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jeudi 22 juin 2023

3. 31. Des Benefices que nous avons dict vacquer en Regale soubs la troisiesme lignee de nos Roys.

Des Benefices que nous avons dict vacquer en Regale soubs la troisiesme lignee de nos Roys. 

CHAPITRE XXXI

Combien que tous les Archevesques & Evesques doibuent le serment de fidelité au Roy avant qu' ils entrent en leurs charges, & qu' à faute de le faire, le Procureur general du Roy de la Chambre des Comptes puisse faire saisir leur temporel, si est-ce que tous les Archeveschez & Eveschez de la France ne sont estimez tomber en Regale, vacation d' iceux advenant: Ores que quelques uns estiment le contraire. Opinion de prime face plausible, pour favoriser les droicts du Roy, mais erronée, bien qu' elle ne soit destituee de bons parrains: Car maistre Jean le Bouteiller en sa Somme Rurale, l' estima ainsi, & de nostre temps Monsieur de Pibrac Advocat du Roy au Parlement, la voulut faire passer par Edict, mais il en fust desdict. Il ne faut riens oster à l' Eglise, pour le donner par une nouveauté à noz Roys, ny leur oster, pour le donner à l' Eglise. La plus seure guide de noz actions, est la longue ancienneté. Or que toutes Eglises Cathedrales ne tombent en Regale, nous avons plusieurs Ordonnances qui le nous enseignent. Celle de Philippes le Bel, de l' an mil trois cens deux, portant entre autres articles, cestuy: 

Item, quantùm ad Regalias, quas nos & prædecessores nostri consuevimus percipere & habere in aliquibus Ecclesiis Regni nostri, quando eas vacare contingit: Et là il enjoint aux Receveurs, qui manient le temporel pendant l' ouverture de la Regale, d' user de la couppe des Bois, & pesche des Estangs, comme bons peres de famille. Et Philippe de Valois par autre ordonnance de l' an mil trois cens trente quatre, declare qu' és Eveschez, esquelles il avoit droict de Regale, il pouvoit conferer les Benefices à simple tonsure vacquans de faict ou de droict. Charles septiesme par une autre, que je transcriray cy-apres parle des Eveschez où il avoit droict de Regale. Et Louys douziesme par Edict de l' an mil quatre cens quatre vingt dix-neuf. Nous defendons à tous noz officiers (dit-il) qu' és Archeveschez, Eveschez, Abbaïes, & autres benefices de nostre Royaume, esquels n' avons droict de Regale, ils ne se mettent dedans ny és fortes places, sinon és Benefices & fortes places qui seroient assizes és païs limitrophes de nostre Royaume. Brief qui soustient l' opinion contraire, est plustost un flateur de Cour, que Jurisconsulte François. Aussi en vain disputeroit-on les Regales au Parlement, si sans exception, tous les Archeveschez & Eveschez vacquoient en Regale. La difference qu' il y a entre l' Evesché qui tombe en Regale, & celuy qui n' y tombe point, est, qu' au premier cas, soudain que l' Evesque est decedé, le temporel du Benefice estant saisi à la requeste du Procureur general en la Chambre des Comptes, les fruicts appartiennent au Roy, & peut conferer les Benefices à simple tonsure, vacquants, jusques à ce, que la Regale soit close: Mais en l' Evesché non tombant en Regale, quelque saisie que l' on face du temporel, c' est pour conserver les fruicts au futur successeur, lesquels ne commencent de tomber en pure perte, sinon apres que l' Evesque estant entré en possession ne rend le serment de fidelité au Roy: Et au surplus, le Roy ne peut en ce cas conferer aucuns Benefices. 

Le plus ancien passage où je trouve être faicte mention de telle espece de Regales, soubz la troisiesme lignée de noz Rois, est la dispense que donna le Roy Louys le Gros à l' Archevesque de Bourdeaux & ses Evesques suffragants, & tout d' une suitte le Roy Louys le Jeune son fils. in nomine sanctae & individuæ Trinitatis: Amen. Ludovicus Dei gratia Francorum Rex tibi dilecte in Domino, Gaufride Burdegalensis Archiepiscope, cum suffraganeis Episcopis, Ramundo Agennensi, Lamberto Angolismensi, Guillelmo Xantonensi, Guillelmo Pictaviensi, Guillelmo Petragoricensi, necnon cum Abbatibus Burdegalensis Provinciae, vestrisque successoribus in perpetuum. Regiae maiestatis est, Ecclesiarum quieti, pia solicitudine providere, & ex officio suscepta à Domino potestatis, earum libertates tueri, & ab hostium seu malignantium incursibus defensare. Sic nimirum Regalis apicem dignitatis, nobis à Domino, à quo omnis potestas est, consecutos esse constabit si iuxta Evangelicam institutionem, & Apostolicae doctrinae traditionem, in sanctae Dei Ecclesiae ministerium accincti, pro eiusdem contuenda libertate, qua Christus eam liberavit, & pacis quieti operam demus. Ea propter petitionibus vestris, communicato priùs Episcoporum, Abbatum & Procerum nostrorum consilio assentiente Ludovico filio nostro, iam in Regem sublimato, duximus annuendum, & in sede Burdegalensi, & in praedictis Episcopalibus sedibus, & Abbatiis eiusdem Provinciæ, quae defuncto illustri Aquitanorum duce, Comite Pictaviensi Guillermo, per filiam ipsius Alienoram, iamdudum filio nostro Ludovico, sorte matrimonij cedit, in Episcoporum & Abbatum suorum Electionibus, canonicam omnino concedimus libertatem, absque hominij, iuramenti, seu fidei per manum datae obligatione. Porrò decedentis Archiepiscopi, & suffraganeorum ipsius Episcoporum, sive Abbatum decedentium res universas successorum usibus, Regia authoritate servari volumus, & concedendo præcipimus, illaesas. Hoc quoque adijcientes, ut omnes Ecclesiae infra denominatam Provinciam constitutae, praedia, possessiones & universa ad ipsas, iure pertinentia, secundum privilegia, iustitias & bonas consuetudines suas, habeant & possideant illibata. Quinimò Ecclesiis ipsis universis & earum ministris, cum possessionibus suis, Canonicam in omnibus concedimus libertatem. Quod ut perpetuæ stabilitatis obtineat munimentum, scripto commendari, & sigilli nostri autoritate, & nominis nostri charactere corroborari præcipimus. Actum Parisiis in Palatio nostro publicè, anno incarnationis Verbi M. CXXXVII. Regni nostri XXVII. Ludovico filio nostro in Regem sublimato, anno IIII. In praesentia Gaufridi venerabilis Carnotensis Episcopi, & Apostolicae sedis Legati, Stephani Parisiensis Episcopi, Augerij Abbatis Beati Dionysij, Girardi Abbatis Iosephati, Algrini à secretis nostris. Astantibus in Palatio nostro, quorum nomina subtitulata sunt & signa. Signum Radulphi Viromanduorum Comitis, & dapiferi nostri, Signum Guillermi Buticularij, S. Hugonis Camerarij, S. Hugonis Constabularij. Data per manum Stephani Cancellarij. 

Remise qui feut confirmee, voire transcripte mot pour mot par le Roy Louys le Jeune, dont le commencement estoit tel.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis: Amen. Ego Ludovicus Iunior, Magni Ludovici filius, Dei gratia Rex Francorum & Dux Aquitanorum, Tibi dilecte in Domino Gaufride &c. Et la fin de ce tiltre. Actum Burdegali, in Palatio nostro publicè, anno incarnati Verbi M.C.XXXVII. Regni nostri IIII. In praesentia Gaufridi Burdegalensis Archiepiscopi, Heliae Aurelianensis Episcopi, Raimundi Agennensis Episcopi, Lamberti Angolismensis, & Guillermi Xantonensis Episcoporum: Augerij Abbatis sancti Dionysij, adstantibus in Palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt & signa. 

S. Radulphi Viromanduorum Comitis & dapiferi nostri, Signum Guillermi Buticularij, S. Hugonis Constabularij. Data per manum Stephani Cancellarij.

Octrois que je penserois avoir esté faicts en un mesme jour par le pere & le fils, n' estoit que je voy l' un fait dans Paris, & l' autre dans la ville de Bourdeaux, Siege, comme il est vray semblable, de Louys le Jeune, qui avoit espousé l' heritiere de la maison d' Aquitaine. Joinct qu' il y a plus d' Evesques presents au dernier qu' au premier. Et combien que ce soient les deux tiltres les plus anciens, si recueille-je d' eux une plus longue ancienneté: car je me persuade que les Ducs d' Aquitaine pendant leur souveraineté, iouïssoient des droicts de Regales en & au dedans leurs destroicts, & que ce Duché estant de nouveau reuny à la Couronne par le mariage de Louys le Jeune: ces deux Roys, pour rendre leurs Evesques plus enclins & devots à leur obeyssance, exercerent envers eux ceste nouvelle liberalité. Ce n' est pas ce pays seul où les Ducs feirent le semblable: car par le traicté qui feut faict entre le Roy S. Louys, & Pierre Mauclerc Duc de Bretaigne, les collations des Benefices en Regale feurent reservees à ce Duc dedans son Duché. Et passeray encores plus outre pour la Normandie: Car quand je voy que tout ce pays-là est subject à la Regale sans exception & reserve d' aucun Evesché, il me semble voir les Ducs en iouïr, & que par la reünion du Duché à nostre Couronne, noz Roys continuerent ceste mesme possession.

J' adjousterois volontiers que non seulement quelques Eveschez, mais aussi quelques Abbaïes estoient tenuës en Regale. Parce que le mesme privilege que ces Princes donnent aux Evesques, est pareillement estendu dessus les Abbez. Et depuis Pilippes (Philippes) Auguste fils de Louys le Jeune voulant sortir de la France pour s' acheminer au voyage d' outremer, baillant toute charge & intendance à la Royne sa femme & à l' Archevesque de Rheims son oncle, entre autres prerogatives, leur donna ceste-cy par expres: Si verò contigerit sedem Episcopalem vel Abbatiam in Regalia vacare, &c. Toutesfois la memoire, pour le regard des Abbaïes, s' en est effacee avec le temps.

