jeudi 10 août 2023

9. 25. Reformations de l' Université de Paris.

Reformations de l' Université de Paris.

CHAPITRE XXV.

Non, je diray franchement que sur la premiere origine de nostre Estat,  l' espee fut deuë à nos Roys, & la plume à nos Archevesques & Evesques, & que l' occasion pour laquelle vous ne voyez Universitez en cette France, que ce ne soit en ville Archiepiscopale ou Episcopale, & singulierement en celle de Paris, qui est la premiere & plus ancienne de France: & neantmoins au long aller nos Roys y voulurent avoir bonne part, faisant cet honneur à l' Université de Paris de la nommer leur fille, & l' honorant de plusieurs grands Privileges: Mais comme il n' y a rien si bien institué qui avecques le temps ne reçoive diverses corruptions, aussi le semblable advint-il à nostre Université: laquelle se recognoissant vraye fille de nostre grande Eglise, le premier qui se mesla de la reformer fut un Cardinal Sainct Estienne, Legat du Sainct Siege en nostre France, par son Reiglement du mois d' Aoust mil deux cens quinze: C' estoit vers la fin du Pontificat du Pape Innocent troisiesme qui mourut l' an mil deux cens dix-sept. Apres ce premier Legat vint Simon Cardinal de saincte Cecile aussi Legat, duquel je remarque un Reiglement general, qu' il fit pour l' eslection future du Recteur de trois en trois mois, au lieu qu' elle se faisoit auparavant tantost de mois en mois, tantost de six en six sepmaines, par ses Bulles de l' an mil deux cens septante huict: Car quant à tout le demeurant de ses actes, ce furent sentences Decretales par luy renduës dedans Paris sur les differens qui estoient ores entre les Nations, ores entre les Facultez. Mais sur tout ne faut oublier qu' ayans esté en une brigue deux Recteurs esleus, pour s' estre trouvez les eslisans my-partis en leur eslection, les quatre Nations ayans compromis en ce Legat, il donna en fin sa sentence en la maison Abbatiale de saincte Geneviefve, pour & au profit de l' un des deux Recteurs, lequel demeura par ce moyen en l' Estat, & depuis ne s' est jamais trouvee cette partialité advenuë en telles eslections. La troisiesme qui fut recogneuë pour vraye Reformation est celle qui fut faite à Rome l' an mil trois cens soixante & six, en presence de Boniface, Chancelier de l' Université de Paris, par Jean Cardinal de sainct Marc, & Gille, Cardinal de sainct Martin aux Monts, à ce expressément commis & deleguez par le Pape Urbain cinquiesme: Mais sur toutes les anciennes celle que je voy avoir esté la plus signalee, est celle de Guillaume Cardinal d' Estouteville, Legat en France, laquelle je voy avoir receu toutes ses façons. Parce que nostre Roy lors regnant y voulut avoir bonne part. Qu' ainsi ne soit, combien que la compagnie qui fut lors assemblee, ne porte sur le front que le nom du Cardinal, pour l' honneur que l' on portoit au sainct Siege, toutesfois vous voyez vers la fin Presidens, & Conseillers de Parlement y estre intervenus. C' est pourquoy je m' y veux plus arrester, que sous les trois autres. Le commencement de cette Reformation est tel.

Guillelmus miseratione divinae, Cardinalis sancti Martini in Montibus, Sacrosanctae Ecclesiae Presbyter, Cardinalis d' Estouteville, vulgariter nuncupatus, in Regno Franciae, singulisque Galliarum Provincijs, Apostolicae Sedis Legatus. Maiores nostri, & caet. De là sautant de la plus digne Faculté aux moindres selon leur ordre, apres avoir passé sur la Reformation de la Faculté de Theologie, il va à celle de Decret, puis de la Medecine, & en fin aux Arts, il fait plusieurs beaux Reiglemens, & entre autres, confirme le Statut du Cardinal de saincte Cecile, touchant l' eslection trimestre du Recteur: & aussi les Reiglemens de Jean Cardinal de sainct Marc, & de Gille Cardinal de sainct Martin: & au fait de la Medecine, non seulement reforme, ains à pleine bouche, deteste l' usage ancien qui estoit de ne marier les Docteurs en Medecine. 

Vetus statutum (dit-il) quo coniugati, à Regentia in Facultate Medicinae prohibentur, impium & irrationabile reputantes, cum eos maximè ad ipsam facultatem docendam & exercendam admitti deceat, corrigentes & abrogantes, sancimus deinceps coniugatos, si docti, & sufficientes appareant, & morum gravitate ornati, ad regendum in dicta Facultate admittendos, nisi eos levitas ad vitium aliquod indignos reddat, super quo iudicium in correctione, Facultati relinquimus. Autres Articles y a-il, singulierement en la correction des Artistes, dont j' ay fait ailleurs mon profit. Qui me les fait maintenant passer sous silence: & au bout. 

