vendredi 7 juillet 2023

6. 12. Histoire tragique de Charles, aisné de la maison de Bourbon, Connestable de France.

Histoire tragique de Charles, aisné de la maison de Bourbon, Connestable de France.

CHAPITRE XII.

Pendant toutes ces procedures qui durerent au Parlement l' espace de unze mois & plus, à divers jours & audiences, Charles cinquiesme nouvel Empereur, (qui dés sa premiere jeunesse nourrissoit dedans son ame un cœur de Renard) estoit aux escoutes pour voir quel evenement avroit cette cause. Il voyoit un jeune Roy de France magnanime n' avoir autre dessein que le recouvrement du Duché de Milan, suivant la leçon qu' il avoit aprise du Roy Louys son beau-pere, & que si en l' execution de ce Conseil, la fortune luy venoit à point, il avoit à craindre qu' il voulust passer plus outre, & donner sur les Royaumes de Naples & Sicile, anciennes pretentions du Comté de Provence, dont il estoit possesseur. Partant pour obvier à ces entreprises, il estima qu' il les falloit prevenir, & ne laisser perdre l' occasion qu' il avoit en main. C' estoit en troublant le Royaume de France dedans ses entrailles, ou du tout oster l' envie au Roy d' enjamber dessus l' Italie, ou s' il estoit si mal advisé de sortir de ses pays, qu' il seroit tres-aisé de troubler son Estat pendant son absence. C' est pourquoy il s' allia avecques Henry VIII. Roy d' Angleterre, & estima qu' il falloit associer en tierpied avecques eux, le Connestable, pour la grande creance que la Noblesse de France avoit en luy. Il envoye à cet effect le seigneur de Beaurein son premier Chambellan, qui entre travesty en France, avecques lettres de sa part, & amples instructions de ce qu' il avoit à negotier, dont le suject principal estoit que l' Empereur le voyant indignement traicté par le Roy desiroit l' attraire à soy, & luy donner en mariage, Madame Leonor sa sœur, Royne Doüairiere de Portugal, avecques tous les advantages qu' on pouvoit souhaiter d' un beau-frere d' Empereur. Sur cette offre, joint la passion dont le Connestable estoit enyuré, il ne falloit pas grand prescheur pour persuader celuy, qui ne l' estoit que trop de soy mesme. Les articles sont signez & à luy baillez par Beaurein, lequel luy discourt les moyens qu' ils devoient tenir, pour effectuer leurs desseins, qui estoient que l' Empereur envahiroit la France par le Languedoc, le Roy d' Angleterre par la Picardie, & pour le regard du Connestable, qu' il remuëroit dedans le Royaume tous ceux qui estoient à sa devotion, & qu' à cette fin luy seroient envoyez deniers par les deux Princes. Au demeurant que le mariage s' accompliroit en la ville de Perpignan. Ainsi s' en va le Sieur de Beaurein bien content, accompagné de Sainct-Bonnet l' un des Gentils-hommes de la maison du Connestable, portant lettres de tres-humbles remercimens à l' Empereur, & acceptation des belles offres qui luy avoient esté faictes.

La capitulation ainsi arrestee, le Connestable depesche gens de toutes parts, pour attirer à sa cordelle uns & autres Gentils-hommes, & nommément envoya Leurcy, l' un de ses principaux Secretaires, en Normandie avecques lettres de creance. Lequel visita plusieurs maisons, & entre autres vit les sieurs de Matignon, & Dargouges, les priant de la part de son maistre, de se vouloir trouver à certain jour dedans la ville de Vendosme, en une hostellerie qu' il leur nomma, auquel lieu ils recevroient l' advis de ce qu' ils avroient à faire.

Les deux Gentils-hommes estimans que ce fust pour suivre le Duc au voyage de Milan, se meirent en bon equipage, & vindrent ensemble de compagnie en la ville de Vendosme, au jour & maison qui leur avoient esté prefix, où ils trouverent Leurcy, qui les adjura sur les sainctes Evangiles de ne reveler ce qu' il avoit à leur descouvrir de la part de monsieur le Connestable. Et comme ils le luy eussent promis leur declara par le menu toute l' affaire qui se presentoit, les priant de vouloir assister son maistre en la Normandie, & que l' entreprise reüssissant, ils ne pouvoient faillir d' estre grands seigneurs à l' advenir. Plusieurs autres propos eurent-ils ensemble, qu' il n' est besoin de reciter: Seulement vous diray-je que le lendemain ces deux Gentils-hommes rebrousserent chemin vers leurs maisons, bien estonnez de cette nouvelle pratique.

Il n' y a feu si petit soit-il, sans fumee: aussi ne se peut cette conjuration du Connestable cacher qu' il n' en vint quelques sourds bruits aux aureilles du Roy, qui ne s' en estonna, mais faisant ses apprests du voyage d' Italie, promettoit de s' en esclaircir quand il passeroit par Moulins: où le Connestable contrefaisoit le malade, a fin de n' estre du voyage, & que pendant iceluy il eust moyen de troubler la France au profit de celuy qu' il trouva depuis estre son beau frere par imagination seulement. Il est visité par le Roy passant par Moulins, lequel, en cet abouchement, luy recita les bruicts qui couroient de luy, ausquels toutesfois il ne vouloit adjouster foy, comme estant trop asseuré de sa loyauté. Luy remonstrant que l' Arrest du Parlement ne le devoit effaroucher, & que pour l' amitié, qu' il luy portoit, quelque suitte qu' eust le procez, il estoit resolu de le restablir en tous & chacuns les biens par luy auparavant possedez. A quoy le Connestable, apres l' avoir tres-humblement remercié de cette bonne volonté, luy dist que c' estoit une nouvelle calomnie de ses ennemis, lesquels non assouvis de l' avoir induëment despoüillé de la plus grande partie de ses biens, le vouloient priver des meilleurs, qui estoient la bonne grace de son Roy, & son honneur. Choses qu' il avoit plus cheres que sa propre vie. Que luy mesme à son grand regret en avoit eu quelque advis, dont il eust esté le porteur au Roy, si la disposition de sa personne le luy eust permis. Mais qu' ayant recouvré sa santé, il le suivroit delà les monts, pour faire mentir tous ceux qui luy avoient presté cette charité. Ainsi se despartirent les deux Princes, estimans chacun l' un de l' autre ce qui leur pleut. Nonobstant cette response, quelques Seigneurs qui avoyent bon nez, furent d' advis que le Roy se devoit saisir de luy. Ce qu' il ne voulut, porté, ou d' une clemence qui luy estoit familiere, ou par ce qu' il estimoit cette opinion n' estre fondee, que sur un simple vaude-ville: Mais au lieu de ce luy laissa le Seigneur de Warty pour luy faire compagnie, lors qu' il le viendroit trouver à Lyon. C' estoit à bien dire non pour le garder, ains pour regarder ses deportemens dedans la ville de Moulins. Ce que le Connestable recognoissant, usa d' une contre- ruze. Car feignant de ne desirer rien tant que d' aller trouver le Roy, ores bien qu' il ne fust guery, entra dedans sa littiere, & se feit porter jusques à la Palisse, où estant il trouva son mal luy estre rengregé, de maniere qu' il luy estoit impossible de passer outre: Au moyen dequoy il escrivit lettres au Roy, portans le desir qu' il avoit eu de le venir joindre, mais que le rengregement de sa maladie l' avoit arresté tout court: & pria Warty d' en estre le porteur. Qui fut une espine qu' il osta de sa teste par cet artifice. A vray dire il avoit jusques là assez sagement conduit son affaire: horsmis les fumees qui s' estoient en quelques lieux de la France espanduës du feu qu' il vouloit allumer. Et craignant que peu à peu elles ne s' accreussent davantage, & estimant Moulins ne luy estre ville de seurté, en cas que sur un nouveau bruict le Roy voulust s' asseurer de sa personne, prit nouveau conseil de se retirer à Chantelle, sur les limites d' Auvergne, Chasteau à luy appartenant qu' il pensoit estre un seul boulevert, contre toutes les avenuës dont on le voudroit saluër. Et y estant arrivé, adoncques par une impatience Françoise, esloignee de toute dissimulation, il envoya Hurault Evesque d' Autun l' un des principaux Conseillers de son Conseil, & Faciendaires, avecques lettres, par lesquelles il supplioit humblement le Roy se vouloir asseurer de sa feauté, moyennant qu' il fust reintegré dedans les biens. Le Roy fut aussi tost adverty de ce nouveau logis, & aussi tost commença de croire ce dont il avoit auparavant douté. Partant envoya gens de toutes parts pour se saisir des ponts, ports & passages. Tellement que l' Evesque d' Autun estant arrivé à la Pascaudiere fut pris avecques son bagage, & envoyé au Roy, lequel apres avoir veu les lettres, & memoires dont l' Evesque estoit chargé, cogneut que ce n' estoient pas simples lettres, ains un taisible cartel de deffy, au cas que le Connestable n' obtint ce qu' il desiroit: pour cette cause depescha quelques compagnies de gens de guerre pour l' investir dedans Chantelle: Mais voicy l' accomplissement de son malheur.