Entre les tresors des anciennetez de la France, je n' en trouve point de plus riche que les memoriaux de nostre Chambre des Comptes, & specialement pour la matiere des Regales. C' est pourquoy outre les deux passages precedents, je vous veux encores estaler ce que j' en ay peu recueillir, & tenir d' eux en foy & hommage la plus grande partie de ce chapitre. Quel est l' usage de la Regale, comme elle s' ouvre & se ferme, de quelle façon il y faut proceder, vous le trouverez au Memorial cotté C, en ces mots Latins grossement couchez, & toutesfois je les vous representeray tels qu' ils sont: Je desire qu' il y ait moins de mignardise en ce que j' escris au present chapitre, & plus de respect pour vous representer au naïf, en subject de si haute estoffe, la venerable ancieneté. Dum Episcopus alicuius Episcopatus ubi Dominus Rex habet Regaliam, ab humanis decedit, immediatè per obitum ipsius, est Regalia in dicto Episcopatu aperta, & succedit Rex loco boni & legitimi administratoris, in omni temporalitate dicti Episcopatus, confertque beneficia non curata, & hoc durante tempore ipsius Regaliae. Quæ quidem Regalia debet vigere & habere locum in dicto Episcopatu donec & quousque futurus successor Episcopus legitimè intrans, suum debitum fidelitatis iuramentum, dicto Domino nostro Regi, prout tenetur, fecerit, Quodque literae Regiae attestantes dictum iuramentum sic fuisse factum, præsentatae, registratae, & expeditae fuerint in Camera Compotorum (: Computorum: Comptes: -p: Comtes). Et quod Receptor seu Commissus ad ipsius Regaliae receptum receperit mandatum à dicta Camera emanatum, per quod ei mandatur, ut levet manum Regis, & permittat dictum Episcopum, uti & gaudere, ponendo ipsam temporalitatem ad plenam deliberatiam: nec ante receptionem huiusmodi mandati à dicto Receptore seu Commisso reputatur dicta Regalia clausa: Sed usque ad diem ipsius receptionis tenetur reddere compotum & rationem de fructibus huiusmodi temporalitatis, & confert Rex beneficia non curata tanquam in Regalia vacantia. Et hoc de iure & consuetudine Regis & suae Coronae. 

Il parle seulement de l' Eglise vacante par mort, comme estant la plus signalee vacation. Non que pour cela il entende forclorre les autres qui adviennent par resignations, forfaictures, promotions d' un Evesché à autre, dont nous voyons diverses instructions dans les mesmes Registres. Au demourant, par les instructions portees par l' article cy-dessus recité, nous sommes enseignez que le Roy iouyst du temporel, & confere les benefices qui n' ont charges d' ames: & que ceste Regale dure jusques à ce que le futur successeur ait fait le serment de fidelité au Roy. Collation de benefices qui semble être aucunement contraire à nostre droict Canon, & neantmoins tant favorisee en ceste France, que si le Roy faict ceste grace à un Prelat de le recevoir à foy & hommage par Procureur, il entend par ceste reception luy donner pleine mainlevee de son temporel, mais non de la collation des (be-fices) benefices, ainsi que nous apprenons de l' Ordonnance de Charles VII.

Charles par la grace de Dieu Roy de France. A noz amez & feaux Conseillers les gens tenants & qui tiendront nostre Parlement à Paris, les Maistres des Requestes de nostre Hostel, aux Prevost de Paris, Baillis de Vermandois & d' Amiens, & à tous noz autres Officiers & Justiciers, salut & dilection. Il est venu à nostre cognoissance qu' à l' occasion de ce que nous octroyames à feu le Cardinal Evesque de Teroüenne, qu' il nous peut faire le serment de feauté du dict Evesché de Teroüenne par Procureur. Ce qu' il feit, & parce moyen luy deliurasmes les fruicts & revenu de la temporalité d' iceluy Evesché que paravant tenions en nostre main à cause & par le moyen de nostre droict de Regale, le dit feu Cardinal ou ses Vicaires souz couleur & au moyen de la dicte deliurance par nous à luy faicte des dicts fruicts (combien qu' il ne nous eust faict le serment en presence) eust donné & conferé plusieurs prebendes & autres benefices vacants à la collation du dict Evesque depuis la reception du dict serment de feauté par Procureur & la deliurance des dicts fruicts: Et pareillement les avons donnez & conferez à autres par le moyen de nostre dict droict de Regale. Sur quoy se sont meuz & assiz plusieurs procés pardevant vous avec ceux qui ont eu collation du dit Cardinal & de ses Vicaires: Et à ceste occasion sont plusieurs des dictes prebendes & autres benefices contentieux en grande involution de procés, au grand prejudice & detriment de la dicte Eglise & du service divin. Et pource que voulons & desirons pourvoir à la confusion & detriment des dicts benefices, & multiplication des dicts procés, & aussi pourvoir à l' entretenement du dict service divin, & à la conservation de nos dicts droits de Regale, & qu' avons esté advertis & acertenez des droicts de nostre Couronne, & l' usage ancien avoir esté & être, qu' és Eveschez où avous droict de Regale, mesmement quant à la collation des Benefices, la dicte Regale demeure tousjours ouverte, jusques à ce que les nouveaux Evesques nous ayent faict en personnes les serments de feaulté, quelque serment qui nous en soit faict par Procureur, & quelque deliurance que facions des fruicts de la temporalité. Avons declaré & declarons que par la reception du serment de feauté du dict Cardinal par Procureur, & par la deliurance à luy faicte des fruicts du temporel du dict Evesché, nous n' avons entendu ne n' entendons nous être departis ne desistez de la collation des benefices du dit Evesché, comme vacants en Regale, ne la transferer au dict Cardinal: Ainçois estoit & est nostre intention de donner & conferer les dicts benefices conmme vacants en Regale, jusques à ce que le dict Cardinal nous eust faict en personne le serment de feaulté, ainsi qu' il est accoustumé de faire en tel cas. Si vous mandons & expressément enjoignons que nostre presente declaration vous entreteniez & gardiez & faictes entretenir & garder selon sa forme & teneur, sans aucunement venir au contraire: Car ainsi nous plaist-il être faict, nonobstant quelconques lettres subreptices impetrees ou à impetrer à ce contraires. Donné au Montil lez Tours le quatorziesme Fevrier mil quatre cens cinquante & un, & de nostre regne le trentiesme.

Ordonnance qu' il m' a semblé devoir icy être tout au long inseree pour être unique en son espece, que j' ay tirez du Memorial cotté L, En la marge duquel, Budé garde des Chartes du Roy, meit ces mots, Habui originale pro ponendo in thesauro Chartarum Regis. Ainsi signé, Budé. Chose que j' ay voulu remarquer pour vous monstrer combien ceste Ordonnance feut recommandee. Je vous diray maintenant en gros, quels sont les Archeveschez & Eveschez qui tombent entre nous en Regale. Dans le livre Croix, sont ces mots. Dominus Rex, prout constat per antiqua scriptae Camerae, consuevit capere Regalia cùm vacabunt in Provincijs & Diocesibus quæ sequuntur. In tota Provincia Senonensi & eius suffraganeis, excepta Diocesi Altissiodorensi in qua Decanus & Capitulum dicuntur fecisse permutationem cum Rege. In tota Provincia Rhemensi, excepta Diocesi Cameracensi. In tota Provincia Bituricensi, excepta Lemovicensi, Carnutensi, Rutenensi, Albiensi, Mimatensi.

In tota Provincia Turonensi, excepta Macloviensi, Trecorensi, Corisopisensi, Burcensi, Venetensi, Rhedonensi, Dolensi. 

In Provincia Burdigalensi solùm. Verùm de Pictaviensi computatum fuit anno 1306. sed Rex per literas totum istud præcepit restitui Episcopo. 

In tota Normania habet Regale.

In Provincia Auxitana & Arelatensi, & per consequens in tota lingua Occitana nihil habet. 

Ecclesiae cadentes in Regaliam.

Senonensis

Parisiensis

Carnotensis

Aurelianensis

Aeldensis

Trecensis

Rhemensis

Morinensis

Catalaunensis

Tornacensis

Suessionensis

Belluacensis (Bellvacensis).

Laudunensis

Ambianensis.

Noniomensis

Silvanectensis

Bituricensis

Claramontensis

Turonensis.  

Cenomanensis

Eduensis (Edvensis).

Cabilonensis.

Rhotomagensis.

Abricensis

Constantiensis

Lexoviensis

Bajocensis

Saginensis.

Ebroïcensis.

In Provincia Auxitana & Arelatensi, & per consequens in tota lingua Occitana nihil habet.



La preface de ce present placard monstre qu' il avoit esté extraict de quelques autres vieux registres de la Chambre, & à tant, qu' on y doibt adjouster plus de foy.

Par le quatriesme Article il est porté que le Roy a droict de Regale, In tota Provincia Turonensi, excepté Maclovensi, Trecorensi, Corisopitensi, Burcensi, Venetensi, Rhedonensi, Dolensi. Qui sont sept Eveschez assises au pays de Bretaigne, dependants de l' Archevesché de Tours: Et ne faut trouver estrange cela, parce que lors que cest article feut fait, noz Rois n' estoient Ducs de Bretaigne. Et neantmoins la verité est que par le traicté & accord qui feut fait entre nostre Roy S. Louys, & Pierre Maulclerc Duc de Bretagne, le droict de Regale feut par expres reservé au Duc sur les Eveschez qui estoient en & au dedans sa Province. C' est pourquoy ce Duché estant aujourd'huy uny & incorporé à la Couronne de France, ceux qui soustiennent que toutes ces Eveschez peuvent vacquer en Regale, ne sont pas destituez de raison. Tant y a que depuis quelques annees les Thresoriers & Chantres de la saincte Chappelle de Paris (selon le privilege à eux octroyé (dont je parleray en son lieu) ayants faict saisir souz le nom & authorité du Procureur general de la Chambre des Comptes de Paris, le temporel de l' Evesché de Nantes, comme estant l' Evesché tombé en Regale, Messire Louys du Bec Evesque, avroit obtenu mainlevee des gens des Comptes de Bretaigne: dont le Procureur general du Roy du Parlement de Paris avroit appellé, la cause plaidee, & appointee au Conseil, depuis par Arrest du 23. Decembre 1598. donné au rapport de Monsieur le Voix Conseiller, il fut dit qu' en faisant droict sur l' appel, il avoit esté mal, nullement, & incompetemment procedé & ordonné, bien appellé par le Procureur general, la saisie faicte de l' Ordonnance de la Chambre des Comptes de Paris, le 18. Decembre 1594. declaree bonne & valable: Ordonné que les fruicts & revenu temporel de l' Evesché de Nantes saisis seroient baillez & deliurez aux Thresorier & Chanoines de la saincte Chapelle, depuis l' ouverture de la Regale jusques à la closture deuëment faicte, ou la juste valeur & estimation d' iceux.

