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jeudi 22 juin 2023

3. 31. Des Benefices que nous avons dict vacquer en Regale soubs la troisiesme lignee de nos Roys.

Des Benefices que nous avons dict vacquer en Regale soubs la troisiesme lignee de nos Roys. 

CHAPITRE XXXI

Combien que tous les Archevesques & Evesques doibuent le serment de fidelité au Roy avant qu' ils entrent en leurs charges, & qu' à faute de le faire, le Procureur general du Roy de la Chambre des Comptes puisse faire saisir leur temporel, si est-ce que tous les Archeveschez & Eveschez de la France ne sont estimez tomber en Regale, vacation d' iceux advenant: Ores que quelques uns estiment le contraire. Opinion de prime face plausible, pour favoriser les droicts du Roy, mais erronée, bien qu' elle ne soit destituee de bons parrains: Car maistre Jean le Bouteiller en sa Somme Rurale, l' estima ainsi, & de nostre temps Monsieur de Pibrac Advocat du Roy au Parlement, la voulut faire passer par Edict, mais il en fust desdict. Il ne faut riens oster à l' Eglise, pour le donner par une nouveauté à noz Roys, ny leur oster, pour le donner à l' Eglise. La plus seure guide de noz actions, est la longue ancienneté. Or que toutes Eglises Cathedrales ne tombent en Regale, nous avons plusieurs Ordonnances qui le nous enseignent. Celle de Philippes le Bel, de l' an mil trois cens deux, portant entre autres articles, cestuy: 

Item, quantùm ad Regalias, quas nos & prædecessores nostri consuevimus percipere & habere in aliquibus Ecclesiis Regni nostri, quando eas vacare contingit: Et là il enjoint aux Receveurs, qui manient le temporel pendant l' ouverture de la Regale, d' user de la couppe des Bois, & pesche des Estangs, comme bons peres de famille. Et Philippe de Valois par autre ordonnance de l' an mil trois cens trente quatre, declare qu' és Eveschez, esquelles il avoit droict de Regale, il pouvoit conferer les Benefices à simple tonsure vacquans de faict ou de droict. Charles septiesme par une autre, que je transcriray cy-apres parle des Eveschez où il avoit droict de Regale. Et Louys douziesme par Edict de l' an mil quatre cens quatre vingt dix-neuf. Nous defendons à tous noz officiers (dit-il) qu' és Archeveschez, Eveschez, Abbaïes, & autres benefices de nostre Royaume, esquels n' avons droict de Regale, ils ne se mettent dedans ny és fortes places, sinon és Benefices & fortes places qui seroient assizes és païs limitrophes de nostre Royaume. Brief qui soustient l' opinion contraire, est plustost un flateur de Cour, que Jurisconsulte François. Aussi en vain disputeroit-on les Regales au Parlement, si sans exception, tous les Archeveschez & Eveschez vacquoient en Regale. La difference qu' il y a entre l' Evesché qui tombe en Regale, & celuy qui n' y tombe point, est, qu' au premier cas, soudain que l' Evesque est decedé, le temporel du Benefice estant saisi à la requeste du Procureur general en la Chambre des Comptes, les fruicts appartiennent au Roy, & peut conferer les Benefices à simple tonsure, vacquants, jusques à ce, que la Regale soit close: Mais en l' Evesché non tombant en Regale, quelque saisie que l' on face du temporel, c' est pour conserver les fruicts au futur successeur, lesquels ne commencent de tomber en pure perte, sinon apres que l' Evesque estant entré en possession ne rend le serment de fidelité au Roy: Et au surplus, le Roy ne peut en ce cas conferer aucuns Benefices. 