Je vous ay dit cy dessus que Matignon & Dargouge retournerent tout court de Vendosme en leurs maisons, bien estonnez de ce qui leur avoit esté descouvert par Leurcy: lesquels se voyans en leurs consciences reduits en deux extremittez contraires: ou de reveler, suivant l' obligation qu' ils avoient de droict divin & humain à leur Prince, chose qui tant importoit à son Estat, ou bien de la taire suivant le serment par eux faict sur les Evangiles, en cet estrif ils estimerent qu' ils se devoient presenter à un homme d' Eglise, comme ils firent, & par leurs confessions luy declarerent ce qui estoit du faict de ce Prince sans le nommer, ensemble des entreprises brassees avecques luy par l' Empereur, & le Roy d' Angleterre: Le prians pour le salut du Roy & de la France, d' en donner advis à Messire Louys de Breze, Lieutenant general du Roy en Normandie sous le Duc d' Alençon gouverneur. Ce qu' il feit, sans dire les noms des deux Gentils-hommes, ny pareillement du Prince, mais le figurant avecques ses remarques qu' on luy avoit touchees par les deux confessions. Le sieur de Breze depesche soudain un courrier en Cour, avecques lettres par lesquelles il donnoit advis au Roy de tout ce que dessus, & entre autres choses, que le Prestre l' avoit asseuré que les deux Gentils-hommes estoient tres zelateurs du repos de la France, mais que d' une conscience timoree, ils n' avoient ozé reveler cela qu' entre les mains de leur confesseur. Le Roy estoit party quand le courrier arriva, qui presenta son pacquet en la ville de Clery, à madame la Regente mere du Roy. Les lettres ouvertes & veuës, elle mande tout aussi tost par le courrier à Breze, de s' informer qui estoient les deux Gentils-hommes, & de les luy envoyer promptement, avecques promesse d' elle qu' ils ne recevroient aucun mal: lequel s' en estant informé par le Prestre, les envoye, & se presenterent à la Regente en la ville de Blois, où ils furent examinez par le Chancelier, & leurs depositions receuës par maistre Estienne Robertet, Secretaire des Finances. Cette nouvelle arresta tout court le Roy, & une partie de ses desseins dedans la ville de Lyon: car quant au Connestable qui estoit dedans Chantelle, se voyant assiegé, & son entreprise eventee, il estima qu' il n' estoit plus temps de gaigner gens pour perdre la France: mais bien de gaigner les champs, pour se garentir par la fuite. Il sort une belle nuict, deguisé, avecques le sieur de Pomperant, qui faisoit le maistre, & luy le vallet, laissant son Chasteau; & une infinité de meubles precieux impreciables à la mercy des Seigneurs qui l' avoient assiegé, lesquels ils firent depuis tenir au Roy. 

Et au regard du Connestable qui trouva tous les passages clos, il fut contrainct d' aller connillant çà & là, non la part où il desiroit, ains où il peut, jusques à ce qu' en fin il arriva à Mantoüe, où le Marquis son cousin germain le remonta d' armes, chevaux & train. D' un autre costé le Roy tourna visage devers Paris: Auquel lieu fut faict le procés extraordinaire par defaux & contumaces au Connestable en la Cour de Parlement, & par Arrest du seiziesme Janvier mil cinq cens vingt trois, le Roy seant en son lict de Justice, au milieu des Princes, & ses Pairs, fut donné un Arrest dont apres avoir narré les procedures extraordinaires qui avoient esté faictes contre luy, le dispositif estoit tel. Dict a esté que les dits defaux ont esté deuëment obtenus, & par vertu & au nom d' iceux le Roy seant en sa dite Cour, a adjugé au dit Procureur general tel profit. C' est à sçavoir qu' il prive & deboute le dit de Bourbon de toutes exceptions & defenses, qu' il eust peu dire, alleguer, & proposer en cette matiere, & l' a tenu & reputé pour atteint & convaincu des dits cas & l' a declaré & declare crimineux de leze Majesté, rebellion, & felonnie: & a ordonné & ordonne que les armes & enseignes appropriees particulierement à la personne du dict de Bourbon, affichees és lieux publics en son honneur en ce Royaume, seront rayees, & effacees, & l' a privé & prive de la recognomination de ce nom de Bourbon. Comme ayant notoirement degeneré des mœurs & fidelitez des antecesseurs de la dite Maison de Bourbon, & abolissant sa memoire & renommee à perpetuité, comme crimineux du crime de leze Majesté: Et au surplus a declaré & declare tous & chacuns ses biens feodaux qui appartiennent au dict de Bourbon, tenus de la Couronne de France, mediatement, ou  immediatement, estre retournez à icelle, & tous les autres biens meubles confisquez. Et au dessous de l' Arrest estoient ces mots: Prononcé par Messire Anthoine du Prat Chevalier, Chancelier de France le dict jour, & depuis par le Greffier criminel suyvant l' Ordonnance du Roy. Je vous ay voulu icy representer mot pour mot la teneur de cet Arrest, pour l' importance de cette matiere.

Or avant que de passer plus outre je feray icy une pause, & vous prieray de considerer comme Dieu se mocque de nous, & renverse le conseil de ceux qui pensent estre les plus sages, quand il les veut affliger. Il me souvient avoir leu que quand la Republique de Rome, estant sur le poinct de tomber, se meit entre les bras du grand Pompee, Seigneur qui auparavant par sa magnanimité & prudence avoit accreu l' Estat de moitié, en grandes Provinces, toutes-fois lors de cette derniere emploicte jamais Capitaine ne feit tant de pas de Clerc que luy, jusques au dernier souspir de sa vie, qui fut aussi la fin & dernier souspir de la liberté ancienne de Rome. Par l' Histoire dont il est maintenant question, qui contient la ruine particuliere de ce grand Prince, & affliction generale de nostre France, vous y trouverez autant de fautes que d' exploicts.

Je commenceray par le Connestable, que je voy grandement ulceré & par advanture non sans cause, pour avoir esté depossedé de la plus grande & meilleure partie de ses biens: Si ne falloit-il pour cela jetter le manche apres la congnee, & se soustraire de l' obeïssance de son Roy, quelque disgrace qu' il eust receuë. Disgrace non advenuë par la volonté absoluë  du Roy, ains par Arrest de son Parlement, qui est un instrument mitoyen entre le Roy & ses sujets. Mais comme hommes, qui avons nos ames composees de diverses pieces, les unes sages, les autres folles, laschons la bride à la douleur qui luy commandoit, & le dispensons (si toutes-fois il nous est permis de ce faire) de la reigle qui nous est commandee de Dieu envers nos Roys, ne manquoit-il de sens commun de croire qu' un grand Empereur d' Allemagne, Roy, Duc, & Comte de plusieurs Royaumes, Duchez, & Comtez souveraines, non reduit en aucune angustie d' affaires, eust voulu bailler en mariage sa sœur veufve de Roy à un Prince, nouveau rebut de fortune, & en faire l' un des plus grands Seigneurs de sa Cour? He! vrayement celuy a faute de jugement, qui ne voit que c' estoit un leurre dont il le repaissoit vainement. Davantage quel estoit le subject de cette tragedie? Une conjuration pour ruiner de fonds en comble l' Estat general de la France. Cela ne pouvoit estre mis à execution par luy seul, ains requeroit une infinité de complices & adherans, par lesquels bon gré, mal gré, la mine estant esventee, il estoit tres-mal-aisé, voire impossible qu' elle joüast, comme aussi l' evenement le monstra: Car au lieu de representer un grand Prince, beau-frere futur d' un Empereur, s' en estant fuy, il se veit en un instant sans femme, sans biens, & si j' ose dire, sans honneur, & sans honneurs, ayant pour toute recousse espousé un espoir & desir de vangeance. Chose douce de premiere rencontre à celuy qui a receu l' injure, mais qui apres une prompte execution, attire quant & soy une longue repentance, lors que l' on se donne le loisir d' en venir à son second & meilleur penser. Voyons si tout cecy se trouvera en nostre Connestable, pour puis parler de nostre grand Roy François. Quant à moy je me fais accroire, veu le piteux estat auquel je le voy sortir nuictamment de son Chasteau de Chantelle, en qualité de valet, que deslors mesmes il en estoit au repentir, mais trop tard. Et quant au lieu de Perpignan, où estoit son rendez-vous, je le voy fondre en la ville de Mantoüe, pour estre remis en equippage de Prince, je ne fais aucune doubte que en soy-mesme il n' eust pitié de sa miserable Principauté & grandeur, mais plus je vois en avant avecques luy, plus je me trouve engagé en cette mienne creance.

