vendredi 30 juin 2023

4. 33. Du droict de Chambellage porté par quelques Coustumes, & dont il procede.

Du droict de Chambellage porté par quelques Coustumes, & dont il procede.

CHAPITRE XXXIII.

Le Chambellage est un droict qui se paye par le vassal au Seigneur feodal, advenant changement de main, ainsi que nous voyons en celles de Meaux, Senlis & Mante, & nommément par celle de Mante, c' est un escu qui est deu au Seigneur, par celle de Senlis vingt sols Parisis, le tout selon les cas plus particulierement specifiez par icelles, mais dont en est peu proceder, & le mot & l' usage? Je vous ay dit au deuxiesme de ces miennes Recherches, qu' il y avoit cinq Estats prés de nos Roys anciennement fort authorisez depuis la venuë de Hugues Capet. Les Chancelier, grand Chambellan, grand Maistre, grand Bouteiller & Connestable. Authorité qui se continua jusques bien avant sous le regne de S. Louys. Or eurent-ils divers droicts qui leur furent diversement attribuez, & entr'autres le grand Bouteiller á chaque mutation d' Archevesque, Evesque, Abbé ou Abbesse, avoit droict de prendre cent sols. Quoy que soit, je trouve au plus ancien Registre de la Chambre des Comptes, intitulé le Livre Croix, que ce droict fut payé à Jean Dacre grand Bouteiller, par les Archevesques de Rheims, Sens, Bourges, Tours, Lyon, & Roüen: Par les Evesques de Langres, Laon, Beauvais, Chaalons, Noyon, Paris, Soissons, Tournay, Senlis, Teroüenne, Meaux, Chartres, Orleans, Auxerre, Troyes, Neuers, Mascon, Chaalon sur Saulne, Autun, Arras, Clairmont, Limoges, Amiens: Abbez de S. Denis, S. Germain des prez, S. Geneviefve, S. Magloire, S. Cornille à Compiegne, S. Medard de Soissons, l' Abbé de Corbie, de Montreil sur la mer, S. Sulpice de Bourges, de Tournay, S. Messan, Ferriere, S. Colombe de Sens, de Valery, de Montigny les Estampes: Abbesses de Cheles, de nostre Dame de Poissy, Montmartre, Faresmoutier. Or tout ainsi que le grand Bouteiller, aussi eut le grand Chambellan un certain droict sur les vassaux qui relevoient nuëment du Roy leurs Fiefs en foy & hommage. Car comme ainsi soit que le vassal se presentant à la Chambre du Roy, pour estre receu en foy, fust introduict par le grand Chambellan, ou autres Chambellans: aussi pour recognoistre cette courtoisie, les vassaux luy faisoient present de certaine somme de deniers. Et comme il advient ordinairement que toutes choses qui sont du commencement introduites de curialité, & comme disent les Ecclesiastics d' une loüable coustume, se tournent par progrez du temps en obligation: Aussi fut-il par arrest de l' an 1272. ordonné que les Chambellans avroient droict de prendre de tous vassaux qui relevoient du Roy vingt sols pour un fief de 50. liures de rente, & au dessous: 50. sols pour un fief qui vaudroit cent liures de revenu, & cent sols, le tout Parisis, pour celuy qui valoit cinq cens liures, & au dessous. Ancienneté que je recueille du registre de S. Just, Maistre des Comptes. De laquelle encores avons nous une remarque en la Chambre des Comptes de Paris, parce que nos Roys s' estans voulu garantir de cette importunité de recevoir entre leurs mains le serment de fidelité de leurs vassaux: & ayans remis cette charge à la Chambre des Comptes lors qu' elle fut establie à Paris, toutes & quantesfois qu' un vassal y est introduit par le premier Huissier, ou son Commis, pour y faire l' hommage, il luy doit certum quid en deniers, que l' on appelle le Chambellage, & ce, à mon jugement, pour autant que ce droict estant deu au Chambellan, parce qu' il introduisoit le vassal au Roy: Aussi les premiers Huissiers faisans le semblable envers la Chambre, ils se feirent accroire que ils devoient joüyr de mesme droict.

Cela soit par moy dit, a fin de ne rien oublier de ce que je pense appartenir au present sujet. Mais pour finir ce Chapitre par où je l' ay commencé, l' une des plus solemnelles foys & hommages, qui fut jamais faicte en France, est celle de François Duc de Bretagne, à nostre Charles VII. en la ville de Chinon, le 14. de Mars 1445. où le Seigneur de Varennes Grand Chambellan fit approcher le Duc, luy disant telles paroles. Monsieur de Bretagne vous faites la foy & hommage lige au Roy vostre souverain Seigneur cy-present, à cause de sa Couronne, de vostre Duché de Bretagne, ses appartenances & dependances, & luy promettez foy & loyauté, & le servir envers & contre tous, sans aucun excepter. 

