres Saincts; la ville de Rome estoit, si non escaue, pour le moins espaue de celuy qui premier s' en emparoit, tantost d' un Odoacre Roy des Heruliens, tantost d' un Theodoric Roy des Ostrogots. Et quant à Constantinople, sejour ordinaire du Prince, encore que Justinian fut tres-heureux hors sa ville contre les estrangers, par la conduite de son grand Belissaire, toutesfois il se trouvoit au dedans malheureux de la part de ses citoyens. Une infinité de bourasques, revoltes & seditions, dont sourdirent meurtres à tas, ruines des maisons & Eglises, mesme de celle de Se. Sophie, miracle de tout l' Univers, qui fut arse. Un Tribonian parrain de cette nouvelle oeconomie de Droict, ores banny de la Cour de son Prince, pour contenter la populace, ores restably. Sa fortune estoit lors bastie sur une boule. Et vrayement tant de particularitez concurrantes ensemble, me contraignent de croire que ce Droict nouveau mis en ordre, fut un avorton d' Estat aussi tost esteint comme né. Dont la memoire fut ensevelie l' espace de cinq ou six cens ans, & non renouvelée; sinon lors que la plus part des Provinces Occidentales, & Septentrionales, s' estoient eschangees en nouveaux visages. Car pour le regard des Provinces Orientales, je ne m' en donne pas grand peine, pour y estre aujourd'huy ce Droict totalement incogneu: Mais je parle de celles, ausquelles il est infiniement honoré & respecté, ores que lors de sa naissance, vilipendé le possible: Et neantmoins s' il vous plaist de repasser sur celles du Levant, combien que je n' aye aucun advis de l' ancienneté, si ce Droict y fut en usage; toutes-fois à discourir de ce faict par conjectures non impertinentes, s' il y fut autres-fois observé, cela dura jusques au temps de l' Empereur Basile, par le commandement duquel tout ce qui estoit en usage, tant de la part de Justinian, que des Empereurs subsequents, commença d' estre recueilly. Oeuvre depuis parachevé par l' Empereur Leon son fils: Auquel il donna le tiltre de Basilicon. A ce faire induit, ou pour favoriser la memoire de l' Empereur son pere, qui en avoit esté le premier promoteur, ou bien parce que le mot signifie en langue Grecque ce que nous disons en nostre vulgaire, Ordonnances Royaux, sur lesquelles il vouloit que son Estat fust reiglé. Tellement que je puis dire, comme chose vraye, qu' ores que ce Droict y eust regné quelque temps, si est-ce que ce regne fut de petite duree, & non de longue estenduë.

C' est ainsi que quelques uns se joüent de leurs esprits, non paravanture sans cause: Et toutes-fois il faut croire qu' ores qu' il ne fust observé par forme de Loy és provinces par moy cy-dessus touchees; si est-ce qu' il estoit pour sa valeur logé en quelques Bibliotheques signalees, dont les doctes plumes sçavoient bien faire leur profit. Ainsi le voyez vous dedans Yves Evesque de Chartres en ses Epistres, sur les questions qui luy estoient proposees, pour la resolution desquelles, il s' aidoit premierement de l' authorité des vieux Peres de nostre Eglise, & incidemment par forme d' appenty, des Pandectes, Code, Constitutions nouvelles & des Institutes. Ainsi en ses lieux communs qu' il intitula Decret; & specialement en sa seiziesme partie qui en est pleine: ainsi dedans Gratian: Quoy plus? les Papes mesmes en ont ainsi par fois usé, non qu' ils pensassent leur authorité despendre des Loix par eux alleguées. mais pour donner plus de fueille à leurs Constitutions Decretales. Et vous diray que sous nostre bon Roy S. Louys nous eusmes un Pierre de Fontaine, qui composa en nostre vulgaire la Practique Judiciaire, qui lors estoit en vogue, pour monstrer en quoy nous symbolizions avec les Loix de Justinian, & en quoy nous estions discordans. Livre par luy dedié à la Roine Blanche mere de S. Louys.

Ny pour tout cela nous n' avions Universitez de Loix authorisées par le Magistrat. Advint l' an 1100. (cela s' appelle 500. ans & plus apres le decez de Justinian) que les Pisans ayans pris d' emblee, & pillé la ville de Melfe, au Royaume de Naples, ils y trouverent casuellement en un Tome, les 50. livres des Pandectes, qu' ils firent transporter à Pise, & garder tres-soigneusement, comme un bien grand & riche butin.

