lundi 19 juin 2023

3. 23. De l' Université de Paris.

De l' Université de Paris

CHAPITRE XXIII. 

Quand je considere à part moy comme les affaires de l' Eglise Romaine, & Gallicane se passerent depuis le regne de S. Louys, cecy me fait souvenir des divisions qui furent dans la ville de Rome fort familieres entre le Senat & les Tribuns, esquelles pendant que le Senat soustenoit son authorité encontre le peuple, & les Tribuns combatoient pour la liberté populaire contre la grandeur du Senat, ils furent par les grands appellez seditieux, & perturbateurs du repos public: & toutesfois ceux qui à meilleures enseignes, & sans passion ont discouru de ceste Republique, sont d' advis que dans ces dissensions se trouva l' entretenement de son repos & grandeur: Parce que les questions que les Tribuns mouvoient aux premieres rencontres faisoient que les Consuls, & Senat estoient plus retenus en leurs actions. Parquoy demouroit chacun en cervelle, & dans les bornes de son devoir: Tellement que par ce contrepoids florit longuement ceste Republique. Ainsi en est-il advenu à nos deux Eglises. Car si vous parlez à celuy qui est seulement nourry en Cour de Rome, il dira que l' Eglise Gallicane a esté perturbatrice du repos general de l' Eglise Romaine, pour s' estre opposee aux entreprises du Pape: Aussi n' approuvent-ils dans Rome nos maximes en cest endroict: & neantmoins s' il vous plaist approfondir toutes choses à leur vray poinct, vous ne ferez nulle doute qu' à ceste France ne soit deuë la restauration generale de l' Eglise Romaine. Car qui eust laissé en ceste façon fluctuer toutes les affaires, comme elles faisoient, certainement le siege de Rome voulant prendre son vol trop haut, se fust abysmé. Et de fait, encores n' y sceumes nous donner si bon ordre, qu' il n' y ait perdu de ses plumes. Car le grand schisme de trente huict à quarante ans, & les miserables exactions qu' il produisit, aliena du tout le cœur des Bohemiens, de la Papauté, & excita par mesme moyen l' heresie Hussienne, laquelle bien qu' elle semblast être estainte pour quelques annees, si est-ce que tout ainsi que le feu couvert sous une chaude cendre, se descouvrant, produit une chaleur plus forte qu' auparavant: aussi ceste mesme opinion ayant repris air par la venuë de Luther, a depuis eslongné du Pape presque toute l' Allemagne, l' Angleterre, & l' Escosse, du sein de nostre Eglise: Luther, dy-je, prenant mesme fondement que Jean Hus, sur je ne sçay quels abus du Pape Leon X. Nous seuls qui perpetuellement avons fait teste à l' Eglise de Rome en tels accessoires, sommes toutesfois demourez ses tres-humbles, & tres-obeïssans enfans. Quand je dis nous, j' entends nos Roys, Prelats, Princes, grands Seigneurs, Cours de Parlemens, qui sont les principaux nerfs de la Republique Françoise. Car quant au peuple, encores que le malheur de ce temps nous ait divisez en deux Religions, si est-ce qu' il y en a sans comparaison beaucoup plus de secteteurs de l' ancienne. Tellement que l' on peut dire justement (car la verité est telle) que tant s' en faut que par les privileges, & libertez de nostre Eglise, nous soyons autres que nous devons envers l' Eglise Romaine, qu' au contraire c' est par une grande abondance d' humilité, & obeïssance envers le S. Siege, que nous les appellons privileges: veu que ceste liberté tant rechantee par les nostres, n' est autre chose que le droict commun, & ordinaire. Et c' est la cause pour laquelle chacun par un commun consentement, s' est induit d' appeller les Evesques, Ordinaires, comme ne faisans riens dans leurs Dioceses, qui ne fust de droict ordinaire, & que ce que l' on entreprenoit sur eux, estoit extraordinaire. Or parce qu' en ceste devote discorde des deux Eglises, qui ne tendit jamais qu' à une union, & accord, l' Université de Paris ressembla les Tribuns de Rome (car & l' un, & l' autre, par honnestes concions, & harangues, excita chacun à son devoir) il me semble qu' elle merite bien que nous luy donnions un chapitre, pour descouvrir, non ce qui est de son menage (cela se verra au plaidoyé que je fis pour elle 1564.) mais de son ancienneté, & du grand lieu qu' elle tint autresfois par la France. 