Sortant de Mantoüe, il fut accueilly par Charles de l' Aulnoy, Vice-Roy de Naples (nouveau Gouverneur du Milanois par la mort de Prospere Colonne) avecques telle ceremonie exterieure de l' honneur que pouvoit desirer un Prince: Toutes-fois en cette heureuse victoire que l' Empereur obtint contre l' Admiral de Bonivet, & les nostres, où fut occis le grand Capitaine Bayard, le Connestable s' y trouva comme simple Seigneur volontaire, sans charge sous les estendars de l' Aulnoy, qui ne portoit tiltre de Prince, ains de Gentil-homme, mais honoré de la qualité de Lieutenant general de l' Empereur. Apres la retraicte de l' Admiral que nos ennemis appellerent fuitte, je remarque au jeune Empereur un traict de renardise admirable, lequel desirant s' esclaircir des intelligences, que le Connestable se vantoit avoir dans la France, luy donna gens, argent, & qualité de Lieutenant general pour envahir la Provence. Il y vient en bonne deliberation de faire paroistre combien il avoit encores de suffragans de sa grandeur au Royaume, mais tous luy saignerent du nez. De maniere qu' il fut contrainct de trousser bagage avecques sa grande honte. Il ne se souvenoit pas que sa fuitte, & son absence leur avoit faict oublier la memoire de sa grandeur: Joinct l' Arrest de nouveau donné contre luy, qui les faisoit contenir dans les bornes de leur devoir. Si vous parlez à Messire Martin du Bellay, qui a escrit nostre Histoire, il vous dira que le Connestable fut Lieutenant general de l' Empereur en ce voyage. Si à Guicchardin (qui a seulement efleuré cette Histoire au regard de l' autre) que luy ayant esté faict Lieutenant general le Marquis de Pescaire declara qu' il ne vouloit marcher sous son estendart, au moyen dequoy luy fut cette puissance tolluë & transmise au Marquis, que l' Empereur ne vouloit mescontenter. Soit l' une ou l' autre des deux opinions veritable, ce ne fut pas peu de honte à leur nouveau refugié. Depuis ce temps je ne voy point que l' Empereur fist conte de luy, que par mines & beaux semblans. Et de faict en la bataille de Pavie donnee le jour sainct Mathias, l' an mil cinq cens vingt & quatre (jour fatalement heureux à l' Empereur) le Connestable s' y trouva, ne tenant autre rang que de combattant volontaire, sous le mesme l' Aulnoy, tout ainsi qu' en l' escarmouche contre l' Admiral. Ressentiment honteux de vangeance, de voir un grand Prince combattre contre son Roy, & sa patrie en cette simple qualité, & non General de l' armee. Nostre Roy François premier de ce nom fut pris en cette mal-heureuse bataille, & mené au Chasteau de Pisse-queton sur la riviere d' Adde. L' Empereur enflé de cette victoire auparavant inesperee, envoya incontinent en poste le Comte de Reu, l' un de ses principaux favoris, avecques une grande liste de demandes extraordinaires, entre lesquelles il demandoit que le Roy donnast à Charles de Bourbon, & à sa posterité, la Provence & le Dauphiné, desquels, annexez avecques le Bourbonnois, Auvergne, Forest, Beaujoulois, la haute & basse Marche, & autres Domaines qu' il possedoit auparavant, seroient erigez un Royaume, auquel il ne recognoistroit autre souverain que Dieu & l' espee. Coup que le Roy prisonnier de corps r'abatit avecques un floret par une grande franchise d' esprit, luy disant qu' il s' en pouvoit retourner en poste tout ainsi qu' il estoit venu, & que son Maistre estoit un mocqueur. Aussi est-ce la verité que depuis l' Empereur n' en fit instance. Quelque temps apres le Roy fut mené par l' Aulnoy en Espagne, & mis au Chasteau de Madric. Pendant lequel temps le Connestable vint baiser les mains à l' Empereur, où il eut loisir de voir qu' entre les principaux articles du Traicté des deux Princes, fut conclud le mariage de la Royne Leonor, avecques nostre Roy, & mesme que les fiançailles en furent faictes avant son retour en la France, lors qu' il bailla ses deux premiers enfans pour ostages.

Une chose trouvay-je pleine de pitié en l' infortune de nostre Connestable, dont toutes-fois Guicchardin fait banniere pour remarquer le grand rang que ce prince tenoit pres de l' Empereur. Comme la nature de toute victoire est d' estre ordinairement orgueilleuse & insolente, aussi se trouva cette particuliere rencontre en l' Empereur, lequel se mocqua des articles qui avoient esté passez entre luy & le Roy d' Angleterre lors de leur confederation: Et quant à nostre Roy son prisonnier, il extorqua de luy tout ce qu' il voulut. Qui fut cause que pour rabattre cet orgueil, & barrer aucunement ce grand torrent de fortune, le Roy estant retourné, & ses deux enfans baillez en ostage, luy, le Pape Clement septiesme, le Roy d' Angleterre, le Venitien, le Souisse, & le Florentin feirent une ligue entre eux, qui fut appellee Saincte Ligue: Non pour restablir le Duché de Milan à nostre Roy qui en avoit esté chassé, ains pour le conserver à Sforce, fils de Ludovic, qui estoit dedans la roque de Milan, tenu à l' estroict par les Imperiaux. Lesquels s' estans faicts Maistres de la ville abusoient licencieusement de leur puissance contre les pauvres Citoyens. L' Aulnoy Lieutenant general du Milanois pour l' Empereur, s' estoit retiré de ceste presse, lors que sagement il entreprit la conduicte du Roy son prisonnier en Espagne, & avoit laissé en son lieu le Marquis de Pesquaire, qui mourut de sa mort naturelle quelque temps apres, laissant cette charge au Marquis du Gouast son cousin, & au Seigneur Anthoine de Leve, lesquels ne manquoient, ny d' experience, ny de valeur au faict de la guerre, ny de bons & braves soldats, ains seulement d' argent pour les soudoyer. Et à vray dire il sembloit que l' Estat de Lieutenant general du Milanois fust lors une espave qui tomboit, non és mains du premier occupant, ains de celuy qui s' en rendoit le plus digne. Les soldats, & les Citoyens estans sous divers regards, logez à l' enseigne du desespoir, restoit seulement de leur envoyer un Lieutenant general de mesme calibre. Cestuy fut trouvé en la personne du Seigneur de Bourbon, auquel l' Empereur donna cette charge, non sous autre opinion, sinon qu' il le pensoit d' une inimitié irreconciliable envers le Roy, qui estoit l' un des premiers Directeurs de la Saincte Ligue. Soudain qu' il fut arrivé à Milan, au grand contentement des deux autres, qui ne sçavoient de quel bois faire flesches, & souhaittoient sur toute chose, que quelqu'un leur levast le siege, il se trouve soudain assiegé des soldats qui vouloient estre soudoyez: d' un autre costé, du pauvre peuple, qui crioit à la faim, & se plaignoit des extorsions tyranniques dont les soldats sans discipline usoient contre luy. Au milieu de ces hurlemens, Bourbon voyant que sans les armes son pouvoir n' estoit rien, ny les armes sans argent, faict une assemblee de ville, en laquelle avecques toutes submissions & curialitez, il prie les Citoyens de le vouloir secourir de trois cens mil escus, en la necessité qui se presentoit pour l' Empereur son Maistre, avecques cette protestation, que c' estoit une fois pour toutes, & qu' il prioit Dieu luy envoyer la male mort au premier siege de ville, ou bataille en laquelle il se trouveroit s' il leur manquoit de parole. Les Citoyens vaincus de cette promesse, se resouvenans du bon traitement qu' ils avoient receu de luy, lors qu' il avoit esté employé à pareille charge sous le Roy François, ouvrirent liberalement leurs bourses, & luy baillent les trois cens mil escus qu' il demandoit, lesquels il fit distribuer aux soldats, estanchant pour quelque temps leur soif. Mais ils ne demeurerent pas longuement en cette bonace. Car s' estans depuis passez six mois entiers sans recevoir paye, ils retournerent à leurs premiers cris, bien deliberez (disoient-ils) de piller la ville, & puis roder la campagne pour viure. Le Prince de cette façon mal mené, s' attache à une extremité inexcusable. Car au milieu d' une nuict, il se saisit des principaux & plus riches Bourgeois de la ville, qu' il applique à la question pour extorquer d' eux des deniers, mais ils avoient esté tellement espuisez, qu' il en tira des pleurs, cris & larmes, & non de l' argent. Se voyant ce pauvre Prince escorné par les beaux, mais faux semblans de l' Empereur, il commença de corner une autre guerre, qui fut de battre la quesce par le plat pays, se rendre soldat de fortune, piller les villes esquelles il entreroit, & en faire curées à ses soldats pour les contenter. Qui estoit vrayement joüer à la desesperade, entreprise toutes-fois par luy pretextee, sur ce qu' il se vantoit attaquer les villes de la Saincte Ligue. Comme de faict il s' y essaya, mais en vain, contre la ville de Plaisance (lors Papale) & celle de Florence. En fin voulant joüer à quite ou à double, il donne jusques à la ville de Rome, où le Pape Clement partisan avecques les Cardinaux, s' estoit bloty dedans le Chasteau Sainct Ange. La verité est qu' il avoit auparavant faict trefues avecques le Vice-Roy de Naples. Ce que le Connestable meit sous pieds: Car de là en avant toutes villes luy estoient de bonne prise. Mesme si cette entreprise de Rome luy eust reüssi, le bruict commun est, que son intention estoit de donner jusques au Royaume de Naples, & s' en investir s' il eust peu pour se vanger de l' Empereur. Dieu arresta tout court ses desseins, & exaussa la priere qu' il avoit faite en l' assemblee de ville de Milan. Car eschelant les murs de Rome il receut un coup de balle qui luy transperça l' une de ses cuisses dont il cheut à terre, & mourut sur le champ. Il estoit secondé par Philebert de Chalon Prince d' Aurange, qui conduisoit les Allemans, lesquels à la chaude cole prindrent, pillerent, & saccagerent la ville, & se rendit le Pape leur prisonier. Un siege si malheureux & damnable ne pouvoit estre expié que par cette mort. Et la prison de ce Pape doit servir de leçon à ses successeurs, que ce n' est à eux d' endosser le corselet pour faire la guerre, ains seulement la chasuble Pontificale, pour moyenner la paix entre les Princes Chrestiens. Voila quelle fut la fin de ce Prince, pippé par les appas de sa passion, estayee des belles promesses d' un cauteleux Empereur, qui en fit un joüet de fortune.

