lundi 19 juin 2023

3. 20. De l' heresie de Jean Hus qui se planta dans le schisme,

De l' heresie de Jean Hus qui se planta dans le schisme, & avecq' quelle dignité le Concil de Constance proceda à l' extirpation tant du schisme, que de l' heresie, par l' entremise de nostre Eglise Gallicane. 

CHAPITRE XX.

Pendant cest interiet de temps, tout ainsi que les grands Prelats se ioüoient de leur ambition aux despens de l' Eglise Universelle, aussi le diable qui estoit aux aguets, enta sur ce Schisme, un arbre de plus malheureux & damnable effect, dont la consequence a pris traict jusques à nous. Ce fut l' heresie de Jean Wiclef, Docteur Anglois, qui commença d' escrire, & crier contre les traditions de l' Eglise. Les Docteurs, gens de bien, de ce temps là, ne doutoient de crier contre le schisme; ny d' accuser ceux qui en estoient le motif, encores qu' ils tinssent grand lieu, & authorité en l' Eglise: mais cestuy-cy commença de toucher à la chose mesme, ne se donnant peine de personnes. En quoy il eut pour successeurs Jean Hus, & Hierosme de Pragues, natifs du pays de Boëme, jusques à ce que finalement Martin Luther reprenant, du temps de noz peres, leurs anciens arrhemens, remit sus ceste heresie, à la desolation non seulement de la Papauté, mais de la plus part des Roiaumes Chrestiens, tesmoins les afflictions d' Allemaigne, Angleterre, Escosse, & finalement de nostre France. Et qui est une chose grandement à remarquer, c' est que Dieu pour se venger du tort que nous fismes à l' Eglise, quand par un nouvel artifice des hommes, nous voulusmes transplanter la Papauté en ceste France, pour nous faire à demy Papes, Dieu, dy-je terrassant nostre conseil, a voulu que depuis, le siege ayant esté restabli dans Rome, nul Cardinal François n' ait esté éleu Pape: Voire que ç' a esté un vœu general du Consistoire, de nous en frustrer, pour la crainte que l' on a eu du retour d' Avignon: Car quant à moy, je l' attribuë à un juste jugement de Dieu, pour nous enseigner, que quand nous serions affligez par l' Eglise de Rome en ceste France, il ne faudroit avoir recours aux conseils des hommes, mais à l' Eglise mesme: je veux dire trouver le remede dedans celle qui sembleroit estre cause du mal, & refugier aux anciens privileges de nostre Eglise Gallicane, lesquels combien que l' on ait opposez aux entreprises de la Cour de Rome, si est-ce que ce n' est une Eglise distincte, & separee d' avecq' la Romaine. Et à tant toute la desbauche, qui fut en ce temps là, nous doit servir d' instructions, & memoires de noz deportemens, tant pour la conservation de nostre Estat, que de l' Eglise Catholique universelle.

Ce conseil fut depuis trouvé le meilleur, & plus expedient. Les cris de l' Université de Paris furent si grands, que tous les Princes Chrestiens conspirerent unanimement à un Concil general, par une belle, & saincte conjuration, conduite souz l' authorité, & entremise de l' Empereur Sigismond, que l' on ne sçavroit assez dignement louër. Car je voy que par iceluy sans passion, & d' un mesme poids on s' estudia d' extirper de l' Eglise, l' Erreur, & l' Abus. Toutesfois devant que d' en venir à chef, il y eut plusieurs grands destourbiers, & empeschemens dedans ceste France.