Ceux qui en ont parlé devant moy, disent que l' Empereur Charlemagne en jetta les premieres traces, & qu' estans arrivez quatre Anglois, ou Escossois, disciples du venerable Beda, en France, Alcuin, Rabam, Jean, & Claude, surnommé Clement, qui crioyent qu' ils avoient de la science à vendre, cest Empereur les ayant ouys, à leur instigation, & semonce, establit dans Paris une Université, où ces quatre grands Docteurs donnerent les premiers advancemens, & progrés aux bonnes lettres. C' est l' opinion de Robert Gaguin, puis de Nicolas Gilles, & de Boëce historiographe Escossois, lequel, pour illustrer sa patrie, dit que l' Université de Paris doit à l' Escosse son commencement, & que Clement fut Escossois. Certes je veux croire que Alcuin homme docte, selon la portee de son temps, a esté à la suitte de Charlemagne: Mais que ceste Université ait jamais esté fondee par cest Empereur, je ne me le suis jamais peu persuader, encores que pour ne me desmouvoir de ceste commune opinion, j' aye voulu rechercher pour elle tous les advantages que l' on luy sçavroit donner. Car ce ne seroit pas petite rencontre pour l' exaltation de nostre ville, que l' Université eust un tel parrain, comme ce grand Prince. Toutesfois je ne voy, ny qu' Eguinarth, ny Aimoïn, ny Rheginon, ny Adon, ny Sigebert en facent aucune mention. Car quant à l' histoire qui court sous le nom de Turpin, indubitablement elle est supposee par quelques Religieux de sainct Denis, & neantmoins encores n' en parle-elle point. Chose qu' à mon jugement ils n' eussent escoulé sous silence, s' il en eust esté quelque cas, estant ceste fondation non moins digne de commemoration, voire plus que plusieurs autres particularitez, qu' ils ont songneusement deduictes, en recitant ses faicts, & gestes. Mesmes qu' Eguinarth, qui a fait sa vie, semble avoir laissé aux autres historiographes la deduction des exploicts militaires de cest Empereur, & pris pour son partage seulement ce qui regardoit le sçavoir, & bonnes lettres, qui estoient en cest Empereur, nous discourant qu' il avoit esté nourry non seulement en sa langue naturelle, mais aussi en plusieurs estrangeres, & specialement que la Latine luy estoit aussi familiere comme sa langue maternelle. Et quant à la Grecque, qu' il l' entendoit, ores qu' il ne la sçeust prononcer: comme pareillement il avoit esté instruict aux arts liberaux, en la Grammaire par Pierre Pisan, & aux autres disciplines par Albin, surnommé Alcuin: voire avoit l' intelligence de l' Astronomie: Qu' il fit la vie des Roys de France en vers: Donna à son vulgaire les noms des mois, & des vents: Qu' à ses repas, pour ne perdre temps, il se faisoit lire, ou reciter quelque belle histoire. Brief estant la plus belle remarque dont Eguinarth embelisse la vie de Charlemagne, que le soin qu' il avoit eu aux bonnes lettres, je ne me puis persuader, qu' il n' eust à la queuë de cecy parlé de ceste Université, s' il en eust esté fondateur, tant pour la dignité du lieu, où elle est establie (ancien sejour des Roys de France, dés l' advenement de Clovis) que pour l' excellence mesme d' un tel œuvre. Estant la plus belle closture que cest historien eust peu adjouster à la suitte d' une telle narration. Joinct que combien que par les loix, & ordonnances du Debonnaire, il soit enjoinct aux Evesques d' avoir escoles en leurs Eglises, suyvant ce qu' ils luy avoient promis de faire, au Parlement par luy tenu à Latigny, & que mesmes au Concil celebré sous Lothaire Empereur son fils, dedans la ville de Paris, soit fait pareil commandement. Toutesfois je ne trouve point que l' on se soit onques souvenu de ceste Université ny mesmement qu' elle ait jamais produit un seul homme de marque, ou un seul fruit sous toute la lignee de Charlemagne, ny bien avant sous celle de Hugues Capet. Et mesmes en la seconde partie de ce Concil tenu à Paris, article douziesme, les Evesques le prient, qu' en ensuivant les traces de son pere, & a fin qu' une intention si loüable du deffunct ne devint en friche, il voulust ordonner que sous son auctorité on establit des Escoles en trois villes les plus commodes du Royaume. Quoy faisant, il procureroit un grand bien, & honneur à l' Eglise, & quant à luy, qu' il se rendroit à tout jamais recommandable à la posterité. Ce Concil estant tenu dedans la ville de Paris, l' on parloit de l' institution des Escoles publiques, sous l' authorité du Roy. Si Paris eust ja receu cest honneur d' avoir une Université de la main de Charlemagne, il ne me peut entrer en teste que l' on n' en eust fait expresse mention, pour exciter Lothaire Empereur à faire le semblable. Adjoustez que descendant beaucoup plus bas, on n' en trouve un seul mot dedans S. Bernard, homme studieux le possible, & dans les œuvres duquel on recueille plusieurs choses, qui appartiennent à l' ancienneté. Bien escrit-il à Hugues de S. Victor, qui lors estoit en estime dedans Paris. (Car vers ce temps commençoient les lettres de poindre dans ceste ville) & encores s' atacha-il à Pierre Abelard grand personnage, fors qu' il tenoit quelques propositions erronees: Mais qu' il nous ait jamais baillé le moindre esclair, dont nous puissions recueillir je ne sçay quoy de la fondation ancienne de ceste Université, il n' y en a riens. Toutes lesquelles raisons me font non seulement penser, ains croire, qu' en nos historiographes il y a eu pareil erreur au discours de l' Université, comme des Parlemens, & Pairs de France: & neantmoins erreur grandement loüable, d' avoir rapporté l' origine de ces trois grands Ordres à un si grand patron, que l' Empereur Charlemagne.

