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mardi 30 mai 2023

2. 16. Du droict d' Aisneesse, Apanages, Loy Salique, Successions aux anciennes Duchez & Comtez de la France.

Du droict d' Aisneesse, Apanages, Loy Salique, Successions aux anciennes Duchez & Comtez de la France. 

CHAPITRE XVI.

M' estant en ce lieu proposé de deduire une partie de l' ancienneté de la police de France, il me semble que je ne feray point chose grandement eslongnee de mon intention, si je discours en ce lieu, la recommandation en laquelle nos vieux peres curent l' entretenement & perpetuation de leurs familles. Toutesfois premier que de m' advancer en plus longue estenduë de propos, il faut que je me plaigne en passant, de la commune resolution des Advocats de ce temps-cy, lesquels s' estans aheurtez à un droict Romain, comme à un port de seureté, duquel ils pensent tirer franchise de leurs erreurs, toutes les fois & quantes qu' il s' offre quelque dispute entr' eux, ou des Retraicts, ou des Testamens (matieres qui leur sont assez familieres & occurrentes) estiment la question des Retraicts être de soy odieuse, parce qu' elle contrevient, ce leur semble, au droit escrit: & au contraire être favorable ce qui a esté ordonné par un testament, comme estant une Loy & ordonnance de nos dernieres volontez. Tellement qu' à l' une des questions ils tiennent la bride courte, voire jusques à une superstition tres-estroite. Et à l' autre, ils laschent les resnes outre mesure pour autant qu' ainsi ils ont esté en partie enseignez par ceux qui traitent le droict des Romains. De ma part, je ne veux point icy controoller ce qui a esté opiné par les Jurisconsultes de Rome: mais je diray franchement, que tous ceux qui digerent de telle façon entre nous, & les Retraicts, & les Testamens, ne sonderent jamais au vif quel a esté le droict des François. Les Romains eurent leurs considerations peculieres, aussi eurent nos François, les leurs. Et si puis dire davantage, que nous les devançames en cecy. Car si sur les ventes, & dernieres volontez, ils voulurent gratifier au particulier consentement & contentement d' un chacun, nous autres d' un plus haut discours, nous fondames sur le commun devoir de nous tous. Ne nous arrestans pas és choses que particulierement nous voulions, & le plus du temps par un jugement effrené, ains à ce qu' il nous estoit bon & expedient de vouloir, pour l' utilité du public. Pour ceste cause eusmes nous l' entretenement des familles en grande recommandation, voire sur toutes autres contrees & nations. Du fonds de ceste raison sourdit (pour commencer par le chef) la Loy Salique, tant profitable au Royaume, qui ne veut que la Couronne tombe en quenoüille, de ceste, les Apanages és enfans puisnez de nos Rois, de ceste, le droit d' aineesse entre les Nobles grandement necessaire, pour subvenir aux fraiz des guerres, de ceste, generalement vint l' institution des Retraicts, & aussi les interdictions & defenses de ne tester à nostre appetit, sinon jusques à certaine quantité du bien que la Loy nous a prefix, ains que par coustume generale les biens aillent aux plus proches lignagers de main en main. Choses à la verité fort bien par nos anciens ordonnees. Car encores que quelquesfois naturellement, c' est à dire, suivant nostre nature & opinion corrompuë, nous soyons plus enclins en la faveur des estrangers, que des nostres (qui fut la consideration des Romains) si est-ce que nostre coustume, comme je disois maintenant, considerant de plus pres à ce que nous devons faire, qu' à ce que peut être par une desordonnee opinion, nous eussions eu envie de faire, s' advisa de trouver frain & moyen à nos passions. Temperant toutes fois les Retraicts de telle balance, que sans nous frustrer de la liberté des traffiques, elle nous permettoit de vendre à qui bon nous sembleroit, mais toutesfois à la charge que l' un de la consanguinité y avroit dedans l' an son regrés, si bon luy sembloit, pour mesme prix que le premier acquereur, & en le rembourçant de ses fraiz & loyaux cousts. Et au regard des Testamens, cognoissans que pour le defaut & imbecilité de sens que nous pouvons avoir lors de nostre decez, pourrions commettre plusieurs incongruitez, voulurent que la coustume qui estoit au suplément de la Loy, en prit la principale charge. Parquoy ne nous fut ostee plaine faculté de disposer à nostre arbitrage des choses acquises par nostre industrie: Mais de celles qui nous venoient de l' estoc de nos peres & meres, ou de nos ancestres, voulurent que nous usissions de mesme liberalité envers les nostres, & ceux qui estoient de nostre sang, comme les nostres avoient usé envers nous. Estimans (comme est le commun proverbe François) que le bon sang ne peut mentir. Loy vrayement du tout Platonique, & discouruë amplement par ce grand Philosophe Platon, dedans l' unziesme de ses loix. Ce qu' entrecogneurent mesmement les Romains sur la fin de leur Republique, quand ils introduisirent les Quartes & Legitimes, pour brider la volonté des testateurs. Qui demonstre que trop plus est nostre Loy en cest endroit equitable, que la Romaine. Certes quant au droict d' aineesse, c' est une question qui tombe souvent en propos, sçavoir si par raison de nature, la Loy doit donner plus de passedroict à l' un des enfans que aux autres. Car à dire le vray, il semble que ce soit chose fort estrange, qu' estans plusieurs enfans sortis d' un mesme ventre, un seul soit advantagé, au desadvantage des autres. Et combien que ceste Loy apporte plusieurs grands profits au Royaume, si est-ce que nos premiers ancestres ne se peurent aisément induire à l' introduire en leur Monarchie. Et de fait, ne furent ny les droicts d' ainesse, ny les apanages, cogneuz sous la premiere, ny mesme sous la seconde lignee de nos Roys. Qu' il soit vray, se trouvera qu' apres la mort du grand Clovis, quatre siens fils diviserent par égales parts, & portions le Royaume, faisans chacuns d' eux diversement leurs sieges à Paris, Mets, Soissons, & Orleans, & s' appellans chacun d' entr' eux Roys des villes, esquelles ils avoient establis leurs principales demeures. Lequel partage fut de rechef renouvellé aux quatre enfans de Clotaire premier. Et qui plus est, pour monstrer que tant s' en faut qu' il y eut lors, ou Apanages, ou droict de consanguinité, si estroitement gardez comme nous faisons maintenant, c' est qu' en defaut d' enfans procreez de leurs corps, ils pouvoient mesmement adopter & faire des feintes afiliations, sans s' arrester au droit d' intestat, & proximité de lignage. Car Gontran Roy d' Orleans, au prejudice de ses autres nepueux, adopta son nepueu Childebert Roy de Mets, & moyennant ceste adoption le fit heritier universel de tous ses pays & contrees. Aussi voyons nous que Dagobert ayant eu deux enfans masles, Sigisbert aisné, qui fut Roy d' Austrasie, & Clovis son puisné, qui eut pour partage le Royaume de France, se voyant iceluy Sigisbert sans enfans, institua pour heritier de son Royaume, un autre Childebert fils de Grimovault, Maire de son Palais. Se donnant par ceste ordonnance puissance de defrauder les enfans de son frere Clovis, de sa succession. Et si nous voulons descendre plus bas, nous trouverons que Louis le Debonnaire, fit un partage égal entre ses quatre enfans: & que s' il y eut inegalité, ce fut pour avoir investy de la meilleure piece de tous les Royaumes, Charles le Chauve son dernier fils: luy donnant pour son partage, ce Royaume de France. Dont ses trois autres freres jaloux, combien qu' ils esmeussent grandes querelles contre luy, si est-ce que le partage tint tout de la mesme façon que leur deffunct pere l' avoit dressé. Tous lesquels exemples nous doivent être argumens assez suffisans, pour penser que ce droict d' aineesse ne fut cogneu sous les deux premieres lignees de nos Roys. Au moyen dequoy il semble que ceste brave invention, ensemble des Retraits, & inhibitions de tester, soit venuë sous la lignee de Hugues Capet, & qu' estant nostre Royaume divisé en eschantillons & parcelles, chasques Ducs & Comtes pour se prevaloir davantage en leurs necessitez de guerre, voulurent que la plus grande part & portion des Fiefs de leurs vassaux, vint entre les mains de l' un des enfans: & fut cest un approprié en la personne de l' aisné. Car encores que par une consideration familiere & œconomique, le partage égalé entre les enfans, semble être de quelque merite, si est-ce que pour la protection d' un pays, il est bon qu' entre gens qui sont destinez pour la guerre, comme sont les Nobles, il y en ait un entre les autres, qui ait la plus grande part au gasteau. Parce que cestuy ainsi advancé supporte plus longuement la despense d' une longue guerre. 

Et les autres qui seulement s' attendent à leur vertu, se hazardent plus advantureusement aux perils, pour trouver moyen de se pousser & être cogneux de leur Prince. A ceste cause voyons nous qu' és endroicts où il y eut grands Seigneurs, qui firent pour quelque temps teste à nos Roys, ils eurent ce droict d' aineesse specialement affecté, comme en la Bretagne, Normandie, Vermandois & autres. Qui nous enseigne, que la necessité des guerres de ces Ducs & Comtes, qui estoient en leurs contrees comme Roitelets, nous amena premierement ceste invention d' Ainesse. Car quant aux Apanages, qui sont destinez pour les enfans puisnez de nos Roys, Paul Emile diligent perquisiteur de nostre histoire Françoise, a remarqué des anciens, que ce fut une invention, que nos Roys emprunterent des voyages qui se faisoient outre-mer, pour la recousse de la terre saincte. Car au lieu où premierement tous enfans du Roy estoient recompensez en Royaumes pour leurs partages: & que depuis on leur donnoit les grandes contrees par forme de Duchez, avec grandes prerogatives, & soy ressentans au plus pres de la Royauté, sous le nom de Ducs: nos Roys par une invention tres-politique & profitable, pour l' accroissement de ce Royaume, commencerent de retrancher ceste grandeur à leurs freres, leurs donnans terres & Seigneuries en Apanage. Quoy faisans, ils n' entendoient leur avoir rien donné en partage, fors le domaine & le revenu annuel. S' estans au demeurant reservez toute jurisdiction, ensemble toute souveraineté & puissance d' imposer sur le peuple parties casuelles, telles que la necessité leur conseilloit. Il se trouve arrest solemnel donné par les Pairs, & plusieurs personnages de marque, jusques à 35. en l' annee 1243. par lequel fut ordonné que defailans hoirs masles du corps, les Apanages retournoient au Roy, & non au plus prochain lignager. Cest arrest prononcé au profit du Roy, pour les Comtez de Poictou, & Auvergne, qui avoient appartenu à Alphons, frere du Roy S. Louys, à l' encontre de Charles Roy de Sicile.

Or combien que le droict d' Aineesse & l' Apanage, soient choses nouvelles au regard de la Loy Salique, si est-ce que le profit que nostre Royaume sent de telles maximes, nous les rapportons toutes communément, comme si elles eussent esté introduittes avec ceste Loy Salique, veritablement non sans grande occasion. Car encores qu' elle n' en face aucune mention, ce neantmoins la mesme raison qui occasionna nos ancestres à forclorre les filles de l' esperance du Royaume, fut cause que depuis on voulut attribuer aux aisnez tout le droict de la Couronne, & que par mesme moyen les freres de nos Roys furent seulement appennez. Toutesfois pour parler à son rang d' icelle loy, qui est tant celebree à l' advantage des François, il semble que pour le jourd'huy ceste loy nous soit peculiere entre tous autres Royaumes. Pour laquelle cause quelques-uns (comme Guillaume Postel) estiment qu' elle prit son ancienne origine des Gaules, & qu' elle fut appellee Salique, au lieu de Gallique, pour la proximité & voisinage que la lettre de G, en vieil moule, avoit avec la lettre S: Il seroit mal-aisé de raconter la diversité des opinions qui se rencontrent en l' etimologie de ce nom. Jean Cenal, Evesque d' Auranches, qui a laborieusement recherché plusieurs anciennetez, & de la Gaule, & de la France, l' a voulu rapporter à ce mot François, Sale: Parce que ceste Loy estoit seulement ordonnee pour les Sales & Palais Royaux. Claude Seissel, assez mal à propos, a pensé qu' elle vint du mot de Sel en Latin, comme une Loy plaine de sel, c' est à dire de sapience, par une metaphore tiree du sel. Un Docteurs és droits nommé Ferrarius Montanus, a voulu dire que Pharamond fut autrement appellé Saliq'. Les autres (comme l' Abbé Vespergense) plus ingenieusement la tirent de Salogast, l' un des principaux Conseillers de Pharamond. Et les derniers pensans subtilizer d' avantage disent que pour la frequence des articles qui se trouvent dans icelle Loy, commençans par ces mots, Si aliquis, & Si aliqua, elle prit sa derivaison. Combien que la verité soit qu' elle fut appellee Salique, à cause des François Saliens, desquels est faite assez frequente mention dans Marcelin. Chose qui a esté fort bien recogneuë par Paul Emile: Car les François, comme nous avons deduit au premier livre, lors qu' ils sejournerent sur le bord du Rhin, furent divisez en plusieurs peuples, dont les aucuns furent appellez Anthuariens, & les autres Saliens. 