Je ne sçay comment nostre fortune est tellement liee avec celle des Papes, que j' ay observé une chose qui me semble ne devoir être passee soubz silence. L' un des plus grands, & malheureux schismes de l' Eglise de Rome, fut celuy qui advint souz la seconde lignee de noz Roys, de Formose Pape, & d' Estienne son successeur: Auquel schisme par trois, ou quatre successions de Papes, l' un defaisoit tout ce qui avoit esté statué & ordonné par son predecesseur. Et lors aussi furent les grands troubles, & divisions, qui estoient en nostre France, entre la seconde famille de noz Roys, & Eude, qui se fit proclamer Roy: & depuis au long aller transmit la Couronne à Hugues Capet. Le semblable advint-il au temps dont nous parlons maintenant. Car tout ainsi que nous vismes l' Eglise de Rome fluctuer dans ceste division, aussi Dieu voulut que vers l' an mil quatre cens & quatre commença la division en ceste France d' entre la maison d' Orleans, & de Bourgongne, fondee sur le gouvernement de l' Estat, pendant que Charles sixiesme estoit mal ordonné de son cerveau par certains intervales de temps: Querelle qui causa la mort au Duc d' Orleans frere du Roy, & depuis une guerre intestine par toute la France, en laquelle l' on ne peut dire que le tort ne fust du costé de Jean Duc de Bourgongne, encores que par un mauvais jugement il fust assisté des Parisiens. Chose que je ne puis lire, ou escrire, que je ne me courrouce infiniement contre les miens de voir qu' avec une telle fureur ils eussent embrassé la cause d' un tres-mauvais Prince contre la memoire d' un Prince innocent, qu' il avoit fait proditoirement meurdrir. Et tout ainsi que par un assassin qualifié il entreprit le gouvernement des affaires de France, aussi s' entretint-il en cest estat par meurdres, prisons, seditions, carnages, qu' il executoit par l' entremise de je ne sçay quels bouchers. Il n' estoit pas que le bourreau ne luy servist quelquesfois de capitaine general, pour la conduite, & execution de telles cruautez, ayant des prescheurs à gages, qui luy servoient de trompettes au milieu du peuple pour donner fueille à tous ses mauvais desseins. C' est celuy duquel vrayement je puis dire, que l' Eglise Gallicane n' eut jamais plus grand ennemy de ses privileges. Car comme ainsi fust qu' il se fust allié des Papes, pour excuser par leur authorité son forfait, aussi les gratifioit-il le plus qu' il pouvoit pendant la maladie de nostre Roy, aux despens de nos privileges. Ce bel Edit tant solemnisé entre nous, concernant la manutention de nos Libertez, contre les abus de la Cour de Rome, estoit de l' an mil quatre cens six, lors que Louys Duc d' Orleans estoit en regne, & manioit les affaires. Soudain qu' il eust esté tué, & que le Duc de Bourgongne s' empara de la personne du Roy, vous trouverez une nouvelle mutation pour ce regard: parce que le desordre recommença entre nous, tout ainsi comme auparavant: mesmes soudain apres le sacre, & couronnement de Jean XXIII. homme qui est mis entre les meschants Papes: lequel n' oublia un seul point de gratification envers les grands de la France pour faire supprimer l' ordonnance de l' an 1406. Je trouve que tout ainsi que la Cour de Parlement lors de l' advenement de Benoist XIII. s' estoit pourchassee un Indult sur les Benefices, aussi fit le semblable la Chambre des Comptes en l' an 1410. sous ce Jean XXIII. & qu' elle luy presenta requeste à mesme effect. Jean Juvenal de la famille des Ursins, personnage de singuliere recommandation en son histoire de Charles VI. dit ainsi. En l' an 1414. le Pape Jean XXIII. envoya en France pour rompre l' Ordonnance des Ordinaires, & furent annullées. Car le Roy, la Royne, & le Dauphin eurent nominations pour leurs serviteurs, & pareillement l' Université de grandes prerogatives. Et au regard des Prelatures, le Roy, & les seigneurs estoient Papes: pource que le Pape faisoit ce qu' ils vouloient, & ne tenoit pas à argent, & les Eglises se bailloyent au plus offrant, & dernier encherisseur. Il n' y avoit Laboureur qui ne baillast argent pour avoir une grace expectative.