Cecy soit par moy remarqué en passant, mais pour reprendre les brisees de ce vieux Memorial que je vous ay voulu icy patronner, je ne veux pas dire que ce soit une leçon en tout & par tout asseuree: Car depuis la Cour de Parlement par ses Arrests y a adjousté ou diminué, selon les occurrences des procés dont elle a peu informer sa Religion. Si puis-je dire que ce memoire est comme un fanal qui apporte grande lumiere à l' obscurité qui se trouve en noz Regales. Et de faict Monsieur le President le Maistre en a faict banniere en son traicté des Regales. Or en tous les precedents Articles je n' y trouve difficulté qu' en celuy où il parle de la Province de Bourdeaux, auquel il semble n' y avoir point de sens parfaict, pour l' obscurité qui resulte de ce mot (Solùm.) Celuy qui nous redigea ce placard par escrit, voulut dire que toute la Province de Bourdeaux estoit franche de la Regale, toutesfois que l' on avoit compté pour l' Evesché de Poictiers, mais que puis apres le Roy fit rendre les deniers. Qui estoit en bon language declarer que tant l' Archevesque de Bourdeaux que ses suffragants en estoient exempts.

Et parce que au premier Article il dict que toute l' Archevesché de Sens y estoit subjecte fors & excepté l' Evesché d' Auxerre, & que le Roy en avoit faict un eschange avec le Chapitre, il s' abuse. Le Roy Philippe Auguste luy remit la Regale de sa pleine liberalité comme nous apprenons du mesme livre Croix, par moy cy-dessus allegué.

In nomine sanctae & individuae Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex: Noverint universi præsentes, pariter & futuri, quod nos intuitu pietatis & ob remedium animæ nostræ & parentum nostrorum, damus & concedimus in perpetuum Ecclesiae Altissiodorensi quicquid iuris habebamus in Regalibus Altissioderensibus, vacante sede. Itaque Decanus & Capitulum, eidem Ecclesiae custodient Regalia, sede vacante, & omnes proventus qui ex inde procedent, & Præbendas, si quas interim vacare contigerit, ad opus futuri Episcopi. Salvo Servitio nostro Equitationis exercitus & subventionis, sicut Episcopi Alissiodorenses nobis fecerunt. Quod ut perpetuum robur obtineat, sigilli nostri auctoritate, & Regij nominis Charactere inferius annotato, præsentem paginam confirmamus. Actum Parisiis, Anno Domini M.CC.VI. Regni verò nostri anno XXVII. adstantibus in Palatio quorum nomina subscripta sunt & signa, Dapifero nullo, signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, Signum Droconis Constabularij, Data vacante Cancellaria. 

Et au dessoubz est la signature du Roy Philippe par une abbreviation de son nom, telle que noz Roys souloient faire diversement, à Arras. Le mesme Roy exerça pareille liberalité envers l' Eglise de Nevers, ainsi qu' il apparoist par la Chartre portee au Memorial, cotté D.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex. Noverint universi, præsentes pariter & futuri, quod nos dilecto & fideli nostro Guillermo Niuernensi (Nivernensi) Episcopo, totum ius illud quod habebamus in Regalibus Niverrsensibus concedimus & quittamus in perpetuum ipsi & successoribus suis, & donationes etiam Praebendarum. Ita quod vacante sede nihil de mobilibus vel immobilibus per nos vel per alium capiemus in domibus Episcopi, nec in castellis & villis eiusdem, neque in hominibus Regalium, nec in rebus eorundem, neque in prædictis Regalibus aliquid prorsus retinemus, præter exercitus & procurationes, sicut nos & prædecessores nostri ea solent & debent habere. Concedimus etiam ut vacante sede eadem Regalia sint in manu Decani & Capituli Nivernensis, ut tam ea quam Praebendae & dignitates, si qua interim vaacuerint, ad opus futuri Episcopi, salvae & integrae reserventur. Quod ut perpetuae stabilitatis robur obtineat, sigilli nostri auctoritate, & Regij nostri characteris inferius annotati praesentem paginam confirmamus, Actum apud Fontem Belliaudi, Anno incarnationis Dominicae, M.CC.VIII. Adstantibus in Palatio quorum nomina supposita sunt & signa. Signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, Signum Droconis Constabularij. Data regni nostri anno XXX. vacante Cancellaria, per manus fratris Guarini. Et au dessouz est un pareil seing qu' à l' autre.

Pour le regard du second Article portant que toute l' Archevesché de Rheims estoit subjecte à la Regale fors & excepté l' Evesché de Cambray, il s' abuse. Car encores trouvons nous la remise qu' en feit le mesme Roy Philippe aux Evesques d' Arras dont la teneur estoit telle.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex. Noverint universi præsentes pariter & futuri, quod vacante quocumque modo sede Atrebatensi, medio tempore, Capitulum Atrebatense reservabit penes se ad opus Episcopi qui substituetur ibidem, omnia Regalia & omnes reditus & proventus Regalienses, & quicquid ad Episcopatum noscetur pertinere: Ita quod nec in homines Episcopi, nec in eorum res, pro aliquo quod pertineat ad Regalia, manum mittemus. Et si medio tempore aliquam Praebendam vel plures Praebendas vacare contigerit, similiter reservabuntur substituendo Episcopo conferenda postmodum cum ad electionem fuerit perventum, & Canonici praedictae Ecclesiae libere poterunt eligere non requisita à nobis, vel à successoribus nostris, licentia eligendi: sed electum suum confirmatum nobis praesentabunt, ut nobis fidelitatem faciat, sicut alij Episcopi nostri nobis facere consueverunt. Quia verò Radulphus ipsius Ecclesiae Electus, & Canonici Atrebatenses, nos humiliter rogaverunt, ut intuitu Dei expeditionem & exercitum nostrum ipsi Electo & suis successoribus quitaremus: Nos amore Dei, & ob remedium animae nostrae, ipsi Electo & suis successoribus, illud in perpetuum quitavimus & quitamus. Has autem prædictas libertates Episcopo & Ecclesiae Atrebatensi: Retenta tamen nobis procuratione nostra, quam Episcopus Atrebatensis nobis debet singulis annis, si ad illum accesserimus. Quod ut perpetuum robur obtineat, sigilli nostri munimine, Regij nominis charactere inferius annotato, praesentem paginam praecepimus roborari. Actum Parisiis, anno incarnati Verbi, millesimo ducentesimo tertio, Regni vero nostri vigesimo quinto. Adstantibus in Palatio nostro, quorum nomina supposita sunt & signa. Dapifero nullo, Signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, S. Droconis Constabularij nostri. Data vacante Cancellaria.

De vous particulariser icy tous les Arrests qui ont esté donnez en matiere de Regale, je ne me le suis proposé non plus que toutes les regles que l' on y observe. Je vous renvoye pour cest effect aux traictez de Maistre Arnoul Ruzé ja dis Conseiller en la Cour de Parlement de Paris, Philippe Probus Docteur Regent en l' Université de Bourges, Messire Gilles le Maistre, premier President, & Maistre René Chopin Advocat au mesme Parlement en son livre, De sacrâ Politiâ, & encores Maistre Loys Charondas en ses Pandectes Françoises. Je me contenteray seulement de vous inserer icy tout au long l' ordonnance de Philippes de Valois, (fondement de la maxime generale que l' on pratique en ceste matiere,) tiree du Memorial de la Chambre des Comtes, quoté B.

Philippe par la grace de Dieu, Roy de France, Sçavoir faisons à tous presens & à venir, que comme il ait esté mis en doute par aucuns, se nous avons droict, & à nous apartenit de donner les Provendes, dignitez & benefices quand ils avoient esté ou estoient trouvez non occupez, vacants, & unis de fait tant seulement ou temps de nostre Regale, és Eglises de nostre Royaume, esquelles nous avons droict de Regale, & ce ceux à qui noz predecesseurs ou nous les avons donnez, en devoient iouyr. Nous nous tenons & sommes suffisamment & deuëment informez que noz devanciers Rois de France pour cause de la Regale & de la noblesse de la Couronne de France, ont usé & accoustumé, & ont esté en possession & saisine de donner les Provendes, dignitez & benefices, quand ils ont esté trouvez en temps de Regale, vacquans de droict & de fait, ou de droit tant seulement, ou trouvez non occupez, unis & vaquants tant seulement & que nous aussi en avons usé, usons & entendons à user, comme de nostre droit Royal, toutesfois que aucun cas semblable ou quelconque cas dessusdict escherra: & donnons toute audience de plaict à tous ceux, qui à nosdits usages accoustumez par nos devanciers Rois de France, & par nous continuez, & aux droicts Royaux, qui en tel cas nous appartiennent pour cause de nostre Couronne, & aux collations par nous, noz devanciers ou successeurs faictes ou à faire és cas dessusdits ou aucuns d' iceux. Et se voudroient opposer, & que plaict au procez sur aucun des cas dessusdits quelconques soient pendants au Parlement ou devant quelconques nos Comissaires, nous les appellons & mettons du tout au nient, & defendons à nos amez & feaux les gens qui tiendront d' ores en avant noz Parlemens à Paris & aux dessusdits Commissaires, que ils de ces cas ne semblables ne teignent Cour, ne cognoissance ores ne autresfois. Et voulons & ordonnons que d' ores en avant nul pourveus des cas dessusdits, se ce n' est par vertu de provision & collation Royale qu' il ait de nos devanciers ou de nous, ou de nos successeurs Rois de France, ne soit receus à plaict, on ouys en opposition, contre ceux qui és cas dessusdits ou en aucun d' iceux sont pourveus par nos devanciers ou par nous, ou seront pourveus au temps à venir par nous ou nos successeurs Roys de France, pour quelconques lettres ou octroy, qu' il ait ou empetre de nous, se expresse mention n' est faite de mot à mot de ces presentes. Et voulons que d' ores en avant tous ceux qui en semblable cas, dessusdits & chacun d' iceux ont collation de nos devanciers ou de nous ou de nos successeurs Rois de France, soient tenus & gardez en possession & saisie, paisible des benefices à eux donnez nonobstant opposition d' autre, qui par vertu d' autre collation s' y sont opposez ou opposent à present, ou vueillent opposer au temps à venir, & ce avons nous ordonné & ordonnons de certaine science enformez de nos droicts & usage dessusdits, & mandons par la teneur de ces presentes à nos amez & feaux les gens qui tiendront nostre prochain Parlement, & les Gens de nos Comptes, que à perpetuelle memoire facent ces presentes enregistrer en nos Chambres de Parlement & des Comptes, & mettre & garder pour original au thresor de nos Chartes & de nos lettres. Et à ce que ce soit ferme & stable à tousjoursmais, nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres. Donné à Vincennes, au mois d' Octobre l' an de grace, mil trois cens trente quatre.