Le plus ancien passage où je trouve être faicte mention de telle espece de Regales, soubz la troisiesme lignée de noz Rois, est la dispense que donna le Roy Louys le Gros à l' Archevesque de Bourdeaux & ses Evesques suffragants, & tout d' une suitte le Roy Louys le Jeune son fils. in nomine sanctae & individuæ Trinitatis: Amen. Ludovicus Dei gratia Francorum Rex tibi dilecte in Domino, Gaufride Burdegalensis Archiepiscope, cum suffraganeis Episcopis, Ramundo Agennensi, Lamberto Angolismensi, Guillelmo Xantonensi, Guillelmo Pictaviensi, Guillelmo Petragoricensi, necnon cum Abbatibus Burdegalensis Provinciae, vestrisque successoribus in perpetuum. Regiae maiestatis est, Ecclesiarum quieti, pia solicitudine providere, & ex officio suscepta à Domino potestatis, earum libertates tueri, & ab hostium seu malignantium incursibus defensare. Sic nimirum Regalis apicem dignitatis, nobis à Domino, à quo omnis potestas est, consecutos esse constabit si iuxta Evangelicam institutionem, & Apostolicae doctrinae traditionem, in sanctae Dei Ecclesiae ministerium accincti, pro eiusdem contuenda libertate, qua Christus eam liberavit, & pacis quieti operam demus. Ea propter petitionibus vestris, communicato priùs Episcoporum, Abbatum & Procerum nostrorum consilio assentiente Ludovico filio nostro, iam in Regem sublimato, duximus annuendum, & in sede Burdegalensi, & in praedictis Episcopalibus sedibus, & Abbatiis eiusdem Provinciæ, quae defuncto illustri Aquitanorum duce, Comite Pictaviensi Guillermo, per filiam ipsius Alienoram, iamdudum filio nostro Ludovico, sorte matrimonij cedit, in Episcoporum & Abbatum suorum Electionibus, canonicam omnino concedimus libertatem, absque hominij, iuramenti, seu fidei per manum datae obligatione. Porrò decedentis Archiepiscopi, & suffraganeorum ipsius Episcoporum, sive Abbatum decedentium res universas successorum usibus, Regia authoritate servari volumus, & concedendo præcipimus, illaesas. Hoc quoque adijcientes, ut omnes Ecclesiae infra denominatam Provinciam constitutae, praedia, possessiones & universa ad ipsas, iure pertinentia, secundum privilegia, iustitias & bonas consuetudines suas, habeant & possideant illibata. Quinimò Ecclesiis ipsis universis & earum ministris, cum possessionibus suis, Canonicam in omnibus concedimus libertatem. Quod ut perpetuæ stabilitatis obtineat munimentum, scripto commendari, & sigilli nostri autoritate, & nominis nostri charactere corroborari præcipimus. Actum Parisiis in Palatio nostro publicè, anno incarnationis Verbi M. CXXXVII. Regni nostri XXVII. Ludovico filio nostro in Regem sublimato, anno IIII. In praesentia Gaufridi venerabilis Carnotensis Episcopi, & Apostolicae sedis Legati, Stephani Parisiensis Episcopi, Augerij Abbatis Beati Dionysij, Girardi Abbatis Iosephati, Algrini à secretis nostris. Astantibus in Palatio nostro, quorum nomina subtitulata sunt & signa. Signum Radulphi Viromanduorum Comitis, & dapiferi nostri, Signum Guillermi Buticularij, S. Hugonis Camerarij, S. Hugonis Constabularij. Data per manum Stephani Cancellarij. 

Remise qui feut confirmee, voire transcripte mot pour mot par le Roy Louys le Jeune, dont le commencement estoit tel.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis: Amen. Ego Ludovicus Iunior, Magni Ludovici filius, Dei gratia Rex Francorum & Dux Aquitanorum, Tibi dilecte in Domino Gaufride &c. Et la fin de ce tiltre. Actum Burdegali, in Palatio nostro publicè, anno incarnati Verbi M.C.XXXVII. Regni nostri IIII. In praesentia Gaufridi Burdegalensis Archiepiscopi, Heliae Aurelianensis Episcopi, Raimundi Agennensis Episcopi, Lamberti Angolismensis, & Guillermi Xantonensis Episcoporum: Augerij Abbatis sancti Dionysij, adstantibus in Palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt & signa. 

S. Radulphi Viromanduorum Comitis & dapiferi nostri, Signum Guillermi Buticularij, S. Hugonis Constabularij. Data per manum Stephani Cancellarij.