Et mesmement sans se donner peine d' avantage, pour la verification de cecy, on peut appertement discourir, dont a pris ceste loy sa source: singulierement pour le regard du chef qui a banny les femmes de la Couronne, par le passage que noz Princes tirent à leur advantage au tiltre, De allodis, où il est dit, De terra Salica nulla portio hæreditatis in mulierem transit, sed hoc virilis sexus acquirit. Nous defendons qu' aucune part & portion de la terre Salique soit baillee aux femmes, ains seulement que cela soit fait propre aux masles. Ceste mesme forme de loy excluant les femelles des Royaumes, a esté approuvee en plusieurs braves Republiques. Au Royaume des Israëlites, encores que la Loy de Moyse fut expresse (comme il appert par le vingt & septiesme chapitre des nombres) que les enfans masles succedoient premierement, puis en leur defaut, les filles: à faute d' elles, les collateraux: toutefois on ne trouve point que jamais fille ait tenu le sceptre entr' eux. Aux Lacedemoniens, Republique fort bien reformee, fut tout le semblable observé comme l' on apprend de Plutarque, recitant que le pere de Licurge Roy de Lacedemone, ayant esté meurdry par les siens, laissa pour successeur à la Couronne Polidecte son fils aisné, qui mourut laissant sa femme enceinte: Et dit nommément cest autheur, que Licurge solicité par quelques uns: d' aprehender le Royaume par le decez de son frere, respondit à ceux qui pour luy penser faire plaisir l' importunoient de ce faire, que le Royaume ne luy pouvoit appartenir, là & au cas que sa belle sœur accouchast d' un enfant masle. De sorte que l' on peut de ce recueillir, que si elle eust enfanté une fille, Licurge eust pretendu l' exclurre de l' expectative du Royaume. Ceste mesme loy, pour bien dire, fut pratiquee par nous. Bien est vray que l' entretenement d' icelle nous en fut autresfois cher vendu, lors que Philippes de Valois, par le conseil de Robert Comte d' Artois, la meit en avant, contre Edouart troisiesme de ce nom Roy d' Angleterre, qui avoit espouzé Isabelle fille de Philippes le Bel. Et de cecy fut l' occasion, pourautant que de toute ancienneté la fortune du temps n' avoit oncques permis (au moins que je voye bien exprimé dans nos histoires) que la Couronne se trouvast être sans hoirs masles en ligne directe, fors depuis la mort de Loys Hutin. Qui fut cause que les Flamans, pensans que ceste Loy fust de nouvelle impression, appelloient en leurs farces & joingleries, Philippes de Valois Roy trouvé. Comme si par un nouveau droict & non jamais recogneu par la France, il se fust faict proclamer Roy. Aussi se trouva un riche citoyen de Compieigne nommé Simon Pouiller (comme dict Gaguin) auquel pour ceste occasion advint de dire, que le Roy Edouart d' Angleterre avoit plus de droict à la Couronne que Philippes. Ce que venu à la cognoissance du Roy & de son conseil, il luy fist coupper bras & jambes, l' une apres l' autre, & puis la teste, laissant son corps seul comme un tronc. Et vrayement s' ils eussent tous esté bien informez de l' efficace & ancienneté de ceste loy, ils eussent changé de propos. Car encores que (comme j' ay dit) le cours du temps n' eust permis que jusques à la mort de Hutin, le Royaume fut jamais tombé en quenoüille, si est ce que si nous voulons rechercher les Histoires plus haut, nous trouverons que non seulement les François, mais aussi la plus part des peuples qui sortirent du profond de la Germanie, eurent ceste loy affectee, & en recommandation sur toutes autres: bien est vray que sous diverses modifications. Les Vandales, possedans l' Affrique, avoient pour Loy & institution solemnelle, de ne recevoir à leur Couronne que les masles, non toutesfois les plus proches parens, comme nous, ains ceux qui en la famille des Roys estoient les plus anciens du lignage. Les Ostrogots regnans dessus l' Italie, ne recevoient à la succession du Royaume les femelles, mais aymoient encores mieux avoir un enfant pour leur Roy, qu' une femme: tellement que le fils forcluoit la mere. Chose que nous pouvons assez clairement induire de cest exemple. Car estant Theodoric Roy des Ostrogots allé de vie à trespas, delaissee Amalasfonte (o Amalassonte, o Amalaffonte) sa fille unique, qui avoit un seul fils nommé Athalaric, jeune enfant, aagé seulement de dix ans, le Royaume escheut à Athalaric, & non à Amalasfonte sa mere: mesmes depuis la mort d' Atalaric, la Couronne fut deferee à Theodaat, sans que jamais Amalasfonte (femme au demeurant tres-advisee) la querellast: Ce qu' elle n' eut pas aisément permis, si la Loy commune du pays luy eust assisté en ceste querelle, veu qu' elle estoit grandement cherie & favorisee de ses subjets, pour la memoire de son pere. Et les Anglois arrivans en la grand' Bretaigne, bannirent du tout la femme de l' esperance du Royaume, luy permettans seulement de recueillir de la succession de son pere ses meubles & precieux joyaux. Non en ce grandement eslongnez de nostre commune observance. De façon que nous pouvons presque dire que ce fust une Loy qui couroit generalement entre les Germains, lors qu' ils se desborderent encontre l' Empire de Rome, de ne permettre que leur Couronne tombast en quenoüille. 

Toutes ces choses par moy cy discourues, serviront pour nous apprendre que ceux (car je veux reprendre mes premiers *arreliemens) qui en se mocquants voulurent revoquer en doute ceste grande loy Salique, du temps des Roys Philippes de Valois, & Edouart troisiesme, le firent ou par ignorance de l' Histoire, ou par la calomnie du temps: Et toutesfois s' il nous faut démeler de ce procez qui fut entre ces deux grands Princes (procez puis-je dire, qui a tant cousté à la France, car de là vindrent ces deux malheureuses journees de Cressy & Poictiers, esquelles fut presque defaicte & saccagee toute la Noblesse Françoise) certainement il est tout clair, que presupose que la Loy Salique n' eust eu lieu entre nous, comme elle avoit, si est-ce que Edouard, qui premier voulut mettre ceste controverse sur le bureau, estoit du tout sans interest, & à vray dire debatoit le droict d' autruy, & non le sien. Aussi est-ce la verité qu' il n' eust jamais entrepris ceste querelle, s' il m' eust esté à ce faire induit & semonds par les sollicitations & pratiques de Robert d' Artois lequel en haine de ce qu' il avoit esté privé par arrest, de la possession du Comté d' Artois, contre Matilde sa parente (qui avoit mesmement encontre luy averé une fauseté) se voyant non seulement esbranlé de la plus grand partie de son bien, mais aussi de son honneur, se transporta, comme tout forcené par devers le Roy d' Angleterre. Qui fut cause que ce Roy s' achemina à ceste entreprise, non point tant en intention de poursuivre par armes son droict, que pour se vanger de l' injure que Robert pretendoit luy avoir esté faite. Comme sont ordinairement les Princes & grands Seigneurs bons coustumiers de conduire & mettre à effect la veangeance de leurs inimitiez privees, soubs le masque du bien public. Et au surplus pour monstrer que l' Anglois ne pouvoit quereller à juste raison nostre Couronne, il convient entendre que Philippes le Bel eut trois enfans masles & une seule fille: C' est à sçavoir Louys Hutin, Philippes le Long, Charles le Bel, & Ysabelle, qui fut mariee avec Edouard. Apres le Bel vint à la Couronne Louys Hutin son fils aisné, qui eut pour tous hoirs une seule fille, nommee Jeanne, qui fut femme de Louys Comte d' Eureux. Par ainsi si le Royaume fust tombé en quenoüille, ceste-cy forcluoit oculairement Ysabelle sa tante. Et toutes fois ceste question fut deslors vuidee, & le Royaume declaré par l' advis du Parlement appartenir à Philippes le Long: lequel aussi eut trois filles qui ne revoquerent jamais en doute le droict de la Couronne, ains liberalement accorderent que Charles le Bel leur oncle en fut investy. Aussi eut cestuy Charles le Bel une seule fille, nommee Blanche, laquelle se contenta d' avoir pour son partage le Duché d' Orleans. Concurrans donques unanimemment cinq heritieres, qui precedoient cest Edouard, lesquelles sans aucune controverse s' estoient demises de tous leurs droicts sur les masles: & la pluspart mesmement d' entr' elles au profit de Philippes de Valois, il n' y avoit pas grand pretexte pour lequel Edouard deust quereller le Royaume, sinon que contre raison il fut induict à ce faire, à la solicitation & poursuitte de Robert d' Artois, pour la consideration par moy cy dessus touchee. Ceste querelle appresta à plusieurs gens de bon esprit à escrire, les uns en faveur des François, & les autres en faveur des Roys d' Angleterre. Polidore Virgile, ennemy capital de nostre nation, se crucie & crucifie dans son Histoire d' Angleterre, pour le tort qu' il dit que nous tenons aux Anglois: Entre les nostres Paul Emile (homme advisé en tout le cours de son Histoire) a plus modestement discouru ce subject: Claude Seissel Archevesque de Thurin, en a faict un traicté exprés qu' ils intitule la loy Salique: mais entre tous j' ay leu un discours escrit à la main, intitulé: Traicté auquel est contenuë l' occasion ou couleur pour laquelle le feu Roy Edouard d' Angleterre se disoit avoir droict à la Couronne: Qui fut composé par un nommé Jean de Monstrueil Prevost de l' Isle, auquel livre sont discouruës amplement les raisons qui sont à l' avantage tant de l' un que de l' autre party. Et certes ce n' est pas chose qu' il faille escouler soubs silence, que combien que jamais nous n' ayons veu en France, femme qui se dist Royne de France, à cause d' elle, sinon par adventure Catherine fille de Charles VI. par la capitulation qu' il fist (estant lors mal ordonné de son bon sens) avec Henry d' Angleterre, toutesfois ceste loy ne se trouva pas tousjours avoir lieu és Duchez & Comtez, bien qu' ils semblent être membres dependans de nostre Couronne. Car on lit que Henry deuxiesme de ce nom Roy d' Angleterre, devint grand en toute extremité, par le moyen de deux filles, & que par l' une d' icelles, qui estoit Matilde sa mere, luy escheut le Duché de Normandie, & par Leonor son espouse fille & heritiere du Duc Guillaume d' Aquitaine, il annexa à sa Couronne les Duché d' Aquitaine & Comté de Poictou. Se trouvera aussi que Charles frere de sainct Louys espousant Beatrix fille du Comte de Provence, eut à l' occasion de sa femme ce Comté. Et Alphonse son autre frere celuy de Tholoze, en mariage faisant de luy avec la fille unique de Raimond: Et semblablement que par la mort de Henry Roy de Navarre Comte de Champaigne, & de Brie, Jeanne sa fille, se conioignant par mariage avec Philippes le Bel, comme seule heritiere de son pere, raporta à nostre Couronne les pays de Brie, & Champaigne qui y sont depuis demeurez, jusques à present. Voire que comme ainsi fust que depuis les Comtes d' Eureux voulussent debattre iceux pays encontre le Roy, soustenans qu' ils leur appartenoient à raison de Jeanne fille unique du Roy Louys Hutin, de laquelle ils estoient descendus, leur fut donné en recompense par Charles VI. la ville de Nemours, avec ses appartenances & dependances: & fut le tout erigé en Duché. Et en cas semblable, estant le Comté de Flandres tombé en quenoille, ne se trouve point que Charles le quint en pretendist lors reünion, mais au contraire il apanagea, au grand dommage de ses successeurs, Philippes son frere, de la Bourgongne, pour en faire le mariage avec la Comtesse de Flandres.

Qui nous doit assez rendre asseurez que l' article de ceste Loy Salique, ne fut pas tousjours observé aux membres comme au chef, paradventure par induë usurpation que l' on faisoit sur noz Roys. Toutesfois (comme toutes choses se policent par succession de temps) les affaires de France sont pour le jourd'huy reduictes en tel train, que les pays que l' on pretend avoir esté anciennement donnez en apanage aux enfans de France, soit en Duchez ou Comtez (defaillant l' hoir masle) retournent à leur premiere Nature, je veux dire à la Couronne, de laquelle ils sont sortis. Et en ceste façon le veirent nos ancestres pratiquer pour la Bourgongne, lors que par la mort de Charles, dernier Duc de Bourgongne, le Duché tomba és mains de Marguerite sa fille, qui fut mariee avec Maximilian, bysayeul du Roy des Espagnes. Mesmes long temps auparavant (comme j' ay deduit cy dessus) par arrest qui fut donné du consentement de tous les Pairs, contre le Roy de Sicile, les Comtez de Poictou & d' Auvergne, furent reunis à la Couronne par faute d' heritiers masles d' Alphons, combien qu' à prendre les choses suyvant la commune Loy des successions, ce Roy de Sicile fut le plus proche habile à y succeder. Et telle question, à peu dire, a grandement appresté à jargonner aux Docteurs de Droict: Non pas proprement sur le fait des Apanages, mais bien pour sçavoir si tant qu' il y avoit hoirs masles en une ligne, les filles, quoy qu' elles fussent plus proches (voire en ligne directe) devoient être receuës aux successions des Duchez, se trouvans les uns & autres bigarrez en opinions.

2. 15. Nobles, Gendarmes, Roturiers, Vilains, Chevaliers, Armoiries de France,

Des Nobles, Gendarmes, Roturiers, Vilains, Chevaliers, Armoiries de France, & plusieurs autres choses de mesme subject, concernants la Noblesse de France. 

CHAPITRE XV. 