Haec sunt salubria instituta, quae ad almae Universitatis decus, reformationem morum, & studiorum incrementum, magno studio elaborata, & digesta conscripsimus. Aßistentibus nobis, Reverendis Patribus, Guillelmo Parisiensi, & Ioanne Meldensi Episcopis: & clarißimis viris, in iure peritißimis, Arnaldo de Merle, Regis Parlamenti praeside, Georgio Havart, Magistro Requestarum, Guillelmo Totin, in camera Inquestarum Praesidente, Millone Dilliers, Decano Carnotensi, & Regij Parlamenti Consiliario, Roberto Cibale, Ecclesiae Parisiensis Cancellario, Magistro Ioanue (sic) Regio Advocato. Omnibus praedictis, à Christianißimo, & excellentißimo Principe, Domino Francorum Rege, ad Regia privilegia reformanda, deputatis. Quorum in praedictis statutis edendis consilium adhibuimus, eáque statuta atque Decreta, singulis facultatibus, ad nos vocatis, ipsis praesentibus tradidimus, insinuavimus, ac publicavimus, harumque serie, illis perpetuum valitura tradimus, insinuamus, atque sub authentico nostro sigillo transmittimus. Decernentes, ut etiam supra mandavimus, in voluminibus Statutorum singularium Facultatum, ea redigi, fideliterque transcribi. Datum Parisius, anno Incarnationis Dom. 1452 Die I. mensis Iunij Pontificatus sanctiss. in Christo Patris, & Domini nostri, Domini Nicolai divina prudentia Papae 4. anno 6. Et combien que l' authorité du Legat, assisté de quelques Seigneurs du Parlement y eust passé; toutesfois pour luy faire sortir plein effect, à cette Reformation furent attachees sous le contreseel de la Chancellerie, lettres patentes du neufiesme de Mars mil quatre cens cinquante neuf. Qui furent verifiees en la Cour de Parlement du consentement du Procureur General le 9. Juillet ensuivant. Ce fut un an auparavant le decez de Charles VII. lequel se mettant lors de la partie, il fut arresté, non seulement ce qui se devoit reformer; ains authorizé ce qui se trouvoit bon du passé. A quoy il voulut mettre la main, & pour cette cause confirma le Statut du Cardinal Simon Legat, sur l' eslection trimestre du Recteur, & la reformation faite par les Cardinaux de S. Marc, & de S. Martin aux Monts, autrement elles eussent peu estre revoquees en doute. Du depuis pour la nonchalance des Ecclesiastics, on n' eut plus recours au S. Siege; ains prist nostre Prince seul cette charge, par l' advis mesme de nos trois Estats: d' autant que par l' Edit tenu en la ville d' Orleans conclud au mois de Janvier 1560. le Roy Charles IX. en l' article 105. declare, que parce qu' il ne pourroit en son Conseil promptement pourvoir aux plaintes dés long temps faictes, tant par les Universitez de son Royaume, que contre icelles, & les abus qui se commettent sous pretexte de leurs privileges, franchises, & exemptions, ensemble sur la reformation des dites Universitez. Pour ces causes il ordonne que lettres de commission seroient expediees, & adresees à certain nombre de notables personnages qu' il deputeroit, pour dedans six mois, voir & visiter tous les privileges octroyez par ses predecesseurs Rois, les fondations des Colleges, la reformation du feu Cardinal d' Estouteville, & ce fait proceder à l' entiere reformation des dites Universitez & Colleges, nonobstant oppositions ou appellations quelconques: Article qui fut depuis renouvellé par Henry III. au 67. Article de l' Ordonnance faite à Blois l' an 1579. à la suite dequoy vous trouvez une infinité de reiglemens de nostre Prince concernans les Universitez, tant en spirituel que temporel, dés & depuis le 68. Article, jusques au 88. includs. Mais pour ne m' esloigner de l' Université de Paris, laquelle par ce present Chapitre je me suis mis en bute. Belle fut la reformation que par la voix commune du peuple on attribuë au Cardinal d' Estouteville: mais je n' en voy point de telle, que celle qui fut faite par Messire Jacques Auguste de Thou President en la grand Chambre du Parlement, & Maistres Lazare de Coquelei, & Edoüart Molé Conseillers, appellé avecques eux Maistre Louys Servin Advocat du Roy. Le tout en vertu de l' Arrest donné par la Cour, à la requeste du Procureur General le 3. Septembre 1598. soit que l' on considere la façon, ou l' estoffe; car pour le regard de la façon, je ne leu jamais une diction plus nette, & plus Ciceroniane que cette-cy: rien du Lipsian; & quant à l' estoffe la discipline y est, non seulement scholastique, ains en sa scholarité grandement politique: Aussi estoient tous ces reformateurs assistez de plusieurs braves protecoles, en la Theologie, Decret, Medecine, & Arts. Et toutesfois, ô malheur! (il faut que cette parole à mon grand regret m' eschape) soit ou qu' en l' ancienneté de mon aage, par un jugement chagrin du vieillard, toutes choses du temps present me desplaisent, pour extoller celles du passé, ou que sous cette grande voute du ciel, il n' y ait rien, lequel venu à sa perfection, ne decline puis apres naturellement jusques à son dernier periode, je trouve bien quelques flammeches, mais non cette grande splendeur d' Estudes qui reluisoit pendant ma jeunesse; & à peu dire je cherche l' Université dedans l' Université sans la retrouver: Pour le moins celle qui estoit sous les regnes de François I. & Henry II. La mort malheureuse & inopinee de cestuy, le bas aage de ses enfans, bigarrement de Religions, desbauche frequente de Troubles, non seulement de Catholique au Huguenot, ains de Catholique à Catholique, sous mots de faction malheureusement controuvez de Ligueur, Politique, Maheustre, luy ont fait cette grande bresche. Face Dieu par sa saincte grace, qu' on la voye quelque temps reflorir comme auparavant, à l' honneur de luy, exaltation de son Eglise, ornement de la France, ainçois de toute la Chrestienté.