mardi 8 août 2023

9. 13. En quels lieux de la ville se faisoient les leçons aux Escoliers avant l' introduction des Colleges, où elles sont depuis abouties.

En quels lieux de la ville se faisoient les leçons aux Escoliers avant l' introduction des Colleges, où elles sont depuis abouties.

CHAPITRE XIII.

Je vous ay dit cy dessus, que du commencement la grande Eglise estoit voüée pour les lectures tant de l' humanité, que de Theologie, & que depuis les Escoles s' estans divisées en deux, la lecture de la Theologie resida comme auparavant en celle de nostre Dame, & celle de humanité, en l' Eglise de sainct Julian, & lors n' estoit nostre Université composee que de ces deux Facultez. Depuis s' estant augmentee des deux autres, c' est à sçavoir de celles de Decret & Medecine, considerons s' il vous plaist en quels lieux ces quatre Facultez estoient diversement enseignees. Quelques vieux resveurs discourans sur ce suject disoient, que c' estoit un pesle-mesle d' estudes, & que les chambres estans d' un costé loüees à escoliers, d' un autre à filles de joye, il y avoit sous un mesme toict, escoles de reputation, & de putasserie tout ensemble. Qu' il n' y eust lors autre police que celle là, & neantmoins que l' Université de Paris eust acquis tant de reputation qu' elle fust estimee la premiere de toute l' Europe: Hé! vrayement c' eust esté chose monstrueuse, dont je ne passeray jamais condamnation. Elle estoit bastie sur ces quatre grandes Facultez, pour l' exercice desquelles il y eut quatre maisons, d' une longue ancienneté affectees. Qui doute qu' en ces lieux, elles n' y fussent enseignees? Ces maisons nous enseignent que c' estoient les lieux, où leurs escoles estoient exercees: Autrement le mot d' escoles en Decret & Medecine leur eust esté en vain baillé, & fussent demeurées en friche. Car quant à la maison Episcopale pour la Theologie, avant que le College de Sorbonne eust esté creé, on n' en doute point: comme cette Faculté estoit une charge tresfonciere à l' Evesque. Et au regard de celles de Decret, & Medecine, moins en doit-on faire de doute. Car encores aujourd'huy les lectures s' y continuent avecques les actes de Bachelerie, Licence, & Doctorande.

Quand je vous ay dit que chacune des quatre Facultez avoit une maison pour cet effect, je cotte les quatre de la ruë au Fouërre pour une. Vray que pour le regard de ces escoles dediées aux Arts & Philosophie, ceux qui veulent pointiller sur cette ancienneté y trouvent plus d' obscurité: parce que dés pieça on n' y faict aucunes leçons: ce nonobstant je vous monstreray clairement que c' est chercher la nuict dedans le Soleil, de vouloir revoquer en doute ma proposition. On trouve dedans la Bulle de l' annee mil deux cens quinze, du Cardinal sainct Estienne Legat, entre divers reiglemens, cettuy-cy. Et quod libros Aristotelis de Dialectica, tam vetere, quam nova, in Scholis ordinarie, & duos Priscianos, vel alterum ad minus legant. Quelles estoient ces deux Dialectiques d' Aristote, vieille & nouvelle, & qui estoit le Priscian, autre que celuy qui s' est transmis jusques à nous, je laisse ce fuzeau à demesler par un autre plus curieux que moy. Ains me suffit de vous monstrer, que n' y ayant lors escoles pour enseigner les Arts & Philosophie, que celles de la ruë au Fouërre, c' estoient necessairement les quatre escoles de la ruë au Fouërre, dont le Legat de France entendoit parler par cest article. Et continuerent encores ces leçons sous le regne de Charles cinquiesme, bien que lors l' Université fust parsemée de Colleges. Car comme ainsi fust que maistre Gervais Chrestien son Medecin, extraict de Normandie, eust fondé un College qui porte son nom, en faveur de quelques pauvres escoliers boursiers, le Roy pour le gratifier y adjousta deux Mathematiciens, dont l' un seroit tenu de lire aux escoliers du College, & l' autre publiquement en l' escole de Normandie, ruë au Fouërre.