Depuis que les premiers & anciens ordres des Fiefs furent de ceste façon alterez, par la passion induë & irreguliere qu' en voulurent prendre les non Nobles: & que nos Roys, d' un autre costé, eurent introduit parmy le peuple, les Tailles sur les personnes roturieres, chacun commença deslors, selon son possible à faire estat de la Noblesse, non toutesfois fondee sur les Fiefs. Car nos Rois voyans que plusieurs cazaniers & bourgeois, qui ne faisoient estat des guerres, les possedoient par importunitez, ne voulurent prendre cela en payement, mais ordonnerent que les Tailles fussent imposees sur tous hommes qui seroient de qualité roturiere. Tellement qu' il pouvoit advenir qu' un homme qui possedast plusieurs Fiefs, se trouvast toutesfois taillable, pour autant qu' il estoit roturier & au contraire, que celuy qui avoit tous ses heritages en censive, en fust exempt parce qu' il estoit de condition Noble. Pour ceste cause les plus riches commencerent à obtenir lettres d' Ennoblissement de nos Roys, ou bien de fonder leur Noblesse sur l' ancienneté de leur race (paraventure non cogneuë, pour avoir changé de pays) verifians que leurs ancestres avoient toujours vescu noblement, sans être cottisez à la taille, & sans exercer aucun estat de marchandise. L' on recite qu' entre les loix que Licurge establit aux Lacedemoniens, il y en eut une principalement par laquelle tous mestiers & arts mecaniques furent delaissez aux serfs & aux estrangers, qui ne iouyssoient du privilege de Bourgeoisie, mettant és mains de ses citoyens & gens libres, seulement l' escu & la lance, & leur interdisant toutes autres communes industries: voire les marchandises & trafiques dont és autres Republiques le commun peuple fait plus grand fonds: pourautant qu' il estimoit que telles vacations devoient appartenir aux esclaves, & autres telles manieres de gens, sur lesquels il ne vouloit employer la severité de ses loix. Le semblable avons nous gardé religieusement en ceste France, entre les Nobles. Tenans non seulement pour chose indigne d' une Noblesse, mais aussi être fait acte derogeant au privilege d' icelle, lors que l' on en trouve aucun, au lieu de l' estat de la guerre exercer un estat mechanique, ou bien faire train d' une marchandise, c' est à sçavoir en acheptant quelques denrees, pour puis apres les debiter à son profit: car des choses qui nous sont prouenuës de nostre creu, le commerce ne nous en fut oncques defendu. Tant est demeuree recommandee entre nous ceste vieille impression des armes, sur laquelle nos premiers François establirent le fondement de leur Noblesse. Tellement qu' encores que depuis que les loix de chiquaneries furent esparces par la France, plusieurs gens de Justice & de robe longue, commencerent à prendre dedans leurs familles ceste qualité de Nobles, pour les grands estats qu' avoient exercé leurs ancestres, si est-ce que non seulement par les suffrages des Courtizans, mais aussi par la voix commune du peuple, ceste Noblesse fut estimee comme bastarde. Parce que tels personnages ne font profession des armes. Et pour ceste raison ceux qui se veulent dire estre à bonnes enseignes Nobles, laissent les villes, pour choisir leurs demeures aux champs. Tant à l' occasion de ce que la plus grand' partie de nos Fiefs y sont assis, lesquels, comme j' ay deduit cy dessus, il estoit seulement permis aux Nobles & gens suivans les armes de posseder, qu' aussi que par ce moyen ils pensent se garentir de toutes opinions que l' on pourroit avoir d' eux, qu' ils pratiquassent ou trafiquassent dans une ville: chose qui obcurciroit (ce leur sembleroit) la lumiere de leur Noblesse. J' ay leu dans Hugues de Bercy Poëte François, qui florit vers le temps de S. Louis, quelques vers, par lesquels il se complaignoit que de son temps les Princes & grands Seigneurs commençoient d' abandonner les villes pour choisir leur residence aux champs.

Mais li Roy, li Duc, & li Comte,

Aux grandes festes font grand honte

Qu' ils n' aiment mais Palais ne Salles,

En ordes maisons & en Salles

Se reponent, & en bocages,

Lor cours ert pauvres & umbrages, 

Or fayent-ils les bonnes villes. 

Cela advint paraventure lors que les Bourgeois, pour contretrancher des Nobles, commencerent d' avoir permission de posseder Fiefs: A fin que l' on dicernast celuy, qui au prix de son sang, & non au prix d' argent gagneroit ce degré de Noblesse. Car aussi, à bien dire, entre toutes les vies qui approchent plus pres de la militaire, en temps de paix, c' est la champestre. A cause dequoy nous lisons que les bons vieux peres & preud' hommes Romains, comme Cincinat & autres personnages de tel calibre, estoient appellez de leur charruë aux armes, & des armes s' en retournoient à leur charruë. Ainsi nos Gentils-hommes, qui establissent le principal point de leur Noblesse sur les armes, s' endurcissans aux champs, au travail, appellerent Villains, ceux qui habitoient mollement dedans les villes, dont s' est depuis faite une distinction generale des estats entre nous. Les uns estans appellez Gentils-hommes, qui sont les Nobles, & les autres Villains, qui sont de condition Roturiere. Comme si ce fussent choses incompatibles d' être Noble, & faire sa reseance és villes, esquelles on vivoit en delices & oysiueté: mesmement s' il advient que nous appellions quelqu' un Gentil-homme de ville, c' est par forme de risee & mocquerie. Quant à moy je ne me suis point icy proposé de vilipender les estats de ceux qui suivent la robbe longue, ny generalement de ceux qui se sont habituez és villes clauses: Car en ce faisant seroy-je traistre & prevaricateur contre moy-mesmes. Aussi sçay-je bien que tout homme en tout estat, qui fait profession de vertu & de vie sans reproche, est Noble, sans exception: toutesfois si en une Republique, c' est chose du tout necessaire de faire degrez des ordres, & mesmement qu' il soit requis de gratifier davantage aux hommes qui se rendent plus meritoires, a fin qu' à leur exemple chacun soit induit à bien faire, je ne seray jamais jaloux ny marry, qu' à ceux qui exposent leur vie pour le salut de nous tous, soit attribué le tiltre de Noble, plustost qu' à ceux qui dedans leurs Palais, à leurs aises, se disent vacquer au bien des affaires d' une Justice. Ceux-là se moyennent ce nom de Noblesse à la pointe de leurs espees, ceux-cy à la pointe seulement de leurs plumes: Ceux-là s' abandonnent au vent, à la pluye, & au Soleil, n' ayans le plus du temps autre meilleure couverture que celle qu' ils peuvent impetrer de la misericorde du Ciel, pendant que ceux-cy regorgent de leurs plaisirs dans leurs maisons de parades: Ceux-cy ont les oreilles ententives à la clameur d' un Huissier, pour faire monstre de leur langue dans un Barreau: & quant aux autres, ils se resveillent au son des clairons & trompettes, pour combattre à une barriere, ou donner coup de lance à point. Les uns s' estoquent à coups de canons & de Loix: & les autres s' exposent & prostituent à l' espreuve d' un canon ou artillerie, qui n' espargne ny grands ny petits: Tous deux travaillent tant pour le public, que pour leur honneur: mais en ceste conformité de travaux, y a telle difference, que ceux-là en travaillant pour le public, ordinairement s' appauvrissent, & s' ils acquierent quelques biens, c' est de la despoüille de leurs ennemis: Et ceux-cy trouvent dedans leurs travaux, comme dedans une grande miniere d' or, infinies richesses, le plus du temps tirees de la ruine des pauvres sujets du Roy: Et à peu dire, ceux-cy font seulement estat de la vie, ceux-là sans plus de la mort: Ne leur restant de recompense pour toute consolation de leurs maux, que l' opinion du lict d' honneur auquel ils s' acheminent d' une grande gayeté de cœur. Tellement qu' entre tant de rudesses, c' est le moins qu' ils puissent faire durant leur vie, que de se flatter de ceste opinion de Noblesse, par dessus le reste du peuple. Et vrayement ç' a esté toujours chose assez familiere à toutes braves nations, de donner au gendarme quelque caractere de Noblesse, par dessus le commun. Plutarque en la vie de Licurge est autheur, qu' il n' estoit point permis d' escrire dessus le tombeau, le nom d' un trespassé, sinon qu' il fut mort en la guerre. Pierre Crinit au vingt & uniesme livre de ses Observations, traittant de l' honneste discipline, remarque des anciens, qu' il n' estoit loisible d' ensevelir dedans la ville de Rome un Citoyen, sinon celuy qui par plusieurs braves exploicts d'armes s' estoit rendu digne de ceste sepulture. Jean Cuspinian en son traicté des mœurs & conditions des Turcs, nous raconte qu' au pays de Turquie n' y a aucune distinction de Noblesse tiree de l' ancien estoc des ancestres, ains que celuy entre les Turcs est seulement reputé Noble, qui en fait de guerre a donné plusieurs espreuves de sa vaillantise. A fin que je ne recite qu' au pays de Caramanie il estoit defendu d' espouser femme, à celuy qui n' avoit fait present à son Prince, de la teste d' un ennemy: Et qu' en la Scythie, estant une ancienne coustume aux grands banquets & festins solemnels, d' apporter sur le dessert un grand hanap à la compagnie, pour boire, qui estoit chose que l' on reputoit à grande singularité, & qui signifioit quelque traict de grandeur, à ceux ausquels il estoit presenté, toutesfois si n' estoit-il permis de le prendre, sinon par ceux qui avoient attestation publique d' avoir occis & mis à mort l' un des ennemis du pays. Parquoy nous ne devons point envier au gendarme, qu' il se donne quelque prerogative de Noblesse par dessus nous moyennant qu' il ne se laisse point piper d' une folle imagination fondee en la memoire de ses ancestres, & que pendant qu' il s' endort sur la Noblesse que luy ont pourchassé ses predecesseurs, par leur proüesse, il ne s' aneantisse point, ains tasche de les surmonter, ou pour le moins les esgaler. 

Mais pour retourner aux anciennetez de nostre France, & ne me perdre point icy en un discours qui ne plaira pas à chacun: nos Roys qui sur leur premiere arrivee avoient (comme j' ay deduit cy dessus) recompensé leurs Capitaines & braves soldats en Fiefs nobles, voyans, apres une grande revolution d' annees, que le fonds de leurs liberalitez estoit pour ce regard mis à sec (d' autant que toutes les terres de leur Royaume estoient remplies) s' aviserent de trouver une autre forme de recompense, non veritablement si riche & opulente, mais de plus grand honneur que les Fiefs. Parquoy fut mis ingenieusement par eux, ou leurs sages Conseillers, l' Ordre de Chevalier en avant. Car au lieu où premierement ils recompensoient leurs sujets en terres & grandes possessions, à mesure qu' ils gagnoient les Provinces, de là en avant ils commencerent de les recognoistre pour bons & loyaux serviteurs, par grandes & amiables caresses, c' est à sçavoir par acolees de leurs personnes. Ces acolees depuis se retournerent en Religion. De maniere que lors que nos Roys vouloient semondre quelques Gentils-hommes ou braves soldats à bien faire le jour d' une bataille: ou bien qu' ils leur vouloient gratifier à l' issuë d' une entreprise, les caressoient d' une acolee: Et en ce faisant, avec quelques autres petites ceremonies, ils estoient reputez Chevaliers. Ayants par ce moyen, comme s' ils fussent sortis des propres costez du Roy, autant de primauté & advantage dessus le reste de la Noblesse, comme la Noblesse en son endroit dessus le demourant du peuple. Cest ordre premierement fut inventé en faveur de ceux qui suyvoient les armes, comme mesmement l' etimologie du mot nous rend certains. Toutesfois tout ainsi comme en la Noblesse, aussi par traicte de temps au fait de la Chevalerie, quelques gens de robbe longue y voulurent avoir part, à l' occasion de leurs dignitez & offices. Au moyen dequoy on fist double distinction de Chevaliers: Les aucuns estans Chevaliers des armes, & les autres Chevaliers des Loix. Pour laquelle cause Jean de Mehun en son Romant de la Roze, au lieu où Faux semblant discourt les cas, esquels il estoit loisible de mandier, dit: 

On s' il veut pour la Foy defendre

Quelque Chevalerie emprendre

Ou soit d'armes ou de lectures.

Ainsi Froissard au chapitre cent soixante & dixseptiesme du premier livre de ses Histoires parle de trois Chevaliers, dont les deux estoient d'armes, & le tiers des Loix: Les deux d'armes, dit-il, Monsieur Robert de Clermont gentil & noble grandement, l' autre, le Seigneur de Conflans: le Chevalier des Loix, Monsieur Simon de Bussy. Et à ce propos Guillaume de Nangy, qui fut presque contemporain de Charles cinquiesme, dit que cestuy de Bussy estoit Conseiller au grand Conseil, & premier President en la Cour de Parlement. Qui fut cause pour laquelle il fut appellé Chevalier de Loix: pour autant que les premiers Presidents se disent par privilege ancien avoir annexé à leurs offices l' estat de Chevalier. Quant aux Chevaliers d'armes, entre les autres je trouve une sorte de Chevaliers qui furent appellez Bannerets, qui estoient ceux entre les Chevaliers, qui pour être riches & puissans, obtenoient permission du Roy de lever Banniere, c' estoit une compagnie de gens de cheval ou de pied. En ceste sorte dit Monstrelet au quatre-vingts treziesme chapitre du premier tome de ses histoires, parlant du siege que le Roy Charles sixiesme mit devant la ville de Bourges, dans laquelle s' estoient enclos tous les Princes de la faction du Duc d' Orleans. Là, devant la ville (dit-il) pres du gibet, le Roy fit plus de cinq cens Chevaliers, desquels & aussi de plusieurs autres, qui n' avoient porté banniere, furent immemorables bannieres eslevees. Le sire de Jonville recitant comme le Roy sainct Louys vouloit renouveller son armee, dit, qu' il luy demanda s' il avoit point encores trouvé aucuns Chevaliers pour être avec luy: & je luy respondis (fait-il) que j' avois fait demourer Messire Pierre de Pont-Moulin, luy tiers en banniere. Et en un autre endroit plus bas, il racompte que des prisonniers, qui estoient demourez devers les Admiraux d' Egypte, en revindrent quarante Chevaliers qu' il mena devers le Roy pour avoir pitié d' eux, & les retenir à son service: & comme quelque personnage du conseil du Roy luy eust dit, qu' il se devoit deporter de faire telle requeste au Roy, attendu que son espargne estoit lors courte: Je luy responds (recite-il parlant de soy) que la male avanture luy en faisoit bien parler, & qu' entre nous de Champagne, avions bien perdu au service du Roy trente cinq Chevaliers tous portans banniere. Et encores est ceste maniere de Chevaliers trop mieux donnee à entendre par Froissart, au premier livre de son Histoire la part où le Prince de Gales estant prest de combattre, Messire Bertrand du Kesclin avec Henry Roy de Castille, se presenta devant luy Messire Jean Chandos: Là apporta, dit-il, Messire Jean Chandos sa banniere entre ses batailles, laquelle n' avoit encores nullement boutee hors de l' ost du Prince, auquel dit ainsi: Monseigneur veez cy ma banniere, je la vous baille par telle maniere qu' il vous plaise la developper, & qu' aujourd'huy je la puisse lever: car Dieu mercy, j' ay bien dequoy terre & heritage pour tenir estat, ainsi comme appartiendra à ce: Ainsi prit le Prince & le Roy Dampietre, qui là estoient, la banniere entre leurs mains, qui estoit d' argent à un pieu aguisé de gueules, & luy rendirent, en disans ainsi: Messire Jean veez-cy vostre banniere, Dieu vous en laisse vostre prou faire. Lors se partit Messire Jean Chandos & r'apporta entre ses gens sa banniere, & dit ainsi: Seigneurs, veez-cy ma banniere & la vostre, si la gardez comme la vostre. Qui est un passage presque assez formel pour nous apprendre quels furent jadis les Chevaliers Bannerets.