En suitte de (laqulle) laquelle ordonnance, le Roy Philippe donna son Arrest au bois de Vincennes le septiesme Octobre 1334. entre Maistre Loys de Melun Regaliste, le Procureur du Roy joinct avec luy, & Maistre Philippes Nicolas, pourveu par le Pape, de la Chantrie de Chartres, par lequel le benefice est adjugé au Regaliste, & veut le Roy, que son Arrest soit enregistré au Parlement, Chambre des Comptes & Thresor de ses Chartes, pour servir de guidon à la posterité. Pour conclusion de ce Chapitre, s' il vous plaist considerer tout ce qui a esté par moy cy dessus deduict, vous trouverez que trois de nos Roys du nom de Philippe, donnerent grande vogue & avancement à la Regale, Philippes second, quatriesme & sixiesme.

dimanche 6 août 2023

8. 44. Ribaux, Ribaudes, Roy des Ribaux.

Ribaux, Ribaudes, Roy des Ribaux.

CHAPITRE XLIV.

Il n' y a dignité temporelle en France, qui entre en comparaison avecques celle du Roy: & neantmoins il n' y a parole en laquelle nos devanciers se soyent tant licentieusement desbordez qu' en cette cy, en subjects, les uns plus ravalez, les autres plus relevez. Roy des Merciers, Roy des Barbiers, Roy des Poëtes, Roy des Arbalestiers, Roy d' armes, Roy des Ribaux. Je vous laisse celuy de la Bazoche qui a lieu entre les Clercs du Palais. Et seroit tresmalaisé, voire impossible de dire pourquoy on honora les superieurs de ces six ordres du nom de Roy, au desavantage de tous les autres, & plus encores de deviner en quels temps ces Royautez imaginaires feurent introduites, fors celle des Arbalestiers, en laquelle nous trouvons lettres patentes de Charles

VI. du 26. Avril 1411. portans que le Roy avoit receu la suplication des Roy, Connestable, & Maistres de la Confrairie des soixante Arbalestiers de Paris: Le Roy des Merciers avoit l' œil sur les poids, aulnes, & mesures des Marchands: Le Roy des Barbiers, sur tous les autres Barbiers, ores qu' ils fussent passez Maistres en leur mestier & pouvoient l' un & l' autre, chachun endroit soy, proceder par amendes contre ceux esquels ils trouvoient quelque defaut.

Le Roy des Poëtes estoit celuy qui és jeux floraux de nostre Poësie ancienne se trouvoit avoir mieux besongne que tous les autres fatistes, & des lors l' année ensuivant jugeoit des Poësie (Poësies) de ses compagnons, ainsi que j' ay monstré au cinquiesme Chapitre du sixiesme livre de ces miennes Recherches: Le Roy des Arbalestiers, celuy qui avoit gaigné le prix sur ses Confreres au jeu de l' Arbaleste: & à vray dire les deux premiers visoient au gain sous le pretexte de leurs visitations, & les deux derniers à l' honneur. Quant aux Roys d' armes ou des armes, c' estoient les Heraux, lesquels comme messagers de paix ou de la guerre revestus de leurs cottes de velours pers pourfilées devant & derriere des armoiries d' or de la France, pouvoient aller trouver l' ennemy avec toute asseurance de leurs personnes pour executer ce qui estoit de leur charge.

Le dernier fut le Roy des Ribaux auquel j' ay dedié ce present Chapitre. De tous les autres nous sommes asseurez quelles estoient leurs fonctions; de cettuy cy on en doubte.

Si vous parlez à du Tillet, voicy quel en feut son advis, que je vous transcriray mot pour mot du tiltre du Prevost de l' Hostel du Roy.

Es Estats des Roys Philippes nommez au Chapitre precedant est faicte mention du Roy des Ribaux officier domestique, lequel se devoit tousjours tenir hors de la porte de l' Hostel du Roy, par l' ordonnance du Roy Philippe le long faite à Lorry en Gastinois le Jeudy 17. Novembre 1317. nommant Crasse Ire qui tenoit le dit office, ainsi appellé pour ce que les mauvais garçons estoient deslors appellez Ribaux, comme les filles, ou femmes abandonnées Ribaudes. Le mot de Roy estoit appliqué au superieur ou Juge, tout ainsi qu' au grand Chambrier le Roy des Merciers, à la Bazoche leur Roy, aux Arbalestiers leur Roy, & semblables. La charge du dit Roy des Ribaux estoit de faire Justice des crimes commis à la suite du Roy hors son Hostel. De ceux faits dedans, le grand & autres Maistres du dit hostel avoient la cognoissance. Le dit Roy des Ribaux avoit Varlets, ou Archers pour la force, & execution de son office, qui ne portoient verges au dit Hostel, & estoient de la jurisdiction des Maistres des Requestes de l' Hostel, lesquels anciennement avoient leur siege à la porte du dit Hostel, pour ouïr les Requestes, & plaintes de ceux de dehors, ainsi qu' il sera plus amplement deduit en leur Chapitre. Est ce que dessus concernant les Varlets du Roy des Ribaux recité au plaidoyé de la cause de I. Iunet le 16. Mars 1404. és Arrests de la Pentecoste 1270. est escrit Poincard Prevost des Ribaux. Car longues années apres, & le 22. Fevrier 1353. au second Arrest de Jean de Beauleem, le Roy des Ribaux est nommé pour chef de l' office, qui a depuis changé de nom, & regnant Charles VI. se trouve intitulé Prevost de l' Hostel du Roy. Les filles de joye suivantes la Cour font sous sa charge, & tous les mois de May sont subjettes aller faire sa Chambre.

Tout le reste du Chapitre concerne le fait, & charge du Prevost de l' Hostel. Et vrayement cette opinion n' est pas de petit effect, tant pour estre assistée d' un tel parrein, que le parrein des Arrests par luy alleguez, que je veux croire avoir esté par luy veus, puis qu' il en a cotté les dates, & noms des parties. Vray que j' eusse desiré qu' il eust particularizé le cas de l' un des Arrests pour en estre plus esclaircy.

Si vous vous adressez au President Fauchet vous le trouverez formellement de contraire advis au Chapitre du Roy des Ribaux premier livre des dignitez, & Magistrats de la France.

Celuy (dit-il) qu' on appelloit Roy des Ribaux ne faisoit pas l' Estat du grand Prevost de l' Hostel, comme aucuns ont cuidé, ains estoit celuy qui avoit la charge de bouter hors de la maison du Roy ceux qui n' y devoient manger, ou coucher. Car au temps passé ceux qui estoient deliurez de viandes (qui est ce que depuis on a dit avoir bouche en Cour) aprés la cloche sonnée se trouvoient au tinel, ou salle commune pour manger, & les autres estoient contraints de vuider la maison, & la porte fermée, les clefs estoient apportées sur la table du grand Maistre, & parce qu' il estoit defendu à ceux qui n' avoient leurs femmes de coucher en l' Hostel du Roy, & aussi pour voir si aucuns estrangers s' estoient cachez, ou avoient amené des garces, ce Roy des Ribaux, une torche au poing alloit par tous les coings, & lieux secrets de l' Hostel chercher ces estrangers soit larrons, ou autres de la qualité susdite.

En ces mots finit l' opinion de Fauchet sans toutesfois la fortifier d' autre authorité que de la sienne, luy qui d' ailleurs en tout son œuvre est prodigue en alleguation d' uns & autres Autheurs anciens, pour le soustenement de ses opinions; Vray qu' une page apres, sur la fin du Chapitre il adjouste ces mots. C' est trop s' asseurer de l' antiquité, de dire que le Roy des Ribaux faisoit l' Estat du Prevost de l' Hostel. Car dés le temps mesme de Charlemagne, il y avoit un Comes Palatij, qui jugeoit des differens des gens de la suite de sa Cour. Ainsi qu' on voit dans Eginard qui a escrit la vie de cest Empereur.