Si vous considerez la datte de ce passage, ce fut par expres au mesme an que l' on avoit destiné pour l' ouverture du Concil general, que ce Pape craignoit sur toute chose, sçachant bien qu' il ne se pouvoit conclurre qu' à sa confusion, & pour ceste cause n' espargna le verd, ny le sec, pour rompre ceste belle entreprise. Toutesfois Dieu voulut qu' à ce mesme an fut faite la paix de Pontoise avec les Orleannois, qui lors entrerent en grace pres du Roy, tellement que le Duc de Bourgongne fut contraint de leur quitter la place. Or tout ainsi que ceux-cy suivoient la meilleure voye, & estoient pour ceste cause soustenus par maistre Jean Gerson, contre les seditieuses harangues de Maistre Jean Petit, aussi commencerent-ils de remettre en ieu les privileges de nostre Eglise, contre les entreprises, & abus des Papes qui lors estoient: & neantmoins on ne peut dire qu' ils n' y eussent beaucoup d' obstacles, & empeschements. Car combien qu' ils possedassent lors le Roy, si est-ce que le Bourguignon avoit laissé dans Paris une infinité de personnes seditieuses, qui portoient sourdement son party. Mais sur tout, faut donner le principal honneur & gloire de ce qui advint puis apres, au Parlement de Paris, lequel voyant que par les brigues, & menees ouvertes du Cardinal de Pise lors Legat en France, l' ordonnance de l' an mil quatre cens six, avoit esté rompuë, ne se peut taire, ains remonstra au Roy, & à son Conseil, les inconveniens qui adviendroient de ceste roupture. De maniere que par l' advis du Conseil du Roy: les Chambres assemblees au Parlement, & de plusieurs Docteurs, & maistres de l' Université de Paris (ainsi porte le texte) fut faicte une autre Ordonnance du vingt cinquiesme Decembre mil quatre cens dix sept, par laquelle pour reformer les abus qui estoient en Cour de Rome, le Roy oste toutes les Reservations qui estoient faites au prejudice des Ordinaires, veut que les Elections eussent lieu és Benefices electifs, & aux Collatifs que l' on y pourveust par presentations, collations, & institutions des Ordinaires, nonobstant icelles reformations, reservations, ou graces expectatives. Aussi oste toutes exactions qui se faisoient en Cour de Rome sous pretexte des vacquans: & dés lors fut advisé d' en envoyer autant aux Ambassadeurs de la France, qui estoient au Concil de Constance, avecq' injonctions expresses de n' accorder chose aucune des reiglements, sinon aux charges qui estoient portees par cest Edit. Encores ne se peut ceste Ordonnance passer sans coup ferir. Car l' Université tournant sa robbe d' un autre sens, qu' elle n' avoit fait par le passé, en voulut faire quelque instance, soit qu' elle fut indignement traictee par les Ordinaires, ou bien qu' elle fust gagnee sous main par le Duc de Bourgongne, lequel elle favorisoit plus que les Orleannois, & Armaignacs. Et de fait elle en appella au Pape, à l' occasion dequoy le Recteur, & ses supposts par commandement du Parlement furent constituez prisonniers en Feburier mil quatre cens dixsept. On ne sçavroit assez haut louer la vertu, dont le Parlement usa lors. Que pleust à Dieu que depuis il eust tousjours esté en toutes les actions aussi fort, il en seroit mieux à la France. L' Université tenoit lors tel rang, qu' elle se faisoit mesmes croire aux affaires d' Estat: elle estoit en cecy supportee sous main par les Bourguignons. Davantage nous estions lors exposez au dessous de tous affaires par le moyen de la luctueuse journee d' Azincour, où toute la fleur de la Noblesse de France avoit esté saccagee par l' Anglois. Toutes-fois toutes ces rencontres n' empescherent que le Parlement n' exerçast contre l' Université toute rigueur de justice, la voyant par brigues & menees se fourvoyer de son ancienne vertu. Or comme les choses se manioient en ceste façon dans la France pour le restablissement de la dignité de l' Eglise, d' un autre costé l' Empereur Sigismond ne demouroit point oiseux à faire parachever le Concil qui avoit esté ouvert dedans la ville de Constance, à son instigation & poursuitte. En ce Concil fut premierement condamnee la memoire de Wiclef, lors decedé, & ordonné que ses os seroient deterrez & jettez hors de la terre saincte, s' ils pouvoient être discernez d' avec les autres. L' opinion de Jean Hus, & de Hierosme de Pragues condamnee, & declarez heretiques: que leurs livres seroyent bruslez publiquement, eux degradez en la presence du Concil, pour ce fait être mis és mains du Magistrat seculier, pour être par luy ordonné ce qu' il verroit être à faire par raison. Choses certes dignes de grande recommandation à toute la posterité: Que lors que la Papauté estoit infiniement affligee par le schisme, & toute la Chrestienté par la Papauté, l' Eglise universelle prit la cause du Pape en main, & la soustint vertueusement encontre l' heresie, & erreur de la façon que dessus. 