Mon opinion doncques est que ceste Université commença de jetter ses premieres racines sous Louys VII. & de les espandre grandement sous le regne de Philippe Auguste son fils, que l' on sçait entre nos Rois s' estre grandement addonné à l' establissement, & illustration de nostre ville, & sur tout, qu' elle en doit les premieres promotions à Pierre Lombard, Evesque de Paris, & à son Eglise: Evesque, puis-je dire, qui fut l' un des plus grands personnages de son Ordre. Opinion que je mis en avant dés l' an 1564. plaidant la cause de l' Université encontre les Jesuites. Non toutesfois que ceste Université ait esté fondee tout d' un coup, non plus que le Parlement, ny les douze Pairs: mais comme Dieu resueille les esprits sur un suject en un temps plus qu' en un autre, il semble que les lettres vers ceste faison commençassent à se desgourdir.

D' autant que sous le regime de Louys VII. vous eustes plusieurs personnages d' erudition tant dedans, que dehors la France. Et tout ainsi que ce siecle produisit plusieurs gens doctes, aussi se reveilla la devotion des Superieurs de l' Eglise en faveur des bonnes lettres. 

Sous la seconde lignee de nos Roys, je trouve dedans le second livre des Ordonnances de Louys le Debonnaire, en l' article 5. ces mots qu' il addresse au Clergé: Schola sane ad filios instruendos, sicut nobis præterito tempore ad Attiniacum promisistis, & vobis iniunximus, in congruis locis ad multorum utilitatem & profectum, à vobis ordinari non negligatur. C' est à dire: Je souhaite que suivant la promesse que me fites à Attigny, & ainsi que je le vous commanday, vous establissiez en lieux convenables des Escoles, pour l' instruction de la jeunesse, au profit & advancement de plusieurs. Toutesfois je ne voy point que sous ceste lignee, ce commandement fust de grand effect. Celuy qui porta plus de coup, fut le Concil general tenu en l' Eglise S. Jean de Latran dans Rome, sous Alexandre III. par lequel il fut ordonné que les Evesques avroient en chacune de leurs Eglises un precepteur à leurs gages pour enseigner tant la Theologie, que la Philosophie & autres bonnes lettres. En consequence duquel en un autre depuis tenu en la ville de Rheims sous Eugene III. du temps du Roy Louys VII. à l' instigation de S. Bernard il fut conclud & arresté touchant les erections des Escoles & estudes publiques en unes & autres villes. Ces commandements si souvent reïterez il ne faut faire nulle doute que la pluspart des Eglises se voulurent acquitter en cecy de leur devoir, & sur toutes celle de Paris, comme exposee au premier theatre de la France, sejour ordinaire de nos Roys. Et lors se firent deux grands partis dedans Paris en faveur des bonnes lettres: l' un en l' Eglise Cathedrale, l' autre en l' Abbaye de S. Victor de fraische memoire lors bastie par Louys le Gros: laquelle sous le regne de Louys VII. son fils, fut un receptacle de gens d' honneur: tant en la faculté de Theologie, qu' autres bonnes lettres. Tesmoins uns Hugue, Adam, Richard, & l' autre Richard, tous surnommez de sainct Victor, parce qu' ils estoient Religieux de S. Victor: tous quatre tres grands Theologiens, non despourveus de braves escoliers, comme l' on peut recueillir de l' Epitaphe d' Adam, gravé en l' airain dedans le cloistre.

Hares peccati, natura filius irae, 

Exiliique reus nascitur omnis homo. 

Unde superbit homo? cuius conceptio culpa, 

Nasci poena, labor vita, necesse mori. 

Vana salus hominis, vanus decor, omnia vana:

Inter vana nihil vanius est homine.

Dum magis alludit præsentis gloria vitae, 

Præterit, immo fugit: non fugit, immo perit.

Post hominem vermis, post vermem fit cinis, heu hex: 

Sic redit ad cinerem gloria nostra simul.

Hic ego qui iaceo miser, & miserabilis Adam,

Unam, pro summo munere, posco precem. 

Peccavi fateor, veniam peto, parce fatenti: 

Parce pater, fratres parcite, parce Deus.

