mardi 23 mai 2023

2. 3. Du Parlement estably dans Paris, & des autres de ce Royaume.

Du Parlement estably dans Paris, & des autres de ce Royaume. 

CHAPITRE III. 

En ces premiers Parlements, dont j' ay discovru cydessus, se traictoient du commencement toutes matieres d' Estat, avecq' les differents de consequence: Les Baillis & Seneschaux vuidoient és Assises en dernier ressort, la plus grande partie des causes; Toutesfois pour les abuz qui s' y commettoient, les plaintes venans puis apres aux aureilles des Roys, on accueillit petit à petit tant de causes au Parlement, que pour bien dire, il devint un magazin de procés. Et de faict du mot Latin de Placita dont ils usoient pour Parlement, nous avons faict celuy de Plaids, & de cestuy, Exploicter & plaider. Je treuve un reglement faict l' an 1291. au Parlement de la Toussainct, par lequel il feut ordonné que les causes des Seneschaux de droict escrit, seroient expediees les jours de Vendredy, Samedy & Dimanche, & enjoinct aux Raporteurs des Enquestes de les voir diligemment en leurs maisons, & ne se trouver au Parlement s' ils n' y estoient mandez. C' estoit afin qu' ils eussent plus de loisir de vacquer à l' expedition des procés qui leurs estoient distribuez. Cela feut cause que le Roy Philippe le Bel, tant pour se descharger de l' importunité des poursuyvans, que son pauvre peuple de la depense, qu' il luy convenoit faire à sa suitte, declara en l' an 1302. que son intention estoit d' establir deux Parlements dans Paris, non pour les tenir sans discontinuation, ains seulement deux fois l' an, aux octaves de Pasques & de la Toussainct, à chaque seance deux mois: & quelque peu apres institua deux Chambres: celle du Parlement, que nous appellons la grand Chambre, l' autre des Enquestes, en laquelle il feit deux sortes de Conseillers, dont les uns feurent appellez Jugeurs, qui estoient seulement commis pour juger, & les autres Raporteurs, pour raporter les procés par escrit. De maniere que toutes les lettres de Chancellerie qui leurs estoient adressees, portoient: Aux gens tenans à present nostre Parlement, lors que le Parlement siegeoit, & si hors la seance, Aux gens qui tiendront nostre prochain Parlement. Et en fin par un formulaire commun pour n' y retourner à deux fois, Aux gens qui tiennent & tiendront nostre Parlement. Formulaire qui dura jusques bien avant dedans le regne de Charles sixiesme, soubz lequel le Parlement commença de se tenir sans aucune discontinuation. Ne nous restant aujourd'huy de ceste ancienneté que l' image: Parce qu' aux octaves de Pasques & de la Toussainct on fait des ceremonies, toutainsi que si c' estoient ouvertures de Parlemens qui eussent esté long temps intermis. Et à chaque ouverture, le Roy decernoit nouvelles lettres patentes en forme de commission avecq' une liste de ceux qu' il vouloit avoir seance: & n' estoit pas dit que celuy qui avoit esté appellé au precedent, y eust lieu au subsequent, sinon qu' il feust compris dans le roolle qu' on y envoyoit. Ny mesmes que tous les ans l' on tint les deux Parlements, parce que quelques fois on n' y tenoit qu' une seance, mesmes advenoit de fois à autres que l' on estoit un an entier sans le tenir. Or tout ainsi qu' au Parlement ambulatoire y avoit eu de tout temps six Pairs Ecclesiastiques & six Laiz, aussi feut ce Parlement resseant composé, part de gens Ecclesiastics qu' ils appellerent Clercs, part des Seigneurs qui faisoient profession des armes. Coustume qui estoit encores observee en l' an 1380. comme nous aprenons d' un Tombeau qui est dans l' Eglise sainct Estienne (Étienne) des Grecs en ceste ville de Paris, sur lequel est une statuë armee tout de son long, ayant à costé son espee, & autour cest Epitaphe: 

Cy gist noble homme Messire Pierre de la Neu-ville Chevalier Seigneur de Mourry, & jadis Conseiller du Roy nostre Sire en son Parlement, qui trepassa l' an de grace mil trois cens octante, le Lundy neusiesme jour d' Avril. 

Je vous ay dict que Philippes le Bel par son Edict de l' an 1302: promettoit d' establir deux Parlements dans Paris, & d' autant que l' Article contenoit encores d' autres promesses, je le vous veux representer mot pour mot, Præterea propter commodum subjectorum & expeditionem caussarum proponimus ordinare quod duos Parla*, & duo Scataria Rhotomagensia, & dies Trecenses bis tenebuntur in anno, quod Parlamentum apud Tholosam tenebitur, si gentes praedicta terra consentiant, quod non appelletur à præsidentibus in Parlamento. 

Qui est à dire, Item pour la commodité de noz subjects & expedition des causes, nous deliberons de faire tenir deux Parlemens dans Paris, deux Eschiquiers dans Rouen, & que les Grands jours de Troyes se tiendront aussi deux fois l' an, Et que l' on establira un Parlement à Tholoze, si les gens du pays consentent qu' il ne soit appellé de ceux qui y siegeront. Ces Eschiquiers à Rouen, & Grands jours de Troyes estoient Assises generales que l' on avoit autresfois tenuës soubz ces noms, en Normandie & Champaigne pendant que les Ducs de Normandie, & Comtes de Champaigne s' en estoient faict acroire. Ausquelles ils avoient leurs Pairs pour juger leurs causes, tout ainsi que nos Roys en leurs Parlements. 

Ce que Philippes le Bel promit lors, feut quelques annees apres mis à execution, comme l' on trouve dans un vieux Registre des Chartres du Roy. Et parce que je pense cestuy estre le premier, il me semble qu' il ne sera point hors de propos de le vous rapporter icy en son naturel, & tel que je l' ay trouvé.

C' est l' ordenance de Parlemement. Il y ara ij. Parlements, li uns desquiex commencera à l' octaves de Pasques, & li autres à l' octaves de la Toussainct, & ne durra chacun que deux mois.

Il y ara aux Parlements ij. Prelats. C' est à sçavoir, l' Archevesque de Narbonne, & l' Evesque de Rennes, & ij. Laiz: C' est à scavoir, le Comte de Dreux, & le Comte de Boulongne.

Il ara xiij. Clercs & xiij. Laiz sans eux, Et seront li xiij. Clers, Messire Guillaume de Naugaret qui porte le grand seel, le Doyen de Tours, &c. 