L' opinion de quelques uns est, que ces cinquante livres avoient esté auparavant pour la commodité du Lecteur, divisez en trois Tomes (si vray ou non, je m' en rapporte à ce qui en est) & qu' au premier on avoit mis vingt-quatre livres, au second quatorze, au troisiesme douze. Et sur cela font des comptes à perte de veuë, ou bien pour demeurer dedans les termes du vieux proverbe François, font des comptes de la peau d' asne; ausquels il n' y a rien que de l' asnerie. Disans que le premier ayant esté retrouvé, & quelque temps apres le second, celuy-là fut appellé le Digeste vieux, & cestuy-cy Infortiat, comme un renfort du premier. Et finalement le troisiesme avoir esté intitulé Digeste nove, comme celuy qui avoit esté retrouvé de plus fraische memoire que les deux autres grotesques, qui ne meritoient de vous estre representees: mais pour telles qu' elles m' ont esté debitees je vous en fais part. L' ignorance a produit cette distinction de livres, & ces trois mots goffes, & la mesme ignorance fait que nous ne sçavons quand elle fut introduite. Bien vous puis-je dire qu' elle est d' une bien longue ancienneté: car en nostre Chambre des Comptes de Paris nous trouvons au Memorial cotté C, que le 17. Janvier 1358. (c' estoit sous le regne de nostre Roy Jean) quoddam Digestum novum quod erat in armario Camerae Computorum Regis, & fuerat ibi diu custoditum, fuit traditum Magistro Iacobo de Passiaco, Magistro Camerae Computorum sub precio octo denariorum auri ad scutum, appreciatum per Fiderandum Librarium iuratum Parisiensem, morantem in Vico novo (c' estoit la ruë neufve nostre Dame, où lors une bonne partie des Libraires faisoit son habitation) praesentibus Magistris de Sancto Iusto, & Ioanne de Hiscomino. Passage lourd & grossier, duquel toutesfois je recueille, que ce Digeste avoit esté dés pieça mis és anciennes armoires de la Chambre, comme piece de merite, & que deslors il estoit appellé Digeste nove. Particularité que je ne vous ay pas touchee sans cause. D' autant que les 50. livres des Pandectes ayans esté trouvez dedans Melfe en un seul Volume, on commença de le respecter, comme une venerable & correcte ancienneté; c' est ce que depuis nous avons appellé Pandectes. Parce que les Florentins s' estans faicts Maistres de la ville de Pise, voulurent aussi que ce beau joyau fist son sejour en leur ville.

jeudi 10 août 2023

9. 28. Sçavoir si la science des Loix reduicte en Digestes soubs l' authorité de Justinian, a esté autres-fois enseignee en l' Université de Paris.

Sçavoir si la science des Loix reduicte en Digestes soubs l' authorité de Justinian, a esté autres-fois enseignee en l' Université de Paris.

CHAPITRE XXVIII.

Je vous ay cy dessus discouru que l' Université de Paris estoit bastie sur quatre grands pilliers, que nous appellons Facultez de Theologie, Decret, Medecine, & des Arts. Il y en a une quatriesme que nous appellons des Loix, qui vogue par toutes les autres Universitez de nostre France, lesquelles prennent à grand honneur d' estre intitulees Universitez de Loix, encore que dedans cette profession il y en ait d' autres meslees.

Et n' est pas une petite question, de sçavoir si lors que nostre Université fut bastie, sous la Faculté de Decret estoit comprise celle des Loix, je veux dire, que celuy auquel estoit permis d' enseigner le Decret, pouvoit par mesme moyen lire en la chaire le Droict des Romains, que nous appellons Droict Civil. Si vous parlez à un Rigord qui vivoit sous le Roy Philippes Auguste, & apres son decez voüa l' Histoire qu' il fit de luy au Roy Louys huictiesme son fils, il vous dira que les Droicts Canon & Civil s' enseignoient en la ville de Paris. Et parce que le passage est de merite, non seulement pour ce qui s' offre maintenant: mais aussi pour le mot d' Université dont il use, je le vous insereray icy tout au long. 