Je ne suis pas si mal apris que je vueille entreprendre jurisdiction & cognoissance sur ces deux personnages: Chacun d' eux porte son saufconduit sur le front; toutesfois si vous en croyez la voix commune du peuple, elle adhere plus à l' opinion du premier que du second, nonobstant son Comes Palatij, qui sous la troisiesme lignee de nos Rois a esté attribué à celuy qu' on appella grand Maistre. Et est certain que tout ainsi que le grand Maistre a pretendu estre fondé en jurisdiction des crimes qui estoient commis dedans la maison du Roy, aussi faisoit le semblable celuy qui sous la premiere, & seconde lignée, s' appelloit Comes Palatij, horsmis qu' en ce qui concernoit les Grands, il falloit en passer par le jugement du Roy. Et neantmoins si l' on me permet franchir le pas, & passer outre, je m' advantureray de dire que je treuve beaucoup à redire au premier: Car si le Ribaud estoit de son premier estre tel qu' il presuppose, je veux dire celuy qui abuse effrontément de son corps envers les femmes: Et la Ribaude celle qui fait le semblable à l' endroit des hommes. Pour à quoy remedier fut trouvé la jurisdiction du Roy des Ribaux, comme il dit. Hé vrayement nos ancestres ne furent guere sages, quand voulans designer celuy qui cognoissoit des causes criminelles en Cour, il fut par eux appellé, non Prevost, non Baillif, non Seneschal, ains Roy, & encore Roy des Ribaux, comme si la paillardise eust fait son principal & ordinaire sejour en la Cour de nos Rois. Chose fausse: car nous voyons par l' Ordonnance de sainct Louys de l' an 1254. qu' il chassa non seulement des villes, ains des champs, & consequemment de sa Cour, toutes garces & filles de joye. Et quand bien il s' y fust trouvé quelque abus, il falloit chastier ce vice sous le mot general de juge, comme l' on fait en toutes les autres jurisdictions de la France, & non le designer particulierement sous ce nom honteux du Roy des Ribaux. C' est pourquoy je veux deschifrer cette ancienneté tout d' un autre sens, qui n' a encore esté fait par aucun des nostres, & vous dire que du temps de Philippe Auguste, Ribaud n' estoit un mot de pudeur, ains d' honneur. Je ne doute point que dés cette premiere demarche je ne reçoive diverses atteintes, non seulement de la populace, ains de ceux qui font profession de bien entendre nostre langue Françoise. Le mot de Ribaud en France, ou de Ribaldi dans l' Italie, ne se peut prendre en bonne part, dit Nicot en son Dictionaire François. Adjoustez y le mot de Ribaude, encore y trouverez vous plus de honte; ce sont deux paroles pleines de vergongne. C' est pourquoy je supplie le Lecteur de suspendre son jugement jusques à la fin de ce mien discours, dedans lequel il verra une metamorphose admirable. Le mot de Ribaud sous le regne de Philippe Auguste estoit baillé à des soldats, ausquels il avoit tres-grande creance, en ses exploits militaires. Guillaume le Breton au troisiesme Livre de sa Philippide, dit que ce Roy estant venu pour donner confort & aide à la ville de Mante, que le Roy Henry d' Angleterre tenoit assiegee, soudain apres son arrivee, le Seigneur de Bar brave cavalier, avec ceux de sa banniere, & les Ribaux, attacqua chaudement l' escarmouche, & logea la spavente au camp de l' Anglois.

Hi, paucique aiij stimulante cupidine laudis,

Eminus admisso post Barrica signa feruntur, 

Armigerique suis dominis, qui deesse nequibant,

Et Ribaldorum nihilominus agmen inerme, 

Qui nunquam dubitant in quaevis ire pericla:

Et quelques vers apres, les nostres ayans vaillamment combatu & batu l' ennemy.

Nec munus armigeri, Ribaldorúmque manipli,

Ditati spolijs, & rebus, equisque subibant; 

Nec mora, Rex, & caetus ouans rediere Medonta, 

Et laeti somno se curavere, ciboque: 

Anglicus ex illo tunc tempore non fuit ausus 

Armato, nostros adoriri, milite fines.

Vous voyez qu' entre toutes les compagnies, il fait un singulier estat de celle des Ribaux. Le Roy Philippe apres avoir subjugué le Poitou, voulant assieger la ville de Tours, & trouvant la riviere de Loire luy faire obstacle. il choisit un Capitaine Ribaud pour la gayer.

Rex quodam duce Ribaldo vada tentat ubique,

Donec inundantis medio se fluminis, hasta

Appodians, ripa subito stetit ulteriori, 

Inventoque vado quasi per miracula, contra

Spem, contra fluvij naturam, transit absque

Remigis officio.

Et sur l' exemple de son Roy, toute l' armee ne douta de passer à gay la Loire, dont le Capitaine Ribaud leur avoit ouvert le premier chemin. Le Roy ayant mis le siege devant Tours: Ribaldi Regis (dit Rigord) qui primos impetus in expugnandis munitionibus facere consueverunt, eo vidente, in ipsam civitatem impetum fecerunt, & per muros cum schalis ascendentes ex improviso ceperunt. Quo audito Rex & exercitus, integram civitatem accepit, positis ibi custodibus, & ibidem aliquot dies gratias Deo agentes, solemnizaverunt.

Vous pouvez recueillir de ces passages, & specialement du dernier, que la compagnie des Ribaux estoit ordinairement à la suitte du Roy Philippe, tout ainsi que la Pretoriane dedans Rome à celle des Empereurs. J' ay repassé tout au long sur les dix livres de la Philippide du Breton, je ne trouve point en tout son œuvre qu' il donne nom expres à aucune autre compagnie qu' à celle-cy. Qui me fait dire que c' estoit la compagnie ordinaire de la garde du Roy; Et comme ainsi fust que l' on n' y enrolast que soldats d' eslite: aussi est-il advenu que depuis ce temps là jusques à huy, nous avons appellé puissans Ribaux, non les putassiers, ains tous hommes forts & membrus. Il leur falloit un Capitaine pour les conduire. Or tout ainsi que le Heraut qui estoit pres du Roy, fut appellé Roy d' armes, aussi fut ce Capitaine appellé Roy des Ribaux, non pour leur faire le procez ainsi qu' un Prevost de l' Hostel; ains pour les conduire à la guerre quand les occasions se presentoient. Ainsi le recueillay-je du Roman de la Rose, quand le Dieu d' Amours assemblant son ost, pour deliurer Bel-accueil de la prison en laquelle il estoit detenu, le dessus du Chapitre porte:

Comment le Dieu d' Amours retient,

Faux semblant qui des siens devient, 

Dont ses gens sont joyeux & baux,

Car il le fait Roy des Ribaux.

Et dans le discours du Chapitre.

Faux semblant par tel convenant, 

Tu seras à moy maintenant, 

Et à nos amis aideras, 

Et point tu ne les greveras:

Ains penseras les enlever, 

Et tous nos ennemis grever,

Tien soit le pouvoir & le baux 

Car le Roy seras de Ribaux.

Il est certain qu' en l' un & en l' autre vers le Roy des Ribaux est pris, non pour Juge; ains pour Capitaine. Tout de la mesme façon que depuis nous appellasmes Coronal de l' Infanterie celuy qui la conduisoit, mot qui approche de la Royauté. Et d' autant que cette compagnie estoit voüée à la garde du Corps du Roy, il falloit que son Capitaine tint pied à boule à la porte du chasteau. Le plus ancien Estat de la Maison du Roy, est celuy qui se trouve au plus vieux Memorial de la Chambre des Comptes de Paris cotté Croix, de l' an 1285. c' estoit la derniere annee du Roy Philippes le tiers fils de S. Louys, portant entr'autres ces deux articles.

Item ils seront deux portiers en Parlement quand le Roy n' y est, Philippot le Camus & un autre, & aura chacun 2. sols de gages, pour toute chose, & on leur defendra que par leur serment ils ne prennent rien de Prelat, ne d' aucuns, & qu' ils ne laissent nulli entrer en la chambre des Prelats, sans commandement des Maistres.

Item le Roy des Ribaux a six deniers de gages, & une provende, & un valet à gages, soixante sols pour robbe par an.

Le Parlement n' estoit lors resseant en la ville de Paris, ains suivoit la Cour du Roy. Au moyen dequoy il y avoit sa chambre pour juger les procez, & deux portiers, avec expresses inhibitions & deffences de prendre argent des Prelats pour y entrer. Et on y met apres le Roy des Ribaux que j' explique pour la garde du Corps du Roy. Chose qui se descouvre bien amplement par un autre Estat fait sous le Roy Philippes le Long, qui est au mesme Memorial.

C' est l' Ordonnance de l' Hostel du Roy Philippes le Grand, faite à Lorry en Gastinois le Jeudy dix-septiesme jour de Novembre mil trois cens dix-sept. Quand on vient à parler de ceux qui devoient avoir la garde des portes de la Maison du Roy.

Les Huissiers de Salle cinq. C' est à sçavoir Thiebaut, Olivier, Philippe, Jean le Clerc, & Geoffroy. Dont il y en aura tousjours 3. en Cour, & s' aideront pour servir par temps, & aura chacun une provende d' avoine, & XIX. deniers de gages pour toutes choses, & liuraison de chandelles, IX. quayer, & VI. conistres, & non point liuraison de vin.

Item portiers quatre, dont les trois seront tousjours en Cour, & aura chacun une provende d' avoine, & XIII. deniers de gages pour toutes choses, ils doivent avoir conistres, & aura la porte 9. cinquain, 9. quayer, & 12. chandelles courtes, & aura pour tout demie moule de busches.

Item trois varlets de porte qui mangeront à Cour, & n' avront autre chose, mais qu' eux trois ensemble avront 9. quayer pour esveiller, & chacun une conistre, & une bote de feurre. 

Item Crasse Joé Roy des Ribaux ne mangera point à Cour: mais il aura six deniers tournois de pain, & deux quartes de vin, une piece de chair, & une poule, & une provende d' avoine, & 13. deniers de gages, & sera monté par l' Escurie, & se doit tousjours tenir hors la porte, & garder qu' il n' y entre que ceux qui y doivent entrer. 