Li xiij. Laiz du Parlement seront li Connnestable, Messire Guillaume de Plaisance, &c. 

Aux Enquestes seront l' Evesque de Constance, l' Evesque de Soissons, le Chantre de Paris, & autres jusques à v. 

Il est à entendre qu' ils delivreront toutes les Enquestes qui ne toucheront l' honneur du corps, ou heritages. Mesmes prendront il bien leur Conseil & leur advis ensemble, mais ançois qu' il les delivrent, il en avront le conseil de ceux qui tenrront le Parlement.

Aux Enquestes de la langue doc seront le Prieur sainct Martin des champs & jusques à v.

Aux Enquestes de la langue Françoise seront Maistre Raoul de Meilleur, & jusques à v. 

Aux Eschiquiers iront l' Evesque de Narbonne, & jusques à x. entre lesquiex est le Comte de sainct Pol. 

Aux jours de Troyes qui seront à la quinzaine de la S. Jean, seront l' Evesque d' Orliens, l' Evesque de Soissons, le Chantre d' Orliens, & jusques à viij. 

Or est nostre entente que cil qui portera nostre grand seel ordene de bailler ou envoyer aux Enquestes de la langue doc & de la langue Françoise des Notaires tant com il verra que il sera à faire pour les besongnes depeschier. 

Tout cela est brusquement couché selon le langage du temps: mais parce que nous ignorons ce que chacun deust sçavoir, l' origine de ce Parlement, qui est la plus riche piece du Royaume, sous l' authorité de nos Rois, & qu' il s' est entre nous insinué une heresie d' en attribuer le premier plant au Roy Louys Hutin, j' ay voulu vous faire part de ce placart tout de son long: Car je ne fay point de doute que parlant de Messire Guillaume de Nogaret qui avoit la garde du Seel, ce Parlement n' ait esté ouvert sous Philippes le Bel. Nogaret est ce grand personnage, qui faisant un mesme attelier des armes & de la justice, prit le Pape Boniface huictiesme pour se venger de l' injure qu' il avoit faite au Roy son maistre. Joint que suivant ceste ordonnance je trouve un eschiquier tenu à Roüen en l' an 1306. où assisterent l' Evesque de Narbonne, le Comte de S. Pol, & Anguerrant de Marigny & autres Seigneurs, jusques au nombre de dix, suivant ce qui estoit porté par l' ordonnance de ce Parlement. Qui me fait penser qu' il fut tenu en l' an 1304. ou 1305. Mais tant y a que je ne fais point de doute que ce ne soit sous le regne de Philippes le Bel. 

Apres son decés, nous trouvons une ancienne escroüe faicte à S. Germain en Laye sous Louys Hutin, dans laquelle apres avoir inseré les noms, Premierement des Conseillers du conseil estroict, puis de tous les autres Seigneurs, officiers & domestiques du Roy, finalement arrivant sur le Parlement, il nomme pour President de la grand' Chambre le Chancelier, & au dessous de luy xij. Conseillers Clercs, & xviij. Laiz. 

Pour les Jugeurs des Enquestes, les Evesques de Mande & Soissons, Abbez de S. Germain des Prez, & de S. Denis, en outre sept autres Conseillers Clercs, puis six Laiz, & pour Rapporteurs neuf. 

Philippes le Long y apporta depuis des reglemens qui n' y avoient encores esté observez. Au Parlement de l' an 1319. voicy quelle estoit la teneur. Il est ordené par le Roy en son grand Conseil sus l' estat de son Parlement en la maniere qui s' ensuit.

Premierement, Il n' aura nuls Prelats deputez en Parlement: car le Roy fait conscience de eux empescher au gouvernement de leurs spiritualitez. Item en Parlement aura un Baron ou deux, & desia le Roy y met le Comte de Boulongne. Item outre le Chancelier & Abbé de S. Denis, y aura huict Clercs & douze Laiz.

Es Requestes aura quatre personnes. 

Item aux Enquestes aura deux chambres: C' est à sçavoir, Une pour delivrer toutes les Enquestes du temps passé jusques à aujourd'huy: Et l' autre pour delivrer celles qui aviendront du jourd'huy en avant. Et en celles deux Chambres aura huict Clercs, & huict Laiz Jugeurs, & xxiiij. Rapporteurs. 

Et là sont inserez tous les Conseillers par leurs noms & surnoms. Le Clerc sous la qualité de Maistre, & le Lay sous celle de Monsieur. Du premier article de ceste ordonnance est venu, que soudain qu' un President ou Conseiller est fait Archevesque ou Evesque, il faut qu' il desempare la place, & resigne son estat à un autre.

Au Parlement de l' an 1320. outre les vingt Conseillers de la grand' Chambre, on ordonne pour les Enquestes vingt Conseillers Clercs & trente Laiz, dont les seize seroient Jugeurs, & les autres Raporteurs. 

Et pour la chambre des Requestes, cinq, trois Clercs & deux Laiz, & dans les roolles sont tout ainsi qu' aux precedens, les Clercs qualifiez Maistres, & les Laiz Messires, parce que c' estoient gens suivans les armes, ny pour ceste qualité de Messire ou Monsieur, ceux-cy n' estoient plus authorisez que les Maistres, Parce que quand on parloit des seigneurs du Parlement en leur general, on les appelloit ordinairement Maistres du Parlement. En tous les autres Parlements je ne voy point leur être prescripte si ample police qu' en cestuy. Car il leur est à tous expressemment commandé d' entrer au matin à l' heure qu' on chante la premiere Messe en la Chapelle du Roy, & de n' en sortir qu' à midy. Que nul Maistre ne puisse sortir de la chambre sans le congé de son Souverain, c' est à dire de son President: ny desemparer le Parlement, sans la permission du Chancelier & du Souverain tout ensemble. Que les Baillifs, Seneschaux & Procureurs du Roy comparans, rendent raison de leurs charges pardevant deux Maistres du Parlement & un Maistre des Comptes, pour en faire leurs procés verbaux, & les raporter chacun endroit soy à leurs compagnies. Que leurs causes soient promptement expedices, afin de les renvoyer en leurs Provinces. Que les causes qui seront plaidees soient jugees le Jeudy, ou pour le plus tard les Vendredy & Samedy ensuivans, afin que l' on ne perde la memoire des plaidoyez. Que nul Maistre ne se charge de commission sinon celle qu' il pourra executer de la fin d' un Parlement au renouvellement de l' autre. Entant que touche les procés par escrit (qu' ils appelloient Enquestes) il est ordonné que huict jours avant que le Parlement commence, les Maistres du Parlement & des Enquestes s' assembleront, pour sçavoir des Raporteurs combien de procés restoient à juger, & dont peut provenir ce defaut. Que dés leur arrivee on face inventaire d' iceux, duquel on baillera copie à la chambre des Comptes: Que les anciennes Enquestes soient jugees devant que l' on entende à d' autres: Que l' on ne distribuë qu' une Enqueste à un Raporteur, & qu' il soit tenu d' en faire son raport avant que de quitter la ville de Paris: Que les gens des Enquestes soient tenus de venir toutes les apresdisnees depuis Pasques jusques à la S. Michel, & durera ceste chambre pour l' affluence des procés par tout l' an du Parlement & dehors: Et neantmoins le Parlement clos, pourront les Conseillers d' iceluy se trouver aux Enquestes, pour juger les procés avecq' les autres: Quoy faisans ils seront payez de leurs salaires & vacations extraordinaires.