Octrois que je penserois avoir esté faicts en un mesme jour par le pere & le fils, n' estoit que je voy l' un fait dans Paris, & l' autre dans la ville de Bourdeaux, Siege, comme il est vray semblable, de Louys le Jeune, qui avoit espousé l' heritiere de la maison d' Aquitaine. Joinct qu' il y a plus d' Evesques presents au dernier qu' au premier. Et combien que ce soient les deux tiltres les plus anciens, si recueille-je d' eux une plus longue ancienneté: car je me persuade que les Ducs d' Aquitaine pendant leur souveraineté, iouïssoient des droicts de Regales en & au dedans leurs destroicts, & que ce Duché estant de nouveau reuny à la Couronne par le mariage de Louys le Jeune: ces deux Roys, pour rendre leurs Evesques plus enclins & devots à leur obeyssance, exercerent envers eux ceste nouvelle liberalité. Ce n' est pas ce pays seul où les Ducs feirent le semblable: car par le traicté qui feut faict entre le Roy S. Louys, & Pierre Mauclerc Duc de Bretaigne, les collations des Benefices en Regale feurent reservees à ce Duc dedans son Duché. Et passeray encores plus outre pour la Normandie: Car quand je voy que tout ce pays-là est subject à la Regale sans exception & reserve d' aucun Evesché, il me semble voir les Ducs en iouïr, & que par la reünion du Duché à nostre Couronne, noz Roys continuerent ceste mesme possession.

J' adjousterois volontiers que non seulement quelques Eveschez, mais aussi quelques Abbaïes estoient tenuës en Regale. Parce que le mesme privilege que ces Princes donnent aux Evesques, est pareillement estendu dessus les Abbez. Et depuis Pilippes (Philippes) Auguste fils de Louys le Jeune voulant sortir de la France pour s' acheminer au voyage d' outremer, baillant toute charge & intendance à la Royne sa femme & à l' Archevesque de Rheims son oncle, entre autres prerogatives, leur donna ceste-cy par expres: Si verò contigerit sedem Episcopalem vel Abbatiam in Regalia vacare, &c. Toutesfois la memoire, pour le regard des Abbaïes, s' en est effacee avec le temps.

Entre les tresors des anciennetez de la France, je n' en trouve point de plus riche que les memoriaux de nostre Chambre des Comptes, & specialement pour la matiere des Regales. C' est pourquoy outre les deux passages precedents, je vous veux encores estaler ce que j' en ay peu recueillir, & tenir d' eux en foy & hommage la plus grande partie de ce chapitre. Quel est l' usage de la Regale, comme elle s' ouvre & se ferme, de quelle façon il y faut proceder, vous le trouverez au Memorial cotté C, en ces mots Latins grossement couchez, & toutesfois je les vous representeray tels qu' ils sont: Je desire qu' il y ait moins de mignardise en ce que j' escris au present chapitre, & plus de respect pour vous representer au naïf, en subject de si haute estoffe, la venerable ancieneté. Dum Episcopus alicuius Episcopatus ubi Dominus Rex habet Regaliam, ab humanis decedit, immediatè per obitum ipsius, est Regalia in dicto Episcopatu aperta, & succedit Rex loco boni & legitimi administratoris, in omni temporalitate dicti Episcopatus, confertque beneficia non curata, & hoc durante tempore ipsius Regaliae. Quæ quidem Regalia debet vigere & habere locum in dicto Episcopatu donec & quousque futurus successor Episcopus legitimè intrans, suum debitum fidelitatis iuramentum, dicto Domino nostro Regi, prout tenetur, fecerit, Quodque literae Regiae attestantes dictum iuramentum sic fuisse factum, præsentatae, registratae, & expeditae fuerint in Camera Compotorum (: Computorum: Comptes: -p: Comtes). Et quod Receptor seu Commissus ad ipsius Regaliae receptum receperit mandatum à dicta Camera emanatum, per quod ei mandatur, ut levet manum Regis, & permittat dictum Episcopum, uti & gaudere, ponendo ipsam temporalitatem ad plenam deliberatiam: nec ante receptionem huiusmodi mandati à dicto Receptore seu Commisso reputatur dicta Regalia clausa: Sed usque ad diem ipsius receptionis tenetur reddere compotum & rationem de fructibus huiusmodi temporalitatis, & confert Rex beneficia non curata tanquam in Regalia vacantia. Et hoc de iure & consuetudine Regis & suae Coronae. 