Au demeurant, pour autant que les factions de la maison de Bourgongne & Orleans avoient amené un grand Chaos & desordre à ceste ancienne police, parce qu' à chaque bout de champ les uns & les autres faisoient des Chevaliers à leur poste: Louys unziesme pour couper broche à ceste confusion, introduisit dés le premier jour d' Aoust mil quatre cens soixante neuf, un ordre de Chevaliers par forme de confrairie, leur donnant pour patron S. Michel. Induit specialement à ce faire: parce qu' il estimoit que sainct Michel avoit esté le principal protecteur de ceste France, pendant les guerres des Anglois. Car Jeanne la pucelle (du pretexte de laquelle s' estoit grandement aidé le Roy Charles septiesme, pour le recouvrement de ses terres) publioit en tous lieux, qu' elle avoit propos & communication de conseil, toutes les nuicts, avec sainct Michel, ainsi que l' on peut lire dedans le procés qui luy fut fait. Tellement que Louys unziesme estimant que le plus grand ennemy qu' eussent eu les Anglois, c' estoit ce grand Sainct: lequel mesmement n' avoit laissé venir en leur subjection le lieu où de tout temps & ancienneté on luy a dedié un Temple, qui est le mont S. Michel, voulust dresser ceste confrairie, quasi pour eternel trophee & commemoration des victoires que son pere avoit obtenuës sur les anciens ennemis de la France: & pour ceste cause il institua d' entree trente six Chevaliers de cest Ordre, dont il estoit le chef & souverain: & quant à ceux qu' il voulut honorer premierement d' iceluy, ce furent Charles son frere Duc de Guyenne, Jean Duc de Bourbonnois & d' Auvergne, Louys de Luxembourg Comte de S. Paul, Connestable de France, André de Laval Seigneur de Loheac, Mareschal de France, Jean Comte de Sanxerre, Seigneur de Bueil, Louys de Beaumont, Seigneur de la Forest & Plessis, Louys de Toute-ville, Seigneur de Torcy, Louys de Laval, Seigneur de Chastillon, Louys bastard de Bourbon, Comte de Rossillon & Admiral de France, Anthoine de Chabanes, Comte de Dammartin, grand Maistre d' hostel de France, Jean bastard d' Armignac, Comte de Cominges, & Mareschal de France, George de la Trimoille, Seigneur de Craon, Gilbert de Chabanes, Seigneur de Curton, Seneschal de Poictou, Taneguy du Chastel, Gouverneur du pays de Rossillon & de Sardaigne, & le surplus pour accomplir & parfaire le nombre de trente six, il le reserva à sa discretion selon que l' occasion le requerroit. Auparavant ceste brave institution le Roy Jean avoit institué l' ordre de l' Estoile au Chasteau de Sainct Ouen, le sixiesme jour de Janvier mil trois cens cinquante & un: Et portoit chaque Chevalier une Estoile d' or à son chaperon, comme ceux de Sainct Michel sont tenus de porter l' effigie de Sainct Michel à leur col. 

Et presque de ce mesme temps, Edoüart troisiesme Roy d' Angleterre institua l' ordre de la Jartiere, qui est un Jartier bleu que tout Chevalier de cest ordre est tenu de porter au genoüil droict. Et est la devise de cest ordre, HONNY SOIT-IL QVI MAL Y PENSE: Chose qui proceda pourautant que ce Roy Edoüart estant grandement amoureux de la Comtesse de Salbery, & l' entretenant de paroles, il advint par cas fortuit, que l' un des Jartiers de ceste Dame tomba, lequel fut par une promptitude assez mal seante à ce Prince soudainement relevé. Qui apresta occasion de rire à plusieurs qui luy assistoient: Au moyen dequoy le Roy indigné, protesta deslors que tel s' en estoit mocqué, qui s' estimeroit bien-heureux de porter la Jarretiere. Et de fait, tant pour l' amitié de sa Dame, qu' en haine & desdain de ceux qui en avoient fait risee, il institua cest ordre de Chevalerie en son Royaume, avecques ceste devise, HONNY SOIT-IL QVI MAL Y PENSE: Voulant dire que l' amitié qu' il portoit à la Comtesse, & qui luy avoit causé de lever sa Jartiere, estoit en tout honneur. Il y a eu aussi quelques autres ordres de marque, & entre autres celuy de la Toison d' or de la maison de Bourgongne, qui fut introduit l' an 1429. par le bon Duc Philippes de Bourgongne. Et semblablement celuy de l' Annonciade en la maison de Savoye institué par Amé sixiesme Comte de Savoye. Tous lesquels se sont trouvez de grande recommandation, chacun diversement selon la diversité des pays & contrees. Et par special entre nous, ces Chevaliers de Sainct Michel, lesquels nous appellons simplement, Chevaliers de l' ordre: Ausquels toutesfois il s' est rencontré un grand desordre, depuis que le mot de Huguenot a pris vogue parmy ceste France. D' autant que là où anciennement on bailloit le collier, avec une grande religion & respect à peu de personnes: l' on a depuis le commencement de ces troubles intestins, fait une infinité de tels Chevaliers, avec un tresgrand abandon. Mais pour ne parler point des vivans, je lairray ce discours à ceux, qui sans aucune crainte entreprennent dedans leurs estudes privees, l' histoire du temps present. Histoire, laquelle estant bien escrite, & d' une main non partiale, apportera grande merveille & admiration de ce siecle à tous les siecles qui ont à nous succeder.

Le Roy Henry III. dernier mort ayant inesperement receu deux grandeurs de Dieu: l' une quand le jour de la Pentecouste 1573. il fut aux Comices generaux de Polongne, proclamé Roy de Polongne: L' autre quand par le decés du Roy Charles IX. son frere, l' annee suivant ce mesme jour luy escheut la Couronne de France. En commemoration de ces deux grands bien-faits, mesmes pour aucunement reformer la desbauche qui se trouvoit en l' ordre de S. Michel, introduisit un nouvel ordre de Chevalerie, appellé tantost l' Ordre, tantost la Milice du S. Esprit, & ce au mois de Decembre 1598. Et qui en voudra sçavoir les statuts, voye le dixhuictiesme livre du Code Henry, du feu President Brisson, dans lequel il trouvera vingt & trois titres concernans ceste matiere

Mais pour retourner à mon entreprise, tout ainsi que le desarroy qui avoit couru parmy la France, par le moyen de ces deux grandes maisons & familles d' Orleans & de Bourgongne, avoit enfanté une infinité de Chevaliers: Qui fut cause que les choses estans adoucies, le Roy Louys XI. pour gratifier de quelque tiltre extraordinaire ses favoris, introduisit l' Ordre de sainct Michel: aussi ce mesme desarroy occasionna le Roy Charles septiesme (apres plusieurs travaux & fatigues) d' establir une nouvelle police au fait de sa gendarmerie. Jamais ne fut qu' en ceste France n' y eust gens de cheval & de pied, pour la conservation du Royaume, toutesfois l' injustice du temps avoit esté telle, premierement par les factions de ces deux maisons, puis par la survenuë des Anglois, que toute la gendarmerie Françoise estoit presque en confusion & desordre, pillant, rodant, & degastant le plat pays sans controolle. Parce que le Roy qui avoit affaire de gens pour faire teste à l' Anglois, estoit contraint de passer outre par connivence. Toutesfois ayant depuis reduit sous sa devotion la plus grande partie des terres de l' ancienne obeyssance de nos Roys, & fait son entree dedans la ville de Paris, il voulut en l' an mil quatre cens trente neuf, remettre toute sa gendarmerie en meilleur train qu' elle ne s' estoit trouvee pendant les guerres qui s' estoient peu auparavant passees. Pour ceste cause dit Maistre Alain Chartier en l' histoire qu' il a escrite de son temps, Voyant le Roy Charles septiesme, qu' à tenir tant de gens courans sur les champs, ce n' estoit que destruction de son peuple, & qu' à chacun combattant falloit dix chevaux de bagage, de fretin, de pages, & valets, & toute telle coquinaille, qui ne sont bons qu' à destruire le peuple: Si ordonna par grande deliberation de son Conseil, de mettre tous ces gens d'armes és frontieres: chacun homme d' arme a trois chevaux, & deux archers, ou trois, & non plus. Et seroient faictes leurs monstres, & payez tous les mois, & chassez hors tout le demourant du harpail. Et pour ce faire, & commencer telle ordonnance, le Roy fit bailler & deliurer à tous ses Capitaines, argent & artillerie. Et quelques annees apres, (sçavoir est, l' an mil quatre cens quarante quatre) le mesme autheur nous atteste que ce Roy ordonna que tous ces gens d'armes feroient monstre, & que des mieux equippez, & de plus gens de bien, on en prendroit quinze cens lances, & quatre mille Archers, & le demeurant s' en retourneroit en leurs maisons. Chassant tous les Capitaines, en ordonnant seulement quinze qui avroient cent lances, & au prorata des Archers, lesquels seroient logez par les villes de ce Royaume, & payez & nourris du bien du peuple. Et si hardy d' iceux gens d'armes & Archers de faire desplaisir, ny rien prendre sur hommes des champs, ny des villes. De là commença la police des garnisons, qui sont distribuees par les villes de ce Royaume, pour nourrir & alimenter les hommes d'armes. Et de ce mesme ordre il est advenu que nous attribuons au Roy Charles septiesme, d' être le premier introducteur d' iceux hommes d'armes, tels que nous les avons pour le jourd'huy en ceste France: Lesquels furent depuis appellez, Gens des Ordonnances, pour le reglement qui leur convint lors tenir, par les Ordonnances de ce Roy. Ce mesme Roy aussi cognoissant en quelle tempeste il avoit passé sa jeunesse, & combien luy estoit necessaire avoir en son Royaume des gens nourris & entretenus aux armes, introduisit les Francs Archers. En ce temps (c' estoit vers l' an mil quatre cens quarante huict) le Roy ordonna, dit le mesme autheur, d' avoir en chacune parroisse de son Royaume un Archer armé, & prest, toutes les fois que bon luy sembloit pour faire guerre à son plaisir, quand il luy seroit besoin. Et à ceste occasion, a fin qu' ils fussent sujets à ce faire, les affranchit de non payer tous subsides courans en son Royaume. Et fut ordonné aux Baillifs du dit Royaume, chacun endroict soy, choisir en chacun Bailliage & parroisse, les plus habiles & idoines. Qui n' estoit pas une invention petite, attendu mesmement que telles gens estoient de petit coust au Roy. Toutesfois pour les abus qui depuis s' y commettoient, en l' eslection de telle maniere de Francs Archers, ceste invention se perdit assez tost entre nous. D' autant que Louys unziesme, qui estoit d' un entendement particulier & soupçonneux, au lieu de soy aider des siens, fut celuy qui premier s' aida des armes des Suisses, laissant les siennes naturelles en arriere. Chose qui ne fut oncques approuvee en tout Royaume bien reformé: Pour-autant que pendant que nous aguerrissons à nos despens l' estranger, nous aneantissons le cœur des nostres, faisans plus d' estat de leurs bourses que de leurs forces: Dont viennent petit à petit les ruines des grandes Republiques & Monarchies. Sur lequel propos il me souvient avoir leu que du temps du susmentionné Charles septiesme, la necessité des guerres avoit tellement endurcy au travail des armes, nos François, qu' en l' an mil quatre cens quarante & quatre, ayant le Roy fait une trefue de dix-huict mois avec l' Anglois, il prit conclusion en son conseil, d' aller guerroyer de gayeté de cœur, l' Allemagne: a fin que ses soldats ne s' assopissent point ce pendant, dans une lasche oysiueté. Ce qui fut fait & accomply sous la conduitte du Dauphin. A laquelle entreprise se joignirent de mesme cœur plusieurs compagnies Anglesches: Laquelle chose intimida de telle sorte les Allemans, qu' apres avoir esprouvé quelques efforts & secousses des nostres, ils furent contraints d' implorer la paix, moyennant certaines sommes de deniers qu' ils fournirent pour le defroy de la guerre. Qui nous apprend combien pourroit le François de soy-mesmes s' il estoit tousjours duit & industrié aux armes.