Du Tillet s' est aidé de cet article pour verifier son intention, & dit que l' on recueille de luy que le Crasse Joé qui y est nommé Roy des Ribaux estoit comme le Prevost de l' Hostel. Je voudrois sçavoir sur quel tiltre il voulut faire ce commentaire: Car nulle mention de juger, au contraire prenez l' Ordonnance tout de son long, vous verrez estre question seulement de la garde de l' Hostel du Roy. Et à cet effect elle commence par cinq Huissiers, puis passe à quatre Portiers, puis à trois varlets des portiers, declarant quelles estoient leurs charges, & en fin aboutit au Roy des Ribaux, auquel vous voyez estre aussi enjoint de garder la porte, mais avec plus d' appointement que tous les autres, luy assignant mesme un cheval de l' escurie du Roy; Qui est celuy qui ne voye que par cet article on n' entendit jamais parler d' un qui representast le Prevost de l' Hostel, lequel ne fut jamais commis à la garde des portes de la Maison du Roy: Mais bien que ce Roy des Ribaux avoit la charge de garder la porte, comme celuy qui estoit Capitaine des gardes du Roy. Je sçay bien que depuis ces Ribaux degenererent de leur ancienne vertu: comme je toucheray cy-apres. Ny pour cela ne fut ceste Capitainerie supreme, dont on voyoit l' image, non l' effect. Parce que l' on trouve au Memorial de la Chambre des Comptes cotté C. une Ordonnance du Roy Philippes de Valois sur son Hostel, & sur celuy de Monsieur le Duc d' Orleans son fils du 28. May 1350. par laquelle apres avoir compris sous un general article, Tailleur, Cordonnier, une Guette, un Huissier de la Salle, deux Portiers, deux Varlets de porte, quatre Varlets servans du vin, on adjouste immediatement cet article. Le Roy des Ribaux cinq sols par jour pour toutes choses. Qui estoit garder la mesme police que celle de Philippes le Long, mais avec un retranchement de sa pension ancienne. Jusques à ce qu' en fin pour monstrer combien cette charge estoit venuë avec le temps en nonchaloir, je trouve au Memorial cotté E, une Ordonnance du Roy Charles VI. du mois de Janvier 1386. portant ces mots. Le Roy des Ribaux 4. sols parisis par jour quand il sera à Cour pour toutes choses. Toutes les autres Ordonnances ne portoient point cette restriction de Cour. A la verité Fauchet avoit eu quelque ressentiment de cette ancienneté, quand il disoit que le Roy des Ribaux avoit la charge de fermer la porte à ceux qui ne devoient entrer en l' Hostel, mais de la particulariser de la façon comme il fait, je voudrois pour m' en rendre capable, avoir un autre garand que de luy seul.

Et pour m' estancher de ce long discours, & monstrer en peu de paroles, qu' il n' y avoit aucune communauté entre le Roy des Ribaux, & celuy que depuis nous appellasmes Prevost de l' Hostei, je prens droit (permettez moy de faire icy l' Advocat pour le soustenement de mon opinion) sur ce que du Tillet dit en la fin de son Chapitre. Des sentences du Prevost de l' Hostel (dit-il) en matiere civile les appellations ressortissent du Parlement, comme appert par les Registres d' iceluy des 21. Avril, & 29. Decembre 1486. Or est-il qu' en ce mesme temps il y avoit un Roy des Ribaux couché en l' Estat de l' Hostel du Roy, comme je vous ay cy-dessus touché: Il est donc vray de dire que c' estoient offices distincts. Ny pour ce que j' en discours je n' entens m' advantager au desadvantage de la memoire de du Tillet, ausquels la France a tres-grande obligation. En ces douteuses anciennetez je laisse la liberté aux plumes de me contredire, & au Lecteur de suivre telle opinion qu' il luy plaira: Sauf aux ans de juger des coups.

Quelqu'un paravanture desirera sçavoir de moy dont ce nom de Ribaud a esté emprunté, qui prendra cy-apres un autre visage. Cette compagnie de Ribaux, n' est, ny la premiere, ny la derniere, qui ont eu noms particuliers dont on ne sçait l' origine, desquelles les unes reüssirent avec le temps à honneur, & les autres à deshonneur. Amian Marcellin nous tesmoigne que vers le declin de l' Empire il y eut deux braves compagnies guerrieres, l' outrepasse de toutes les autres, dont l' une estoit appellee Gentilium, & l' autre Scutariorum, sans que sçachions comment, ny pourquoy leur furent baillez ces deux noms. Et de ma partie veux croire, comme j' ay traité ailleurs, que d' elles vindrent en usage ceux que depuis nous appellasmes en France Gentilshommes & Escuyers: Car il est certain que nostre Noblesse Françoise prist son commencement par les armes, & qu' entre toutes les nations estrangeres, qui se firent riches de la despoüille de l' Empire, il n' y en eut pas une des autres, qui emprunta tant des mœurs, & discipline des Romains que la Françoise, comme nous tesmoigne Procope.

Ces deux compagnies de Gentils & Escuyers prospererent. Au contraire deux autres qui avoient tenu dedans la France, lieu de primauté entre les guerriers, s' abastardirent avec le temps, & par un mesme moyen tomberent en l' opprobre de tout le monde. Pendant la prison de nostre Roy Jean, les Anglois s' estans emparez de la ville de Melun fermoient la porte aux basteaux & marchandises qui descendoient du haut de la riviere de Seine à Paris. Au moyen dequoy Charles son fils lors Regent en France, pour faciliter la descente ordonna certain nombre de Soldats, Brigands, Paluoisiens, Archers, & Arbalestiers qui seroient continuellement en basteaux couverts, pour servir d' escorte aux autres basteaux. Par cela vous voyez que la compagnie des Brigands estoit lors mise la premiere en ordre, comme estant de plus grand respect que les autres. Le semblable avoit il esté auparavant en celle des Ribaux: Et neantmoins l' une & l' autre forlignans par succession de temps, des Brigands on feit des Voleurs & guetteurs de chemins en nostre commun langage, & des Ribaux une je ne sçay quelle enjance de putassiers. Deux vices assez familiers aux soldats, si par une discipline estroite ils ne sont tenus en bride par leurs Capitaines. Or commença cette desbauche bien avant sous le regne du Roy Philippes le Bel, comme vous pouvez descouvrir par le Roman de la Rose, dedans lequel vous trouvez, Ribaux & Ribaudes estre pris pour personnes qui mettent indifferemment leurs corps à l' abandon, sans aucun soin de leur honneur. Et signamment quand vous voyez le Dieu d' Amours faire Faux semblant Roy des Ribaux: Car la beauté de ce passage est, que Jean de Mehun Autheur du Roman, qui vivoit sous Philippes le Bel, nous ayant representé quelle estoit la nature du Roy des Ribaux de son temps, qui ne signifioit autre chose que Capitaine, il represente aussi quel estoit le vice des Ribaux de son temps, ausquels il baille pour Capitaine Faux semblant. Et est une chose esmerveillable qu' avec le temps l' Estat de ce Roy des Ribaux alla tellement au raval, que je le voy avoir esté pris pour executeur de haute Justice. Jean Boutillier dedans son livre intitulé Somme Rurale, qui commença d' estre mis en lumiere le 22. Juillet 1490. Cela s' appelle la derniere annee du regne de nostre Roy Charles VII. Ce docte praticien (dis-je) discourant les droits qui appartenoient aux 2. Mareschaux de France: car lors il n' y en avoit d' avantage. Ces 2. Mareschaux (poursuit-il) peuvent faire & accoustrer un Prevost, qui peut & doit avoir pouvoir d' eux deux, où soient empraintes les armes des dits Mareschaux, & premieres du premier Mareschal. Par devant lequel Prevost peuvent estre ventilees toutes les causes qui au droit des dits Mareschaux appartiennent en la Judicature, & doit avoir de chacune commission 2. sols: de chacune amende 60. sols, en quoy il commande, il doit avoir 17. sols. Et pareillement si l' amende estoit de 60. liures, en quoy enqueurt toute personne qui fait ou vient contre les Estats des dits Mareschaux, il a aussi 17. liures. Item a le dit Prevost le jugement de tous les cas advenus en l' ost, ou chevauchie du Roy, & le Roy des Ribaux en a l' execution. Et s' il advenoit qu' aucun forface de corps, qui soit mis à execution criminelle, le Prevost de son droict a l' or & l' argent de la cheinture au malfaicteur: & les Mareschaux ont le cheval, & le harnois, & tous outils se ils sont; reservé le droict, & les habillemens quels qu' ils soient & dont ils sont vestus, qui sont au Roy des Ribaux qui en fait l' execution. Le Roy des Ribaux se fait toutes-fois que le Roy va en ost, ou en chevauchie: appellez l' executeur de ses sentences, & commandement des Mareschaux, & de leur Prevost. Le Roy des Ribaux a son droict à cause de son office, & cognoissance sur tous jeux de dez & de berlans, & d' autres qui se font en l' ost & chevauchee du Roy. Item sur tous les logis de bourdeaux & femmes bourdelieres doit avoir 2. sols la semaine.

Je ne feray aucun commentaire sur cet article; car le texte est assez clair, pour cognoistre quelle estoit la charge du Roy des Ribaux du temps de Jean Boutillier. Mais je vous prie de considerer en quel desarroy est en cet endroit nostre histoire: Car du Tillet estime que les filles de joye sont aujourd'huy sous la charge du Prevost de l' Hostel en Cour, comme ayant emprunté cette belle dignité du Roy des Ribaux lors qu' il estoit en pleine vogue: Au contraire Boutillier la luy attribuë, lors que de grand Capitaine, on luy veit faire la charge d' executeur de la haute Justice. Au demeurant pour ne laisser en ce sujet rien en arriere: Je sçay qu' il y a quelques vieux exemplaires de l' Ordonnance du Roy S. Louys de l' an 1254. qui parle des femmes folles & Ribaudes, en l' article auquel il bannit du Royaume tous les bordeaux. Chose qui pourroit apprester à penser que deslors le mot de Ribaud fut pris de mauvaise part. Cette Ordonnance fut faite en Latin (ainsi que l' usage commun de la France le portoit lors, & auparavant) & depuis traduite par diverses plumes, chacune desquelles approprioit sa version au langage commun de son temps. Et de fait je vous puis dire avoir veu une version plus ancienne que celle-là, portant au lieu de Ribaudes, femmes follieuses. Pareille faute trouvons nous aux anciens manuscrits de nostre Roman de la Rose: en chacun desquels le langage François est tel qu' il estoit lors qu' ils furent copiez, horsmis la ruine des vers, ausquels ils ne peuvent donner aucun ordre. Voire y trouverez vous je ne sçay quoy du ravage de ceux qui en furent copistes, je veux dire de leur Picard, Normand, Champenois. Qui sont choses ausquelles le Lecteur doit avoir grand esgard premier que d' y interposer son jugement.

mercredi 14 juin 2023

3. 19. Continuation des calamités que produisit le siege tenu dans Avignon, & du grand schisme qui en provint.