Il parle seulement de l' Eglise vacante par mort, comme estant la plus signalee vacation. Non que pour cela il entende forclorre les autres qui adviennent par resignations, forfaictures, promotions d' un Evesché à autre, dont nous voyons diverses instructions dans les mesmes Registres. Au demourant, par les instructions portees par l' article cy-dessus recité, nous sommes enseignez que le Roy iouyst du temporel, & confere les benefices qui n' ont charges d' ames: & que ceste Regale dure jusques à ce que le futur successeur ait fait le serment de fidelité au Roy. Collation de benefices qui semble être aucunement contraire à nostre droict Canon, & neantmoins tant favorisee en ceste France, que si le Roy faict ceste grace à un Prelat de le recevoir à foy & hommage par Procureur, il entend par ceste reception luy donner pleine mainlevee de son temporel, mais non de la collation des (be-fices) benefices, ainsi que nous apprenons de l' Ordonnance de Charles VII.

Charles par la grace de Dieu Roy de France. A noz amez & feaux Conseillers les gens tenants & qui tiendront nostre Parlement à Paris, les Maistres des Requestes de nostre Hostel, aux Prevost de Paris, Baillis de Vermandois & d' Amiens, & à tous noz autres Officiers & Justiciers, salut & dilection. Il est venu à nostre cognoissance qu' à l' occasion de ce que nous octroyames à feu le Cardinal Evesque de Teroüenne, qu' il nous peut faire le serment de feauté du dict Evesché de Teroüenne par Procureur. Ce qu' il feit, & parce moyen luy deliurasmes les fruicts & revenu de la temporalité d' iceluy Evesché que paravant tenions en nostre main à cause & par le moyen de nostre droict de Regale, le dit feu Cardinal ou ses Vicaires souz couleur & au moyen de la dicte deliurance par nous à luy faicte des dicts fruicts (combien qu' il ne nous eust faict le serment en presence) eust donné & conferé plusieurs prebendes & autres benefices vacants à la collation du dict Evesque depuis la reception du dict serment de feauté par Procureur & la deliurance des dicts fruicts: Et pareillement les avons donnez & conferez à autres par le moyen de nostre dict droict de Regale. Sur quoy se sont meuz & assiz plusieurs procés pardevant vous avec ceux qui ont eu collation du dit Cardinal & de ses Vicaires: Et à ceste occasion sont plusieurs des dictes prebendes & autres benefices contentieux en grande involution de procés, au grand prejudice & detriment de la dicte Eglise & du service divin. Et pource que voulons & desirons pourvoir à la confusion & detriment des dicts benefices, & multiplication des dicts procés, & aussi pourvoir à l' entretenement du dict service divin, & à la conservation de nos dicts droits de Regale, & qu' avons esté advertis & acertenez des droicts de nostre Couronne, & l' usage ancien avoir esté & être, qu' és Eveschez où avous droict de Regale, mesmement quant à la collation des Benefices, la dicte Regale demeure tousjours ouverte, jusques à ce que les nouveaux Evesques nous ayent faict en personnes les serments de feaulté, quelque serment qui nous en soit faict par Procureur, & quelque deliurance que facions des fruicts de la temporalité. Avons declaré & declarons que par la reception du serment de feauté du dict Cardinal par Procureur, & par la deliurance à luy faicte des fruicts du temporel du dict Evesché, nous n' avons entendu ne n' entendons nous être departis ne desistez de la collation des benefices du dit Evesché, comme vacants en Regale, ne la transferer au dict Cardinal: Ainçois estoit & est nostre intention de donner & conferer les dicts benefices conmme vacants en Regale, jusques à ce que le dict Cardinal nous eust faict en personne le serment de feaulté, ainsi qu' il est accoustumé de faire en tel cas. Si vous mandons & expressément enjoignons que nostre presente declaration vous entreteniez & gardiez & faictes entretenir & garder selon sa forme & teneur, sans aucunement venir au contraire: Car ainsi nous plaist-il être faict, nonobstant quelconques lettres subreptices impetrees ou à impetrer à ce contraires. Donné au Montil lez Tours le quatorziesme Fevrier mil quatre cens cinquante & un, & de nostre regne le trentiesme.