In diebus illis studium litterarum florebat Parisiis, nec legimus tantam aliquando fuisse Scholarium frequentiam Athenis, vel Aegypti, vel in qualibet parte mundi, quanta locum praedictum studendi gratia incolebat: quod non solum fiebat propter loci illius admirabilem amoenitatem, & bonorum omnium superabundantem affluentiam, sed etiam propter libertatem, & specialem praerogativam defensionis, quam Philippus Rex, & pater eius ante ipsum ipsis Scholaribus impendebant. Cum igitur in eadem nobilißima civitate, non modo de trivio & quadrivio, verum & de quaestionibus Iuris Canonici, & Civilis, & de ea Facultate, quae de sanandis corporibus, & sanitatibus conservandis, scripta est, plena & perfecta inveniretur scriptura, ferventiori tamen desiderio, sacram paginam, & Theologicas docebant. En ce passage vous voyez que Rigord faict mention expresse de trois Facultez, qui estoient enseignees dans Paris, Theologie, Decret, & Medecine, lesquels presupposent les supposts avoir prealablement passé par celle des Arts. Et nommément que dedans Paris on y enseignoit le Droit Canon, & Civil. Et par le mesme Livre vous trouverez que du temps de Philippes Auguste, le mot d' Université couroit par la France en la ville de Paris: quand il parle qu' Amaulry Heretique fut condamné par Decret du Pape, ainsi que j' ay cotté ailleurs, & pour cette cause je ne reprendray le passage. Et finalement outre ce qu' il dedie à Louys huictiesme l' histoire qu' il faisoit de Philippes premier son pere, parlant encore de la bataille qui fut faite à Bouines entre Philippes Auguste d' une part, & l' Empereur Othon, Jean Roy d' Angleterre, Henry Comte de Flandres, & Richard Comte de Boulongne d' autre. Car comme ainsi fust que le Roy voulust choquer les ennemis: Rigord poursuit ainsi son Histoire. His dictis petierunt milites à Rege benedictionem, & statim insonuerunt tubae, & fecerunt insultus viriles in hostes, & audacißime, & strenuißime conflixerunt. In ipsa hora stabant retro Regem non procul ab ipso, Capellanus qui scripsit haec, & quidam Clericus, qui audito tubarum clangore, cecinerunt Psalmos. Benedictus Deus meus, qui docet usque in finem. Et post. Exurgat Deus. Passage qui monstre que Rigord escrivoit lors l' histoire qui estoit advenuë de son temps. Adjoustez que de ce mesme Autheur nous apprenons que le nom d' Université estoit en essence à Paris. Particularitez qui me font croire que le Droict Civil des Romains estoit enseigné en ce mesme lieu, tout ainsi que le Droict Canon, puis qu' ainsi je l' apprens de ce mesme Autheur. Ce qui n' est point certes hors de propos: car adonc le Concil general qui depuis fut fait en la ville de Tours sous le Pape Alexandre III. n' estoit intervenu. Et quand nous voyons Honoré troisiesme au Chapitre: Super specula. De privileg. Extr. faire deffense à l' Université de Paris de lire en Droict Civil, cela me faict croire qu' auparavant on y lisoit, qui occasionna le Pape de faire les mesmes deffences, voyant que l' Université de Paris croissoit assez, par le moyen des quatre autres Facultez: Et ce qui m' induit mesme de penser que nonobstant ces pretendues deffenses, on y faisoit leçon de ce Droict; c' est que je trouve un Epitaphe sur une Tombe qui est dedans le Chapitre des Augustins de Paris: Hic jacet Nobilis vir Philippus de Vologniaco, Legum Professor, qui obijt anno 1317. die Dominica, post Assumptionem Beatae Mariae Virginis, cuius anima requiescat in pace. Amen. 

Cet Epitaphe vous represente ce deffunt, comme ayant faict profession d' enseigner le Droict Civil des Romains, sans declarer en quel lieu. Tellement qu' il sembleroit de premier œil que c' eust esté en la ville de Paris où il est enterré. Toutesfois ce seroit errer: d' autant que lors l' estude des Loix en la ville d' Orleans avoit esté authorizee par Edict du Roy Philippes le Bel de l' annee mil trois cens douze: Et de faict que depuis la lecture des Loix n' eust esté faicte à Paris, nous en avons un fidele tesmoignage. Parce que lors que la ville de Caen voulut faire emologuer ses lettres d' erection de l' Université des Loix à elle octroyees par Henry sixiesme, soy disant Roy de France & d' Angleterre, l' Université s' y opposant offroit de faire enseigner le Droict Civil. Sur quoy par Arrest du Parlement de Paris, qui lors suivoit le party Anglesche, fut ordonné qu' elle bailleroit ses causes d' opposition par escrit, & que cependant sans prejudice d' icelles, les lettres seroient verifiees.

Cet Arrest prononcé le douziesme jour de Novembre mil quatre cens trente & trois. Reglement dont je tire deux choses: L' une de la part de la Cour de Parlement, que par son Arrest elle entendoit dire par son appointé au Conseil, n' en parlez plus nonobstant vos offres: Comme aussi est-ce la verité que cette opposition se tourna en fumee: L' autre de la part de l' Université, qu' elle ne lisoit point lors en Droict Civil: car en vain eust elle offert d' y lire de là en avant, si elle y eust lors leu. Cela estoit fait depuis les deffenses d' Honoré troisiesme: mais devant, je me fais fort aisément accroire que sous le mot de Decret, les supposts de l' Université, y comprindrent le Droict Civil, suivant les termes de Rigord: Or pour oster toutes ces obscuritez, nostre Roy Henry troisiesme par le soixante-neufiesme Article de son Edict, faict en la ville de Blois par l' advis de ses trois Estats, deffend nommément à tous ceux de l' Université de Paris, de lire ou graduer en Droict Civil; Loy qui donna effect aux choses futures, sans prejudicier aux passees.