La verité doncques est que les quatre sales de cette ruë, estoient les grandes escoles basties pour enseigner les quatre nations, chacune en sa chacune. Et pour cette cause leur fut baillez les noms de France, Picardie, Normandie & Angleterre. Ny pour cela toutesfois on ne laissa pas de dresser dedans l' Université des Escoles particulieres, pour la commodité des escoliers, ainsi les veux-je appeller, à la difference des quatre publiques. Escoles dis-je toutesfois non dressees sur le modelle des Colleges, dont je parleray en son lieu. Mais lors qu' un Maistre és Arts, outre les Regens ordinaires des grandes Escoles, avoit permission de lire, il loüoit telle maison, salle, ou chambre qu' il pensoit luy estre beaucoup plus commodes pour l' exercice de ses leçons, és lettres humaines: A quoy on voulut encores adjouster une seconde police. Car se trouvans quelques autres Maistres aux Arts ayans pareille permission de lire, qui par une jalousie voulussent encherir sur les loyers de leurs compagnons, & par ce moyen les desposseder de leurs chaires, cela leur fut tres expressément & estroictement defendu, par le reglement du Cardinal sainct Estienne Legat. Nullus, (porte l' article) irrequisito inquilinc assensu, vel scholas accipiat, vel Domini facultatem habeat, requirendi. Privilege amplement confirmé par le Pape Innocent IV. estant en la ville de Lyon, duquel la Bulle estoit telle.

Innocentius Servus servorum Dei, dilecto filio Cancellario Parisiensi, salutem & Apostolicam benedictionem. Quia non omnes Parisius ad studium venientes, moribus qui scientiam adferunt se exercent; imo unus ad alterius hospitium sibi reddit interdum precij carridium: Nos volentes eorum utilitatibus consulere, & praesumptioni malignantium obviare, discretioni tuae per Apostolica scripta mandamus, ut nullus Magistrorum vel Scholarium Parisiensium, alterius conducat hospitium vel Scholas, quamdiu ipsas absque manifesta malitia retinere voluerit inquilinus, conductorem per censuram Apostolicam appellatione postposita compescendum. Datum Lugduni 2. id. Martijs, Pontificatus nostri anno secundo.

Innocentius Servus servorum Dei. Universis Magistris & Scholaribus Parisiensibus salutem & Apostolicam benedictionem. Universitati vestrae, authoritate praesentium districtius inhibemus, ne aliquis vestrum alterius scholas aut hospita absque illius consensu conducere praesumat. Datum Lugduni idib. Maij, Pontificatus nostri anno secundo. 

Ces deux Bulles furent donnees en la ville de Lyon, deuxiesme an du Pontificat d' Innocent quatriesme, qui avoit esté promeu en l' an mil deux cens quarante trois. Ce fut doncques l' an mil deux cens quarante quatre qu' elles furent par luy decernées, pendant le regne de nostre Roy sainct Louys, qui fut appellé à la couronne l' an 1227. & mourut l' an 1270.

En ces Escoles esparses par la ville se lisoient les lettres humaines, & aux grandes, uns Priscian, & Aristote. Celuy là comme fontaine de la Grammaire, & cettuy cy, de la dialectique & Philosophie. Cela avoit esté des pieça ordonné par les premiers & plus anciens statuts de l' Université, en termes generaux, comme je vous ay dit cy dessus, qui fut depuis expliqué par forme de commentaires en termes speciaux, par un reglement fait l' an mil deux cens cinquante quatre entre les Maistres és Arts qui lisoient aux grandes Escoles, comme il s' ensuit.