Sous ces mots de pere & freres, il entendoit son Abbé & ses freres Religieux. Et certes j' oppose ceste piece à tous Epitaphes, tant anciens que modernes, & à tant soit que ce Religieux luy mesme se fust basty son tombeau pendant sa vie, ou quelqu'un de ses escoliers apres sa mort, nous pouvons de cest eschantillon juger que les bonnes lettres estoient lors à bonnes enseignes, logees dans ce monastere. Chose que vous pouvez encores recueillir de ceste belle & excellente Bibliotheque qu' ils y commencerent de bastir, & depuis par succession de temps enrichie de tous livres rares, tant celebree par nos anciens: Que si ces bons Religieux se rendoient lors recommandez parmy le peuple dedans leur Cloistre, hors la ville, par leurs estudes umbratiles: ne doubtez point que la grande Eglise exposee au beau milieu de la ville à la lumiere du Soleil, n' en voulust rapporter le dessus. Comme aussi est-ce la verité que l' on ne faisoit en ce temps-là exercice des lettres & des leçons qu' en la maison Episcopale, & ainsi l' apprenons-nous de Pierre Abelard, auquel j' ay voüé son chapitre cy apres: Auquel lieu y avoit adoncques deux grands Precepteurs, Maistre Anseaulme qui lisoit en la Theologie, & Guillaume Campellense, en Philosophie: sous lesquels le mesme Abelard fit ses premieres estudes: Ny pour tout cela n' estoit lors l' Université formee. C' estoit un Embrion que l' Eglise de Paris couvoit dans son sein pour en esclorre l' Université, de laquelle elle fut la mere, sous l' authorité de nos Roys: Et de là est venu que les degrez de Doctorie & licence, ont accoustumé d' être pris au logis de l' Evesque: & que le premier juge & censeur de la doctrine, & mœurs des escoliers, que nous appellons Chancelier de l' Université, est du corps des Doyen, Chanoines & Chapitre de ceste Eglise: De là aussi que tous les principaux de Colleges, Docteurs & Regens de l' Université, ne pouvoient entrer en lien de Mariage pendant leurs professions. Comme si les Principautez, Doctories, & Regences, eussent esté affectees à l' Eglise, dont elles avoient pris leur premiere source. Coustume qui fut estroittement observee par toutes les Facultez. Jusques à la nouvelle police qui fut introduite par le Cardinal de Toute-ville Legat en France. Car il permit par privilege special, aux Docteurs en Medecine, de pouvoir être mariez. Les Docteurs en decret presenterent leur requeste à l' Université le 9. Decembre, 1534. a fin d' avoir pareil privilege, dont ils furent deboutez: Sauf à eux de se pourvoir en la Cour de Parlement pour en être par elle ordonné ainsi que bon luy sembleroit: Et toutesfois absolument arresté pour la Faculté, tant des arts, que de Theologie, que, Vxorati à Doctoratu, & Regentia arcendi erant. Depuis le Parlement permit le Mariage aux Docteurs de decret, & le premier de cest ordre, que nous veimes marié, fut la Riviere vers l' an 1552. depuis pourveu de l' Estat de Lieutenant de Chasteleraud.

Tout cela a esté par moy discouru en passant pour monstrer que le premier fondement de l' Université a esté l' Eglise de Paris: J' adjousteray que celuy qui en jetta la premiere pierre, fut Pierre Lombard Evesque de Paris, en commemoration dequoy l' Université luy fait tous les ans un anniversaire en l' Eglise S. Marcel où ses os reposent: C' est luy qui composa ce beau livre des Sentences (fondement de la Theologie scholastique) tant celebré par ses survivans; Et sur lequel la Faculté de Theologie de Paris establit en partie, sa *profession. Il eut pour contemporain Pierre Comestor autheur de l' histoire Scholastique, qui fut enterré à S. Victor: & aussi un Galterus insigne Poëte, qui escrivit en vers Latins, la vie d' Alexandre, sous le tiltre d' Alexandreïde, grand imitateur de Lucain. C' est luy dans les œuvres duquel, nous trouvons un vers souvent par nous allegué, sans que plusieurs sçachent qui en fut l' Autheur.

Decidit in Scyllam, cupiens vitare Charibdim. 

Ce grand Evesque commença de florir vers la fin du regne de Louys VII. & s' accreut en reputation sous celuy de Philippe son fils, qui pour la grandeur de ses merites emporta par la voix des doctes, le surnom d' Auguste: & par une rencontre mutuelle de l' un à l' autre donnerent plus grande vogue aux bonnes lettres qu' auparavant. De maniere que dés & depuis ce temps là, l' Université qui avoit receu par le menu sa polisseure, se trouva toute formee. Quoy que soit vous en voyez frequente mention dont au precedant on n' avoit parlé. Et trouverez un jugement du mesme Auguste de l' an 1200, donné à *Berizy, contre des particuliers qui avoient tué quelques escoliers de Paris: Et par ce mesme Arrest il defend au Prevost de Paris de prendre jurisdiction & cognoissance de leurs forfaits, luy enjoignant de les renvoyer à leur juge en Cour d' Eglise. Sauf à decider puis apres, si le cas estoit de telle qualité que la cognoissance en deust appartenir au juge Royal. Et à la suitte de cestuy nous trouvons qu' en l' an 1215. le Cardinal de S. Estienne, Legat en France defendit à tout homme, de monter en chaize pour prescher, qu' il n' eust attaint l' âge de vingt cinq ans: & que nul ne peust lire en Theologie, qu' il ne fust âgé de trente cinq ans, & estudié par huit ans en ceste Faculté.