Encores ne me puis-je estancher pour les singularitez que je trouve en cette Histoire: Je remarque en ce Prince une jeunesse merveilleusement favorisee de fortune, & son moyen aage estrangement disgracié, jusques au dernier periode de sa vie. En son bas aage eslevé par le Duc Pierre, qui tenoit le dessus de germain sur luy, & depuis par Anne de France sa veufve, qui le cherissoit comme son propre enfant, pour les bonnes parties qui estoient en luy, de puisné estre faict aisné de sa Maison par la mort de Louys son frere, en l' aage de quinze ans, marié avecques la Duchesse Suzanne, fille unique du Duc, aagée seulement de treize ans, & ce par l' advis du Roy, & des Seigneurs de son Conseil, & consentement de la mere, voire du Duc d' Alençon, auquel elle avoit esté fiancée dés le vivant du pere, chery & aymé par le Roy Louys douziesme, qui pour ses proüesses & valeurs le destinoit à l' Estat de Connestable, toutes-fois prevenu de mort ne le peut faire: Mais au lieu de cela le Roy François premier son successeur l' en pourveut soudain qu' il fut arrivé à la Couronne, en son absence, & avant qu' il luy eust baisé les mains, aagé lors de vingt & quatre ans seulement. Sage en capitulations & conseils, vaillant, prompt à la main, & heureux aux executions militaires, esquelles il eut bonne part, en toutes les rencontres qui se presenterent sous l' un & l' autre Roy, & specialement en la bataille donnee l' an mil cinq cens neuf, par le Roy Louys contre les Venitiens, en laquelle il avoit fait ce jeune Prince Capitaine de deux mille Seigneurs, pensionnaires de sa Majesté, qui par sa sage conduitte & proüesse, remit le cœur à nostre avant-garde esbranlee, & preste de tourner visage: de sorte qu' en fin la victoire nous demeura, avecques le recouvrement des villes que les Venitiens occupoient induëment. Ce jeune Prince estant lors seulement aagé de dix-neuf ans, mais qui avoit de braves guerriers avecques luy, par le conseil desquels il acheminoit toutes ses actions & deportemens.

J' adjousteray les deux journees de Marignan contre les Suisses en l' annee mil cinq cens & quinze, soubs l' estendart du Roy François premier de ce nom, où il monstra sur tous les autres Princes & Seigneurs de la France, ce qu' il pouvoit en ce beau mestier. Chose que le Roy recognoissant, apres avoir obtenu la victoire, & d' une mesme suitte recous le Duché de Milan, luy meit entre les mains, avant que partir d' Italie, le gouvernement du Duché: Où ce Prince apporta tant de diligence & sagesse à la police generale de l' Estat, & aux fortifications des villes, que l' Empereur Maximilian estant de propos deliberé entré avecques une tres-puissante armee dedans la Lombardie pour assieger la ville de Milan, & reduire tout le Milanois soubs sa puissance, apres avoir recogneu soigneusement l' ordre que le Prince avoit mis en son Gouvernement contre toutes les advenuës ennemies, estima luy estre plus expedient de retourner sans coup ferir, vers le pays d' Allemagne dont il estoit sorty, que d' engager d' avantage, & son armee, & son honneur. Tellement que pour se garentir d' une honte, il se sauva par une autre honte.

Fut il jamais une liaison de plus heureuse fortune en un Prince non souverain, que celle-cy, mesme en cette derniere contre l' Empereur Maximilian, n' estant lors nostre Connestable aagé que de vingt-six ans? Et neantmoins cette-cy qui devoit estre son accroissement fut le premier acheminement de ses defaveurs. Il advertit le Roy comme le tout s' estoit passé à son advantage. Ce n' est pas le plus grand heur qui puisse arriver aux Princes du sang, quand employez aux grandes charges, toutes choses leur succedent à point nommé. Les Roys dont ils ont cet honneur d' estre parens, craignans d' avoir des collateraux de leurs gloires, souventes-fois en sont jaloux, ores que nul de leurs sujets ne puisse entrer en comparaison avecques eux. Cecy se trouva averé en ce grand Duc. Il avoit affaire à un jeune Roy, plein d' une noble ambition, desireux que les affaires signalées de son Royaume se passassent non par Procureurs, ains d' y estre en propre personne, pour en rapporter le premier honneur. C' est pourquoy ayant receu les nouvelles de ce grand & heureux succez, ores qu' il en fust tres-joyeux, toutes-fois voyant tant de flux de bonnes fortunes en ce Prince, il voulut luy rongner les aisles, a fin de ravaler son vol. Et soudain apres le revoqua de sa charge, surrogeant en son lieu Messire Odet de Foix Seigneur de Lautrec, Mareschal de France, grand guerrier, sur lequel toutes-fois l' Empereur Charles cinquiesme conquit l' Estat de Milan. Mal-heur qui fut un heur au Connestable en sa defaveur, d' estre sorty à son honneur de ce pays sans y avoir receu aucune algarade.

Mais pour n' entrevescher cette Histoire, & n' enjamber sur le temps, le Duc estant retourné en France vers le mois de May mil cinq cens seize, non seulement n' est accueilly du visage, ny recompense de sa grande despense, ainsi qu' il se promettoit, mais tout au rebours il trouve que l' on avoit rayé dessus l' Estat dés le mois de Janvier pour toute l' annee ses gages de Connestable de vingt & quatre mil liures par an, & de Gouverneur de Languedoc de quatorze mil escus, & pension de pareille somme. Retranchement qui fut continué pour les annees subsequentes, & qu' il ne peut jamais faire restablir quelques importunitez & prieres qu' il apportast envers le Roy, qui le payoit de belles paroles seulement. Et qui fut le comble de ses mescontentemens, le Roy ayant baillé en mariage Madame Marguerite sa sœur à Charles de Valois Duc d' Alençon, fit de là en avant tomber és mains de son beau frere, toutes les charges de la Connestablie à la guerre, quand les occasions se presentoient. Nouvelle metamorphose, d' un Charles de Bourbon en un Charles de Valois: Celuy-là estant Connestable en tiltre sans effect: & cestuy-cy l' estant par effect, sans tiltre. Qui n' estoit pas un petit creue-coeur au Prince qui avoit faict tant de recommandables services à la France. Le Ciel sembla vouloir estre de la partie pour se formaliser contre luy. Parce que sa femme estant accouchee d' un enfant masle l' an mil cinq cens dix-sept, qu' il pensoit devoir estre la ressource de ses desconvenuës, pour la manutention de sa Maison, il mourut l' annee d' apres: Et en 1519. cette Princesse avorta de deux enfans: jusques à ce qu' en fin affligée de corps & d' esprit, elle alla de vie à trespas en l' an 1521. Nouveau rengregement de douleur en ce Prince. Mescontentemens toutes-fois qu' il supportoit avec une grande sagesse: Car combien qu' il ne fust dressé de ses appointemens, & qu' il se veist fappé par le pied de l' exercice de son Estat de Connestable, si ne laissa-il pour cela de rendre tous les bons services au Roy qu' il pouvoit desirer de luy, comme Connestable, en toutes les ceremonies exterieures. Qui ne luy estoit pas petite despense. Et pour le regard de la perte de sa femme, la grande amitié que sa belle mere luy portoit, estancha aucunement sa douleur. Mais quand avec ce grand flot d' afflictions, il eut perdu sa belle mere, & qu' il se veit despoüillé presque de toutes ses grandes terres & Seigneuries; mesmes sous un pretexte exquis & affecté de Justice, pour contenter l' opinion d' une mere de Roy (car ainsi le croyoit il; encore qu' il n' en fust rien) adoncques la patience luy eschappa, & se lascha toute bride pour en avoir la vengeance, dont il fut deceu d' outre moitié de juste prix, sans toutes-fois en pouvoir estre relevé: S' il eust eu pour agreable le mariage de la mere du Roy, cette Princesse pouvoit reparer toutes les bresches de ses mescontentemens, & le faire dresser non seulement de ses appointemens, mais aussi de l' exercice de son Estat de Connestable, comme celle qui commandoit aux opinions du Roy son fils. D' ailleurs n' eust remué cette grande querelle fondee principalement sur une vengeance. Et en outre eust apporté à la table de luy les Duchez d' Angoulesme & d' Anjou, & le Comté du Maine à elle baillez pour ses deniers dotaux & son doüaire. Quoy faisant il eust esté le plus grand Seigneur terrien de la France apres le Roy: Son mal-heur ne permit pas qu' il entendist à ce mariage, & depuis allerent tousjours ses affaires de mal en pis. Conclusion, je trouve que deux mariages & un Gouvernement de Milan, sous divers regards le perdirent. Le mariage d' une mere de Roy mal à propos refusé, celuy d' une sœur d' Empereur apprehendé sans propos. Et quant au gouvernement, ayant esté premierement commis à cette charge, par le Roy François, toutes choses luy estans heureusement reüssies, ce fut sa premiere disgrace, & en apres commis à la mesme charge par l' Empereur, toute chose luy estant mal-heureusement succedee, pour le desordre qu' il y trouva, ce fut la consommation de ses infortunes, jusques à ce qu' en fin il mourut devant la ville de Rome de la façon que j' ay dit.