Ce lieu m' admoneste, apres avoir discouru sur les Fiefs, sur la Noblesse, Chevalerie, & gens des ordonnances, de donner semblablement icy lieu aux Escussons & Armoiries, que nos Nobles & Gentils-hommes portent ordinairement pour une remarque de leur Noblesse ancienne. C' a tousjours esté une coustume familiere à toutes nations d' avoir eu quelque image, pour être en temps de guerre une enseigne, sous laquelle se peussent r'allier les gens d'armes. Agrippa en son discours de la vanité des sciences, au chap. 9. s' est amusé à nous en amasser plusieurs exemples. Disant que les Romains curent l' Aigle: les Phrigiens le Pourceau: les Thraciens une Mort: les Gots une Ourse: les Alains arrivans és Espagnes un Chat (chatalains): les premiers François un Lyon, & les Saxons un cheval. Et certes le premier qui entre les Romains prit l' Aigle, pour le rendre perpetuel, ainsi que nous apprenons de Valere, fut le vaillant Capitaine Marius. Car auparavant sa venuë, les Romains usoient indifferemment en leurs estendarts, de Loups, de Leopards, & d' Aigles, selon ce qu' il montoit à la fantasie des Colomnels de leurs osts. Depuis, comme j' ay dit, cest Aigle leur fut une perpetuelle enseigne, pour le general de l' armee. Et consecutivement chasques bandes curent certaines formes d' Armoiries distinctes en leurs enseignes, qui furent aussi perpetuelles, ainsi que nous pouvons apprendre du livre qui court és mains des doctes, intitulé la Notice de l' Empire Romain. Toutesfois quant à nous, je ne me puis persuader, que ny nos Rois, ny leurs Capitaines, sur leur premiere arrivee en ceste Gaule, eussent telles manieres d' enseignes ou armoiries perpetuelles: ains est mon jugement tel (combien que je m' en rapporte de cecy à l' opinion des plus sages) que les armoiries anciennes, tant de nos Roys, que de leurs sujets, estoient devises telles qu' il plaisoit à un chacun se choisir. Comme de nostre temps nous avons veu le Roy François I. du nom avoir pris pour sa devise, la Salemandre: & le Roy Henry son fils, le Croissant. Car voyant que tantost quelques autheurs disent que les armoiries des François estoient trois crapaux, tantost trois Couronnes, tantost trois Croissans, tantost un Lion rampant, portant à sa queuë un Aigle: Je ne puis penser dont procede ceste diversité d' opinions, sinon que les autheurs qui nous devancerent sur le milieu de nos Rois, trouverent quelques uns d' entr' eux porter en ses armes, l' un trois croissans, l' autre trois crapaux, & ainsi raportans ceste particularité à une generalité du païs (d' autant que du temps d' iceux autheurs les armoiries estoient ja faites perpetuelles) ils estimerent chacun en son endroict que les armoiries de France fussent les unes trois Couronnes: les autres, trois Croissans: les autres le Lyon: les autres trois Crapaux, jusques à la venuë de Clovis, lequel pour rendre son Royaume plus miraculeux, se fit apporter par un Hermite, comme par advertissement du Ciel, les fleurs de Lys, lesquelles se sont continuees jusqu' à nous. Et quasi à mesme propos me souvient que Polidore Vergile en la vie de Guillaume le Bastard, dit que jusques à la venuë de ce brave Roy, tous les Roys d' Angleterre n' avoient armes certaines & arrestees, ains les diversifioient à chaque mutation de regne, ainsi qu' il plaisoit au Roy, sur son avenement à la Couronne. Pour laquelle chose averer, il asseure avoir veu un vieil livre contenant les armoiries particulieres de tous les autres Roys d' Angleterre. Et vrayement dedans nos anciens Romans, qui nous ont sous le masque de leurs fables representé les vieux temps, je ne trouve point les Chevaliers avoir armoiries arrestees, & encore moins continuees de pere à fils, ains diversement tirees, ou de la faveur qu' ils recevoient de leurs dames, ou selon quelque acte de vaillance qu' ils avoient executé, ou bien suivant l' opinion qu' ils se promettoient de bien faire à l' avenir, imprimans chacun sur son Escu, ce qu' il avoit en la pensee: a fin qu' en une meslee, il peust être recogneu des autres par sa devise. Chose qui a fait, que depuis ont esté telles remarques appellees entre nous, Armes, Armoiries, Escussons. Toutesfois ny plus ny moins que les Roys d' Angleterre se bornerent aux armoiries de Guillaume le Bastard, & les François, en ces Lys miraculeux de Clovis: aussi chaque grande famille, apres avoir eu quelque personnage de nom, qui par sa proüesse & vertu, donna anoblissement à sa race, s' arresta à la commune devise de luy. Et ceux qui se sont voulu exalter en cas de Noblesse dessus le commun, se sont estimez tenir plus de la grandeur, lors que leurs armes leurs estoient donnees par le devis & opinion de leur Prince. En ceste maniere recite le Sire de Joinville, qu' un nommé Messire Arnaut de Comminge, Vicomte de Couserans, avoit ses armes d' or à un bord de gueules: lesquelles il disoit avoir esté donnees à ses predecesseurs, qui portoient le surnom d' Espagne, par le Roy Charlemagne, pour les grands services qu' ils avoient faicts aux Espagnes contre les infideles. Et tout de ceste mesme façon Jeanne la Pucelle, qui pour ses chevaleureux exploicts, fut annoblie avec tous les siens, eut pour ses armoiries, du Roy Charles septiesme, un escu à champ d' azur, avec deux fleurs de Lys d' or, & une espee, la poincte en haut, fermee en une Couronne. Ainsi que les choses vont pour le jourd'huy, l' on tire les armoiries en deux manieres. Dont l' une est prise de l' equivoque des noms, & l' autre fondee sur telle raison que mal-aisément la peut-on rendre, sinon que de telles armes ont de tout temps immemorial jouy nos ancestres, en nos familles. Enquoy, combien que ces dernieres soient grandement agreables aux Seigneurs, qui seroient tres-contens de tirer leur Noblesse, d' une eternité, ou iroient volontiers chercher leurs predecesseurs (ainsi que Guerin Mesquin, son pere) dedans les arbres du Soleil, si est-ce que l' on trouve plusieurs grandes & nobles maisons qui portent leurs armes conformes à leurs noms. Et mesmement les grands Royaumes qui nous sont voisins, en ont forgé de ceste marque. Car celuy de Grenade porte seulement neuf Grenades entamees: celuy de Galice: une coupe en forme de Galice (cáliz), environnee de six Croix: celuy de Leon, un Lyon, & celuy de Castille un Chasteau. Il seroit difficile de dire, combien de noises & debats engendrent quelquesfois entre les Nobles, ces armoiries. Qui fut cause, que autresfois Bartole Docteur és Droicts, en fit un traicté expres. Et qu' en cas semblable le facetieux Poge Florentin, se mocquant de telles querelles, dit que deux Gentils-hommes estans sur le poinct de combattre pour leurs armes, lesquelles chacun d' entr' eux pretendoit être trois testes de Bœuf, fut par les Mareschaux du Camp trouvé un prompt expediant pour les accorder: adjugeans à l' un trois testes de Boeuf, & à l' autre trois testes de Vache. Aussi à dire le vray, sont-ce disputes assez oyseuses & inutiles. Car encores que nos armoiries soient annexees à nos familles, quasi pour un privilege ancien de nos vaillances: si est-ce que nostre proüesse & vertu ne doit despendre d' icelles armes. Et si quelquesfois elles nous furent octroyees par le Prince, pour attestation de quelque Chevalerie faite par quelqu' un de nos bisayeux, c' estoit à luy de les deffendre, & non pas à nous, de nous r' alentir sur ceste vaine opinion de nos ancestres, ains devons penser qu' il faut que nostre Noblesse despende principalement de nostre fonds: & que pendant qu' assopissons nos sens sur ceste folle imagination, nous nous trouvons petit à petit devancez par gens de plus basse condition, mais de plus haut courage que nous: Ne nous restans le plus du temps, tant des grands biens, que des vertus de nos predecesseurs, pour toute trace, que les armoiries nuës & simples. Laquelle chose (si nous avions autant de sentiment de douleur, comme faisons semblant d' avoir de nostre grandeur) deussions estimer retourner plustost à nostre honte, confusion, & impropere, qu' à nostre loüange & honneur. 

mardi 23 mai 2023

2. 3. Du Parlement estably dans Paris, & des autres de ce Royaume.

Du Parlement estably dans Paris, & des autres de ce Royaume. 

CHAPITRE III. 

En ces premiers Parlements, dont j' ay discovru cydessus, se traictoient du commencement toutes matieres d' Estat, avecq' les differents de consequence: Les Baillis & Seneschaux vuidoient és Assises en dernier ressort, la plus grande partie des causes; Toutesfois pour les abuz qui s' y commettoient, les plaintes venans puis apres aux aureilles des Roys, on accueillit petit à petit tant de causes au Parlement, que pour bien dire, il devint un magazin de procés. Et de faict du mot Latin de Placita dont ils usoient pour Parlement, nous avons faict celuy de Plaids, & de cestuy, Exploicter & plaider. Je treuve un reglement faict l' an 1291. au Parlement de la Toussainct, par lequel il feut ordonné que les causes des Seneschaux de droict escrit, seroient expediees les jours de Vendredy, Samedy & Dimanche, & enjoinct aux Raporteurs des Enquestes de les voir diligemment en leurs maisons, & ne se trouver au Parlement s' ils n' y estoient mandez. C' estoit afin qu' ils eussent plus de loisir de vacquer à l' expedition des procés qui leurs estoient distribuez. Cela feut cause que le Roy Philippe le Bel, tant pour se descharger de l' importunité des poursuyvans, que son pauvre peuple de la depense, qu' il luy convenoit faire à sa suitte, declara en l' an 1302. que son intention estoit d' establir deux Parlements dans Paris, non pour les tenir sans discontinuation, ains seulement deux fois l' an, aux octaves de Pasques & de la Toussainct, à chaque seance deux mois: & quelque peu apres institua deux Chambres: celle du Parlement, que nous appellons la grand Chambre, l' autre des Enquestes, en laquelle il feit deux sortes de Conseillers, dont les uns feurent appellez Jugeurs, qui estoient seulement commis pour juger, & les autres Raporteurs, pour raporter les procés par escrit. De maniere que toutes les lettres de Chancellerie qui leurs estoient adressees, portoient: Aux gens tenans à present nostre Parlement, lors que le Parlement siegeoit, & si hors la seance, Aux gens qui tiendront nostre prochain Parlement. Et en fin par un formulaire commun pour n' y retourner à deux fois, Aux gens qui tiennent & tiendront nostre Parlement. Formulaire qui dura jusques bien avant dedans le regne de Charles sixiesme, soubz lequel le Parlement commença de se tenir sans aucune discontinuation. Ne nous restant aujourd'huy de ceste ancienneté que l' image: Parce qu' aux octaves de Pasques & de la Toussainct on fait des ceremonies, toutainsi que si c' estoient ouvertures de Parlemens qui eussent esté long temps intermis. Et à chaque ouverture, le Roy decernoit nouvelles lettres patentes en forme de commission avecq' une liste de ceux qu' il vouloit avoir seance: & n' estoit pas dit que celuy qui avoit esté appellé au precedent, y eust lieu au subsequent, sinon qu' il feust compris dans le roolle qu' on y envoyoit. Ny mesmes que tous les ans l' on tint les deux Parlements, parce que quelques fois on n' y tenoit qu' une seance, mesmes advenoit de fois à autres que l' on estoit un an entier sans le tenir. Or tout ainsi qu' au Parlement ambulatoire y avoit eu de tout temps six Pairs Ecclesiastiques & six Laiz, aussi feut ce Parlement resseant composé, part de gens Ecclesiastics qu' ils appellerent Clercs, part des Seigneurs qui faisoient profession des armes. Coustume qui estoit encores observee en l' an 1380. comme nous aprenons d' un Tombeau qui est dans l' Eglise sainct Estienne (Étienne) des Grecs en ceste ville de Paris, sur lequel est une statuë armee tout de son long, ayant à costé son espee, & autour cest Epitaphe: 

Cy gist noble homme Messire Pierre de la Neu-ville Chevalier Seigneur de Mourry, & jadis Conseiller du Roy nostre Sire en son Parlement, qui trepassa l' an de grace mil trois cens octante, le Lundy neusiesme jour d' Avril. 

Je vous ay dict que Philippes le Bel par son Edict de l' an 1302: promettoit d' establir deux Parlements dans Paris, & d' autant que l' Article contenoit encores d' autres promesses, je le vous veux representer mot pour mot, Præterea propter commodum subjectorum & expeditionem caussarum proponimus ordinare quod duos Parla*, & duo Scataria Rhotomagensia, & dies Trecenses bis tenebuntur in anno, quod Parlamentum apud Tholosam tenebitur, si gentes praedicta terra consentiant, quod non appelletur à præsidentibus in Parlamento. 

Qui est à dire, Item pour la commodité de noz subjects & expedition des causes, nous deliberons de faire tenir deux Parlemens dans Paris, deux Eschiquiers dans Rouen, & que les Grands jours de Troyes se tiendront aussi deux fois l' an, Et que l' on establira un Parlement à Tholoze, si les gens du pays consentent qu' il ne soit appellé de ceux qui y siegeront. Ces Eschiquiers à Rouen, & Grands jours de Troyes estoient Assises generales que l' on avoit autresfois tenuës soubz ces noms, en Normandie & Champaigne pendant que les Ducs de Normandie, & Comtes de Champaigne s' en estoient faict acroire. Ausquelles ils avoient leurs Pairs pour juger leurs causes, tout ainsi que nos Roys en leurs Parlements. 

Ce que Philippes le Bel promit lors, feut quelques annees apres mis à execution, comme l' on trouve dans un vieux Registre des Chartres du Roy. Et parce que je pense cestuy estre le premier, il me semble qu' il ne sera point hors de propos de le vous rapporter icy en son naturel, & tel que je l' ay trouvé.

C' est l' ordenance de Parlemement. Il y ara ij. Parlements, li uns desquiex commencera à l' octaves de Pasques, & li autres à l' octaves de la Toussainct, & ne durra chacun que deux mois.

Il y ara aux Parlements ij. Prelats. C' est à sçavoir, l' Archevesque de Narbonne, & l' Evesque de Rennes, & ij. Laiz: C' est à scavoir, le Comte de Dreux, & le Comte de Boulongne.

Il ara xiij. Clercs & xiij. Laiz sans eux, Et seront li xiij. Clers, Messire Guillaume de Naugaret qui porte le grand seel, le Doyen de Tours, &c. 

Li xiij. Laiz du Parlement seront li Connnestable, Messire Guillaume de Plaisance, &c. 

Aux Enquestes seront l' Evesque de Constance, l' Evesque de Soissons, le Chantre de Paris, & autres jusques à v. 

Il est à entendre qu' ils delivreront toutes les Enquestes qui ne toucheront l' honneur du corps, ou heritages. Mesmes prendront il bien leur Conseil & leur advis ensemble, mais ançois qu' il les delivrent, il en avront le conseil de ceux qui tenrront le Parlement.

Aux Enquestes de la langue doc seront le Prieur sainct Martin des champs & jusques à v.

Aux Enquestes de la langue Françoise seront Maistre Raoul de Meilleur, & jusques à v. 

Aux Eschiquiers iront l' Evesque de Narbonne, & jusques à x. entre lesquiex est le Comte de sainct Pol. 

Aux jours de Troyes qui seront à la quinzaine de la S. Jean, seront l' Evesque d' Orliens, l' Evesque de Soissons, le Chantre d' Orliens, & jusques à viij. 

Or est nostre entente que cil qui portera nostre grand seel ordene de bailler ou envoyer aux Enquestes de la langue doc & de la langue Françoise des Notaires tant com il verra que il sera à faire pour les besongnes depeschier. 

Tout cela est brusquement couché selon le langage du temps: mais parce que nous ignorons ce que chacun deust sçavoir, l' origine de ce Parlement, qui est la plus riche piece du Royaume, sous l' authorité de nos Rois, & qu' il s' est entre nous insinué une heresie d' en attribuer le premier plant au Roy Louys Hutin, j' ay voulu vous faire part de ce placart tout de son long: Car je ne fay point de doute que parlant de Messire Guillaume de Nogaret qui avoit la garde du Seel, ce Parlement n' ait esté ouvert sous Philippes le Bel. Nogaret est ce grand personnage, qui faisant un mesme attelier des armes & de la justice, prit le Pape Boniface huictiesme pour se venger de l' injure qu' il avoit faite au Roy son maistre. Joint que suivant ceste ordonnance je trouve un eschiquier tenu à Roüen en l' an 1306. où assisterent l' Evesque de Narbonne, le Comte de S. Pol, & Anguerrant de Marigny & autres Seigneurs, jusques au nombre de dix, suivant ce qui estoit porté par l' ordonnance de ce Parlement. Qui me fait penser qu' il fut tenu en l' an 1304. ou 1305. Mais tant y a que je ne fais point de doute que ce ne soit sous le regne de Philippes le Bel. 