Et ayans les bonnes lettres trouvé lieu dedans Paris, sous le nom d' Université, elle fut apres esparse par toute la ville, & non au recoin que l' on luy assigne maintenant. En tesmoignage dequoy voyons nous encore le College des Bons enfans en la ruë S. Honoré pres du Louvre, l' Eglise de S. Germain de l' Auxerrois, que l' on appelle l' Escolle, & celle de saincte Catherine, que l' on surnomme du Val des Escoliers, nous servir de belles remarques, & mesmes en tous les Monasteres de la ville, où le Recteur fait sa procession, il ne la fait sinon de tant que ce sont lieux qui sont du corps de l' Université de Paris: vray que depuis que Jeanne Royne de Navarre, femme de Philippes le Bel eust construit le College de Navarre vers le haut de la montagne de Paris, en l' an 1304. ceux qui apres s' adonnerent à mesme sujet, comme il y en eut une infinité vers le regne de Charles VI. lors que l' Université estoit en grande vogue, ils choisirent tous ce mesme quartier, pour y être l' air vray semblablement plus sain, qu' en la fondriere, qui est accompagnee des esgouts de la ville. Chose qui a depuis apporté entre nous la difference que nous mettons entre la Ville, Cité, & Université: Aussi que dés son premier establissement elle faisoit ses congregations au College des Bernardins, que l' on a depuis reduites aux Mathurins pour la commodité du lieu. Un Robert de Sorbonne sous S. Louys est fondateur du College qui porte son nom, destiné pour les Theologiens, & croy que vous n' en trouverez point un plus ancien que cestuy-là. Grande chose: Qu' un simple valet de chambre de Roy ait apris aux Roys, Princes, Prelats, & grands Seigneurs une si noble Architecture. Vers ce mesme temps Guillaume de sainct Amour Theologien fut condamné par ses compagnons de la proposition par luy prise contre les quatre Ordres des Mendians.

Depuis les Roys à l' envy semblerent luy vouloir diversement gratifier: parce que Philippes le Bel par Edict de l' an 1295. ordonna que quelque emprunt qu' il fit pour la necessité des guerres, il n' entendoit que l' Université fust comprise en ce mandement, en l' an 1299. que pour une debte reelle, on ne pourroit gager un Escolier en ses meubles: Et en l' an 1311. que le Chevalier du Guet, dés son advenement jureroit de garder en tout & par tout les privileges de l' Université. Et Louys Hutin son fils, qui regna seulement un an, Que tous Escoliers peussent transporter leurs besongnes en tous endroits, où ils voudroient, sans trouble, ou inquietation d' aucun. Mais sur tous, grand fut le privilege que Philipes de Valois leur dona l' an 1340. par lequel il les exempta de tous peages, tailles, impositions, coustumes, ou autres telles charges personnelles, & qu' en tous leurs procés ils ne peussent être evocquez de la ville de Paris, a fin qu' ils ne fussent distraicts de leurs estudes: Et à ceste fin, pour conservation de leurs privileges, leur fut baillé pour Juge le Prevost de Paris, lequel pour ceste cause fut appellé Conservateur des privileges Royaux de l' Université de Paris. Et trouve-l'on aux vieux registres de l' Université, le formulaire du serment que le Prevost de Paris estoit tenu de faire sur son advenement és mains du Recteur de l' Université, pour conservation de ses privileges. Et depuis elle creut grandement en authorité, tant par le schisme de trente huict ans, qui regna en l' Eglise depuis le trespas de Gregoire unziesme, jusques à Martin cinquiesme, que par les troubles & divisions qui furent en France, entre les maisons d' Orleans, & de Bourgongne. Pour le premier, faisant vrayement ce qu' elle devoit, & au second, abusant de l' authorité, qui luy estoit sous main baillee par les chefs de part. Il n' y eut du commencement lors ordre en ceste France qui rabatit tant les coups du Pape de la Lune, qui fut Benoist XIII. comme ceste Université. Et Jean Duc de Bourgongne voyant l' authorité qu' elle avoit par ce moyen gagnee parmy le peuple, dressant une partie contre Louys Duc d' Orleans, la voulut sagement preoccuper encontre son ennemy. Qui fut cause que Louys dés l' an 1402. depescha Gentil-homme vers elle, pour la prier de vouloir bien & diligemment examiner ceste affaire, avant que de luy donner le blasme. Et voyant qu' elle prestoit l' aureille sourde à son ambassade, il se retira puis apres pour quelque temps (dit Alain Chartier en la vie de Charles septiesme) vers le Pape de la Lune, pour se liguer avec luy encontre l' Université, avec laquelle ce Pape faisoit profession expresse d' inimitié. Et creut en telle grandeur, que les gens de Messire Charles de Sanoisy grand Chambellan de France, & l' un des plus favoris du Roy, s' estans temerairement attachez à quelques escoliers, en une procession que l' Université faisoit en l' Eglise saincte Catherine du Val des Escoliers, & en y ayans blessé quelques uns, par Arrest du Roy, des Princes de son sang, & de son grand Conseil, donné en l' an 1404. il fut dit que sa maison seroit demolie, & Sanoisy tenu de fonder une Chapelle en faveur de l' Université, de cent liures de rente, & en mil cinq cens liures envers les blessez, & mil liures envers l' Université. Monstrelet adjouste que Sanoisy seroit banny & exterminé de la Cour du Roy, & tous ceux qui luy appartenoient de parentelle, & avec ce, privé de tous Offices Royaux. Ce qui fut executé, & ceste maison demolie, depuis reédifiee du consentement de l' Université, qui est aujourd'huy celle que l' on appelle l' hostel de Lorraine: Toutesfois ce fut à la charge qu' il y avroit un tableau attaché contre la paroy, au devant de l' Eglise saincte Catherine, dans lequel seroit contenuë toute l' Histoire & jugement, que l' on y peut encores aujourd'huy voir. Et fut pareillement desappoincté Sanoisy quelques mois de ses estats, pour contenter l' Université, mais puis apres restably.