Comme nous sommes en un Royaume auquel pour la facilité de nos Roys, les choses viennent fort aisemment à l' essor, aussi advint-il à la longue, qu' il n' y avoit si petit seigneur qui fut en credit, lequel ne voulut être immatriculé au nombre des Conseillers. Et peut être que la relasche & discontinuation de ceste charge, leur en donnoit plus grande envie. De là vint que se trouvant un nombre effrené de Maistres & Conseillers, le Roy Philippes de Vallois envoya lettres à la Chambre des Comptes de Paris le 10. Mars 1344 accompagnees de l' Ordonnance qu' il avoit faite par deliberation de son grand Conseil, sur l' estat des gens de ses Chambres de Parlement, Enquestes & Requestes, laquelle il vouloit être observee: Enjoint à ses gens des Comptes, de la signifier & en bailler copie à son Parlement. Et sur les serments que vous avez à nous (portent les lettres) pour quel conques impetrations & mandemens ne faites aucune chose contre la dite Ordonnance: Car nostre entente est de la garder sans rien faire au contraire, c' estoit à dire, qu' ils ne souffrissent aucun être payé des gages, fors ceux que portoit le roolle. 

Et là il ordonne qu' il n' y avroit de là en avant en son Parlement, prenans gages que quinze Clercs, & quinze Laiz, outre les trois Presidens qui avoient gages separez, Messire Simon de Bussy, Jacques de la Vache, & Pierre de Denneville. En la chambre des Enquestes, quarante, xxiiij. Clercs, & seize Laiz. Aux Requestes du Palais huit, cinq Clercs, & trois Laiz: Et d' autant qu' il y avoit eu grand nombre de personnes nommez en ces estats auparavant par son grand Conseil, leur accorde l' entree & seance sans gages. Vray qu' advenant la mort des autres, ils pourroient estre surrogez en leurs lieux, s' ils estoient certifiez capables par le Parlement. Ceste ordonnance fut presentee par Messieurs des Comptes le 15. du mesme mois de Mars avec les noms, & surnoms de tous les Maistres, & lors s' estoit esvanoüie la difference de Jugeurs & Raporteurs des Enquestes. Quelques uns se sont accroire que le Parlement fut deslors fait perpetuel & sans aucune discontinuation, parce qu' ils voyent ce roolle enregistré au registre des anciennes Ordonnances de la Cour, & que les autres precedans ne s' y trouvent; ains seulement en la chambre des Comptes, ou au tresor des Chartres. Qui n' est pas une opinion degarnie de quelque raison : ayant mesmement esgard que Messieurs des Comptes en furent porteurs: Chose qu' ils n' ont oublié dedans leurs Memoriaux: mais toutesfois opinion desdite par une demonstration oculaire: Car aux mesmes Memoriaux on trouve lettres du 12. Aoust 1347. adressees aux gens des Comptes, par lesquelles le Roy leur mande, que d' autant que le Parlement ne siegeoit lors, il avoit delegué quelques Conseillers & Maistres, pour faire le procés aux Lombards Usuriers, lesquels il vouloit être payez de leurs vacations & salaires tels qu' il avoit ordonnez par chacun jour. Par autres lettres du 28. Decembre 1352. le Roy Jean ordonne à maistre Jean Hauvere, maistre des Requestes de son hostel les gages de xxiiij. sols parisis par jour, tant qu' il seroit à sa suitte, & qu' aux autres mois ausquels il ne devoit toucher gages, toutesfois il les receust, Dum tamen eisdem diebus (dit le texte) nostro praesente Parlamento sedente sicut alij Consiliarij nostri dicti Parlamenti pro expeditione causarum eiusdem, insistat. Nostram tamen gratiam prædicto nostro praesente Parlamento finito, volumus non durare. Et qui est un argument indubitable, c' est que pendant la prison du Roy Jean, Charles V. son fils lors Regent, en plaine assemblee des Estats apres avoir apporté quelque reglement & police sur le fait du Parlement, par ses lettres du huitiesme Fevrier 1356. declare que son intention estoit de faire que les Chambres du Parlement, Enquestes & Requestes se tinssent à l' advenir sans aucune discontinuation. Ce fut un conseil par luy projecté, & deslors le Parlement se tint avec plus grande assiduité qu' auparavant: mais non avec suppression generale de l' ancienne observance. Mais apres qu' il fut decedé en l' an 1379. la minorité du Roy Charles sixiesme, la foiblesse de son cerveau, les partialitez des Princes furent tante, qu' ayans leurs esprits bandez ailleurs, on ne se *souvint plus d' envoyer nouveaux roolles de Conseillers, & par ce moyen le Parlement fut continué.

Et deslors furent mises sus les eslections de Presidens & Conseillers, tenans de là en avant leurs Estats à vie: & jusques alors vous ne voyez dedans les registres aucune mention des elections. Il n' est pas neantmoins qu' auparavant ceste nouvelle police encores il n' y eust quelque desordre au nombre des Conseillers ou Presidens: Car combien que Charles cinquiesme pendant sa Regence voulut reduire le Parlement au nombre prefix par Philippes de Valois, si est-il contrainct d' y laisser Dorgemont, quatriesme President supernumeraire avec Bussy, la Vache & Denne-ville, à la charge que vacation de l' un des Estats advenant par mort, cest Estat demoureroit suprimé. Ce mesme Dorgemont fut depuis fait Chancelier de France. En l' an 1406. Mauger fut fait cinquiesme President & depuis aussi Chancelier. Le penultiesme Fevrier 1465. sous le regne de Louys unziesme, Halé receu troisiesme Advocat du Roy: Et le sixiesme Avril 1491. fut tenu le Conseil du Roy en la chambre des Comptes, où estoit le Chancelier avec plusieurs autres Seigneurs, & entre autres Maistres Pierre Chouard, Jean L' huillier, Jean le Maistre Advocats du Roy en son Parlement, & Maistre Christofle de Carmonne son Procureur general. 