Depuis qu' il se fut desvoyé du bon chemin, je trouve quatre grands Arrests donnez contre luy. Le premier par le Roy François seant en son lict de Justice: Le second par le grand Capitaine Bayard, lequel en la retraicte de l' Admiral Bonivet, ayant eu les reins fracassez d' une balle, couché au pied d' un arbre, le visage vers l' ennemy, le Connestable passant par là, cuidant le consoler: Capitaine Bayard (dit-il) j' ay grande pitié de vous voir reduit en ce piteux estat, apres tant de braves exploits d' armes par vous mis à fin: A quoy le preux Chevalier reprenant ses esprits, luy repartit d' une forte haleine. Ce n' est de moy que devez avoir pitié, ains de vous. Car graces à Dieu, je meurs pour le service du Roy mon Maistre, au lict d' honneur, pour acquerir une vie immortelle en la bouche des gens de bien. Et vous Prince faisant le contraire, menez une vie honteuse, dont les ans, à mon grand regret, ne pourroit amortir la memoire. Le troisiesme est qu' apres la journee de Pavie, ayant fait voile en Espagne, & esté favorablement recueilly par l' Empereur, mesme par son commandement logé au plus beau Palais de Seville: combien que l' inclination naturelle du courtisan soit de complaire aux opinions de son Prince, voire à un seul clin de ses yeux, toutes-fois tous les Seigneurs qui estoient à la suitte de l' Empereur ne peurent trouver bon ce bel accueil, ny caresser nostre Connestable, l' appellans en leurs communs propos infame, desloyal, & traistre à son Roy. Et son hoste mesme disoit, qu' ores que ce luy eust esté jeu forcé de le loger, ce neantmoins il n' estoit en la puissance de l' Empereur d' empescher qu' il ne bruslast sa maison; ne voulant luy estre reproché ny aux siens d' avoir logé un traistre chez soy. Cela estoit par luy dit aux gens du Connestable, & par eux raporté à leur Maistre: Vous jugerez quelle consolation ce luy devoit estre. Et le dernier Arrest est celuy de Dieu, quand representant par effect la fable des anciens Geants, eschelant les murs de la ville de Rome (sejour du chef de nostre Eglise) feru d' un coup de harquebuze, tresbucha du haut en bas. Closture mal-heureuse, & de sa penible vie, & de ses espoirs sans espoir.

Apres avoir amplement discouru l' histoire de ce pauvre Prince, mal content, mal traicté, & plus mal conseillé, il est meshuy temps que je vienne à nostre Roy François I. que j' ay cy-dessus laissé seant en son lict de Justice dedans son Parlement de Paris, assisté de ses Princes & Pairs, bien content d' avoir chastié à la Royale, son sujet, qui deserteur de sa patrie, s' estoit jetté entre les bras de son ennemy: Une mere de Roy plus contente de se voir joüir, & du bien, & de l' absence de celuy auquel elle avoit voüé une inimitié immortelle. Et un Chancelier tres-content d' avoir esté leur protecole aux deux theatres representez: en l' un desquels estoit intervenu l' Arrest de sequestre, en l' autre celuy de reünion & confiscation. Je ne parleray du second; car il estoit necessaire pour l' exemple, le Connestable s' estant de cette façon oublié: Je jette seulement les yeux sur le premier pour vous en dire ce qu' il m' en semble. Plus beau mesnage ne pouvoit-on faire pour la France, si vous en parlez à ceux qui sont seulement nourris en la pratique du Palais, que de reünir à la Couronne l' ancien appanage de la maison de Bourbon, & faire tomber le demeurant des autres biens és mains d' une Princesse dont le Roy seroit heritier apres son decez. Ces deux points gisoient, l' un en droict, l' autre en fait: & sans entrer au merite ou demerite de la cause, il y avoit prou de textes communs pour exercer les esprits, langues, & plumes des Advocats, qui ne furent mis en l' Espargne. Mais il y en avoit une secrette, non à eux peut estre cognuë, ny à celuy qui les feit mettre en besongne: Que sur toutes choses il se faut garder de reduire un Prince en desespoir, singulierement un Prince du sang, dont les François sont naturellement idolatres. Et qui contre cette leçon pense faire le mieux, fait le moins. J' estime que l' arrest de sequestre estoit juste. Encores qu' un espinocheur pourroit paravanture dire, qu' il n' y avoit nul lieu de sequestre és biens despendans de l' ancien appanage, estant Charles de Bourbon notoirement issu par diverses successions de la branche des enfans aisnez du Duc Robert, fils de S. Louys: Et que le contract de mariage de l' an 1400. de Jean de Bourbon premier, & Marie de Berry, & la declaration faite au mesme instant en faveur de la Couronne par Louys II. pere de Jean, apportoient tres-grande lumiere aux obscuritez que l' on proposoit contre Charles. Adjoustez le contract de mariage fait entre luy & Suzanne sa future espouse en l' an 1504. par l' advis du Roy, des Prelats, Princes & grands Seigneurs, portant donation mutuelle de tous & chacuns leurs biens au survivant l' un de l' autre. Testament de la femme de l' an 1519. en faveur de son mary, par lequel elle l' institua son heritier universel, & confirma leurs conventions matrimoniales. Succession ab-intestat de la mere apres la mort de sa fille au pays du droit escrit dont elle avoit fait present à son gendre avant que de mourir: Quelque pointilleur (dis-je) pourra dire que toutes ces particularitez concurrans ensemble, il n' y avoit pas grand lieu de sequestre, ny de deposseder par provision ce Prince de ses Duchez, Comtez, Vicomtez, & peut-estre adjoustera-il, que Dieu pour vanger cette injure, permeit que nous receusmes depuis, le desastre de la journee de Pavie, dont je parleray cy-apres. Ja à Dieu ne plaise que je sois de cette opinion: car quand un arrest est passé, je seray des disciples de Pythagoras: Il l' a dit, doncques il y faut adjouster foy.

Bien vous rapporteray-je icy un exemple qui ne sera hors de propos, qu' autres fois du temps du Roy Philippe de Valois fut donné à Conflans un arrest luy seant en son lict de Justice, au profit de Charles de Chastillon, Comte de Blois son nepueu, & Jeanne la Boiteuse sa femme de la Maison de Pontieure, contre Jean de Mont-fort 1341. Par lequel le Duché de Bretagne, fut adjugé au Comte de Blois, & sa femme. Arrest que Polidore Virgile en son Histoire d' Angleterre soustient par plusieurs belles raisons, avoir esté un arrest du temps pour complaire au Roy Philippe: En l' execution duquel, Dieu permit que le Comte de Blois fut tué en une bataille rangee, & que la femme de Jean de Mont-fort se maintint pendant la prison de son mary contre les forces du Roy. Je n' entreray point icy pour le fait qui se presente en cette consideration: Bien diray-je que je seray tousjours de l' advis du sage Salomon, qu' il y a certaines choses esquelles il ne faut estre trop juste, & autres selon l' opinion de S. Paul, qui sont permises, & n' est toutes-fois expediant d' en user: nous voulans enseigner l' un & l' autre, que la prudence doit estre guide de nos actions, comme elle fut vrayement lors que sous le Roy Louys XII. on conjoignit les deux branches de la famille des aisnez de Bourbon, sans entrer en l' examen, & discussion à qui appartenoient les biens, en un Prince & Princesse non disproportionnez d' aages, mesmes selon le commun cours de nature en esperance d' avoir lignee. Considerons je vous prie, quel fruit on rapporta de ce grand mesnage tant souhaité par la mere du Roy; Un desespoir d' un grand Prince, qui fut premierement sa ruine, & successivement une playe qui saigne encores en la France. Desespoir fondé sur un sequestre, & le sequestre paraventure sur les importunitez d' une Dame qui ne respiroit qu' une vangeance en son ame, & ne vouloit estre vaincuë. J' adjousteray qu' à la suite de l' Arrest de sequestre, le Roy feit une grande faute. Car estant aucunement asseuré du mescontentement du Prince, & ayant eu advis par les bruits de l' entreprise qu' il brassoit, il se devoit asseurer de sa personne à Moulins, comme on luy conseilloit. D' autant qu' és affaires de telle consequence il faut tout, pour se garentir du rien, & ne besongner à demy: Dieu ne le permit pas, voulant affliger, & le Roy, & son Royaume, la seule capture de ce Prince pouvoit faire esvanoüir en fumee tous les desseins de l' Empereur.