Ordonnance qu' il m' a semblé devoir icy être tout au long inseree pour être unique en son espece, que j' ay tirez du Memorial cotté L, En la marge duquel, Budé garde des Chartes du Roy, meit ces mots, Habui originale pro ponendo in thesauro Chartarum Regis. Ainsi signé, Budé. Chose que j' ay voulu remarquer pour vous monstrer combien ceste Ordonnance feut recommandee. Je vous diray maintenant en gros, quels sont les Archeveschez & Eveschez qui tombent entre nous en Regale. Dans le livre Croix, sont ces mots. Dominus Rex, prout constat per antiqua scriptae Camerae, consuevit capere Regalia cùm vacabunt in Provincijs & Diocesibus quæ sequuntur. In tota Provincia Senonensi & eius suffraganeis, excepta Diocesi Altissiodorensi in qua Decanus & Capitulum dicuntur fecisse permutationem cum Rege. In tota Provincia Rhemensi, excepta Diocesi Cameracensi. In tota Provincia Bituricensi, excepta Lemovicensi, Carnutensi, Rutenensi, Albiensi, Mimatensi.

In tota Provincia Turonensi, excepta Macloviensi, Trecorensi, Corisopisensi, Burcensi, Venetensi, Rhedonensi, Dolensi. 

In Provincia Burdigalensi solùm. Verùm de Pictaviensi computatum fuit anno 1306. sed Rex per literas totum istud præcepit restitui Episcopo. 

In tota Normania habet Regale.

In Provincia Auxitana & Arelatensi, & per consequens in tota lingua Occitana nihil habet. 

Ecclesiae cadentes in Regaliam.

Senonensis

Parisiensis

Carnotensis

Aurelianensis

Aeldensis

Trecensis

Rhemensis

Morinensis

Catalaunensis

Tornacensis

Suessionensis

Belluacensis (Bellvacensis).

Laudunensis

Ambianensis.

Noniomensis

Silvanectensis

Bituricensis

Claramontensis

Turonensis.  

Cenomanensis

Eduensis (Edvensis).

Cabilonensis.

Rhotomagensis.

Abricensis

Constantiensis

Lexoviensis

Bajocensis

Saginensis.

Ebroïcensis.

In Provincia Auxitana & Arelatensi, & per consequens in tota lingua Occitana nihil habet.



La preface de ce present placard monstre qu' il avoit esté extraict de quelques autres vieux registres de la Chambre, & à tant, qu' on y doibt adjouster plus de foy.

Par le quatriesme Article il est porté que le Roy a droict de Regale, In tota Provincia Turonensi, excepté Maclovensi, Trecorensi, Corisopitensi, Burcensi, Venetensi, Rhedonensi, Dolensi. Qui sont sept Eveschez assises au pays de Bretaigne, dependants de l' Archevesché de Tours: Et ne faut trouver estrange cela, parce que lors que cest article feut fait, noz Rois n' estoient Ducs de Bretaigne. Et neantmoins la verité est que par le traicté & accord qui feut fait entre nostre Roy S. Louys, & Pierre Maulclerc Duc de Bretagne, le droict de Regale feut par expres reservé au Duc sur les Eveschez qui estoient en & au dedans sa Province. C' est pourquoy ce Duché estant aujourd'huy uny & incorporé à la Couronne de France, ceux qui soustiennent que toutes ces Eveschez peuvent vacquer en Regale, ne sont pas destituez de raison. Tant y a que depuis quelques annees les Thresoriers & Chantres de la saincte Chappelle de Paris (selon le privilege à eux octroyé (dont je parleray en son lieu) ayants faict saisir souz le nom & authorité du Procureur general de la Chambre des Comptes de Paris, le temporel de l' Evesché de Nantes, comme estant l' Evesché tombé en Regale, Messire Louys du Bec Evesque, avroit obtenu mainlevee des gens des Comptes de Bretaigne: dont le Procureur general du Roy du Parlement de Paris avroit appellé, la cause plaidee, & appointee au Conseil, depuis par Arrest du 23. Decembre 1598. donné au rapport de Monsieur le Voix Conseiller, il fut dit qu' en faisant droict sur l' appel, il avoit esté mal, nullement, & incompetemment procedé & ordonné, bien appellé par le Procureur general, la saisie faicte de l' Ordonnance de la Chambre des Comptes de Paris, le 18. Decembre 1594. declaree bonne & valable: Ordonné que les fruicts & revenu temporel de l' Evesché de Nantes saisis seroient baillez & deliurez aux Thresorier & Chanoines de la saincte Chapelle, depuis l' ouverture de la Regale jusques à la closture deuëment faicte, ou la juste valeur & estimation d' iceux.