D' une chose me suis-je esbahy, qui merite de n' être teuë, car ailleurs n' ay je observé pareille histoire. Pendant la prison du Roy Jean, & Regence de Charles son fils, depuis cinquiesme Roy de ce nom, les trois Estats seditieusement assemblez dedans la ville de Paris, firent demettre de leurs charges plusieurs personnages, tant du Parlement, que chambre des Comptes & finances. Le tout par les factions du Roy de Navarre, qui en ceste eclypse, commandoit aux opinions de la populace. A quoy le Regent callant la voile à la tempeste, fut contraint d' acquiescer. Mais depuis les affaires de France reduites en leur calme, ils furent tous restablis en leurs dignitez, par lettres patentes du 28. de May, 1359. Et entre les autres y estoit Un Regnaut d' Acy Advocat general, & aussi * Monsieur (c' est à dire du Roy) & de nous en Parlement (c' est à dire du Regent) c' est le propre texte des lettres: comme si la qualité d' Advocat general au Parlement, eust esté distincte de celle d' Advocat du Roy, & du Regent.

Le Parlement ayant commencé d' être tenu sans discontinuation, & les Conseillers continuez en leurs charges, cela fut cause que les Seigneurs suivans les armes furent contraints de quitter la place, & la resigner aux gens de robbe longue. Chose qui introduisit au Parlement (comme j' ay dit presentement) les elections, lesquelles estoient confirmees par nos Roys. Et de ces deux nouvelles polices, sourdit aussi une nouvelle question entre-eux: Parce que le dixiesme de Decembre 1410. l' election & provision de quelques Presidens & Conseillers des Enquestes fut retardee, d' autant que les Nobles soustenoient qu' en concurrence de Nobles & Roturiers on devoit premier eslire les Nobles quand ils se trouvoient suffisans, les autres soustenans au contraire, que sans avoir esgard au lignage, il falloit jecter l' œil sur la capacité & vertu. Et se presentant depuis ceste question devant le Roy, en la balance de deux il jugea pour celuy qui estoit extraict de noble lignage.

D' un autre costé aussi n' estans plus les Conseillers distincts par l' exterieur des habits, & chacun estant revestu d' une longue robbe, nos Roys ayant osté les elections, s' en voulurent faire accroire selon les occasions, gratifians à gens Laiz & mariez, des Conseilleries affectees aux Ecclesiastiques, vray que les provisions estoient accompagnees de dispenses, que le Parlement estoit contrainct de passer: Non toutesfois sans contraste, parce que nous trouvons registre de la Cour du vingtdeuxiesme Avril 1486. par lequel il fut arresté que nul Lay ne seroit plus receu en l' office de Clerc. Et en l' an 1490. quatriesme de Mars, Turquan receu en l' office de Clerc à la charge de non soy marier, & s' il faisoit le contraire, consentoit d' être privé de son estat. Le seiziesme Avril 1518. que Crespin qui avoit l' office de Clerc seroit receu comme Lay: & a commandé le Roy Edict, pour n' en recevoir plus de ceste façon, porte le registre: Finalement apres la prise du Roy François premier, l' an 1523. aux instructions de la Cour envoyees à Madame la Regente sa mere, le dixiesme Avril sur la reformation de l' Estat, entre autres articles estoit cestuy-cy. Que l' on ne baillast plus les offices de Clercs à gens Laiz. Ce nonobstant la desbauche s' y estoit avec le temps de telle façon plantee, que c' estoit une vraye meslange des uns & des autres par les dispenses que l' on y avoit apportees du temps des Roys François premier, & Henry deuxiesme, jusqu' à ce que par l' introduction du Semestre en l' an 1553. estans les Juges redoublez, ce nouvel desordre & confusion reduisit les choses à leur ancien ordre. Parce que les Laiz qui auparavant avoient des offices de Clercs prindrent des offices de Laiz nouvellement creez, laissans les leurs aux gens d' Eglise, qui voudroient avoir entree en la Cour, & depuis la reünion des deux Semestres, les choses demourerent long temps en ce mesme estat.

Puis que je me suis estendu si avant en la distinction des Conseillers Clercs & Laiz, je ne veux obmettre de parler d' une troisiesme espece, je veux dire de ceux qui ont seance au Parlement, & non voix deliberative. Ce sont les Archevesques & Evesques: chose qui a pris diverses faces, selon la diversité du temps. Le Parlement Ambulatoire, comme j' ay dit, estoit composé au dessous des Pairs, de plusieurs Prelats, Ducs, Comtes, & Barons: Ny pour cela il ne faut pas estimer que sous la troisiesme lignee de nos Roys, la porte fust ouverte à tous Archevesques, Evesques & Abbez, ains à ceux qui estoient specialement reservez. Il se trouve un vieux registre de l' an 1289. par lequel il est deffendu à Philipot le Commun, & Jean Autre, portiers du Parlement, de ne laisser entrer nully des Prelats en la Chambre sans le commandement des Maistres. Et depuis par ordonnance de Philippe le Long, la porte leur fut tout à fait fermee, comme j' ay deduit cy dessus. Au reglement qui fut fait par Charles V. lors Regent en l' an 1359. apres avoir limité le nombre des Conseillers du Parlement à trente qui prendroient gages, ne voulant qu' il y en eust davantage, il excepte puis apres les Prelats, Princes & Barons, dont il y en avroit tant qu' il luy plairoit. D' autant qu' ils ne prenoient nuls gages, & ne chargeoient les finances du Roy. Reserve qui leur ouvrit puis apres le pas, de telle façon que les Abbez mesmes y eurent entree jusques en l' an 1401. que par arrest du 29. Avril il leur fut deffendu de seoir de là en avant avecques les Maistres. Et depuis l' Abbé de Clugny ayant presenté sa requeste pour y avoir seance, par arrest du penultiesme Janvier 1482. elle luy fut enterinee, pour ceste fois tant seulement en consideration du grand lieu dont il estoit extrait, joinct qu' il estoit chef d' Ordre. Et le mesme an fut par privilege special permis à l' Archevesque de Narbonne d' avoir voix deliberative. Ainsi que nous voyons aujourd'huy les choses être reglees, tous Archevesques & Evesques y ont seance, & non opinion, fors les six Pairs Ecclesiastics, l' Evesque de Paris, & Abbé de S. Denis. Privilege qui luy avoit esté aussi particulierement accordé par Philippe le Long, lors qu' il ferma la porte à tous autres Prelats. Cela sera par moy dit en passant, comme estant une piece que je ne pouvois oublier sans faire tort à ceste histoire.