Desvelopons s' il vous plaist ce fuzeau. L' Empereur pour asseurer son Estat d' Italie, n' osoit pas seul nous assaillir dedans la France. Il luy falloit un second. C' est pourquoy il eut recours au Roy d' Angleterre, lequel n' y vouloit du commencement entendre: mais comme le jeune Empereur par un instinct naturel nourrissoit dedans sa poictrine un sommaire de dissimulation, pour parvenir à ses intentions, aussi trouva-il un moyen pour engager l' Anglois, qui fut que le Duc de Bourbon mal content seroit de la partie, lequel par ses intelligences broüilleroit les affaires du François dedans son Royaume, pendant que les deux Princes donneroient sur les flancs, l' un du costé de Languedoc, & l' autre de la Picardie, lors que le Roy seroit sorty de la France, pour guerroyer le Milanois. Proposition belle sur laquelle l' Anglois se laissa emporter, & leva gens tout ainsi que l' Empereur, pour effectuer leurs desseins. Sur ces entrefaites la conspiration du Connestable fut descouverte: chose dont l' Empereur ne se donna pas grande peine, se contentant d' avoir esbranlé l' Anglois qui ne se pouvoit aisément retirer du jeu, ayant fait une grande levee de gens. Or quant au fait du Connestable, il luy suffisoit qu' il servist d' espouventail à la France. En quoy il ne fut nullement deceu de son opinion. Parce que le Roy voyant les preparatifs que ces deux Princes faisoient contre luy, d' ailleurs la fuitte du Connestable, il se trouva grandement estonné, ne sçachant quelles reliques de sa grandeur son nouvel ennemy avoit laissé dedans la France. Cela fut cause qu' il fit halte dedans la ville de Lyon, avecques son armee sans la joindre à celle de l' Admiral qui estoit de là les monts, espandant diversement ses forces par les Provinces, pour faire teste à ses ennemis. Par ainsi nous veismes la France grandement affligee, la Picardie pillee, & ravagee par l' Anglois, le Languedoc, & la Provence par les Imperiaux, secondez par les Adventuriers François. Car en tels accessoires, le soldat qui deffend ne fait pas moins de degast que l' assaillant, hors-mis qu' il vaut mieux un pays gasté que perdu. Et pour le regard de l' Italie, l' Admiral non secouru (pour les raisons par moy presentement touchees) fut contrainct de faire une honteuse retraicte, avecques grande perte de nos Capitaines de marque. Retraicte qui asseura grandement l' Estat Milanois à l' ennemy. Nostre jeune Roy François, Prince tres-magnanime, pour reparer toutes ces breches, se voulut trouver en personne, contre l' advis des plus sages guerriers, à la journee de Pavie, où l' Empereur se donna bien garde d' y estre (qui estoit joüer du tout à la moitié) & là fut pris. Je ne vous discourray icy, ny les morts, ny les prisons des Princes, grands Seigneurs & Capitaines, vous en trouverez le denombrement dedans les memoires de Messire Martin du Bellay: Suffise vous que c' est la journee en laquelle le Roy François fut fait prisonnier de l' Espagnol, accomplissement general de nos mal-heurs par le traité fait à Madrid. Somme sur le mesnage pratiqué dedans le Palais, au contentement d' une Princesse ulceree, nous bastismes la desbauche generale de nostre Estat, que je ne veux appeler ruine. Tant y a que la playe saigne encores aujourd'huy. Car l' Espagnol se fait acroire que nous perdismes par le traicté, la souveraineté de Flandre, ancien fleuron de la Couronne: Et se veit mesme la mere du Roy lors Regente sur le point de perdre la Regence, pour la haine qu' on luy portoit, si le Duc de Vendosme semonds à ce faire, eust voulu croire la plus part des principaux Bourgeois de Paris.

jeudi 6 juillet 2023

6. 11. Qu' il est quelquesfois dangereux de mesler les affaires d' Estat & du Palais ensemble,

Qu' il est quelquesfois dangereux de mesler les affaires d' Estat & du Palais ensemble, exemple icy representé, par le grand procés qui fut au Parlement de Paris, entre Madame la Regente Louyse de Savoye, mere du Roy François premier, & Charles Prince du sang, aisné de la maison de Bourbon, Connestable de France.

CHAPITRE XI.

Le Comte de Sainct Pol qui fut executé à mort l' an 1475. avoit ensevely avec luy la dignité de Connestable, jusques en l' an mil cinq cens quatorze, que le Roy François premier de ce nom sur le commencement de son regne la feit reviure en Charles Prince du sang, aisné de la maison de Bourbon. Ces deux Connestables esmeurent de grands troubles, mais comme le second estoit dans nostre France de plus grande estoffe, aussi porta-il plus de coup que le premier. Histoire dont j' ay le souvenir en horreur, laquelle merite d' estre enchassee dedans cest œuvre. Peut-estre servira-elle de quelque leçon à ceux qui sont prez des Roys. Et par ce que le commecement de cette grande tragedie fut joüé par gens de robbe longe, & le demourant par gens faisans profession des armes, je veux donner le present chapitre à la plume, & estre homme du Palais, & l' autre suyvant à l' espee, & me faire homme d Estat: Et d' une mesme main vous enfiler sommairement la genealogie des aisnez de la maison de Bourbon, & quelques actes que je pense appartenir au present discours, sans lesquels je ne pourrois vous faire bonnement entendre ce que je me suis projetté.

Du mariage de Robert (qui fut appennagé par le Roy Sainct Louys son pere du Comté de Clairmont en Beauvoisis) & de Beatrix, Dame de la Baronnie de Bourbon, nasquit Louys premier de ce nom: En cestuy on remarque deux choses: Une qu' il feit eriger la Baronnie de Bourbon en Duché & Pairrie, y annexant plusieurs villes & seigneuries pour le soustenement de cette grande dignité: L' autre que là où auparavant Robert son pere, & luy portoient le surnom de Clairmont, il prit celuy de Bourbon, pour luy & sa posterité, retenant toutesfois à soy les armes de France au baston de gueule, tesmoignage asseuré à ses survivans de son extraction Royalle: & de là en avant ce fut une loy en cette famille que le pere portoit le tiltre de Duc de Bourbon, & son fils aisné celuy de Comte de Clairmont. Ce Prince eut deux enfans, Pierre aisné, & Jacques puisné, qui est celuy auquel prit commencement l' illustre maison de Vendosme, dont nostre grand Roy Henry 4. prit sa source.

De Pierre Duc de Bourbonnois nasquit Loys second, & de luy Jean premier de ce nom, lequel en l' an 1400. espousa Marie fille unique de Jean Duc de Berry & d' Auvergne (oncle du Roy Charles 6.) lequel par le contract de mariage donna à sa fille (suivant la permission qu' il disoit avoir du Roy) le Duché d' Auvergne, faisant partie de son appennage, & encores le Comté de Montpensier qui estoit de son acquest. Et Louys donna aussi à Jean son fils le Duché de Bourbonnois, avecques les Comtez de Clairmont & Forest. L' une & l' autre donation faicte en faveur des enfans masles qui descendroient des futurs mariez. Et le jour mesme le Duc Louys feit une declaration, par laquelle il ordonna qu ' avenant que Jean son fils, & autres enfans masles nez ou à naistre, allassent de vie à trespas, sans hoirs masles, tellement que la ligne directe de masles vint à faillir, en ce cas les Duché de Bourbonnois, Comtez de Clairmont & Forest fussent unis à la Couronne. C' estoit à bien dire un troc, & au lieu du Duché d' Auvergne ancien domaine de France qui ne pouvoit tomber en quenoüille, ny par consequent és mains de la Princesse Marie, faire tomber en contreschange à la Couronne le Bourbonnois & Forest, ausquels elle n' eust eu aucune part defaillans les masles, sans cette nouvelle Ordonnance du Duc Louys deuxiesme de ce nom: Car quant au Comté de Clairmont, il n' en falloit aucune declaration, comme estant un appanage de France.

Du mariage de Jean de Bourbon & Marie de Berry vindrent deux enfans, Charles & Louys, & par partage fait entr'eux le 3. Fevrier 1417. Charles laissa a Louys son frere puisné le Comté de Montpensier, seigneurie de Combraille & autres qu' il n' est besoin icy de specifier.

Charles premier eut plusieurs enfans, mais entre autres trois, dont nous avons maintenant affaire. Jean second qui fut marié en l' an 1450. avec Jeanne de France, fille du Roy Charles 7. Pierre sire de Beaujeu qui espousa en l' an 1474. (son frere vivant encores) Anne de France, fille aisnee du Roy Louys unziesme. Et Marguerite qui fut conjointe par mariage avec Philippes Comte de Bresse, & depuis Duc de Savoye, dont issirent deux enfans, Philebert qui succeda à son pere au Duché, & Loïse de Savoye mere du Roy François I. de ce nom.

De Louys Comte de Montpensier nasquit Gilbert, qui eut cinq enfans, Louys, Charles, François, Loïse & Renee: Charles qui par la mort de Louys fut faict l' aisné de la maison de Montpensier, Loïse qui fut mariee à Louys Prince de la Roche-sur-yon, puisné de la maison de Vendosme, dont sont issus successivement Louys qui fit eriger le Comté de Montpensier en Duché, François son fils, & finalement Henry qui mourut en la ville de Paris en l' an mil six cens huict, sur la fin du mois de Fevrier, auquel est faillie la ligne masculine de Montpensier.

Je vous ay dict que le Roy Louys unziesme avoit baillé en mariage Anne de France sa fille aisnee à Pierre. Chose qui de premiere rencontre pourroit sembler estrange au Lecteur. Qu' un Roy de France eust voulu choisir pour son gendre un puisné de Bourbon, qui ne portoit qualité de Duc, Marquis, ou Comte, ains de simple sire de Beau-jeu, mesmes le Duc Jean son frere estant encores plain de vie: toutesfois quand vous entendrez la suitte de cette negociation, vous y verrez un Roy Louys unziesme tiré tout de son long au naturel. Il voyoit d' un costé Jean Duc de Bourbon, marié dix & neuf ans n' ayant enfans, & presque hors d' esperance d' en avoir: d' un autre costé un Pierre de Bourbon aucunement necessiteux: Parquoy comme il estoit Prince accort qui sçavoit aussi dextrement choisir ses advantages pour les mesnager sur du parchemin, que ses predecesseurs par les armes: Il estima ne devoir laisser envoler l' occasion qui se presentoit. Tellement que ce qui par un jugement commun le devoit destourner d' y entendre, au contraire par un particulier l' y porta: Le contract de mariage est fait & passé, auquel il ne voulut estre present, a fin qu' à l' advenir on ne dist que sa presence eust esté une contraincte cachee, mais pour suppleer ce defaut, quelques seigneurs de marque negotierent ce faict pour luy. Par le traicté de mariage entre autres conventions, le Roy donne pour les deniers dotaux de sa fille, cent mille escus, suivant la coustume de la maison de France (porte le contract) & en consideration de ce que Pierre espousa une fille de Roy, il consent & accorde entant qu' il le touchoit ou pourroit toucher (ce sont les propres paroles du mesme contract) que tous les Duchez, Comtez, & Vicomtez de la maison de Bourbon, advenant qu' il n' eust enfans masles de son mariage, appartinssent au Roy, & ses successeurs. C' estoit un Prince non grandement riche, qui recevoit manuellement cent mille escus, somme suffisante pour reparer aucunement les bresches de ses affaires, & exerçoit liberalité d' un bien auquel il n' avoit lors rien que par esperance. Qui ne fut pas un petit coup de rét jetté par Louys unziesme, vray que par la clause portant ces mots, En tant qu' il touchoit Pierre, ou le pouvoit toucher, apporta une obscurité, sçavoir s' il avoit entendu prejudicier à toute la famille de Bourbon, ou bien aux filles seulement qui descendroient de son mariage. Paroles qui appresterent matiere aux Advocats pour se joüer diversement de leurs langues au Parlement de Paris.