Apres son decés, nous trouvons une ancienne escroüe faicte à S. Germain en Laye sous Louys Hutin, dans laquelle apres avoir inseré les noms, Premierement des Conseillers du conseil estroict, puis de tous les autres Seigneurs, officiers & domestiques du Roy, finalement arrivant sur le Parlement, il nomme pour President de la grand' Chambre le Chancelier, & au dessous de luy xij. Conseillers Clercs, & xviij. Laiz. 

Pour les Jugeurs des Enquestes, les Evesques de Mande & Soissons, Abbez de S. Germain des Prez, & de S. Denis, en outre sept autres Conseillers Clercs, puis six Laiz, & pour Rapporteurs neuf. 

Philippes le Long y apporta depuis des reglemens qui n' y avoient encores esté observez. Au Parlement de l' an 1319. voicy quelle estoit la teneur. Il est ordené par le Roy en son grand Conseil sus l' estat de son Parlement en la maniere qui s' ensuit.

Premierement, Il n' aura nuls Prelats deputez en Parlement: car le Roy fait conscience de eux empescher au gouvernement de leurs spiritualitez. Item en Parlement aura un Baron ou deux, & desia le Roy y met le Comte de Boulongne. Item outre le Chancelier & Abbé de S. Denis, y aura huict Clercs & douze Laiz.

Es Requestes aura quatre personnes. 

Item aux Enquestes aura deux chambres: C' est à sçavoir, Une pour delivrer toutes les Enquestes du temps passé jusques à aujourd'huy: Et l' autre pour delivrer celles qui aviendront du jourd'huy en avant. Et en celles deux Chambres aura huict Clercs, & huict Laiz Jugeurs, & xxiiij. Rapporteurs. 

Et là sont inserez tous les Conseillers par leurs noms & surnoms. Le Clerc sous la qualité de Maistre, & le Lay sous celle de Monsieur. Du premier article de ceste ordonnance est venu, que soudain qu' un President ou Conseiller est fait Archevesque ou Evesque, il faut qu' il desempare la place, & resigne son estat à un autre.

Au Parlement de l' an 1320. outre les vingt Conseillers de la grand' Chambre, on ordonne pour les Enquestes vingt Conseillers Clercs & trente Laiz, dont les seize seroient Jugeurs, & les autres Raporteurs. 

Et pour la chambre des Requestes, cinq, trois Clercs & deux Laiz, & dans les roolles sont tout ainsi qu' aux precedens, les Clercs qualifiez Maistres, & les Laiz Messires, parce que c' estoient gens suivans les armes, ny pour ceste qualité de Messire ou Monsieur, ceux-cy n' estoient plus authorisez que les Maistres, Parce que quand on parloit des seigneurs du Parlement en leur general, on les appelloit ordinairement Maistres du Parlement. En tous les autres Parlements je ne voy point leur être prescripte si ample police qu' en cestuy. Car il leur est à tous expressemment commandé d' entrer au matin à l' heure qu' on chante la premiere Messe en la Chapelle du Roy, & de n' en sortir qu' à midy. Que nul Maistre ne puisse sortir de la chambre sans le congé de son Souverain, c' est à dire de son President: ny desemparer le Parlement, sans la permission du Chancelier & du Souverain tout ensemble. Que les Baillifs, Seneschaux & Procureurs du Roy comparans, rendent raison de leurs charges pardevant deux Maistres du Parlement & un Maistre des Comptes, pour en faire leurs procés verbaux, & les raporter chacun endroit soy à leurs compagnies. Que leurs causes soient promptement expedices, afin de les renvoyer en leurs Provinces. Que les causes qui seront plaidees soient jugees le Jeudy, ou pour le plus tard les Vendredy & Samedy ensuivans, afin que l' on ne perde la memoire des plaidoyez. Que nul Maistre ne se charge de commission sinon celle qu' il pourra executer de la fin d' un Parlement au renouvellement de l' autre. Entant que touche les procés par escrit (qu' ils appelloient Enquestes) il est ordonné que huict jours avant que le Parlement commence, les Maistres du Parlement & des Enquestes s' assembleront, pour sçavoir des Raporteurs combien de procés restoient à juger, & dont peut provenir ce defaut. Que dés leur arrivee on face inventaire d' iceux, duquel on baillera copie à la chambre des Comptes: Que les anciennes Enquestes soient jugees devant que l' on entende à d' autres: Que l' on ne distribuë qu' une Enqueste à un Raporteur, & qu' il soit tenu d' en faire son raport avant que de quitter la ville de Paris: Que les gens des Enquestes soient tenus de venir toutes les apresdisnees depuis Pasques jusques à la S. Michel, & durera ceste chambre pour l' affluence des procés par tout l' an du Parlement & dehors: Et neantmoins le Parlement clos, pourront les Conseillers d' iceluy se trouver aux Enquestes, pour juger les procés avecq' les autres: Quoy faisans ils seront payez de leurs salaires & vacations extraordinaires.

Comme nous sommes en un Royaume auquel pour la facilité de nos Roys, les choses viennent fort aisemment à l' essor, aussi advint-il à la longue, qu' il n' y avoit si petit seigneur qui fut en credit, lequel ne voulut être immatriculé au nombre des Conseillers. Et peut être que la relasche & discontinuation de ceste charge, leur en donnoit plus grande envie. De là vint que se trouvant un nombre effrené de Maistres & Conseillers, le Roy Philippes de Vallois envoya lettres à la Chambre des Comptes de Paris le 10. Mars 1344 accompagnees de l' Ordonnance qu' il avoit faite par deliberation de son grand Conseil, sur l' estat des gens de ses Chambres de Parlement, Enquestes & Requestes, laquelle il vouloit être observee: Enjoint à ses gens des Comptes, de la signifier & en bailler copie à son Parlement. Et sur les serments que vous avez à nous (portent les lettres) pour quel conques impetrations & mandemens ne faites aucune chose contre la dite Ordonnance: Car nostre entente est de la garder sans rien faire au contraire, c' estoit à dire, qu' ils ne souffrissent aucun être payé des gages, fors ceux que portoit le roolle. 

Et là il ordonne qu' il n' y avroit de là en avant en son Parlement, prenans gages que quinze Clercs, & quinze Laiz, outre les trois Presidens qui avoient gages separez, Messire Simon de Bussy, Jacques de la Vache, & Pierre de Denneville. En la chambre des Enquestes, quarante, xxiiij. Clercs, & seize Laiz. Aux Requestes du Palais huit, cinq Clercs, & trois Laiz: Et d' autant qu' il y avoit eu grand nombre de personnes nommez en ces estats auparavant par son grand Conseil, leur accorde l' entree & seance sans gages. Vray qu' advenant la mort des autres, ils pourroient estre surrogez en leurs lieux, s' ils estoient certifiez capables par le Parlement. Ceste ordonnance fut presentee par Messieurs des Comptes le 15. du mesme mois de Mars avec les noms, & surnoms de tous les Maistres, & lors s' estoit esvanoüie la difference de Jugeurs & Raporteurs des Enquestes. Quelques uns se sont accroire que le Parlement fut deslors fait perpetuel & sans aucune discontinuation, parce qu' ils voyent ce roolle enregistré au registre des anciennes Ordonnances de la Cour, & que les autres precedans ne s' y trouvent; ains seulement en la chambre des Comptes, ou au tresor des Chartres. Qui n' est pas une opinion degarnie de quelque raison : ayant mesmement esgard que Messieurs des Comptes en furent porteurs: Chose qu' ils n' ont oublié dedans leurs Memoriaux: mais toutesfois opinion desdite par une demonstration oculaire: Car aux mesmes Memoriaux on trouve lettres du 12. Aoust 1347. adressees aux gens des Comptes, par lesquelles le Roy leur mande, que d' autant que le Parlement ne siegeoit lors, il avoit delegué quelques Conseillers & Maistres, pour faire le procés aux Lombards Usuriers, lesquels il vouloit être payez de leurs vacations & salaires tels qu' il avoit ordonnez par chacun jour. Par autres lettres du 28. Decembre 1352. le Roy Jean ordonne à maistre Jean Hauvere, maistre des Requestes de son hostel les gages de xxiiij. sols parisis par jour, tant qu' il seroit à sa suitte, & qu' aux autres mois ausquels il ne devoit toucher gages, toutesfois il les receust, Dum tamen eisdem diebus (dit le texte) nostro praesente Parlamento sedente sicut alij Consiliarij nostri dicti Parlamenti pro expeditione causarum eiusdem, insistat. Nostram tamen gratiam prædicto nostro praesente Parlamento finito, volumus non durare. Et qui est un argument indubitable, c' est que pendant la prison du Roy Jean, Charles V. son fils lors Regent, en plaine assemblee des Estats apres avoir apporté quelque reglement & police sur le fait du Parlement, par ses lettres du huitiesme Fevrier 1356. declare que son intention estoit de faire que les Chambres du Parlement, Enquestes & Requestes se tinssent à l' advenir sans aucune discontinuation. Ce fut un conseil par luy projecté, & deslors le Parlement se tint avec plus grande assiduité qu' auparavant: mais non avec suppression generale de l' ancienne observance. Mais apres qu' il fut decedé en l' an 1379. la minorité du Roy Charles sixiesme, la foiblesse de son cerveau, les partialitez des Princes furent tante, qu' ayans leurs esprits bandez ailleurs, on ne se *souvint plus d' envoyer nouveaux roolles de Conseillers, & par ce moyen le Parlement fut continué.

Et deslors furent mises sus les eslections de Presidens & Conseillers, tenans de là en avant leurs Estats à vie: & jusques alors vous ne voyez dedans les registres aucune mention des elections. Il n' est pas neantmoins qu' auparavant ceste nouvelle police encores il n' y eust quelque desordre au nombre des Conseillers ou Presidens: Car combien que Charles cinquiesme pendant sa Regence voulut reduire le Parlement au nombre prefix par Philippes de Valois, si est-il contrainct d' y laisser Dorgemont, quatriesme President supernumeraire avec Bussy, la Vache & Denne-ville, à la charge que vacation de l' un des Estats advenant par mort, cest Estat demoureroit suprimé. Ce mesme Dorgemont fut depuis fait Chancelier de France. En l' an 1406. Mauger fut fait cinquiesme President & depuis aussi Chancelier. Le penultiesme Fevrier 1465. sous le regne de Louys unziesme, Halé receu troisiesme Advocat du Roy: Et le sixiesme Avril 1491. fut tenu le Conseil du Roy en la chambre des Comptes, où estoit le Chancelier avec plusieurs autres Seigneurs, & entre autres Maistres Pierre Chouard, Jean L' huillier, Jean le Maistre Advocats du Roy en son Parlement, & Maistre Christofle de Carmonne son Procureur general. 

D' une chose me suis-je esbahy, qui merite de n' être teuë, car ailleurs n' ay je observé pareille histoire. Pendant la prison du Roy Jean, & Regence de Charles son fils, depuis cinquiesme Roy de ce nom, les trois Estats seditieusement assemblez dedans la ville de Paris, firent demettre de leurs charges plusieurs personnages, tant du Parlement, que chambre des Comptes & finances. Le tout par les factions du Roy de Navarre, qui en ceste eclypse, commandoit aux opinions de la populace. A quoy le Regent callant la voile à la tempeste, fut contraint d' acquiescer. Mais depuis les affaires de France reduites en leur calme, ils furent tous restablis en leurs dignitez, par lettres patentes du 28. de May, 1359. Et entre les autres y estoit Un Regnaut d' Acy Advocat general, & aussi * Monsieur (c' est à dire du Roy) & de nous en Parlement (c' est à dire du Regent) c' est le propre texte des lettres: comme si la qualité d' Advocat general au Parlement, eust esté distincte de celle d' Advocat du Roy, & du Regent.

Le Parlement ayant commencé d' être tenu sans discontinuation, & les Conseillers continuez en leurs charges, cela fut cause que les Seigneurs suivans les armes furent contraints de quitter la place, & la resigner aux gens de robbe longue. Chose qui introduisit au Parlement (comme j' ay dit presentement) les elections, lesquelles estoient confirmees par nos Roys. Et de ces deux nouvelles polices, sourdit aussi une nouvelle question entre-eux: Parce que le dixiesme de Decembre 1410. l' election & provision de quelques Presidens & Conseillers des Enquestes fut retardee, d' autant que les Nobles soustenoient qu' en concurrence de Nobles & Roturiers on devoit premier eslire les Nobles quand ils se trouvoient suffisans, les autres soustenans au contraire, que sans avoir esgard au lignage, il falloit jecter l' œil sur la capacité & vertu. Et se presentant depuis ceste question devant le Roy, en la balance de deux il jugea pour celuy qui estoit extraict de noble lignage.

D' un autre costé aussi n' estans plus les Conseillers distincts par l' exterieur des habits, & chacun estant revestu d' une longue robbe, nos Roys ayant osté les elections, s' en voulurent faire accroire selon les occasions, gratifians à gens Laiz & mariez, des Conseilleries affectees aux Ecclesiastiques, vray que les provisions estoient accompagnees de dispenses, que le Parlement estoit contrainct de passer: Non toutesfois sans contraste, parce que nous trouvons registre de la Cour du vingtdeuxiesme Avril 1486. par lequel il fut arresté que nul Lay ne seroit plus receu en l' office de Clerc. Et en l' an 1490. quatriesme de Mars, Turquan receu en l' office de Clerc à la charge de non soy marier, & s' il faisoit le contraire, consentoit d' être privé de son estat. Le seiziesme Avril 1518. que Crespin qui avoit l' office de Clerc seroit receu comme Lay: & a commandé le Roy Edict, pour n' en recevoir plus de ceste façon, porte le registre: Finalement apres la prise du Roy François premier, l' an 1523. aux instructions de la Cour envoyees à Madame la Regente sa mere, le dixiesme Avril sur la reformation de l' Estat, entre autres articles estoit cestuy-cy. Que l' on ne baillast plus les offices de Clercs à gens Laiz. Ce nonobstant la desbauche s' y estoit avec le temps de telle façon plantee, que c' estoit une vraye meslange des uns & des autres par les dispenses que l' on y avoit apportees du temps des Roys François premier, & Henry deuxiesme, jusqu' à ce que par l' introduction du Semestre en l' an 1553. estans les Juges redoublez, ce nouvel desordre & confusion reduisit les choses à leur ancien ordre. Parce que les Laiz qui auparavant avoient des offices de Clercs prindrent des offices de Laiz nouvellement creez, laissans les leurs aux gens d' Eglise, qui voudroient avoir entree en la Cour, & depuis la reünion des deux Semestres, les choses demourerent long temps en ce mesme estat.