Quelques annees apres, je veux dire en l' an 1407. Messire Guillaume de Tignon-ville Prevost de Paris fist pendre deux Escoliers, estudians en l' Université de Paris, l' un nommé Leger du Moussel Normant, & l' autre Olivier Bourgeois Breton, tous deux malgisans, qui avoient tué un homme de sens froid, lesquels ayans demandé leur renvoy, comme Escoliers, pardevant leur Juge, Tignon-ville sans y avoir esgard, les condamna d' être pendus, & estranglez au gibet de Montfaucon, où il les fit conduire dés l' instant mesmes, à jour failly, avec la lumiere des torches. Craignant que s' il remettoit du jour au lendemain ceste execution, ils ne fussent recoux du Roy, en faveur de l' Université. Chose dont elle appella, & en fit l' espace de quatre mois telle instance, qu' il fut ordonné par Arrest de l' an 1408. qu' ils seroient dependus, comme il fut fait. Et dit Alain Chartier que le Prevost y fust en personne, & les baisa en la bouche, & convoya avecq' ses sergens, depuis le gibet jusques au Monstier, où ils furent inhumez, estants leurs corps emmenez dans une biere, sur une charrette, & estoit le bourreau sur le cheval, vestu d' un surplis, comme un Prestre. Monstrelet adjouste, que pour garder les privileges de l' Université, il fut dit que les corps seroient rendus à l' Evesque: & au Recteur, comme il fut fait au Parvis de nostre Dame, & de là, ensevelis au Cloüestre des Mathurins, où l' on voit encores la tumbe. Le mesme Monstrelet dit, que Tignon-ville en perdit son estat: mais Juvenal des Ursins Advocat du Roy, qui estoit mieux nourry aux affaires de la France que l' autre, comme celuy qui estoit de ce temps-là, dit en la vie de Charles sixiesme, que ce fut un pretexte exquis par Jean Duc de Bourgongne pour le chasser, de tant qu' il favorisoit aux Orleannois, pour faire mettre en son lieu Pierre des Essars, l' un de ses confidents. Jamais punition, hors la mort, ne fut plus griefve envers un Juge, qui n' avoit peché que pour un grand zele qu' il avoit eu de bien faire: Mais l' authorité de l' Université estoit lors montee en tel degré, qu' à quelque condition que ce fust, il l' a falloit contenter. Elle estoit tellement peuplee, que le mesme Juvenal des Ursins atteste qu' ayant fait une procession en l' an mil quatre cens & neuf, de l' Eglise de saincte Geneviefve, à celle de sainct Denis pour l' assopissement des Troubles, qui adoncques voguoient par la France, l' assemblee se trouva si grande, que le Recteur estoit encores devant les Mathurins, lors que ceux qui tenoient les premiers rangs, estoient en la ville de sainct Denis. Et adjouste Alain Chartier, apres avoir raconté l' Histoire de Tignon-ville ces deux ou trois lignes. La dicte Université avoit grande puissance pour ce temps-là. Tellement que quand ils mettoient la main à une besongne, il falloit qu' ils en vinssent à bout, & se vouloient mesler du gouvernement du Roy, & autres choses. Cest Autheur, qui fut l' un des premiers de son siecle, n' en parloit point comme un aveugle des couleurs, parce que cela se verifia depuis par effect en une infinité d' actions qui se presenterent. Car soudain apres l' assassinat commis en la personne du Duc Louys, Maistre Jean Petit, l' un des premiers Docteurs de la Faculté de Theologie, prit la cause du Duc Jean en main, & soustint le huictiesme Mars 1407. au milieu du Parvy nostre Dame de Paris, par plusieurs raisons sophistiques, que ce meurdre estoir advenu par juste jugement de Dieu. Et depuis ce mesme Duc s' estant emparé du Roy, & ayant donné ordre de faire eslongner de la Cour tous les autres Princes du sang, qui portoient le party le plus foible, s' allia du tout avecq' l' Université, & ayant persuadé au Roy que tous ces Princes avoient conspiré contre sa Majesté, & deliberé de creer un nouveau Roy à la France, Charles sixiesme en escrivit promptement à l' Université sa fille, la priant de faire prescher & publier ceste conjuration au peuple, & qu' elle voulut prendre la protection de sa cause: A laquelle semonce tous les Prescheurs aiguisans & leurs langues, & leurs esprits commencerent à crier encontre les Armignacs. Car ainsi furent-ils nommez du Connestable Armignac, l' un des plus forts, & puissans guerriers de la faction des Orleannois: Presches qui gagnerent avecq' tel avantage le cœur des Parisiens, que jamais ils ne se peurent reconcilier avec ces Princes, encores que leur querelle fust la plus juste, jusques à ce que toutes choses estans en desolation & ruine, ils s' apperceurent, mais à tard, de la faute qu' ils avoient faite, supportans le party du Duc Jean. 