Le Duc Jean mourut quelques annees apres sans hoirs procreez de son corps delaissant par ce moyen pour son heritier son frere Pierre, lequel n' eut qu' une seule fille de son mariage qui fut appellee Suzanne, laquelle devoit estre mal lotie apres la mort de son pere par le moyen de la clause cy dessus mentionnee. Cela fut cause que sur l' advenement du Roy Louys douziesme à la couronne, le Duc Pierre obtint en l' an mil quatre cens quatre vingts dix-huict, trois patentes diverses, de mesme datte & substance, l' une pour le Duché de Bourbonnois, l' autre pour celuy d' Auvergne, & la troisiesme pour le Comté de Clairmont, par lesquelles le Roy permettoit que sans avoir esgard à la declaration de Pierre portee par son contract de mariage, Suzanne sa fille, & les enfans masles ou femelles, qui descendroient d' elle, peussent jouyr des deux Duchez & du Comté. De ces lettres presentees à la Cour de Parlement de Paris les deux concernans l' Auvergne & Clairmont ne furent publiees, ains seulement celles qui concernoient le Bourbonnois, & à publication s' opposa Louys aisné de la maison de Montpensier, dont il eut acte, & pour le surplus fut dit qu' elles estoient leuës, publiees & verifiees entant que touchoit l' interest du Roy seulement. Sage arrest, pour ce que la Cour estima que le Bourbonnois estoit naturellement de l' ancien estoc & patrimoine des seigneurs de Bourbon, ausquels nos Roys ne pouvoient rien pretendre sans la cause contractuelle de Pierre, à laquelle le Roy pouvoit facilement renoncer, & faire retourner les choses en leur premiere nature: mais quant au Duché d' Auvergne, & Comté de Clairmont, qui originairement estoient du Domaine de la France, c' eust esté pecher contre les reigles fondamentales de nostre Estat de les faire tomber en quenoüille. Le Duc Pierre voyant ce refus fiança en l' an mil cinq cens, sa fille aagee seulement de huict à neuf ans, avecques Charles de Vallois Duc d' Alençon, esperant par l' union de deux familles, de Vallois & Bourbon, estayer de telle façon sa cause que par multiplicité de jussions, il obtiendroit enfin du Parlement, ce dont il avoit esté refusé. Il meurt en l' an mil cinq cens trois, delaissee Anne de France sa vefve, chargee de sa fille, & encores de Charles de Bourbon son nepueu, Comte de Montpensier, jeune Prince, qui lors n' estoit aagé que de quinze ans, lequel avoit esté nourry & eslevé dés son bas aage en la maison du Duc Pierre, sa grande jeunesse ne permettoit qu' il eust cognoissance de ses affaires, & quand il en eust esté esclaircy, l' obligation qu' il avoit en cette famille, luy ostoit la volonté de reprendre les arrhemens de l' opposition formee par feu Louys son frere aisné. Toutesfois Louys, Prince de la Roche-sur-yon son beau-frere, s' en remua pour luy, & supplia Anne Duchesse, Doüairiere, de ne vouloir trouver mauvais, si pour la conservation des droicts de la maison de Montpensier il obtenoit lettres Royaux en forme de complaincte, sous le nom de Charles son beau-frere, pour la faire assigner en qualité de tutrice & curatrice, naturelle & legitime de sa fille Suzanne en la Cour de Parlement, sur ce qu' il pretendoit que tous les grandes biens de la maison de Bourbon estoient fondus par la mort du Duc Pierre en la personne du Comte Charles de Montpensier, aisné de cette famille. Cette premiere desmarche estonna aucunement la Duchesse, & la fit tenir sur ses gardes, toutesfois priee & interpellee plusieurs fois d' en communiquer avecques son conseil, enfin elle luy lascha la bride, ce qu' elle ne pouvoit empescher: Les lettres sont obtenuës, signifiees, & assignation à elle baillee en la Cour de Parlement à la requeste de Charles Comte de Montpensier.

Cette nouvelle escarmouche tint aucunement la Cour du Roy en rumeur. Au moyen dequoy le Roy Louys douziesme, Prince debonnaire s' il en fut oncques un en France, ne voulant que ce nouveau trouble qui pourroit apporter plus grands troubles, passast plus outre, fit assembler plusieurs seigneurs, tant de l' espee que de la plume pour examiner ce qui pouvoit estre de leurs droicts. Lesquels apres avoir eu communication des titres & enseignemens, furent par un sage conseil d' advis que sans approfondir plus amplement les droits des parties il falloit faire le mariage des deux jeunes, Prince & Princesse. Quoy faisant, en reünissant les deux branches c' estoit bannir toute l' obscurité qui pouvoit estre entre les deux familles, issuës d' un mesme tige. Conseil qui ne despleut au Roy, & moins à la Duchesse mere, & peut estre ce mesme project estoit entré en sa teste, quand elle permit d' obtenir les lettres. Cognoissant ce jeune Prince, qui estoit sa nourriture, estre de mœurs tres-agreables, & promettre beaucoup de luy: Les articles du mariage furent dressez au mois de Janvier 1504. du consentement du Duc d' Alençon, en presence du Cardinal George d' Amboise Archevesque de Roüen, Legat en France, des Evesques de Clairmont & de Rodés, des Ducs de Vendosme, & Longue-ville, Comte de Neuers & autres grands Seigneurs: Et selon mon petit jugement, jamais plus de prudence ne fut apportee en contract qu' en cestuy-cy. Car combien que dans iceluy on attribuast seulement à Charles la qualité de Comte de Montpensier, & à Suzanne, celle de Duchesse de Bourbonnois, comme si elle en fust Dame, toutes fois doüaire de dix mille liures par an luy est assigné sur les Duché d' Auvergne & Comté de Clairmont, & Anne de France mere fut assignee par le futur espoux de ses deniers dotaux sur le Duché de Bourbonnois. Tellement que par ce sage entrelas ils laisserent à l' arbitrage du Lecteur de juger qui l' on devoit estimer estre seigneur ou Dame de toutes les Duchez & Comtez. Chacun d' eux l' estant & ne l' estant point sans se faire tort l' un à l' autre, & au surplus les deux futurs espoux, par l' advis expres de tous ces seigneurs, à ce expressément commis & deleguez par le Roy, se firent donation mutuelle de tous & chacuns leurs biens presens & advenir, au survivant l' un de l' autre, comme pareillement feit la mere de tous ses biens, dont lors de son decés elle n' avoit disposé: le Roy n' y estoit present, parce qu' il estoit grandement affligé de ses gouttes, mais les articles luy estans apportez il les soubsigna, & au mois de May ensuivant, mil cinq cens cinq, fut le mariage consommé. La mere, la fille, & le gendre, faisans une demeure ensemble. La mere pretendant estre usufruitiere de Bourbonnois, Auvergne & Clairmont par les trois lettres patentes de l' an mil quatre cens quatre vingts dix-huict. En l' annee 1519. Suzanne se voyant aucunement mal disposee de son corps fit son testament, par lequel elle institua son mary son heritier universel, confirmant les conventions portees par son contract de mariage, à la charge que l' usufruict pretendu par sa mere, fust en elle continué. Deux ans apres, je veux dire en l' an 1521. elle alla de vie à trespas: Et par son decés la mere se pretendoit heritiere de sa fille par le moyen du SC. Tertulian en tous les biens du droict escrit, comme pareillement aux meubles & acquests au pays coustumier, la coustume generale de France, & singulierement en tous & chacuns les meubles: Parce que leur domicile estoit en la ville de Moulins, & qu' en matiere de meubles tous les autres en quelque pays qu' ils soient suivent la nature du domicile des parties: Droits qu' elle ceda puis apres & transporta avant que de mourir, ensemble le Vicomté de Chastelerault & Comté de Gien de son acquest, à Charles son gendre.

Jamais seigneur en cette France, n' estant fils de Roy n' estoit arrivé à si haut degré de fortune que luy, Prince du sang, Connestable de France, Gouverneur de Languedoc, doüé de plusieurs belles & rares vertus, tant de corps, que d' esprit, seigneur souverain de Dombes, Duc de Bourbonnois, & d' Auvergne, Comte de Clairmont en Beauvoisis, Forest, la Marche, Montpensier, Prince Dauphin d' Auvergne, Vicomte de Morat & Carlat, Seigneur de Beaujoulois, Mercueur, Combrailles, la Roche en Renier, & de Bourbon Lanceis, Pair & Chambrier de France. Terres & seigneuries dont luy & sa belle mere joüirent l' espace d' un an, par une mutuelle concorde, sans aucun destourbier, quand voicy son malheur qui luy dresse inopinément cette nouvelle embusche. Je vous reciteray une Histoire non escrite, mais que nous tenons depuis ce temps là de main en main pour vraye, par forme de tradition. 