Si ne peut-on si bien besongner, que dés-lors le pays de Boëme ne se soustrahit totalement de l' obeïssance du sainct Siege. A quoy elle avoit esté premierement subornee par les presches, & remonstrances de Hus. Et tout ainsi que ces bons Peres combattirent l' heresie, aussi ne voulurent ils espargner le schisme, & division de l' Eglise. Et pour y mettre la main à bonnes enseignes, & oster l' ambition qui regnoit au College des Cardinaux, il fut ordonné que si on donnoit sentence definitive contre les trois Papes, (c' estoient Benoist XIII. Gregoire XII. & Jean XXIII.) portant vacquation de leurs dignitez Pontificales, il ne seroit nullement procedé à nouvelle election, sinon par authorité du Concil general de Constance. Et par autre Decret fut ordonné que le Concil ne se romproit que l' on n' en eust esleu un autre. Ce fondement ainsi jetté on prononce une sentence contre Jean XXIII. par laquelle son procez luy estant fait par contumace, il est declaré privé du tiltre de Pape, à celle de Benoist XIII. on adjouste qu' il estoit declaré schismatique, & heretique, & defenses sur peine d' anatheme de le recognoistre autre que privé.

Car quant à Gregoire XII. volontairement il se demit de la Papauté par procuration speciale. En contemplation dequoy on authorise jusques là tout ce qui avoit esté fait par luy, ses Cardinaux, & Officiers, & si fut creé Legat de la Marche d' Ancone. Et ne voulurent point passer outre à nouvelle eslection, que ce ne fust sous ceste protestation publique, qu' avant que deguerpir le Concil, le futur Pape assisté de tous ces preud' hommes, determineroit avecq' eux sur le nombre des Cardinaux, sur les Collations, Reserves & Graces expectatives de la Cour de Rome, la confirmation des Elections, Annates, causes que l' on pouvoit traicter en Cour de Rome, appellations que l' on y devoit relever, exemptions, ou unions faites pendant le schisme, commandes, fruicts escheus pendant la vacquance d' un Benefice, extirpation de la symonie, dispenses, indulgences, decimes, & finalement pour quelles causes, & comment un Pape pouvoit être corrigé & deposé. De tous lesquels articles ils prindrent les premiers memoires de nous. Par ce que c' estoient les points qui avoient esté extraordinairement agitez par l' Université de Paris pendant ces divisions, & mesmes Maistre Jean Gerson Docteur en la faculté de Theologie, & Chancelier de l' Université de Paris, avoit composé un livre en Latin, intitulé de l' Auferibilité du Pape, non que par cela il voulut dire qu' il falloit oster la Papauté, & que sans elle nostre Eglise peust subsister, comme quelques Lucianistes de nostre temps l' ont voulu calomnier: mais bien que selon les necessitez, on pouvoit pour le repos de l' Eglise, sous l' authorité d' un Concil general, faire demettre un Pape de sa dignité, comme j' ay touché en un autre lieu. Qui fut aussi la conclusion de ce grand Concil de Constance. Et toutes ces choses en ceste façon proposees, fut éleu Eude de la famille des Colonnes, Cardinal, depuis appellé Martin cinquiesme: & apres son election, il fut advisé sur la plus part de tous ces articles, mesmes que toutes les unions des Eglises faites depuis le trespas de Gregoire unziesme seroient cassees & annullees, si elles ne se trouvoient être faites avecq' juste raison: Que les fruits & revenus des Benefices vacquans iroient à ceux, ausquels ils devoient appartenir de coustume, ou par privilege, non au Pape, ou à la Chambre Apostolique: Que celuy qui se trouveroit avoir esté promeu par symonie, perdroit tout le droit d' un Benefice avecq' restitution des fruicts: Que nonobstant les Dispences auparavant donnees par les autres Papes, ceux qui estoient appellez aux Archeveschez, & Eveschez, se feroient consacrer dans six mois, sur peine de privation de leurs Benefices: Que le Pape ne pourroit lever Decimes sur le Clergé, & autres telles impositions, si ce n' estoit avecq' grande cognoissance de cause, pour la subvention, & ayde de l' Eglise universelle: & encores du consentement des Prelats de la Province, sur lesquels on vouloit faire ceste cueillete, & plusieurs autres saincts Decrets, non toutesfois en tout & par tout tels que l' on avoit auparavant proposé, ne si amples, que l' Empereur Sigismond & le Roy Charles desiroient: Car pour bien dire, ceux qui estoient habituez en Cour de Rome, ne pouvoient bonnement prendre ceste medecine. Qui fut cause que ces Princes faisans, non tout ce qu' ils desiroient, ains ce qu' ils pouvoient, il fut pour conclusion arresté que l' on ouvriroit un autre Concil dans certain temps, en la ville de Pavie, pour la reformation generale du Clergé.