Mais pour ne m' eslongner de mon but, & monstrer tousjours quel rang tenoit lors l' Université, l' on trouve que le 7. jour de Fevrier, l' an mil quatre cens treize, assistee du Prevost des Marchands & Eschevins de la ville de Paris, elle vint remonstrer à la Cour de Parlement, qu' auparavant les Finances du Roy avoient esté mal gouvernees, & qu' elle avoit deputé certains personnages notables, pour en faire remonstrances au Roy, supliant la Cour faire le semblable de son costé. A quoy la Cour de Parlement sagement luy fit response, que c' estoit à elle de faire justice à ceux qui la luy demendoient, & non de la requerir, & qu' elle feroit chose indigne de soy, si elle se rendoit partie requerante, veu qu' elle estoit Juge. Cela fut cause que l' Université ne prenant ceste response pour payement, voulut avoir sa retraicte vers son garend ordinaire, qui estoit le Duc de Bourgongne, à l' instigation duquel le Roy fit une assemblee, & convocation generale dedans la ville de Paris, sur la reformation des Estats, où se presenta Frere Eustache Pauilly Carme, Docteur en Theologie, portant la parole pour l' Université, avecq' telle vehemence qu' il passa sur tous les Estats, monstrant les abus qui y estoient, mesme exhiba un ample roolle, dont il estoit porteur, dans lequel estoient declarez par le menu les grands & excessifs gages de tous les Officiers de la France, & que la multiplication de tant d' Officiers qu' il y avoit ne tendoit qu' à la subversion de l' Estat.

Ceux qui lors avecq' plus de nez jugeoient des affaires, cognoissoient fort bien que jamais la France n' avoit nourry dans son sein un plus certain ennemy que le Bourguignon, pendant qu' il pretextoit ses actions du masque d' un Roy mal ordonné de son bon sens, lequel il avoit en sa possession. Le premier qui oza remedier à ce mal dedans la ville de Paris, fut Maistre Juvenal des Ursins Advocat du Roy, personnage qui de son temps fit une infinité de bons offices au public, tant aux armes, comme en la justice. Cestuy, apres avoir longuement couvé un creue-cœur dedans soy, voyant le commun peuple attedié des grandes tyrannies, & extorsions, qui se faisoient dans la ville par les Bouchers, & Cabochiens, sous l' authorité du Duc Jean, qui lors estoit pres du Roy au bois de Vincennes, delibere d' en venir à chef. Et pour y parvenir, encores est-il contrainct d' avoir recours à l' Université. Pour le faire court, avecq' l' aide d' elle, il y besongne de telle façon, qu' il separe le Roy d' avecq' le Duc de Bourgongne, & fait dissiper, & esvanoüir à un clin d' œil tous ces mauvais garnimens, qui tenoient la ville sous leurs pieds, donne ordre que les prisons soient ouvertes à des plus grands Seigneurs de la France qui estoient dans la Bastide, destinez d' être defaits quelques jours prochains. Et tout d' une suitte fait approcher du Roy tous ces pauvres Princes qui avoient esté bannis de sa presence, les uns pour poursuivre une juste vengeance de la cruelle mort qui estoit advenuë à leur pere, les autres pour prester l' espaule à une querelle si bonne que celle-là. Et comme il n' y a riens qui soit plus doux au cœur de l' homme que se ressentir d' un tort qu' il a souffert, aussi soudain apres le retour de ceux-cy, ce fut seulement de joüer à beau jeu beau retour, & user de mesme pretexte que l' autre, pour combattre leur ennemy, c' estoit la presence du Roy. Et neantmoins encores pour y fraper coup, fallut-il interposer l' authorité de l' Université. J' ay leu unes lettres patentes qui furent lors depeschees sous le nom de Charles VI. par lesquelles il advertissoit de tous les costez ses principaux Officiers de la deliberation qu' il avoit prise en son Conseil de faire la guerre au Duc Jean, au bas desquelles estoit escrit, A la relation de son grand Conseil tenu du commandement de la Royne, & de Monseigneur le Duc de Guyene, auquel le Roy de Sicile, Messieurs les Ducs d' Orleans, & de Berry, Louys Duc de Bavieres, les Comtes de Vertus, & de Richemont, de Vendosme, & plusieurs du grand Conseil, & du Parlement, le Recteur, & plusieurs de l' Université estoient. Qui monstre que l' on les appelloit quelquefois au conseil des affaires d' Estat: & depuis comme le naturel du François est de s' attacher aux extremitez, le Parisien recevant pareil traictement des Armignacs, comme il avoit fait des Bourguignons, encores voulut-il reprendre ses anciennes brisees, & introduisit de nuict l' lsle-Adam, qui fit tels ravages, comme l' Histoire de ce temps-là en est chargee. 