Je vien maintenant à la Chambre des Requestes du Palais, à laquelle (apres avoir discovru tant de la Chambre du Parlement, que de celle des Enquestes) je veux donner plus de façon: d' autant qu' outre ceste-cy, il y a encore la Chambre des Requestes de l' Hostel du Roy. Le Sire de Joinville dit que S. Louys son maistre, avoit acoustumé de l' envoyer avecq' les sieurs de Nesle & de Soissons, aux plaicts de la porte, & s' il y avoit quelque chose qu' ils ne peussent bonnement vuider, ils luy en faisoient le rapport, & lors envoyoit querir les parties, & jugeoit leur cause. Auparavant que le Parlement fut fait sedentaire, je trouve un roolle des Officiers de la maison du Roy, au bout duquel sont ces mots. Monsieur Pierre de Sargiues ( : Sargives), Gilles de Compieigne, Jean Mailliere. Ces trois orront les plaicts de la porte, & aura Gilles de Compieigne autant que Monsieur Pierre de Sargives, & mangera avecques le Chambellan. De ma part je ne fais aucune doute, que ces Seigneurs estoient ceux que depuis nous avons appellez Maistres de Requestes: & les plaicts de la porte, les plainctes & requestes que l' on presentoit au Roy, dont la cognoissance leur estoit commise. Depuis que le Parlement fut fait resseant, il y en eut six, trois Clercs, & trois Laiz. 

La charge desquels estoit d' être ordinairement par quartier en Cour, & le demourant de l' annee au Parlement ou autres lieux, comme il leur plaisoit, & estoient de telle auctorité qu' à la suitte du Roy, ils secondoient le Chancelier, comme aussi au Parlement, ils presseoient tous les autres Conseillers au dessous des Presidens. En l' escrouë du Parlement tenu sous Louys Hutin, on insere premierement les Conseillers du Conseil estroict, & au dessous on baille son lieu particulier au Chancelier, & apres luy aux six maistres des Requestes, contenant l' intitulation de l' article ces mots: Clercs Suivants & Laiz, maistre Michel Mauconduit, maistre Pierre Bertrand, maistre Pierre de Chappes, messire Jean Darrablay, messire Ferry de Villepestre, messire Jean de Courtier, desquels y aura tousjours à Cour j. Clerc & j. Lay. Liquel prendront à Cour en la maniere accoustumee au temps du Roy le pere, & li autre se il vienne, ne prendront riens se il ne sont mandé. Lors que l' on vient au denombrement des Seigneurs du Parlement, apres avoir mis le Chancelier devant tous les Conseillers Clercs, comme chef, on met immediatement apres luy les trois Maistres des Requestes Clercs, cy dessus nommez, & les trois autres Maistres des Requestes Laiz dessus tous les Conseillers Laiz. Ces Seigneurs estoient quelquesfois appellez Suivants, mais d' ordinaire Poursuivants, non pour les villipender, ains par un tiltre special d' honneur. Parce que leurs charges entre toutes les autres estoient necessairement affectees à la suitte du Roy, pour recevoir les requestes qui luy estoient faites. Qui fut cause que depuis oubliant le premier tiltre, on les nomma Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. Et parce qu' en ce subjet ils se dispensoient quelquesfois trop legerement, jugeans fort souvent des Requestes au prejudice des parties, qui gisoient en plus grande cognoissance de cause, leur fut enjoinct que de toutes les requestes de Justice que l' on leur presenteroit ils seroient tenus de les renvoyer chacune en leur chacune: c' estoit de faire seeller lettres qui seroient adressees aux Juges ausquels devoit appartenir la cognoissance de telles matieres, & non de les decider. Or tout ainsi qu' en matiere de medailles les antiques sont de plus grande recommandation que les modernes, aussi vous veux-je icy representer l' ancienne ordonnance de Philippe le Long. Non vrayement au mesme langage qu' elle fut faite: car le malheur du temps a voulu, qu' en ceste-cy & plusieurs autres par moy alleguees on ait changé le langage, selon le temps qu' elles estoient copiees. Qui est cause que je suis contraint de les vous debiter telles que je les ay trouvees. 

Philippe par la grace de Dieu Roy de France & de Navarre, faisons sçavoir à tous, nous avoir fait extraire de nos Ordonnances faites par nostre grand Conseil, les articles cy apres escrits, lesquels nous voulons être tenus & gardez fermement sans corrompre par nos Poursuivants. 

Premierement avons ordené que deux de ceux des Requestes seront continuellement avec nous suivans la Cour, & non plus, j. Clerc, & j. Lay, lesquels seront tenus de seoir chacun jour à heures accoustumees en leur commun pour ouïr les requestes que faites leurs seront, & ne passeront ne soufferront passer aucunes lettres contraires à nos ordonnances. 

Les dits Poursuivants ne deliu * ne passeront nulles requestes qui touchent nostre Parlement, Chambre des Comptes, ou nostre Tresor, ainçois iceux requereurs renvoyeront aux lieux là où il appartiendra chacun endroit soy. 

Et pource que moult de requestes ont esté souvent faites à nos predecesseurs & à nous, qui passees ont esté frauduleusement sous umbre d' aucune couleur de raison, lesquelles se discutees eussent esté pardevant ceux qui sont instruits & ont cognoissance des besongnes, n' eussent pas esté passees: comme de moult de gens, qui requierent recompensation de services, restitution de dommages, graces de dire contre les arrests donnez en nostre Parlement, & plusieurs autres choses semblables, où moult de fraudes & deceptions ont esté faites au temps passé. De toutes icelles requestes nous doivent les Poursuivants qui avec nous seront, adviser, afin qu' elles ne passent & qu' elles soient envoyees aux lieux où il appartiendra. 

Nous avons ordené pour tousjours avoir plaine cognoissance des choses qui se feront pardevers nous, qu' un livre soit fait que l' on appellera Journal, auquel on escrira continuellement ce que fait aura esté en nostre Conseil estroit, dont memoire soit à faire. Et à celuy livre faire & garder nous avons ordené maistre Pierre Baux nostre Clerc: Auquel il sera dit & devisié par ceux qui seront presens de nostre estroit Conseil, ou par l' un des Poursuivants si appellé estoit, au cas que les autres fussent absents chacun jour, ce qui fait aura esté en nostre dit Conseil, dont mention soit faire. Et y seront mis expressemment les noms de ceux qui avront esté aux besongnes Conseillers. 