Continuation des calamités que produisit le siege tenu dans Avignon, & du grand schisme qui en provint. 

(CHAPITR) CHAPITRE XIX.

Jamais conseil ne fut receu avec plus de faveur & applaudissement que celuy de Philippes le Bel, lors qu' il attira dans nostre France la Papauté: & jamais conseil ne despleut tant à Dieu, que celuy-là comme l' evenement le monstra. Ores que la Religion soit l' un des principaux instrumens par lequel toute Republique se contienne en son devoir, toutesfois c' est une impieté d' user de nostre Religion Chrestienne, comme d' un affaire d' Estat.

Clement V. venant establir sa demeure en France, lors qu' il fit son entree dans Lion, fut accueilly d' une infinité de Princes & grands Seigneurs. Les Roys de France, d' Angleterre, d' Arragon, Jean Duc de Bretaigne, s' y trouverent pour l' accueillir. Il est conduit par la ville d' un magnifique appareil & tout ainsi qu' Estienne Pape venant en France pour confirmer la Couronne Royale à Pepin, ce nouveau Roy pour authoriser ceste confirmation d' avantage envers le peuple, s' humilia de telle façon, qu' allant à pied, il conduisoit le cheval du Pape par la bride, lors qu' il entra dans Paris: Aussi à ceste entree du Pape Clement, les deux freres du Roy tenoient les resnes de son cheval des deux costez: toutesfois le malheur voulut qu' un pan de muraille tomba pendant qu' ils passoient, qui tua une infinité de peuple, mesme le Duc de Bretaigne, blessa les deux freres du Roy, fit tomber la Couronne du Pape, qui estoit dessus sa teste, où estoit une escarboucle de valeur inestimable, qui fut perduë. Les uns disent que ce fut au passer, les autres dedans l' Eglise. Mais soit l' un, ou l' autre, c' estoit un pronostic tres-certain des ruines, & calamitez que ceste nouvelle face d' affaires devoit apporter à nostre Eglise: mesmes qu' au long aller la Papauté perdroit la principale bague & joyau de son Estat par ce nouveau conseil: Je vous ay dit en l' autre chapitre, & suis tres-aise de le vous dire, que l' on ne veit plus de là en avant en ce Royaume, voire par toute l' Eglise generale, qu' une meslange & desbauche de toutes choses. Le Pape, & le Roy, fraternisans en conseils, se jettoient l' esteuf l' un à l' autre, au prejudice du Clergé. Le Pape accordoit levees des decimes au Roy sur le Clergé beaucoup plus à l' abandon que l' on n' avoit faict auparavant, soubz pretexte des voyages imaginaires d' outremer. Et le Roy en contr'eschange connivoit aux Graces expectatives, & provisions extraordinaires du Pape, sur les Benefices, ensemble aux exactions qu' il faisoit dessus tous les Beneficiers, pour entretenir son Estat. Ce nouveau changement advint vers l' an mil trois cens & six: & tout ainsi que tels remuemens de menage ne s' entrepreignent aisément que soubz la conduite de quelques hardis entrepreneurs: aussi ne peut-on denier que Clement V. ne fust un grand homme, & qui pendant sa Papauté en fit plusieurs braves demonstrations. Il fit prescher la Croisade contre quelques heretiques qui regnoient encores de son temps dans les montaignes de Piedmont, reliques des anciens Vaudois, & en extermina la race. Dés son entree (suivant les capitulations qui estoient entre eux deux) il donna planiere absolution au Roy Philippes, & leva à pur & à plain toutes les censures Ecclesiastiques de Boniface contre le Royaume, fit le procés aux Venitiens, qui s' estoient emparez de l' estat de Ferrare & les excommunia tous, les reduisant en ceste extremité, que François d' Andule leur Duc fut contraint de se prosterner à ses pieds pour luy venir demander mercy. Chose dont ce Pape ne fut satisfaict, mais (si quelques historiographes disent vray) il usa de luy en forme de marchepied quand il vouloit monter à cheval. Il celebra un magnifique Concil en la ville de Vienne, où se trouverent une infinité d' Evesques, Abbez, & Docteurs en Theologie, & y fut condamné l' ordre des Templiers, & la secte des Beguines, conclud un voyage d' outremer, pour la recousse de la terre saincte, & de là passa sur la reformation de l' Estat exterieur de l' Eglise: mesmes pour s' authoriser d' avantage, non seulement à l' endroict des vivans, mais de toute la posterité, il fit compiler le livre (que l' on appelle les Clementines) lequel il voulut être leu par toutes les fameuses Universitez, tout ainsi que les Decretales de Gregoire IX. & le Sexte de Boniface VIII. Mais si au bout de cela il vous plaist de considerer toutes ses actions, tout ainsi qu' il fut d' un grand entendement, aussi l' attacha-il aux extremitez, tantost de vertu, tantost de vice, selon qu' il en vouloit faire emploicte. Car la condamnation des Templiers ne s' est peu garentir, que plusieurs histoires anciennes ne l' imputent à une inimitié particuliere que Philippes le Bel avoit conceuë encontre eux, conjoincte à une avarice, pour s' enrichir d' une partie de leurs despouilles: & le voyage d' outremer, qui fust lors conclud, n' estoit qu' un faux pretexte mis en avant, pour tirer une decime sur le Clergé, mesmes que le traict practiqué contre le Duc de Venise (s' il est veritable) ne se peut bonnement excuser. Brief jamais l' Eglise de France n' avoit esté auparavant tant chargee d' exactions extraordinaires de la Cour de Rome, comme elle fut lors, pour subvenir aux opinions insuportables de ce Prelat. Leçon qui fut depuis fort bien suivie par tous ceux qui luy succederent dedans Avignon: Qui furent Jean XXII. Benoist XII. Innocent VI. Gregoire XI. Clement VI. & Benoist XIII. Et qui faict grandement à peser, c' est que pendant ceste desbauche extraordinaire, de laquelle les gens de bien ne se pouvoient taire par leurs escrits, le schisme se logea dans l' Eglise, sur lequel se planta l' heresie: Voyez, je vous prie, combien un premier inconvenient en atraine d' autres quant & soy: Louys Empereur d' Allemaigne, peut être conduict de devotion, peut être d' ambition, voulant reduire les affaires de l' Eglise en leur ancienne dignité, fit creer un Pape dans Rome, (durant le siege de Jean XII.) qui fut nommé Nicolas V. tant s' en faut que cela apportast remede, qu' au contraire il procura un nouveau desordre: parce qu' ils commencerent lors de ioüer à belles censures l' un contre l' autre: Mais en fin le champ de bataille, & la victoire demoura à Jean. Ce mesme malheur survint apres le decés de Gregoire XI. lequel d' un meilleur enclin desirant remettre l' Estat de l' Eglise en son premier train, quitta la ville d' Avignon, & ramena dedans Rome toute sa Cour, & ores qu' il semblast que son conseil luy eust aucunement reuscy, si est-ce que la racine de ceste calamité n' estant tout à faict amortie, elle commença apres sa mort de rejetter plus que devant. Car les Cardinaux au Conclave se trouvans particularisez en brigues, les François pour vouloir se maintenir en leur possession de je ne sçay combien d' ans depuis laquelle on n' avoit veu Pape que de la nation Françoise: au contraire les Italiens craignans de tomber au mesme accessoire qu' auparavant si on élisoit un François, jettoient toutes leurs opinions sur un qui fust de leur nation. En fin fut éleu Urbain VI. Italien, homme superbe le possible, & lequel pour avoir en peu de temps offensé tout l' Ordre, les Cardinaux abandonnerent, & procederent à nouvelle election d' un autre, qui fut Clement VI. lequel tint son siege en Avignon: De maniere que l' on vit lors d' ordinaire deux Papes en un mesme temps: l' un demourant dans la ville de Rome, qui estoit suivy de l' Allemaigne, & de l' Italie: l' autre en celle d' Avignon, duquel la France, l' Espaigne, l' Angleterre, & l' Escosse prindrent le party: & lors à beau ieu, beau retour, chacun ioüoit, non à qui mieux mieux, mais bien à pis faire: ayans diversement partissans qui s' employoient les uns en faveur de Clement, les autres pour Urbain: lesquels estans mis en la balance, ne valoient pas mieux l' un que l' autre. Le commencement de ce schisme advint (si je ne m' abuse) vers l' an mil trois cens septante six, & dura quarante ans entiers, au veu de tout le monde, sans qu' on y peut mettre remede bien à poinct. Urbain eut pour successeurs Boniface IX. Innocent VII. Gregoire XII. A Clement succeda Pierre de la Lune (tant rechanté par noz anciennes histoires) appellé Benoist XIII. Les Princes seculiers voyans ce desordre qui couroit à la honte, confusion, & desolation de toute la Chrestienté y veulent mettre la main. L' Empereur Sigismond, & le Roy Charles sixiesme s' entrevoyent à cest effect en la ville de Rheims. La reünion de l' Eglise est entre eux concluë: on depesche ambassadeurs vers le Pape Gregoire XII. & Benoist XIII. pour y apporter mesme devotion de leur part: & à ceste fin est choisie la ville de Pise pour y besongner. Les deux Papes font contenance d' y vouloir entendre: mais y apportent tant de remises, & longueurs, qu' il n' y eust celuy qui ne vit que c' estoient toutes hypocrisies, dont ils entretenoient ces deux Princes. Quoy voyans tous les Cardinaux, tant de l' un, que de l' autre costé, se trouverent en la ville de Pise, où ils tindrent un Concil, auquel furent les deux Papes destituez de leurs charges par defaux, & contumaces: & à l' instant mesmes fut éleu Alexandre V. Il sembloit que cela deust apporter quelque fin à tous ces troubles, toutesfois ce fut un rejetton de plus grande division, parce que nonobstant ce Concil les deux Papes anciens s' en voulurent faire croire comme devant: & neantmoins le dernier pensant être le vray Pape, prit mesme qualité que les autres, de façon qu' il y avoit lors trois Papes dedans nostre Eglise, Benoist XIII. Gregoire XII. & Alexandre V. auquel succeda Jean XXIII. Chacun d' eux r' envioit de sa reste. Car comme ainsi fust que leur grandeur despendist de l' authorité de leur consistoire, aussi creoient-ils à l' envy des Cardinaux par troupeaux. Et à la suitte de cecy, il falloit trouver une infinité d' inventions extraordinaires sur le pauvre Clergé, pour fournir au defroy de toutes ces grandeurs. Tous les Princes Chrestiens voyoient cela, nul n' y osoit bonnement toucher, parce que c' estoit le haut poinct: toutesfois nous autres François y apportasmes la premiere emplastre, par l' ordonnance de l' an mil quatre cens & six, dont j' ay parlé au chapitre precedent, & qui est un poinct infiniement remarquable, pour monstrer la grandeur des jugemens de Dieu: tout ainsi que ce fut en l' an 1306. que Clement V. se vint habituer en France, premiere interversion de l' Estat Ecclesiastic, aussi en l' an 1406. fut le premier restablissement. Dieu permit que cent ans entiers son navire fut agité des flots & vents, mais non toutesfois submergé.

mardi 1 août 2023

8. 4. Vous, Tu.