Or comme ainsi soit que toute personne qui se donne plus de puissance, se donne par mesme moyen fort aisément plus de volonté qu' il ne doit, & qu' en nos actions il soit fort aisé de glisser d' une liberté (encores qu' elle soit honneste du commencement) en une licence effrenee: aussi ceste Université passant plus outre, se mit en fin à l' essor: d' autant qu' irritee des indignitez qu' elle enduroit des Ordinaires, elle appella de l' ordonnance de l' an 1417. faite en faveur d' eux: mais elle trouva icy un obstacle par l' authorité de la Cour de Parlement qui fit arrester le Recteur en la maison d' un chantre de la saincte Chapelle, & constituer prisonniers en la Conciergerie ceux qui tenoient rang plus bas. Ce qui rendit de là en avant l' Université quelque peu plus retenuë, non toutesfois de telle maniere qu' encores elle ne s' en voulut ressentir, mesmement contre le Parlement: mais en fin trouva qu' elle avoit trop forte partie à combatre. Parce qu' en la mesme annee ayant obtenu du Roy des privileges trop advantageux, & les voulant faire verifier, la Cour de Parlement ne le voulut faire. D' autant qu' il y avoit quelques clauses pour esmouvoir à sedition, & manda querir aucuns des chefs, & principaux de l' Université, pour le leur remonstrer: mais ils ne se voulurent contenter de ces remonstrances, & persisterent à leur requeste. Disans que si on ne les publioit, ils cesseroient leurs leçons. Nonobstant ce, ils n' obtindrent à leur intention, s' estant mesmement le corps de la ville de Paris opposé à ceste verification, & presenté requeste, a fin d' être receu partie: sur laquelle il avroit esté ordonné que les parties viendroient plaider au premier jour. Quoy voyant l' Université, & que ses affaires ne reüscissoient selon son desir, tourna sa pensee à nouveau conseil. Soustenant qu' elle ne devoit plaider en la Cour, & qu' elle avoit ses causes commises pardevant le Prevost de Paris, Conservateur de ses privileges. A l' instant mesmes le Prevost la vendique, & demande le renvoy pardevant soy, pour luy faire puis apres droict sur ses privileges. Cecy estoit du 25. Juin 1417. Pareille requeste le 4. Juillet, autre le 13. ensuyvant, a fin qu' on leur rendist leurs privileges. La Cour craignant quelque esmeute (car ce fut l' an que l' Isle-Adam estoit entré dans Paris) ne voulut interposer expressement son authorité sur ce renvoy: mais tirant prudemment les choses en longueur, en fin avecq' la colere, s' esvanoüit aussi la requeste en fumee, & se presentant nouveau succés d' affaires en la France par le meurdre du Duc Jean en la ville de Montereau, aussi prit-on nouveaux desseins: & neantmoins fut ceste querelle de l' Université totalement assopie par l' Edict du Roy Charles VII. verifiee le deuxiesme May, 1446. par lequel fut ordonné que la Cour cognoistroit des causes d' icelle, quand le cas y escherroit.

Les Anglois s' estans en l' an 1420. impatronisez de l' Estat, par le mariage qui fut fait avec Catherine de France, je ne voy plus que l' authorité de l' Université soit telle, comme elle estoit auparavant en telles affaires. Bien luy communiqua l' on de tous les principaux actes du procés que l' on faisoit à Jeanne la Pucelle, dedans la ville de Roüen. C' estoit parce que les Anglois pretendoient que Jeanne pour avoir pris l' habit d' homme, estoit heretique, & qu' il estoit question du fait de la Religion, dont on a tousjours estimé en France qu' il en falloit avoir l' advis de l' Université, depuis qu' elle fut establie: Finalement tous ces anciens troubles estans avecq' le temps assopis, & les Anglois chassez du Royaume, par la vaillance des grands Capitaines de Charles VII. tout ainsi que dedans ces dissensions estoit nee, aussi avec leur mort s' estaignit ceste grandeur plus oiseuse, que profitable à ceste Université, estant par ce moyen reduite en son premier ordre, & se contenant dedans ses anciennes bornes. Elle fut reformee en l' an 1452. par le Cardinal de Toute-ville Legat en France. Et certes qui voudra repasser par toute les Universitez de l' Europe, il n' en trouvera une seule qui revienne au parangon de ceste-cy, de laquelle nous pouvons dire que tout ainsi que du cheval de Troye sortirent innumerables Princes, & braves guerriers, aussi nous a-elle produit une infinité de grands personnages, dont la posterité bruira tant que le monde sera monde. En la Theologie, un Gerson, un Clamengis. Car je ne veux faire mention de Pierre Lombard pere de tous, qui est sans pair: en la faculté de Decret, un Rebufy, un Quentin, en la Medecine, un Sylvius, un Fernel, un Tagault, un Gonteric: en la Philosophie, & en toutes bonnes lettres, un Guillaume Budé, auquel, outre l' accomplissement qu' il eut de toutes les disciplines, on doit l' institution des Lecteurs (que nous appellons Professeurs du Roy) sous le Roy François premier, comme celuy qui luy en donna les premiers memoires, un Jean Faber, un Adrian Turnebus, un Pierre Ramus, un Robert Estienne. Es Mathematiques, un Oronce, En la langue Grecque, le mesme Budé, & un Tusan: en l' Hebraïque, un Vatable, & ce non comparable Mercerus, a fin que je ne parle des vivans, dont ceux qui viendront apres nous, pourront parler sans envie. Car quant à l' œconomie de ceste Université, concernant la distribution de ses dignitez, & autres menuës parcelles: on les pourra plus amplement entendre par mon Plaidoyé encontre les Jesuites.