Toutes ces singularitez que l' on voyoit reluire en ce Prince lors aagé seulement de trente deux ans, convierent Loyse de Savoye mere du Roy François premier de ce nom, de souhaitter son mariage. Chose dont elle le fit rechercher avecques une tres-grande instance. A quoy il ne voulut entendre; De vous en dire la raison, ce me sont lettres clauses, refus que cette Princesse porta fort impatiemment en son ame, bien deliberee de s' en vanger à quelque prix & condition que ce fust.

Manet alta mente repostum 

Iudicium Paridis, spretaeque iniuria formae.

Elle estoit Dame absoluë en ses volontez, desquelles, bonnes, ou mauvaises, elle vouloit estre creuë. Qui fut cause que par la voix commune du peuple on fit cet Anagramme de son nom & surnom, sans changement & transport d' aucune lettre, Loyse de Savoye, Loy se desavoye. Elle estoit assistee de messire Antoine du Prat Chancelier de France; qui avoit pris la premiere nourriture dedans le Palais de Paris, accroissement de fortune par la maison d' Angoulesme, sous le regne de Louys douziesme, & accomplissement de grandeur sous celuy de François premier. De maniere qu' il s' estoit du tout voüé aux opinions de sa maistresse, & la voyant resoluë à la ruine de ce Prince, ou du mariage, il luy bailla ce conseil. Que les biens dont jouyssoit le Connestable estoient de deux natures. Les uns provenans de l' ancien estoc de la famille de Bourbon, ausquels cette Princesse devoit succeder, comme plus proche lignagere, & les autres sujets à reversion à la Couronne par conventions contractuelles: Partant y devoient estre reincorporees. Qui seroit un party que le Procureur general soustiendroit pour la necessité de sa charge. Au demeurant qu' il y avoit une ancienne leçon dedans l' escole du Palais, que jamais le Roy ne plaidoit dessaisi. 

Et par ces moyens il pourroit advenir que sans entrer en involution de procés, le Connestable seroit tres-aise d' entendre au mariage dont estoit question, tout ainsi que la Duchesse Anne avoit fait pour sa fille Suzanne, lors qu' elle fut mariee avecques luy.

Voila le premier plan de cette cause, dont la suite fut telle que je vous deduiray presentement. Tout ainsi qu' au faict de la guerre deux armees ennemies estans campees l' une devant l' autre, on attaque plusieurs escarmouches, avant que de liurer la bataille, aussi fut fait le semblable en cette cause. Le Lundy unziesme jour d' Aoust mil cinq cens vingt deux, apres que le premier Huissier eut appellé à l' Audience l' intitulation des Rolles du Bourbonnois, Auvergne, Chastelerault, Clairmont, la Marche, sous les noms de Charles de Bourbon, & Anne de France Doüairiere & usufruitiere, Maistre Guillaume Poyet Advocat de Loyse de Savoye mere du Roy s' y opposa, & forma complainte en cas de saisine & nouvelleté, soustenant que toutes ces qualitez devoient tomber en sa partie. Ce jour y eut contestations d' une part & d' autre, & par Arrest la partie fut remise au lendemain par l' organe de messire Jean de Salva lors premier President au Parlement. Auquel jour Poyet reprenant les arrhemens du jour precedant particulariza tout au long ses moyens, par lesquels il pretendoit la succession devoir eschoir à la mere du Roy demanderesse. Bouchard pour Anne de France soustint que par le benefice du Tertulian, comme tous les biens assis au pays de droict escrit luy devoient appartenir, pareillement les meubles & acquests au pays coustumier. Adjoustant à tout cela qu' elle estoit Dame usufruitiere de tous & chacuns les biens. Maistre François de Montelon Advocat du Connestable, que tous ces grands biens ne pouvoient tomber en quenoüille, les uns de leur nature essentielle tenus en appagnage, les autres par conventions & dispositions anciennes: Partant luy appartenoient comme plus prochain masle & principal heritier. Eu esgard mesmement à son contract de mariage, & testament de feuë sa femme: & neantmoins demandoit delay, pour venir defendre peremptoirement & à toutes fins: Maistre Pierre Liset Advocat du Roy, pour le Procureur general, requit avoir communication des titres, disant que tel faisoit souvent lever le lievre, qu' il ne prenoit pas, ains tomboit inesperement és mains d' un autre qui n' y pensoit. Que cela pouvoit advenir en la cause qui se presentoit, qu' apres que les titres avroient esté par luy veus, peut estre se trouveroit-il, que les deux parties disputoient de la Chappe à l' Evesque (ce sont ses mots dont il usa) & que nul n' y avoit aucun droict que le Roy. La Cour par son Arrest ordonna que toutes les parties viendroient defendre à la complainte le lendemain de sainct Martin. Pendant lequel temps le Procureur general avroit communication des titres & enseignemens desquels seroit fait inventaire. Ce qui est fait. Advient entre tant, que Madame Anne de France decede, faschee tant de la mort de sa fille qui luy pesoit sur le cœur, que de cette nouvelle moleste, & par son decés Charles de Bourbon son donataire universel fut fait maistre & seigneur de tous & chacun ses biens, & mesmement des pretensions que cette grande Princesse avoit sur ceux de sa fille. La cause estant appellee à l' audience l' unziesme de Decembre ensuivant, Montelon demanda nouveau delay pour en venir, a fin d' estre suffisamment informé des droicts nouvellement escheus à sa partie. Chose empeschee par Poyet, soustenant que c' estoit une hypocrisie du barreau, & que Montelon par son premier plaidoyé s' estoit tellement ouvert que mal-aisément y pourroit-il apporter aucune chose de plus. Il fut ordonné par Arrest qu' on en viendroit au lendemain des Roys. Je trouve en Montelon deux grands traits de prudence: L' un quand le 12. d' Aoust faisant contenance de ne vouloir defendre, il estalla toutesfois de telle maniere son fait, qu' obtenant le delay par luy requis, il laissa pour closture de son plaidoyé, une bonne bouche de sa cause à toute la compagnie. L' autre quand l' unziesme de Decembre, combien qu' il fust armé de toutes pieces pour parer aux coups de son adversaire, ce neantmoins il rechercha tous les moyens à luy possibles, pour n' entrer en lice, voyant & la puissance, & l' animosité de la Princesse contre laquelle il avoit affaire. Qui est un secret que tout Advocat doit apprendre en telle occurrance, non qu' il ne faille estimer tous juges estre gens de bien, qui ne voudroient detraquer leurs consciences du bon chemin: mais tant y a qu' ils sont hommes, quand j' ay dit cette parole j' ay tout dit, & doit le sage en tels accessoires esquiver le plus qu' il peut, tout ainsi que le Nautonnier calle le voile à la tempeste.

De vous representer maintenant toutes les fleurettes des plaidoyez de ces grands Advocats, telles que portoit la Rhetorique de leurs temps, ny les raisons par eux diversement deduites, c' est un ouvrage que je n' ay icy entrepris. Je me contenteray de vous dire que Poyet plaida pour la proximité de lignage: Montelon pour la Masculinité, ores qu' en plus esloigné degré, & Lizet pour le droict de reversion au Roy & à sa couronne. Voila quel estoit l' air general des trois plaidoyez, & celuy qui sera quelque peu nourry au barreau, pourra recueillir du discours que j' ay cy dessus fait, & pieces par moy alleguees, les raisons sur lesquelles chaque Advocat se fondoit.

Grande cause veritablement, si jamais il s' en presenta de grande en la France, soit que vous consideriez la grandeur du sujet, ou des parties, ou des Advocats. Car il estoit question de deux Duchez, quatre Comtez, deux Vicomtez, plusieurs Baronnies, & Chastellenies, & une infinité d' autres seigneuries. Trois illustres parties, une mere de Roy, un Prince du sang Connestable, & finalement le Roy mesme. Trois signalez Advocats, Poyet, depuis Chancelier, Montelon Garde des Seaux, Liset premier President au Parlement de Paris. Une chose sans plus me desplaist que je ne puis passer sous silence. Les conventions concernans leurs droits estoient claires, sans art, sans fard, avec une naïfveté telle que l' on pouvoit souhaiter en Princes non nourris en la poussiere des escoles. Toutesfois quand ce vint aux lances baisser qui fut le 22. Fevrier 1522. 

je voy que ces trois grands guerriers s' armerent d' une Jurisprudence pedantesque mandiee d' un tas d' escoliers Italiens que l' on appelle Docteurs en Droict, vrays provigneurs de procés (telle estoit la Rhetorique de ce temps là.) Et tout ainsi qu' il est aisé de s' egarer dedans un touffe de bois, aussi dedans un pesle-mesle d' allegations bigarrees, au lieu d' esclaircir la cause, on y apporta tant d' obscuritez & tenebres qu' en fin par Arrest donné sur le commencement d' Aoust les parties furent appointees au Conseil, & ce pendant par provision ordonné, que tous les biens contentieux seroient sequestrez. Ce n' estoit pas saisir le Roy, mais bien mettant toutes ces Duchez, Comtez, Vicomtez, Baronnies & Seigneuries en main tierce, c' estoit une provision, qui sembloit reduire au petit pied diffinitivement la grandeur de ce Prince. Quoy faisant, combien que la mere du Roy deust avoir la moindre part au gasteau, si obtint-elle victoire de ses pensees. S' estant par ce moyen vangee de celuy que, pour avoir desdaigné son mariage, elle avoit sur tous les hommes du monde à contrecoeur. Vengeance qui fut depuis cherement venduë à la France, comme vous entendrez par le Chapitre prochain.