Soudain apres que Martin cinquiesme eust esté couronné Pape, il depesche Ambassadeurs en France, pour nous advertir de son eslection. Auquel fut fait response par le Roy, assisté de plusieurs Seigneurs de son Parlement, & grand Conseil, qu' il avoit tousjours desiré entre tous les Princes de la Chrestienté, l' union, & que c' estoit ce, où son Eglise avoit principalement travaillé. Que son intention estoit de demourer envers l' Eglise Romaine en aussi grande obeïssance qu' avoient oncques fait ses predecesseurs: toutesfois qu' il craignoit qu' ayant esté eleu, c' eust esté à l' appetit du Roy des Romains son ennemy. Parquoy attendroit le retour de ses Ambassadeurs, pour donner response certaine à celuy qui estoit envoié de Rome. Et neantmoins a fin de faire paroistre que dés lors il n' entendoit se rendre refractaire à ce qui avoit esté fait, il luy declara, que quant aux benefices electifs, il y seroit procedé par elections, ou postulations des Chapitres, lesquelles seroient confirmées par le souverain sans moien: Et quant aux Benefices collatifs, il y seroit pourveu par collation des Ordinaires, nonobstant les Reservations, & Graces expectatives de Cour de Rome. C' estoit une mediocrité entre deux extremitez, parce qu' és Benefices electifs, on lioit les mains au Pape de n' en pouvoir disposer au prejudice des Elections: mais aussi ostoit-on la confirmation qui estoit deuë d' ancienneté au Metropolitain, & l' envoioit-on au Pape, Conseil plus sage, que devot: mais toutesfois necessaire pour bannir le mescontentement de Rome. Le Parlement supplia le Roy, & le Dauphin, de vouloir religieusement faire garder ceste Ordonnance: & que qui impetreroit benefice contre la voye ainsi prescrite, il fut arresté prisonnier. Et outre de ne souffrir qu' aux Elections fussent faites aucunes menaces, violences, ou impressions. Ce qu' ils accorderent liberalement.