Cecy soit par moy remarqué en passant, mais pour reprendre les brisees de ce vieux Memorial que je vous ay voulu icy patronner, je ne veux pas dire que ce soit une leçon en tout & par tout asseuree: Car depuis la Cour de Parlement par ses Arrests y a adjousté ou diminué, selon les occurrences des procés dont elle a peu informer sa Religion. Si puis-je dire que ce memoire est comme un fanal qui apporte grande lumiere à l' obscurité qui se trouve en noz Regales. Et de faict Monsieur le President le Maistre en a faict banniere en son traicté des Regales. Or en tous les precedents Articles je n' y trouve difficulté qu' en celuy où il parle de la Province de Bourdeaux, auquel il semble n' y avoir point de sens parfaict, pour l' obscurité qui resulte de ce mot (Solùm.) Celuy qui nous redigea ce placard par escrit, voulut dire que toute la Province de Bourdeaux estoit franche de la Regale, toutesfois que l' on avoit compté pour l' Evesché de Poictiers, mais que puis apres le Roy fit rendre les deniers. Qui estoit en bon language declarer que tant l' Archevesque de Bourdeaux que ses suffragants en estoient exempts.

Et parce que au premier Article il dict que toute l' Archevesché de Sens y estoit subjecte fors & excepté l' Evesché d' Auxerre, & que le Roy en avoit faict un eschange avec le Chapitre, il s' abuse. Le Roy Philippe Auguste luy remit la Regale de sa pleine liberalité comme nous apprenons du mesme livre Croix, par moy cy-dessus allegué.

In nomine sanctae & individuae Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex: Noverint universi præsentes, pariter & futuri, quod nos intuitu pietatis & ob remedium animæ nostræ & parentum nostrorum, damus & concedimus in perpetuum Ecclesiae Altissiodorensi quicquid iuris habebamus in Regalibus Altissioderensibus, vacante sede. Itaque Decanus & Capitulum, eidem Ecclesiae custodient Regalia, sede vacante, & omnes proventus qui ex inde procedent, & Præbendas, si quas interim vacare contigerit, ad opus futuri Episcopi. Salvo Servitio nostro Equitationis exercitus & subventionis, sicut Episcopi Alissiodorenses nobis fecerunt. Quod ut perpetuum robur obtineat, sigilli nostri auctoritate, & Regij nominis Charactere inferius annotato, præsentem paginam confirmamus. Actum Parisiis, Anno Domini M.CC.VI. Regni verò nostri anno XXVII. adstantibus in Palatio quorum nomina subscripta sunt & signa, Dapifero nullo, signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, Signum Droconis Constabularij, Data vacante Cancellaria. 

Et au dessoubz est la signature du Roy Philippe par une abbreviation de son nom, telle que noz Roys souloient faire diversement, à Arras. Le mesme Roy exerça pareille liberalité envers l' Eglise de Nevers, ainsi qu' il apparoist par la Chartre portee au Memorial, cotté D.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex. Noverint universi, præsentes pariter & futuri, quod nos dilecto & fideli nostro Guillermo Niuernensi (Nivernensi) Episcopo, totum ius illud quod habebamus in Regalibus Niverrsensibus concedimus & quittamus in perpetuum ipsi & successoribus suis, & donationes etiam Praebendarum. Ita quod vacante sede nihil de mobilibus vel immobilibus per nos vel per alium capiemus in domibus Episcopi, nec in castellis & villis eiusdem, neque in hominibus Regalium, nec in rebus eorundem, neque in prædictis Regalibus aliquid prorsus retinemus, præter exercitus & procurationes, sicut nos & prædecessores nostri ea solent & debent habere. Concedimus etiam ut vacante sede eadem Regalia sint in manu Decani & Capituli Nivernensis, ut tam ea quam Praebendae & dignitates, si qua interim vaacuerint, ad opus futuri Episcopi, salvae & integrae reserventur. Quod ut perpetuae stabilitatis robur obtineat, sigilli nostri auctoritate, & Regij nostri characteris inferius annotati praesentem paginam confirmamus, Actum apud Fontem Belliaudi, Anno incarnationis Dominicae, M.CC.VIII. Adstantibus in Palatio quorum nomina supposita sunt & signa. Signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, Signum Droconis Constabularij. Data regni nostri anno XXX. vacante Cancellaria, per manus fratris Guarini. Et au dessouz est un pareil seing qu' à l' autre.