Anno Domini milleßimo ducentesimo quinquagesimo quarto. Noverint Universi, quod nos omnes, & singuli Magistri artium, communi assensu nostro, nullo contradicente, propter novum & inaestimabile periculum, quod in Facultate nostra imminebat, Magistris aliquibus lectiones suas terminare festinantibus, antequam librorum quantitas & difficultas requirat, propter quod, & Magistri legendo, & scolares audiendo, minus proficiebant, super ruina nostrae Facultatis anxiantes, & statui nostro praecavere volentes, pro communi utilitate, & studij nostri reparatione, ad honorem Dei, & Ecclesiae, statuimus, & ordinamus, quod omnes & singuli Magistri nostrae Facultatis, in posterum libros, quos in festo Sancti Remigij incipient temporibus inferius annotatis, veterem Logicam, videlicet librum Porphyrij Praedicamentorum, Peri ermenias, Demonstrationum, & Topicorum Boetij, Priscianum maiorem, & minorem, Topica & Elenchos, Priora & Posteriora, Ethicorum libros quinque, tres parvos libros, videlicet principia Barbarismi, Prisciani, de accentu, qui simul legantur, Philosophica Aristotelis, Metaphysica, & libri de Animalibus, libri Coeli, & mundi, libri meteororum, libri de anima qui cum naturalibus legantur, libri de Generatione, libri de Caußis, libri de memoria & reminiscentia, libri de differentia spiritus, animae, libri de morte & vita. Et dedans ce vieux statut sont cottez les mois, & temps, pendant lesquels on devoit proceder à la lecture de ces livres, que de propos deliberé j' ay voulu passer sous silence, me contentant de vous monstrer que nonobstant l' introduction des nouvelles Escoles qui estoient esparses par la ville, on ne laissa de continuer les estudes, comme devant és quatre grandes Escoles des Arts. Car d' attribuer cela aux nouvelles il n' y avroit aucune apparence. Pour autant qu' à la suite de ce que dessus, on parle du cours des Estudes qu' on y faisoit, qui estoit l' acheminement à la Maistrise aux Arts. Item nullus lectiones cursorias plures duabus aliquo die legibili, legere praesumat, nec plures tribus in die non legibili, nec cursum aliquem incipere audeat, donec prioris cursum terminaverit. Closture qui nous tesmoigne que l' article par moy cy dessus transcrit concernoit les Regens qui lisoient és grandes Escoles esquelles on passoit les Maistres és Arts. Et à tant je recueille de tout ce que dessus qu' en suivant, & continuant la discipline portée par l' ancien statut de l' an 1215. qui portoit en gros & en tasche commandement de lire aux grandes Escoles, le Priscian & l' Aristote, on les estala en l' an. 1254. par le menu, pour en bannir toutes les obscuritez que par sophistiquerie on y apportoit, & qu' aux Escoles privées on enseignoit les autres livres de Grammaire, Rhetorique & humanité selon la portée du temps. Que si quelqu'un se sentoit capable, il ne laissoit pour cela d' aller aux grandes Escoles pour apprendre le Priscian. Comme semblablement les autres qui se pensoient dignes d' estudier en Philosophie se mettoient au Cours és grandes Escoles, pour apres avoir estudié en Aristote passer Maistres és Arts, dedans le temps à ce prefix, & ordonné, & y faire les actes publics à ce requis & necessaires. Quand je vous nomme Aristote & Priscian, le progres du temps avoit aussi permis d' y enseigner les sciences plus relevees, comme je vous ay cy dessus touché parlant du College de Maistre Gervais.

Or comme les coustumes se tournent avecques le temps de l' une à autre, aussi l' usage des Colleges ayant gaigné pied dedans l' Université, on commença de mettre en oubly dedans ces grandes Escoles la lecture de Priscian (pour la confiner en ces nouveaux Colleges) & s' arresta l' on seulement en celle d' Aristote, laquelle fut encores depuis trans-feree aux mesmes Colleges. Choses dont se plaignoit le Cardinal de Touteville Legat en France sous le regne de Charles VII. en la reformation de l' Université, par luy faite au Chapitre De Artistis. Item monemus praedictos Regentes (porte l' article) conformiter ad antiqua statuta & laudabiles consuetudines, in facultate artium confirmandas cessante legitimo impedimento singulis diebus, & horis statutis, ad vicum stramineum se conferant, lecturi modo & forma, quibus supra regulariter & ordinarie, absque hoc quod referrent sibi plures textus una vice legendos, sed secundum statuta libros legant ad profectum auditorum, ut praemisimus regulariter & ordinarie. Et depuis on oublia tout à fait le chemin de ces Escoles, hormis que tout ainsi qu' anciennement apres y avoir fait son temps d' estude, on y recevoit le bonnet de Maistrise. Encores faisons nous aujourd'huy le semblable pour remembrance de cette antiquité, ores que nous ayons fait nos estudes de Philosophie dedans les Colleges: & me souvient que Pierre Ramus en la reformation qu' il desiroit estre faite de l' Université de Paris, par luy presentée au Roy Charles IX. disoit. Nuper vero diem, postremum obijt qui postremus in schola publica Philosophiae professor fuit. ****