Toutesfois les choses ne demourerent pas longuement en ceste devotion, sans recevoir nouvelles algarades. La France estant (comme j' ay dit cy dessus) bigarree en deux ligues, le 22. May en l' an 1418. l' Isle Adam, l' un des Capitaines du Duc de Bourgongne, surprit la ville de Paris par l' intelligence de quelques bourgeois, exerçant depuis tant de cruautez contre ceux qui portoient le party contraire, que la memoire en est encores toute sanglante: & furent mesmement la plus part des Seigneurs du Parlement contraints de prendre la suite, avecq' nouveau conseil de s' habituer sous l' authorité de Charles Dauphin de France, en la ville de Poictiers, où fut fait un Parlement, qui dura jusques en l' an 1436. Les choses ne pouvoient être en pire estat qu' elles estoient. Un Duc de Bourgongne faisoit le Roy, le Dauphin estoit banny de Paris, l' Anglois au millieu du Royaume, la Noblesse de France, ou morte, ou prise à Azincour, grands meurtres commis par l' Isle Adam & ses complices, mesmes contre les principaux Magistrats de la France, la fuite des autres Seigneurs du Parlement devoit rendre ceux qui estoient demourez dans Paris peu asseurez. Ce neantmoins tous ces miserables objets ne peurent jamais flechir ceste Cour que tousjours elle ne portast sur ses espaules (ainsi qu' un Atlas la voute du Ciel) les privileges de nostre Eglise Gallicane contre tous les assauts que l' on luy voulut puis apres liurer, qui ne furent pas petits. Car les Bourguignons qui possedoient le Roy pour l' imbecilité de son cerveau, estoient bien contens de se prevaloir encontre leurs ennemis de la faveur de l' Eglise de Rome, ayans mesmement attiré à leur cordelle la plus part des chefs principaux de l' Université, laquelle de là en avant commença de saigner du nez, ne se rendant plus si ferme protectrice de nos privileges, comme elle avoit fait autres fois: Mais la Cour de Parlement supplea à ce defaut, comme si toute la force & vertu de France se fust lors accueillie au cœur de ceste compagnie. Le Duc de Bourgongne n' eust pas si tost mis à execution toutes les cruautez qu' il fit exercer dans Paris par l' entremise de l' Isle Adam, que soudain le Roy depescha un Edict de la revocation de l' Ordonnance faite en faveur des Ordinaires. Sur quoy par Arrest du 13. Mars 1418. fut dit que l' on en escriroit au Roy, & par mesme moyen le Procureur general s' oppose à la publication de ces lettres: le vingt-neufiesme du mesme mois le Chancelier vint à la Cour pour les faire publier: le lendemain la Cour opine en sa presence, & s' en trouverent vingt-neuf (qui estoient plus que les deux parts, dont les trois faisoient le tout) qui furent d' advis qu' on ne les devoit publier sans ouyr le Procureur general en son opposition: le Chancelier remonstra, que le vouloir du Comte de S. Pol Gouverneur de Paris, qui lors avoit toute la force en main, estoit qu' elles fussent publiees, & que s' ils ne le vouloient faire, il l' en advertiroit, pour sa descharge.

Ceste menace d' un Courtizan, ne les fit changer d' opinion. Qui fut cause qu' un jour apres, le Chancelier retourna au Parlement, accompagné du Compte de saint Pol, lesquels firent de puissance absoluë publier ces lettres sans ouyr le Procureur General, lequel se comporta en cecy si vertueusement, qu' il ne se voulut du tout trouver à ceste publication. Et commanda le Chancelier mettre sur le reply des lettres l' ancien, Lecta publicata: mais il ne fut si tost party que la plus part des Conseillers vindrent au Greffier remonstrer, que puis que ce qui avoit esté fait, c' estoit contre la deliberation de la Cour, il ne devoit mettre le Lecta, ou pour le moins devoit inserer clause, par laquelle il apparust que la Cour n' avoit approuvé ceste publication: mais il respondit qu' il n' estoit que simple ministre, & qu' il se garderoit de mesprendre. Au moyen dequoy le premier jour d' Avril, toutes les chambres assemblees, fut dit que par ceste publication, la Cour n' entendoit approuver ces lettres, comme estans passees par force. Recherchez telle constance qu' il vous plaira en toute l' ancienneté, vous n' en trouverez point de plus grande. Les dons, & Indults du Pape ne l' avoient autresfois peu flechir, & lors les intimidations, & les armes n' eurent non plus de puissance envers ceste compagnie. Ne pensez point que cest Arrest ne fut depuis de grande force & effect contre les furieux assauts des plus grands.