Puis que je me suis estendu si avant en la distinction des Conseillers Clercs & Laiz, je ne veux obmettre de parler d' une troisiesme espece, je veux dire de ceux qui ont seance au Parlement, & non voix deliberative. Ce sont les Archevesques & Evesques: chose qui a pris diverses faces, selon la diversité du temps. Le Parlement Ambulatoire, comme j' ay dit, estoit composé au dessous des Pairs, de plusieurs Prelats, Ducs, Comtes, & Barons: Ny pour cela il ne faut pas estimer que sous la troisiesme lignee de nos Roys, la porte fust ouverte à tous Archevesques, Evesques & Abbez, ains à ceux qui estoient specialement reservez. Il se trouve un vieux registre de l' an 1289. par lequel il est deffendu à Philipot le Commun, & Jean Autre, portiers du Parlement, de ne laisser entrer nully des Prelats en la Chambre sans le commandement des Maistres. Et depuis par ordonnance de Philippe le Long, la porte leur fut tout à fait fermee, comme j' ay deduit cy dessus. Au reglement qui fut fait par Charles V. lors Regent en l' an 1359. apres avoir limité le nombre des Conseillers du Parlement à trente qui prendroient gages, ne voulant qu' il y en eust davantage, il excepte puis apres les Prelats, Princes & Barons, dont il y en avroit tant qu' il luy plairoit. D' autant qu' ils ne prenoient nuls gages, & ne chargeoient les finances du Roy. Reserve qui leur ouvrit puis apres le pas, de telle façon que les Abbez mesmes y eurent entree jusques en l' an 1401. que par arrest du 29. Avril il leur fut deffendu de seoir de là en avant avecques les Maistres. Et depuis l' Abbé de Clugny ayant presenté sa requeste pour y avoir seance, par arrest du penultiesme Janvier 1482. elle luy fut enterinee, pour ceste fois tant seulement en consideration du grand lieu dont il estoit extrait, joinct qu' il estoit chef d' Ordre. Et le mesme an fut par privilege special permis à l' Archevesque de Narbonne d' avoir voix deliberative. Ainsi que nous voyons aujourd'huy les choses être reglees, tous Archevesques & Evesques y ont seance, & non opinion, fors les six Pairs Ecclesiastics, l' Evesque de Paris, & Abbé de S. Denis. Privilege qui luy avoit esté aussi particulierement accordé par Philippe le Long, lors qu' il ferma la porte à tous autres Prelats. Cela sera par moy dit en passant, comme estant une piece que je ne pouvois oublier sans faire tort à ceste histoire.

Je vien maintenant à la Chambre des Requestes du Palais, à laquelle (apres avoir discovru tant de la Chambre du Parlement, que de celle des Enquestes) je veux donner plus de façon: d' autant qu' outre ceste-cy, il y a encore la Chambre des Requestes de l' Hostel du Roy. Le Sire de Joinville dit que S. Louys son maistre, avoit acoustumé de l' envoyer avecq' les sieurs de Nesle & de Soissons, aux plaicts de la porte, & s' il y avoit quelque chose qu' ils ne peussent bonnement vuider, ils luy en faisoient le rapport, & lors envoyoit querir les parties, & jugeoit leur cause. Auparavant que le Parlement fut fait sedentaire, je trouve un roolle des Officiers de la maison du Roy, au bout duquel sont ces mots. Monsieur Pierre de Sargiues ( : Sargives), Gilles de Compieigne, Jean Mailliere. Ces trois orront les plaicts de la porte, & aura Gilles de Compieigne autant que Monsieur Pierre de Sargives, & mangera avecques le Chambellan. De ma part je ne fais aucune doute, que ces Seigneurs estoient ceux que depuis nous avons appellez Maistres de Requestes: & les plaicts de la porte, les plainctes & requestes que l' on presentoit au Roy, dont la cognoissance leur estoit commise. Depuis que le Parlement fut fait resseant, il y en eut six, trois Clercs, & trois Laiz. 

La charge desquels estoit d' être ordinairement par quartier en Cour, & le demourant de l' annee au Parlement ou autres lieux, comme il leur plaisoit, & estoient de telle auctorité qu' à la suitte du Roy, ils secondoient le Chancelier, comme aussi au Parlement, ils presseoient tous les autres Conseillers au dessous des Presidens. En l' escrouë du Parlement tenu sous Louys Hutin, on insere premierement les Conseillers du Conseil estroict, & au dessous on baille son lieu particulier au Chancelier, & apres luy aux six maistres des Requestes, contenant l' intitulation de l' article ces mots: Clercs Suivants & Laiz, maistre Michel Mauconduit, maistre Pierre Bertrand, maistre Pierre de Chappes, messire Jean Darrablay, messire Ferry de Villepestre, messire Jean de Courtier, desquels y aura tousjours à Cour j. Clerc & j. Lay. Liquel prendront à Cour en la maniere accoustumee au temps du Roy le pere, & li autre se il vienne, ne prendront riens se il ne sont mandé. Lors que l' on vient au denombrement des Seigneurs du Parlement, apres avoir mis le Chancelier devant tous les Conseillers Clercs, comme chef, on met immediatement apres luy les trois Maistres des Requestes Clercs, cy dessus nommez, & les trois autres Maistres des Requestes Laiz dessus tous les Conseillers Laiz. Ces Seigneurs estoient quelquesfois appellez Suivants, mais d' ordinaire Poursuivants, non pour les villipender, ains par un tiltre special d' honneur. Parce que leurs charges entre toutes les autres estoient necessairement affectees à la suitte du Roy, pour recevoir les requestes qui luy estoient faites. Qui fut cause que depuis oubliant le premier tiltre, on les nomma Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. Et parce qu' en ce subjet ils se dispensoient quelquesfois trop legerement, jugeans fort souvent des Requestes au prejudice des parties, qui gisoient en plus grande cognoissance de cause, leur fut enjoinct que de toutes les requestes de Justice que l' on leur presenteroit ils seroient tenus de les renvoyer chacune en leur chacune: c' estoit de faire seeller lettres qui seroient adressees aux Juges ausquels devoit appartenir la cognoissance de telles matieres, & non de les decider. Or tout ainsi qu' en matiere de medailles les antiques sont de plus grande recommandation que les modernes, aussi vous veux-je icy representer l' ancienne ordonnance de Philippe le Long. Non vrayement au mesme langage qu' elle fut faite: car le malheur du temps a voulu, qu' en ceste-cy & plusieurs autres par moy alleguees on ait changé le langage, selon le temps qu' elles estoient copiees. Qui est cause que je suis contraint de les vous debiter telles que je les ay trouvees. 

Philippe par la grace de Dieu Roy de France & de Navarre, faisons sçavoir à tous, nous avoir fait extraire de nos Ordonnances faites par nostre grand Conseil, les articles cy apres escrits, lesquels nous voulons être tenus & gardez fermement sans corrompre par nos Poursuivants. 

Premierement avons ordené que deux de ceux des Requestes seront continuellement avec nous suivans la Cour, & non plus, j. Clerc, & j. Lay, lesquels seront tenus de seoir chacun jour à heures accoustumees en leur commun pour ouïr les requestes que faites leurs seront, & ne passeront ne soufferront passer aucunes lettres contraires à nos ordonnances. 

Les dits Poursuivants ne deliu * ne passeront nulles requestes qui touchent nostre Parlement, Chambre des Comptes, ou nostre Tresor, ainçois iceux requereurs renvoyeront aux lieux là où il appartiendra chacun endroit soy. 

Et pource que moult de requestes ont esté souvent faites à nos predecesseurs & à nous, qui passees ont esté frauduleusement sous umbre d' aucune couleur de raison, lesquelles se discutees eussent esté pardevant ceux qui sont instruits & ont cognoissance des besongnes, n' eussent pas esté passees: comme de moult de gens, qui requierent recompensation de services, restitution de dommages, graces de dire contre les arrests donnez en nostre Parlement, & plusieurs autres choses semblables, où moult de fraudes & deceptions ont esté faites au temps passé. De toutes icelles requestes nous doivent les Poursuivants qui avec nous seront, adviser, afin qu' elles ne passent & qu' elles soient envoyees aux lieux où il appartiendra. 

Nous avons ordené pour tousjours avoir plaine cognoissance des choses qui se feront pardevers nous, qu' un livre soit fait que l' on appellera Journal, auquel on escrira continuellement ce que fait aura esté en nostre Conseil estroit, dont memoire soit à faire. Et à celuy livre faire & garder nous avons ordené maistre Pierre Baux nostre Clerc: Auquel il sera dit & devisié par ceux qui seront presens de nostre estroit Conseil, ou par l' un des Poursuivants si appellé estoit, au cas que les autres fussent absents chacun jour, ce qui fait aura esté en nostre dit Conseil, dont mention soit faire. Et y seront mis expressemment les noms de ceux qui avront esté aux besongnes Conseillers. 

Et peu apres: C' est ce que les Notaires nous poursuivans doivent faire & garder sur les choses qui s' ensuivent.

Item que les dits Notaires ne porteront nulles lettres pour porter seeller, avant qu' elles ayent esté releuës à ceux qui les avront commandees, & ce mesmes doivent faire tous les autres Notaires, combien qu' ils ne poursuivent la Cour. Et toutes ces choses doit chacun des dits Poursuivants & Notaires tenir & garder fermement sans corrompre, & si aucun cas venoit qu' ils ne peussent esclaircir par les articles dessusdicts, voulons pour eux acertener sur ce, qu' ils ayent recours à nostre Chambre des Comptes, où nous avons fait registrer nosdites ordonances, & bailler en garde.

Ce mot de pour joinct avecq' une autre parole emporte quelque emphase grande, comme nous voyons en ces mots, pour-parler, pour-penser, pour-chasser.

Au demourant de ces deux pieces: je veux dire du denombrement de Louys Hutin, par moy n' agueres touché, & de la presente ordonnance, vous pouvez presque recueillir dont viennent leurs charges & fonctions. Car ces Seigneurs estans necessitez d' être à la suitte du Roy pres du Chancelier, ils furent faicts ses commensaux, voire que pension luy fut assignee pour les recevoir à sa table: aussi estoient-ils comme ses Lieutenans pour le seau: & de là est venu que les principales lettres Royaux doivent être signees en queuë par l' un d' eux. De là qu' ils president au petit seau estably pres des Parlements, comme representans la personne du Chancelier absent, & neantmoins leur presence & authorité n' y est pas requise pour faire que les lettres portent effect de sentence, mais pour ne permettre qu' elles soient seellees, si par le narré d' icelles on voit qu' elles contreviennent aux Ordonnances Royaux, & pour le surplus renvoyer l' adresse des lettres pour être jugees par les Juges selon l' exigence des cas. De là, que tout ainsi que dés le temps de Philippe le Long ils secondoient les Conseillers du grand Conseil qui estoit pres du Roy, comme vous voyez de ceste ordonnance: Aussi voyezvous qu' ils font le semblable au Conseil d' Estat qui est aujourd'huy pres du Roy. Et de cela mesmes advint que le grand Conseil ayant pris nouvelle forme, ils y tindrent les premiers lieux. Et pour achever par où je devois commencer de l' ordre qui fut tenu dés le temps mesmes de Louys Hutin vient qu' ils siegent au Parlement devant tous les autres Conseillers. Chose qui apporta autresfois une dispute qui est encores indecise. Car comme ainsi fut qu' à l' ouverture du Parlement de la S. Martin l' an 1407. ne se trouvast aucun President pour recevoir les serments des Advocats & Procureurs, qui apporta un merveilleux scandale à la compagnie, les Maistres des Requestes, & les Conseillers entrerent lors en contention à qui appartenoit ce premier lieu: ceux-là soustenans que tout ainsi qu' ils estoient les premiers en seance, aussi la presseance leur devoit appartenir. Et ceux-cy que residens perpetuellement au Parlement, le plus ancien de leur college devoit estre preferé aux autres. Surquoy chacun ne voulant rien rabattre de son opinion, on deputa quelques Seigneurs de la Cour pardevers le Roy & son Conseil, pour definir ce different. Toutesfois sans approfondir l' affaire, on trouva cest expedient, de decerner lettres par lesquelles du Drac President aux Requestes fut commis pour presider. Depuis en l' absence des Presidens & des Maistres des Requestes, j' ay veu sans controverse le plus ancien des Conseillers Laiz presider & prononcer les Arrests en l' Audience, sans que les Conseillers Clercs ayent revoqué ceste puissance en doute. Mais pour ne me detraquer de mon chemin, & n' oublier rien de ce qui concerne l' authorité des Maistres des Requestes, ils eurent cognoissance & jurisdiction contentieuse en deux poincts, l' un quand le tiltre d' un office Royal estoit contentieux entre deux parties, l' autre quand on poursuivoit en action pure personnelle un officier domestique du Roy qui estoit à la suitte de sa Cour. Nous apprenons cela d' une ordonnance de Philippe de Valois de l' an 1344. 