Et peu apres: C' est ce que les Notaires nous poursuivans doivent faire & garder sur les choses qui s' ensuivent.

Item que les dits Notaires ne porteront nulles lettres pour porter seeller, avant qu' elles ayent esté releuës à ceux qui les avront commandees, & ce mesmes doivent faire tous les autres Notaires, combien qu' ils ne poursuivent la Cour. Et toutes ces choses doit chacun des dits Poursuivants & Notaires tenir & garder fermement sans corrompre, & si aucun cas venoit qu' ils ne peussent esclaircir par les articles dessusdicts, voulons pour eux acertener sur ce, qu' ils ayent recours à nostre Chambre des Comptes, où nous avons fait registrer nosdites ordonances, & bailler en garde.

Ce mot de pour joinct avecq' une autre parole emporte quelque emphase grande, comme nous voyons en ces mots, pour-parler, pour-penser, pour-chasser.

Au demourant de ces deux pieces: je veux dire du denombrement de Louys Hutin, par moy n' agueres touché, & de la presente ordonnance, vous pouvez presque recueillir dont viennent leurs charges & fonctions. Car ces Seigneurs estans necessitez d' être à la suitte du Roy pres du Chancelier, ils furent faicts ses commensaux, voire que pension luy fut assignee pour les recevoir à sa table: aussi estoient-ils comme ses Lieutenans pour le seau: & de là est venu que les principales lettres Royaux doivent être signees en queuë par l' un d' eux. De là qu' ils president au petit seau estably pres des Parlements, comme representans la personne du Chancelier absent, & neantmoins leur presence & authorité n' y est pas requise pour faire que les lettres portent effect de sentence, mais pour ne permettre qu' elles soient seellees, si par le narré d' icelles on voit qu' elles contreviennent aux Ordonnances Royaux, & pour le surplus renvoyer l' adresse des lettres pour être jugees par les Juges selon l' exigence des cas. De là, que tout ainsi que dés le temps de Philippe le Long ils secondoient les Conseillers du grand Conseil qui estoit pres du Roy, comme vous voyez de ceste ordonnance: Aussi voyezvous qu' ils font le semblable au Conseil d' Estat qui est aujourd'huy pres du Roy. Et de cela mesmes advint que le grand Conseil ayant pris nouvelle forme, ils y tindrent les premiers lieux. Et pour achever par où je devois commencer de l' ordre qui fut tenu dés le temps mesmes de Louys Hutin vient qu' ils siegent au Parlement devant tous les autres Conseillers. Chose qui apporta autresfois une dispute qui est encores indecise. Car comme ainsi fut qu' à l' ouverture du Parlement de la S. Martin l' an 1407. ne se trouvast aucun President pour recevoir les serments des Advocats & Procureurs, qui apporta un merveilleux scandale à la compagnie, les Maistres des Requestes, & les Conseillers entrerent lors en contention à qui appartenoit ce premier lieu: ceux-là soustenans que tout ainsi qu' ils estoient les premiers en seance, aussi la presseance leur devoit appartenir. Et ceux-cy que residens perpetuellement au Parlement, le plus ancien de leur college devoit estre preferé aux autres. Surquoy chacun ne voulant rien rabattre de son opinion, on deputa quelques Seigneurs de la Cour pardevers le Roy & son Conseil, pour definir ce different. Toutesfois sans approfondir l' affaire, on trouva cest expedient, de decerner lettres par lesquelles du Drac President aux Requestes fut commis pour presider. Depuis en l' absence des Presidens & des Maistres des Requestes, j' ay veu sans controverse le plus ancien des Conseillers Laiz presider & prononcer les Arrests en l' Audience, sans que les Conseillers Clercs ayent revoqué ceste puissance en doute. Mais pour ne me detraquer de mon chemin, & n' oublier rien de ce qui concerne l' authorité des Maistres des Requestes, ils eurent cognoissance & jurisdiction contentieuse en deux poincts, l' un quand le tiltre d' un office Royal estoit contentieux entre deux parties, l' autre quand on poursuivoit en action pure personnelle un officier domestique du Roy qui estoit à la suitte de sa Cour. Nous apprenons cela d' une ordonnance de Philippe de Valois de l' an 1344. 

Et de ces deux est fort aisé d' en rendre raison: car pour le regard des offices il failloit necessairement que les parties eussent recours au Roy pour les en avoir pourveuz: Lequel s' en reposoit sur les Maistres des Requestes: comme aussi la faveur de ses domestiques meritoit bien qu' ils ne fussent distraicts pour causes legeres du service qu' ils devoient rendre à leur maistre: Partant fut la cognoissance de telles affaires commise pareillement aux Maistres des Requestes. Entre les ordonnances du Roy Jean est ceste-cy du 28. Decembre 1359. par laquelle il veut que toutes jurisdictions soient delaissees aux Juges ordinaires, sans que les subjects puissent être travaillez ailleurs, excepté seulement que les Maistres des Requestes de son Hostel avroient la cognoissance des offices, & aussi des Officiers de son Hostel en actions pures personnelles, en deffendant & non en demandant. Au demourant ils furent du commencement trois, puis six, & estans creuz en nombre plus grand, Philippe de Valois par son Edict du huictiesme Avril 1342. declara qu' il ne pourvoiroit plus à nul de ces offices qu' ils ne fussent reduicts au nombre ancien de six. Du temps de Charles VIII. ils estoient huict, quatre Clercs, & quatre Laiz. Nombre qui avoit esté continué jusques au Roy François I. sous lequel commença le desordre. Vray que de fois à autres on en creoit des extraordinaires: qui estoit cause que les autres s' intituloient Maistres ordinaires, pour ne laisser enjamber sur leur authorité ancienne. 