Dont vient qu' en nostre langue Françoise parlans à gens de plus grande qualité que nous, on use du mot de Vous pour Tu, & au menu peuple du mot de Tu pour Vous.

CHAPITRE IV.

Quintilian au second Livre de ses Institutions Oratoires fait cette question: Illud eruditis quaeritur, an in singulis quoque verbis poßit fieri solecismus, ut si unum quis ad se vocans, dicat, Venite. Si cela estoit lors une faute en la Grammaire des Romains, & que nous rapportassions la nostre à leur pied, nous baillerions de beaux soufflets à un Priscian François. Car nostre commun usage est, parlant à un seul homme d' user de ce mot de Vous, specialement quand il est de quelque qualité: Encore y a-il une autre particularité qui n' est pas à negliger. Car combien que le Romain se fust bien donné garde parlant à un seul homme, de mettre ce mot de Vos pour Tu, autrement il eust esté condamné par tout le peuple comme mal parlant: Toutes-fois un homme parlant de soy seul ordinairement couchoit du nombre plurier sous ce mot de Nos, & non du singulier. Ny pour cela il n' estoit estimé commettre un Solecisme, voire plus estoit-il de basse qualité & estoffe, & plus pensoit-il apporter de soubmission, parlant de soy en un plurier. Et aujourd'huy il n' y a que les grands presque qui usent du plurier pour le singulier, parlans d' eux. Cela se voit en toutes les lettres qui sont decernees par le Roy, tant en sa Chancelerie, que par les passeports donnez par les Gouverneurs des Provinces, & autres actes, où les grands Seigneurs mettent leurs noms, & leurs armes. Et à l' opposite si un du commun peuple en avoit ainsi usé, on l' estimeroit un lourdault, qui voudroit trancher du grand. Voyons doncques comme s' est faict ce changement. Je vous ay dit au Chapitre precedant, que de la corruption de la langue Latine avoit esté faicte nostre langue Françoise. Je dis encore un coup, corruption. Car la verité est que la langue Latine tombant sur sa declinaison, & ceux qui parlans Latin, userent de certains mots, nous les embrassasmes en nostre vulgaire par dessus les autres, & nous succederent les choses si à propos, que ce qui eust esté reputé tres-corrompu du temps de la pureté de la langue, fut estimé entrenous tresbon. Je le vous representeray par exemple. Quand nous voyons dans Sidonius Apollinaris le mot Granditer, fort frequent, pour Valde, dans S. Ambroise, aux trois livres de ses offices, un Estimare pour Existimare, dans sainct Gregoire, un Portitor litterarum, pour Tabellarius, & Pensare pour Putare: Bref tous ces mots avoir esté indifferemment en usage, non seulement à ceux-cy, mais aux autres Autheurs de leur temps, il n' y a celuy qui ne juge que tous ces grands personnages escrivoient selon la barbarie de leurs siecles, toutes-fois nous avons heureusement mis en œuvre ces dictions, quand d' elles nous fismes Grandement, Penser, Estimer, Porteur de lettres, & ainsi usons nous du mot de Parent, pour celuy qui nous attouche de proximité de lignage en ligne collaterale, non directe, contre sa naïfve, & originaire signification, & ce pour autant que sur le declin de la langue on en usa de cette façon. Ce que nous apprenons de sainct Hierosme en sa seconde Apologie contre Ruffin: Illud vero ridiculum (dit-il) quòd post triginta annos ad parentes se reversum esse ait, homo qui nec patrem habet, nec matrem, & quos viventes iuvenis dereliquit, mortuos senex desiderat, nisi forte parentes, militari vulgarique sermone, agnatos, & affines nominat. Vueillez rendre ce passage en nostre vulgaire, vous appresterez à rire au Lecteur: Parce que nous ne recogneusmes jamais le mot de Parens pour pere à fils, & neantmoins en cela gist tout ce que S. Hierosme vouloit improperer à son ennemy Ruffin: Et ainsi que nous en usons aujourd'huy, S. Gregoire qui entre les gens de son siecle escrivoit le mieux, ne doute d' en user fort souvent, mesme au second livre de ses Epistres, 14. 15. & 16. Epistres. Ainsi est il advenu de ce mot de Vos; Car combien que ceste maniere de parler fust incogneuë aux Romains lors de leur pleine liberté, & long temps apres, toutes-fois quand par le progrez de l' Empire la liberté commune alla en empirant, aussi le peuple n' ayant qu' un Empereur, ou ses favoris en butte, avec la servitude des mœurs, il fit aussi un langage de mesme. De là vint que parlant aux plus Grands il addressoit sa parole sous le nom de Vos, non de Tu, comme s' il eust voulu dire que celuy auquel il parloit, mis en balance avec les autres, emportoit pour ses merites l' honneur de plusieurs personnes. Et depuis on tourna en courtoisie ce qui avoit pris son fondement de la tyrannie: tant a de puissance sur nous une coustume, qui petit à petit plante ses racines en nos cœurs. Si je ne m' abuse, le premier dans lequel on trouve ce formulaire de parler est dans Pline Second escrivant à l' Empereur Trajan: Ut primum me domine indulgentia vestra promovit ad praefecturam. Apres luy Jules Capitolin en la vie de Marc Antonin, parlant à l' Empereur Diocletian. Marcus Antonius Deus nunc usque etiam habetur, ut vobis ipsi, sacratissime Imperator Diocletiane, & semper visum est, & videtur: qui eum inter numina vestra, non ut caeteros, sed specialiter veneramini, ac saepe dicitis vos vita, & clementia tales esse cupere, qualis Marcus.

Qu' un homme qui fera profession de la langue Latine lise ce passage, il trouvera assez dequoy se mocquer, ou scandalizer. Rendez le en nostre langue Françoise mot pour mot, il n' y aura rien de plus elegant. Parce que nous avons accoustumé de parler à nos Princes & grands Seigneurs, sous le nom de vous, non de toy: & depuis cette coustume se rendit familiere à ceux qui escrivoient à personnages de respect. S. Cyprian escrivant à Cornelian Pape de Rome, Cognovimus (frater charissime) fidei, ac virtutis vestrae testimonia gloriosa, & confessionis vestrae honorem sic exultanter accepimus, ut in meritis, & laudibus vestris nos quoque participes, & socios computemus. Et en la mesme Epistre: Docuistis granditer Deum timere. Et en une autre au mesme Cornelian sous le nom de 42. Evesques. Le semblable en toutes les lettres de Symmachus, l' un des mieux disans de son temps, escrivant aux Empereurs Theodose & Valentinian, comme aussi fait Sidonius Apollinaris à Eutrope, puis à Theoplaste, & Loup Evesques. Il se trouve un Panegyric recité devant l' Empereur Maximian, par tout le discours duquel vous trouverez le plurier nombre de la seconde personne estre employé pour le singulier. Il n' est pas que les Empereurs mesmes, & Roys n' en usassent de mesme façon, pour honorer les gens de marque, ausquels ils escrivoient. Ainsi le trouverez vous en une Epistre de Justinian à Jean Pape de Rome, inseree dedans son Code. Ce que l' on voit encore plus amplement aux Epistres de Cassiodore, soubs la personne du Roy Theodoric son Maistre, dans lesquelles ce Prince escrivant à l' Empereur de Constantinople, ou à quelque grand Seigneur, & Patrice, toute sa Rhetorique marchoit sous cette parole de Vos, & à un homme de moyen Estat sous celle de Tu: Desquels passages & autres, que je passe icy de propos deliberé, nous pouvons recueillir que du commencement, la tyrannie, puis par succession de temps l' honneur, & reverence que l' on portoit aux plus grands, insinua cette maniere de parler entre les Latins: Tellement qu' il ne faut pas trouver si estrange, comme plusieurs ont voulu faire autres-fois, qu' en nostre jeunesse nos Docteurs en Theologie fissent le semblable en leurs disputes publiques. Ce qu' ils ont toutes-fois depuis desapris, estans retournez aux premieres & anciennes reigles de la Grammaire: Et comme ainsi soit que nostre langue empruntast plusieurs choses de la Latine, aussi nos vieux Gaulois tournans ces fiateries à honneur, laisserent les reigles communes de la Grammaire, pour s' accommoder à celle de la Cour des Empereurs ausquels ils obeïssoient, & userent du mot de Vos pour Tu, ou Toy, envers ceux qui avoient quelque preeminence sur eux, gardans les preceptes de la Grammaire envers les autres qui leur estoient de plus basse condition: Et qui est chose fort notable, encore tutoyons nous ceux-là (telle est la diction Françoise que nous avons forgee de Tu) avec lesquels nous exerçons une bien grande privauté, & encore nous dispensons nous quelques-fois dans nos œuvres Poëtiques, par un privilege particulier de nos plumes, qui ne rougissent point de tutoyer quelques-fois les Rois, Princes & grands Seigneurs. Au demeurant je ne veux oublier de dire, que combien que ce mot de Vous fust anciennement destiné pour ceux qui nous estoient seulement superieurs, si ne laisse-l'on de le pratiquer non seulement à nos egaux, mais aussi quelques-fois à nos inferieurs, selon la facilité de nos naturels.