A quoy le Duc respondit, adressant sa parole au Roy. Monsieur, je vous fais la foy & hommage telle & semblable, que mes predecesseurs Ducs de Bretagne ont accoustumé de faire à vos predecesseurs. Auquel hommage il fut receu en cette façon, & luy en furent decernees lettres. Je vous represente par exprez cet exemple, pour vous monstrer qu' en ces hommages signalez, le grand Chambellan estoit celuy qui avoit la charge d' introduire les vassaux au Roy.


Fin du quatriesme Livre des Recherches.

4. 32. De l' An & jour que l' on desire és matieres de retraicts lignagers & de Complainte.

De l' An & jour que l' on desire és matieres de retraicts lignagers & de Complainte.

CHAPITRE XXXII.

Je me suis mille mois estonné dont venoit que pour intenter une action de Retraict lignager, ou de Complainte en cas de saisine & nouvelleté, on requist que l' on y vint dedans l' An, & Jour de la vente, ou du trouble, & pourquoy nos ancestres ne se contentans de l' annee y voulurent adjouster le Jour. Et de fait nostre vieux Jean Bouteiller en son Somme Rural se plaignoit, de ce que dedans l' ancienneté il ne trouvoit en matiere de Retraict que l' an, & neantmoins que de son temps on disoit par ineptitude An & Jour. Toutesfois pour bien dire, cette mesme ceremonie n' a point esté seulement requise en ces deux matieres par les Practiciens, mais aussi en plusieurs autres, & d' une bien longue ancienneté. Au 4. Livre des Loix de Charlemagne, celuy qui avoit confisqué son bien par defaux & contumaces, s' il ne se presentoit en Justice dedans l' An & Jour, que le Jugement estoit venu à sa cognoissance, n' estoit puis apres receuable, pour purger la contumace à l' effect de la confiscation: Cuiuscunque hominis proprietas ob crimen quod idem habet commissum in bannum fuerit missa, & ille re cognita, ne iustitiam faciat venire distulerit, Annumque & diem in eo banno illam esse permiserit, ulterius eam non acquirat, sed ipsa fisco nostro societur, & aux Loix de Pepin Roy d' Italie, qui estoit aussi des nostres: De rebus forfactis, quae per diversos comitatus sunt, volumus ut ad palatium pertineant, transacto Anno & Die. Dedans le vieux Coustumier de Normandie, cela mesme estoit fort frequent. Au 17. Chapitre parlant de Varech, il veut que la Nef qui est prise sur mer soit mise en seure main par le Juge, & que la marchandise soit gardee An & Jour auparavant qu' elle soit acquise à un tiers. Au Chapitre 19. Choses gaives qui ne sont appropriees à aucun usage d' homme, & qui sont trouvees, si elles ne sont reclamees dedans l' An & Jour, appartiennent à celuy qui les a trouvees. Et au 20. Homme ne peut estre accusé d' usure qui An & Jour a cessé d' exercer l' usure. Il faut que cette Coustume soit venuë, ou d' une trop exacte diligence de droict, ou d' une absurde ignorance. Quant à moy j' inclineray plustost à la derniere opinion qu' à la premiere. Parlez au docte Tiraqueau en son traité des Retraicts, il vous dira que cela nommément fut ainsi fait, ad submovendam controversiosissimam controversiam, utrum dies termini computetur in termino: usant de propos deliberé de cet insolent adjectif, pour monstrer avec quelle sagesse nos ancestres avoient mis l' An & Jour ensemble: & cela mesme semble estre tiré d' une ancienne reigle de droict des Romains, qui vouloit que celuy qui estoit condamné à payer dedans deux mois, sous certaine peine, payant dedans le 61. jour, il s' estoit acquité de sa promesse: Opinion certes qui n' est pas de peu de recommandation, & y adjousterois volontiers foy, si cette reigle d' An & Jour n' estoit observee qu' aux actions de Retraicts, & instances possessoires: Mais quand je voy que dés le temps de Charlemagne elle eut lieu en autres matieres, & encores sous les premiers Normans, qui n' eurent jamais le loisir d' approfondir toutes ces subtilitez du droict des Romains, lesquelles se sont depuis insinuees entre nous par succession de temps, je me fais accroire que ce fut l' ignorance qui introduisit cette Coustume, & que ces bons Peres voyans qu' en tous actes qui estoient redigez par escrit, on avoit accoustumé d' y apposer l' An & Jour, aussi en tous ces actes qui devoient passer par Justice; esquels on desiroit un an de temps & delay, il y falloit tout d' une suite apposer le jour. Peut estre que me fermant à cette opinion je seray estimé plus ignorant qu' eux. Tant y a que je ne me puis persuader que tous ces bons vieux Peres fussent si fins, comme les represente le bon homme Tiraqueau.