J' ay voulu de propos deliberé premierement discovrir des Maistres des Requestes de l' Hostel, parce que la Chambre des Requestes du Palais n' est qu' une image de ces premiers, & à vray dire a emprunté d' eux la jurisdiction qu' elle exerce pour le jourd'huy. Car quelle rencontre & communauté a l' exercice de leur jurisdiction avecques le mot de Requestes, qui est leur principale qualité? Or pour entendre cecy de fonds en comble, faut noter qu' aux Parlements qui furent tenus dans Paris sous Philippe le Bel, & Louis Hutin, je ne voy être faite aucune mention d' une Chambre des Requestes: car lors les requestes estoient responduës par les Conseillers du Parlement & des Enquestes. Et tout ainsi qu' à la suitte du Roy il y avoit les Maistres des Requestes de son Hostel, qui estoient destinez pour juger les Requestes qui luy estoient presentees, sinon les remettre à sa cognoissance si elles estoient de trop grand poids, aussi voulut-on introduire semblable ordre pour les Requestes qui seroient presentees au Parlement. C' est pourquoy sous le Roy Philippe le Long, outre les deux Chambres, du Parlement, & des Enquestes, on y en crea une troisiesme, qui fut celle des Requestes. Enquoy l' on suivit presque la mesme forme, que celle que l' on observoit pres du Roy: Parce que comme du commencement on appelloit telles Requestes les plaicts de la porte du Roy, aussi mit-on la Chambre des Requestes hors l' enclos des deux autres Chambres, comme celle qui estoit introduitte pour juger les plaicts de la porte du Parlement, qui estoient les requestes que l' on luy presentoit. Et où ils y trouveroient de l' obscurité ils devoient en communiquer aux Maistres du Parlement. Du commencement on y mit quatre Conseillers, deux Clercs & deux Laiz, en apres cinq, trois Clercs, & deux Laiz, & finalement huict, conformemment aux huict Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. La plus ancienne Ordonnance qui en parle est celle de Philippe le Long, de l' an 1320. par moy cy dessus touchee, dont je transcriray les articles. 

Avons ordené & ordenons sur l' Estat de nos Requestes en tel maniere: C' est à sçavoir qu' il y aura trois Clercs & deux Laiz: lesquels venrront le matin à l' heure que ceux du Parlement, & demourront jusques à midy, s' il en est mestier, & orront continuellement & par bonne deliberation lesdites (les dites) requestes. 

Si aucune requeste estoit baillee à ceux des Requestes, laquelle ils ne peussent pas bonnement depescher, ils en parleront aux gens de nostre Parlement quand midy sera sonné, & si la requeste estoit si pesante qu' il en convenist avoir greigneur deliberation, en parleront quand l' en sera aux Arrest (c' estoit les jours des Jeudy, ainsi qu' il a esté dit cy dessus) & le diront à celuy à qui ladite (la dite) requeste touchera, afin qu' il sçache qu' on ne le face pas attendre sans cause. 

Ceux des Requestes n' entreront en la Chambre du Parlement, fors pour les cas dessusdits, se ils n' y sont mandez, ou se ils n' y ont affaire pour leurs propres besongnes, ou pour leurs amis especiaux: & en ce cas si tost comme ils avront parlé, ils s' en istront, & iront faire leurs offices. 

Ceste Ordonnance nous enseigne que lors ces Messieurs representoient les Conseillers qui jugent aujourd'huy les instances à la barre. Les grands empeschemens des Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy, qui estoient à la suitte du grand seau, furent cause qu' au long aller les causes des domestiques de la maison du Roy qui estoient pendantes devant eux, furent renvoyees aux gens tenans les Requestes du Palais. 

Il y avoit entre eux symbolization de noms, & de charges sous diverses rencontres. Ceux qui estoient pres du Roy estoient dicts Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. Les autres Maistres des Requestes du Palais. Ceux-là avoient cognoissance des requestes presentees au Roy. Ceux-cy de celles qui estoient presentees au Parlement. En ceste rencontre de noms & de functions, il fut aussi aisé de faire changer de main aux procedures que l' on faisoit de la suitte de la Cour du Roy. Les officiers domestiques du Roy pensans avoir plus prompte expedition aux Requestes du Palais, obtindrent commissions, pour intenter leurs causes personnelles, mais tant en demandant que deffendant, comme aussi d' y faire renvoyer celles qui estoient intentees pardevant les Maistres des Requestes de l' Hostel. Ces commissions furent dés leur primitive origine appellees Committimus. Des personnelles on creut avecques le temps le privilege, & l' estendit-on aux possessoires, & encores aux mixtes, c' est à dire à celles qui tiennent de la personalité & realité ensemble, comme sont les instances de partages, rescisions, retraicts lignagers, & feudaux. Voire voulut on que ces Seigneurs eussent cognoissance du merite du Committimus, privativement de tous autres Juges: Je veux dire que si une cause estoit renvoyee pardevant eux en vertu d' un Committimus, tout autre Juge eust soudain les mains liees, & leur renvoyast la cause, sauf à eux d' examiner si elles estoient de leur cognoissance. Chose que je voy avoir esté ainsi jugee par Arrest dés le 8. Juillet, 1367. Auquel temps les Committimus commençoient seulement de poindre. Cela se faisoit pour-autant que ces Comissaires à cause de leurs Conseilleries faisoient part & portion de la Cour. Et comme ainsi fust que les Maistres des Requestes de l' Hostel s' en voulussent faire croire au prejudice des autres, ne pouvans bonnement endurer que leur jurisdiction fut en ceste façon divisee, le Roy Charles VII. en l' an 1453. evoqua aux requestes du Palais toutes les causes de la nature que dessus, qui estoient pendantes & indecises devant les Maistres des Requestes de l' Hostel. Et le 5. Juillet en l' an 1452. avoit esté faite la publication de l' auditoire des Requestes du Palais par le President Thiboult, & l' Evesque de Paris.

Deslors on reprit la premiere & plus ancienne discipline du Parlement: parce que les Conseillers de la grand Chambre & des Enquestes commencerent de cognoistre des Requestes qui leurs estoient presentees: & à ceste fin avoient accoustumé de se presenter en la grand salle du Palais pres la porte de la grand Chambre, appuyez sur une grand barre que l' on voit encores à l' entrée à la muraille, & qui se peut oster quand on veut. Et combien que l' usage de ceste barre soit perdu, tant y a que de là vient que nous appellons toutes instances qui sont entees sur des Requestes, instances pendantes à la barre.