Pendant que cecy se manioit en ceste façon dedans Paris, on traictoit d' un autre costé par la France le mariage de Henry Roy d' Angleterre cinquiesme de ce nom, & de Catherine de France, fille du Roy Charles sixiesme, le tout à la ruine & confusion de Charles Dauphin. Le mariage conclud & solemnisé en face de sainte Eglise, & par les conventions matrimoniales le Roiaume donné aux futurs mariez, Henry Roy decedé en Aoust mil quatre cens vingt un, & en Octobre ensuivant Charles sixiesme, toutes les affaires commencerent lors à passer par les mains du Duc de Bethfort Regent en France, oncle du jeune Roy Henry sixiesme: lequel pour rendre son party plus fort contre Charles septiesme, sçachant que le principal retenail de nostre Republique, lors de la minorité d' un Roy, dependoit de l' authorité de ce Parlement, il passa condamnation volontaire en faveur des Ordinaires. Et fut faite de rechef une Ordonnance, par laquelle il fut dit, que les Ordonnances faites pour la tuition & defense des Eglises, seroient gardees & les procez intentez, jugez selon icelle, & que l' on ne pourroit alleguer que elles eussent esté cassees ny revoquees, nonobstant la publication cy dessus mentionnee. Et davantage le vingt-uniesme d' Aoust ensuivant, furent faites deffenses à tous Juges de n' aller au contraire de cecy.

Il sembloit que ceste Ordonnance tant de fois reiteree eust esté, comme l' on dit fichee à cloux de diamants; toutefois voicy encores nouvel obstacle. Le Duc de Bethfort voyant sa Regence asseuree par le temps, depuis gagné par les importunitez des plus grands, qui avoient leurs intelligences dans Rome, envoye autres lettres patentes, concernans, comme il disoit, la liberté des Eglises: à la publication desquelles le Procureur General s' opposa: d' autant que par icelles la puissance des Ordinaires estoit de rechef transportee au Pape. Et le sixiesme, la Cour par son Arrest dit qu' elles ne pouvoient être verifiees, & qu' il seroit signifié au Chancelier, que son plaisir fust de venir en la Cour entendre les raisons, pour lesquelles ces lettres ne pouvoient passer. Quelques jours apres le Chancelier envoye ses excuses pourquoy il n' estoit bon qu' il se trouvast en ceste deliberation. Parce qu' il avoit charge du Roy, & du Duc de Bethfort, qui lors estoient en Angleterre, de les faire emologuer: & que ce que le Regent en faisoit en faveur du Pape, c' estoient affaires d' Estat, dont luy seul pouvoit rendre raison, qu' il n' estoit besoin de communiquer à la Cour: mesmes que ces lettres avoient esté par luy expediees par l' advis du grand Conseil du Roy, & qu' il n' eust esté honneste que luy qui pourchassoit la verification, se fust trouvé aux opinions. La Cour apres avoir entendu ses excuses, dit par son Arrest du neufiesme de Mars, que les lettres ne devoient être entherinees: & neantmoins estant advertie que le Regent le prendroit mal, elle ordonna qu' elles seroient publiees, sans prejudice de l' opposition, & protestation du Procureur general du Roy. Et à la publication d' icelles le Procureur du Roy forma encores son opposition. Sur quoy il fut dit qu' elle seroit enregistree. Elle fit lors contenance de caller la voile à la tempeste, pour obvier à plus grand scandale: mais qui considerera cest Arrest, il ne contient pas moins de force & vertu que de prudence. Car accordant de parolle à un estranger ce qu' il desiroit, sous la misericorde duquel les affaires de France passoient lors, si est-ce que d' effect elle resistoit à son intention. Aussi nonobstant cela, le dixneufiesme Juillet ensuivant, fut jugee la maintenuë d' un Benefice par la Cour, en vertu de l' Ordonnance faicte sur la reformation de l' Eglise, comme aussi par autres Arrests donnez les vingt-quatriesme Novembre, & septiesme de Fevrier mil quatre cens vingt six, demourant la Cour de Parlement de Paris au millieu de ces afflictions le seul rampart, & propugnacle de la liberté de l' Eglise, contre les entreprises de la Cour de Rome. Et si elle se fut comportee autrement, jamais on ne fut venu à chef de cest œuvre. Car combien que par le Concil de Constance on eust fait plusieurs belles & loüables promesses de ce que l' on devoit faire, soudain que le Pape seroit esleu, pour la reformation des entreprises de l' Eglise de Rome, si est-ce que Martin estant esleu, il commença d' user de remises, estant demouré une grande esperance aux Papes de retourner puis apres sur leurs anciens deportements.