Et de ces deux est fort aisé d' en rendre raison: car pour le regard des offices il failloit necessairement que les parties eussent recours au Roy pour les en avoir pourveuz: Lequel s' en reposoit sur les Maistres des Requestes: comme aussi la faveur de ses domestiques meritoit bien qu' ils ne fussent distraicts pour causes legeres du service qu' ils devoient rendre à leur maistre: Partant fut la cognoissance de telles affaires commise pareillement aux Maistres des Requestes. Entre les ordonnances du Roy Jean est ceste-cy du 28. Decembre 1359. par laquelle il veut que toutes jurisdictions soient delaissees aux Juges ordinaires, sans que les subjects puissent être travaillez ailleurs, excepté seulement que les Maistres des Requestes de son Hostel avroient la cognoissance des offices, & aussi des Officiers de son Hostel en actions pures personnelles, en deffendant & non en demandant. Au demourant ils furent du commencement trois, puis six, & estans creuz en nombre plus grand, Philippe de Valois par son Edict du huictiesme Avril 1342. declara qu' il ne pourvoiroit plus à nul de ces offices qu' ils ne fussent reduicts au nombre ancien de six. Du temps de Charles VIII. ils estoient huict, quatre Clercs, & quatre Laiz. Nombre qui avoit esté continué jusques au Roy François I. sous lequel commença le desordre. Vray que de fois à autres on en creoit des extraordinaires: qui estoit cause que les autres s' intituloient Maistres ordinaires, pour ne laisser enjamber sur leur authorité ancienne. 

J' ay voulu de propos deliberé premierement discovrir des Maistres des Requestes de l' Hostel, parce que la Chambre des Requestes du Palais n' est qu' une image de ces premiers, & à vray dire a emprunté d' eux la jurisdiction qu' elle exerce pour le jourd'huy. Car quelle rencontre & communauté a l' exercice de leur jurisdiction avecques le mot de Requestes, qui est leur principale qualité? Or pour entendre cecy de fonds en comble, faut noter qu' aux Parlements qui furent tenus dans Paris sous Philippe le Bel, & Louis Hutin, je ne voy être faite aucune mention d' une Chambre des Requestes: car lors les requestes estoient responduës par les Conseillers du Parlement & des Enquestes. Et tout ainsi qu' à la suitte du Roy il y avoit les Maistres des Requestes de son Hostel, qui estoient destinez pour juger les Requestes qui luy estoient presentees, sinon les remettre à sa cognoissance si elles estoient de trop grand poids, aussi voulut-on introduire semblable ordre pour les Requestes qui seroient presentees au Parlement. C' est pourquoy sous le Roy Philippe le Long, outre les deux Chambres, du Parlement, & des Enquestes, on y en crea une troisiesme, qui fut celle des Requestes. Enquoy l' on suivit presque la mesme forme, que celle que l' on observoit pres du Roy: Parce que comme du commencement on appelloit telles Requestes les plaicts de la porte du Roy, aussi mit-on la Chambre des Requestes hors l' enclos des deux autres Chambres, comme celle qui estoit introduitte pour juger les plaicts de la porte du Parlement, qui estoient les requestes que l' on luy presentoit. Et où ils y trouveroient de l' obscurité ils devoient en communiquer aux Maistres du Parlement. Du commencement on y mit quatre Conseillers, deux Clercs & deux Laiz, en apres cinq, trois Clercs, & deux Laiz, & finalement huict, conformemment aux huict Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. La plus ancienne Ordonnance qui en parle est celle de Philippe le Long, de l' an 1320. par moy cy dessus touchee, dont je transcriray les articles. 

Avons ordené & ordenons sur l' Estat de nos Requestes en tel maniere: C' est à sçavoir qu' il y aura trois Clercs & deux Laiz: lesquels venrront le matin à l' heure que ceux du Parlement, & demourront jusques à midy, s' il en est mestier, & orront continuellement & par bonne deliberation lesdites (les dites) requestes. 

Si aucune requeste estoit baillee à ceux des Requestes, laquelle ils ne peussent pas bonnement depescher, ils en parleront aux gens de nostre Parlement quand midy sera sonné, & si la requeste estoit si pesante qu' il en convenist avoir greigneur deliberation, en parleront quand l' en sera aux Arrest (c' estoit les jours des Jeudy, ainsi qu' il a esté dit cy dessus) & le diront à celuy à qui ladite (la dite) requeste touchera, afin qu' il sçache qu' on ne le face pas attendre sans cause. 

Ceux des Requestes n' entreront en la Chambre du Parlement, fors pour les cas dessusdits, se ils n' y sont mandez, ou se ils n' y ont affaire pour leurs propres besongnes, ou pour leurs amis especiaux: & en ce cas si tost comme ils avront parlé, ils s' en istront, & iront faire leurs offices. 

Ceste Ordonnance nous enseigne que lors ces Messieurs representoient les Conseillers qui jugent aujourd'huy les instances à la barre. Les grands empeschemens des Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy, qui estoient à la suitte du grand seau, furent cause qu' au long aller les causes des domestiques de la maison du Roy qui estoient pendantes devant eux, furent renvoyees aux gens tenans les Requestes du Palais. 

Il y avoit entre eux symbolization de noms, & de charges sous diverses rencontres. Ceux qui estoient pres du Roy estoient dicts Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. Les autres Maistres des Requestes du Palais. Ceux-là avoient cognoissance des requestes presentees au Roy. Ceux-cy de celles qui estoient presentees au Parlement. En ceste rencontre de noms & de functions, il fut aussi aisé de faire changer de main aux procedures que l' on faisoit de la suitte de la Cour du Roy. Les officiers domestiques du Roy pensans avoir plus prompte expedition aux Requestes du Palais, obtindrent commissions, pour intenter leurs causes personnelles, mais tant en demandant que deffendant, comme aussi d' y faire renvoyer celles qui estoient intentees pardevant les Maistres des Requestes de l' Hostel. Ces commissions furent dés leur primitive origine appellees Committimus. Des personnelles on creut avecques le temps le privilege, & l' estendit-on aux possessoires, & encores aux mixtes, c' est à dire à celles qui tiennent de la personalité & realité ensemble, comme sont les instances de partages, rescisions, retraicts lignagers, & feudaux. Voire voulut on que ces Seigneurs eussent cognoissance du merite du Committimus, privativement de tous autres Juges: Je veux dire que si une cause estoit renvoyee pardevant eux en vertu d' un Committimus, tout autre Juge eust soudain les mains liees, & leur renvoyast la cause, sauf à eux d' examiner si elles estoient de leur cognoissance. Chose que je voy avoir esté ainsi jugee par Arrest dés le 8. Juillet, 1367. Auquel temps les Committimus commençoient seulement de poindre. Cela se faisoit pour-autant que ces Comissaires à cause de leurs Conseilleries faisoient part & portion de la Cour. Et comme ainsi fust que les Maistres des Requestes de l' Hostel s' en voulussent faire croire au prejudice des autres, ne pouvans bonnement endurer que leur jurisdiction fut en ceste façon divisee, le Roy Charles VII. en l' an 1453. evoqua aux requestes du Palais toutes les causes de la nature que dessus, qui estoient pendantes & indecises devant les Maistres des Requestes de l' Hostel. Et le 5. Juillet en l' an 1452. avoit esté faite la publication de l' auditoire des Requestes du Palais par le President Thiboult, & l' Evesque de Paris.

Deslors on reprit la premiere & plus ancienne discipline du Parlement: parce que les Conseillers de la grand Chambre & des Enquestes commencerent de cognoistre des Requestes qui leurs estoient presentees: & à ceste fin avoient accoustumé de se presenter en la grand salle du Palais pres la porte de la grand Chambre, appuyez sur une grand barre que l' on voit encores à l' entrée à la muraille, & qui se peut oster quand on veut. Et combien que l' usage de ceste barre soit perdu, tant y a que de là vient que nous appellons toutes instances qui sont entees sur des Requestes, instances pendantes à la barre.

Cela soit par moy touché en passant, mais pour revenir à la Chambre des Requestes du Palais, n' y ayans du commencement que les Officiers de la maison du Roy qui peussent iouyr du Committimus, chacun vouloit emprunter ce tiltre sous faux gages. Qui fut cause que Charles VI. sous lequel les Committimus commencerent d' entrer en plus grand credit qu' auparavant, par son Ordonnance de l' an 1386. voulut que nul ne peut iouyr de ce benefice, s' il ne iouyssoit actuellement des gages. On passa puis apres plus outre parce que tous les Conseillers du Parlement & des Enquestes voulurent avoir ce privilege, ensemble les Greffiers, Notaires & Secretaires de la Cour, mesmes il fut dit par Arrest du 14. Decembre, 1408. que quatre Clercs du Greffe Civil, deux du Criminel, & un des presentations, avroient leurs causes commises aux Requestes du Palais. Les Advocats y voulurent aussi avoir part, & non sans cause: D' autant qu' en une ancienne Ordonnance inseree dans le vieux stile du Parlement, où il est parlé du serment qu' ils doivent faire à la Cour, ils sont appellez Advocats & Conseillers du Parlement : Aussi les Advocats, tant plaidants que consultants sont honorez du chaperon fourré, qui est la vraye remarque du Magistrat du Palais: Et encores on donne aux plus anciens seance sur les fleurs de Lys vis à vis des gens du Roy. Tout ainsi que les Advocats, aussi les Procureurs du Parlement se meirent de la partie. Tant de sortes de personnnes voulans avoir part à ce gasteau, cela fut cause que le Chancelier Brissonnet, sous le regne de Charles VIII. declara en plain Parlement, le 16. Fevrier 1497. qu' il ne delivreroit plus de Committimus qu' aux domestiques du Roy, & specialement qu' il n' en seelleroit plus pour les Advocats, il ne parle point des Procureurs. Qui me fait dire que lors ils ne iouissoient de ce privilege. Car il y avoit beaucoup plus de raison de le leur refuser, qu' aux Advocats. Ceste mesme querelle a depuis esté soustenuë, tant par le Chancelier Olivier, que de l' Hospital, mais ils ne l' ont peu gagner. Par l' Edict de Moulins de l' an 1566. est fait un article expres de ceux qui pouvoient iouyr du Committimus, où sont compris les principaux Officiers de la Couronne, les Conseillers du Conseil Privé, les Maistres des Requestes de l' Hostel, Notaires & Secretaires du Roy, les Officiers domestiques couchez en l' Estat du Roy, & de la Royne sa mere, ses freres, sœurs, oncles, tantes, enfans de France. Douze des plus anciens Advocats du Parlement, & autant des Procureurs. Les Chapitres & communautez des Eglises qui de ce avoient privilege pour les affaires de leurs Eglises. Il ne parle point des Conseillers du Parlement, & autres qui en dependent. Mais il n' estoit besoin de les y comprendre, comme chose assez entenduë, puis que quelques Advocats & Procureurs y estoient compris, & neantmoins encores n' a cest article sorty son effect, parce que sans acception de personnes quiconque est Advocat ou Procureur au Parlement, il iouit de ce benefice, je dirois volontiers malefice, pour être une grande pitié de distraire un pauvre homme de sa jurisdiction ordinaire, quelquesfois de cent & de six vingt lieuës. Nos ancestres aux causes legeres, comme simples personnelles, mesmes en deffendant seulement, voulurent que les domestiques du Roy, procedassent devant les Maistres des Requestes de l' Hostel, à la suitte de la Cour, pour n' être destournez du service qu' ils devoient au Roy. D' avoir depuis sur ces personnelles enté les actions possessoires & mixtes, tant en demandant que deffendant, & sur ce pied permettre à un officier domestique de quitter sa jurisdiction ordinaire, & choisir celle des Requestes du Palais, afin d' affliger sa partie adverse, paravanture est-ce une chose qui meriteroit reformation, si nostre France en estoit capable : Cela aucunement recogneu, par l' Edict du mois de Janvier 1560. sur la doleance des Estats tenus à Orleans, furent tous sieges des Requestes supprimez, establis és autres Parlements, fors celuy du Parlement de Paris. Ordonnance qui ne sortit jamais effect, au contraire on les a depuis augmentez, ainsi que les occasions s' y sont presentees, mesmes en l' an 1580. Henry III. fit une seconde chambre des Requestes au Parlement de Paris.

Or au paravant que le Parlement fut continuel, il ne faut point faire de doute que Messieurs des Enquestes & Requestes ne tenoient tel rang que Messieurs de la grand Chambre. Les adresses des lettres se faisoient aux gens qui tiennent ou tiendront nostre Parlement, Enquestes & Requestes, coome si ces derniers fussent separez du Parlement. Il n' est pas que l' on ne trouve plusieurs lettres, esquelles apres les gens du Parlement on met immediatement les gens tenans les Comptes, puis les Enquestes & Requestes. Et combien que le Parlement fait continuel, ait osté ceste difference, & que sous le nom de la Cour de Parlement, on compreigne la grand Chambre, avecq' les Chambres des Enquestes & Requestes: si est-ce que la grand Chambre a tousjours eu de grandes prerogatives sur les autres. Un procés ayant esté conclud & arresté en l' une des Chambres des Enquestes, entre le Mareschal de Rieux, & les marchands frequentans la riviere de Loire, les Presidents y trouvans quelque chose à redire, ils en firent plainte à la grand Chambre, laquelle par son Arrest du 7. Janvier 1409. ordonna que le procés seroit reveu avecq' les Conseillers qui l' avoient jugé: & depuis par autre Arrest du 4. Decembre, 1411. fut trouvé que les Enquestes avoient bien jugé. Ils ne pouvoient mettre les appellations au neant, qui est une moyenne voye entre le bien & mal jugé. Cela leur fut permis le 8. Janvier 1422. Et par Arrest du 5. Janvier 1505. il fut ordonné que quand les Presidents de l' une des Chambres des Enquestes seroit absent, il ne seroit permis aux autres d' y presider, ains appartenoit à la grand Chambre d' y commettre celuy qu' elle voudroit. L' authorité de ceste grand Chambre est telle qu' il n' y a celuy des Enquestes qui avecques le temps n' espere & ne desire y avoir seance, comme derniere ressource de ses pensemens. Et y a une histoire fort notable d' un different qui se presenta le 29. May 1422. entre Maistre Jacques Brulard, President aux Enquestes, & maistre Guillaume Guy Conseiller, à qui avroit le devant de l' autre pour cest effect, Guy combattant l' autre de l' ancienneté de sa reception, qui estoit de dix ans entiers, & Brulard de sa qualité de President. Surquoy les Chambres assemblees fut dit & ordonné que Brulard seroit preferé à l' autre : Je dy nommément les Chambres assemblees: parce qu' auparavant que le Parlement fust fait continuel, on ne sçavoit que c' estoit d' assembler les Chambres.