Cela soit par moy touché en passant, mais pour revenir à la Chambre des Requestes du Palais, n' y ayans du commencement que les Officiers de la maison du Roy qui peussent iouyr du Committimus, chacun vouloit emprunter ce tiltre sous faux gages. Qui fut cause que Charles VI. sous lequel les Committimus commencerent d' entrer en plus grand credit qu' auparavant, par son Ordonnance de l' an 1386. voulut que nul ne peut iouyr de ce benefice, s' il ne iouyssoit actuellement des gages. On passa puis apres plus outre parce que tous les Conseillers du Parlement & des Enquestes voulurent avoir ce privilege, ensemble les Greffiers, Notaires & Secretaires de la Cour, mesmes il fut dit par Arrest du 14. Decembre, 1408. que quatre Clercs du Greffe Civil, deux du Criminel, & un des presentations, avroient leurs causes commises aux Requestes du Palais. Les Advocats y voulurent aussi avoir part, & non sans cause: D' autant qu' en une ancienne Ordonnance inseree dans le vieux stile du Parlement, où il est parlé du serment qu' ils doivent faire à la Cour, ils sont appellez Advocats & Conseillers du Parlement : Aussi les Advocats, tant plaidants que consultants sont honorez du chaperon fourré, qui est la vraye remarque du Magistrat du Palais: Et encores on donne aux plus anciens seance sur les fleurs de Lys vis à vis des gens du Roy. Tout ainsi que les Advocats, aussi les Procureurs du Parlement se meirent de la partie. Tant de sortes de personnnes voulans avoir part à ce gasteau, cela fut cause que le Chancelier Brissonnet, sous le regne de Charles VIII. declara en plain Parlement, le 16. Fevrier 1497. qu' il ne delivreroit plus de Committimus qu' aux domestiques du Roy, & specialement qu' il n' en seelleroit plus pour les Advocats, il ne parle point des Procureurs. Qui me fait dire que lors ils ne iouissoient de ce privilege. Car il y avoit beaucoup plus de raison de le leur refuser, qu' aux Advocats. Ceste mesme querelle a depuis esté soustenuë, tant par le Chancelier Olivier, que de l' Hospital, mais ils ne l' ont peu gagner. Par l' Edict de Moulins de l' an 1566. est fait un article expres de ceux qui pouvoient iouyr du Committimus, où sont compris les principaux Officiers de la Couronne, les Conseillers du Conseil Privé, les Maistres des Requestes de l' Hostel, Notaires & Secretaires du Roy, les Officiers domestiques couchez en l' Estat du Roy, & de la Royne sa mere, ses freres, sœurs, oncles, tantes, enfans de France. Douze des plus anciens Advocats du Parlement, & autant des Procureurs. Les Chapitres & communautez des Eglises qui de ce avoient privilege pour les affaires de leurs Eglises. Il ne parle point des Conseillers du Parlement, & autres qui en dependent. Mais il n' estoit besoin de les y comprendre, comme chose assez entenduë, puis que quelques Advocats & Procureurs y estoient compris, & neantmoins encores n' a cest article sorty son effect, parce que sans acception de personnes quiconque est Advocat ou Procureur au Parlement, il iouit de ce benefice, je dirois volontiers malefice, pour être une grande pitié de distraire un pauvre homme de sa jurisdiction ordinaire, quelquesfois de cent & de six vingt lieuës. Nos ancestres aux causes legeres, comme simples personnelles, mesmes en deffendant seulement, voulurent que les domestiques du Roy, procedassent devant les Maistres des Requestes de l' Hostel, à la suitte de la Cour, pour n' être destournez du service qu' ils devoient au Roy. D' avoir depuis sur ces personnelles enté les actions possessoires & mixtes, tant en demandant que deffendant, & sur ce pied permettre à un officier domestique de quitter sa jurisdiction ordinaire, & choisir celle des Requestes du Palais, afin d' affliger sa partie adverse, paravanture est-ce une chose qui meriteroit reformation, si nostre France en estoit capable : Cela aucunement recogneu, par l' Edict du mois de Janvier 1560. sur la doleance des Estats tenus à Orleans, furent tous sieges des Requestes supprimez, establis és autres Parlements, fors celuy du Parlement de Paris. Ordonnance qui ne sortit jamais effect, au contraire on les a depuis augmentez, ainsi que les occasions s' y sont presentees, mesmes en l' an 1580. Henry III. fit une seconde chambre des Requestes au Parlement de Paris.

Or au paravant que le Parlement fut continuel, il ne faut point faire de doute que Messieurs des Enquestes & Requestes ne tenoient tel rang que Messieurs de la grand Chambre. Les adresses des lettres se faisoient aux gens qui tiennent ou tiendront nostre Parlement, Enquestes & Requestes, coome si ces derniers fussent separez du Parlement. Il n' est pas que l' on ne trouve plusieurs lettres, esquelles apres les gens du Parlement on met immediatement les gens tenans les Comptes, puis les Enquestes & Requestes. Et combien que le Parlement fait continuel, ait osté ceste difference, & que sous le nom de la Cour de Parlement, on compreigne la grand Chambre, avecq' les Chambres des Enquestes & Requestes: si est-ce que la grand Chambre a tousjours eu de grandes prerogatives sur les autres. Un procés ayant esté conclud & arresté en l' une des Chambres des Enquestes, entre le Mareschal de Rieux, & les marchands frequentans la riviere de Loire, les Presidents y trouvans quelque chose à redire, ils en firent plainte à la grand Chambre, laquelle par son Arrest du 7. Janvier 1409. ordonna que le procés seroit reveu avecq' les Conseillers qui l' avoient jugé: & depuis par autre Arrest du 4. Decembre, 1411. fut trouvé que les Enquestes avoient bien jugé. Ils ne pouvoient mettre les appellations au neant, qui est une moyenne voye entre le bien & mal jugé. Cela leur fut permis le 8. Janvier 1422. Et par Arrest du 5. Janvier 1505. il fut ordonné que quand les Presidents de l' une des Chambres des Enquestes seroit absent, il ne seroit permis aux autres d' y presider, ains appartenoit à la grand Chambre d' y commettre celuy qu' elle voudroit. L' authorité de ceste grand Chambre est telle qu' il n' y a celuy des Enquestes qui avecques le temps n' espere & ne desire y avoir seance, comme derniere ressource de ses pensemens. Et y a une histoire fort notable d' un different qui se presenta le 29. May 1422. entre Maistre Jacques Brulard, President aux Enquestes, & maistre Guillaume Guy Conseiller, à qui avroit le devant de l' autre pour cest effect, Guy combattant l' autre de l' ancienneté de sa reception, qui estoit de dix ans entiers, & Brulard de sa qualité de President. Surquoy les Chambres assemblees fut dit & ordonné que Brulard seroit preferé à l' autre : Je dy nommément les Chambres assemblees: parce qu' auparavant que le Parlement fust fait continuel, on ne sçavoit que c' estoit d' assembler les Chambres.