Pour le regard du second Article portant que toute l' Archevesché de Rheims estoit subjecte à la Regale fors & excepté l' Evesché de Cambray, il s' abuse. Car encores trouvons nous la remise qu' en feit le mesme Roy Philippe aux Evesques d' Arras dont la teneur estoit telle.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex. Noverint universi præsentes pariter & futuri, quod vacante quocumque modo sede Atrebatensi, medio tempore, Capitulum Atrebatense reservabit penes se ad opus Episcopi qui substituetur ibidem, omnia Regalia & omnes reditus & proventus Regalienses, & quicquid ad Episcopatum noscetur pertinere: Ita quod nec in homines Episcopi, nec in eorum res, pro aliquo quod pertineat ad Regalia, manum mittemus. Et si medio tempore aliquam Praebendam vel plures Praebendas vacare contigerit, similiter reservabuntur substituendo Episcopo conferenda postmodum cum ad electionem fuerit perventum, & Canonici praedictae Ecclesiae libere poterunt eligere non requisita à nobis, vel à successoribus nostris, licentia eligendi: sed electum suum confirmatum nobis praesentabunt, ut nobis fidelitatem faciat, sicut alij Episcopi nostri nobis facere consueverunt. Quia verò Radulphus ipsius Ecclesiae Electus, & Canonici Atrebatenses, nos humiliter rogaverunt, ut intuitu Dei expeditionem & exercitum nostrum ipsi Electo & suis successoribus quitaremus: Nos amore Dei, & ob remedium animae nostrae, ipsi Electo & suis successoribus, illud in perpetuum quitavimus & quitamus. Has autem prædictas libertates Episcopo & Ecclesiae Atrebatensi: Retenta tamen nobis procuratione nostra, quam Episcopus Atrebatensis nobis debet singulis annis, si ad illum accesserimus. Quod ut perpetuum robur obtineat, sigilli nostri munimine, Regij nominis charactere inferius annotato, praesentem paginam praecepimus roborari. Actum Parisiis, anno incarnati Verbi, millesimo ducentesimo tertio, Regni vero nostri vigesimo quinto. Adstantibus in Palatio nostro, quorum nomina supposita sunt & signa. Dapifero nullo, Signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, S. Droconis Constabularij nostri. Data vacante Cancellaria.

De vous particulariser icy tous les Arrests qui ont esté donnez en matiere de Regale, je ne me le suis proposé non plus que toutes les regles que l' on y observe. Je vous renvoye pour cest effect aux traictez de Maistre Arnoul Ruzé ja dis Conseiller en la Cour de Parlement de Paris, Philippe Probus Docteur Regent en l' Université de Bourges, Messire Gilles le Maistre, premier President, & Maistre René Chopin Advocat au mesme Parlement en son livre, De sacrâ Politiâ, & encores Maistre Loys Charondas en ses Pandectes Françoises. Je me contenteray seulement de vous inserer icy tout au long l' ordonnance de Philippes de Valois, (fondement de la maxime generale que l' on pratique en ceste matiere,) tiree du Memorial de la Chambre des Comtes, quoté B.

Philippe par la grace de Dieu, Roy de France, Sçavoir faisons à tous presens & à venir, que comme il ait esté mis en doute par aucuns, se nous avons droict, & à nous apartenit de donner les Provendes, dignitez & benefices quand ils avoient esté ou estoient trouvez non occupez, vacants, & unis de fait tant seulement ou temps de nostre Regale, és Eglises de nostre Royaume, esquelles nous avons droict de Regale, & ce ceux à qui noz predecesseurs ou nous les avons donnez, en devoient iouyr. Nous nous tenons & sommes suffisamment & deuëment informez que noz devanciers Rois de France pour cause de la Regale & de la noblesse de la Couronne de France, ont usé & accoustumé, & ont esté en possession & saisine de donner les Provendes, dignitez & benefices, quand ils ont esté trouvez en temps de Regale, vacquans de droict & de fait, ou de droit tant seulement, ou trouvez non occupez, unis & vaquants tant seulement & que nous aussi en avons usé, usons & entendons à user, comme de nostre droit Royal, toutesfois que aucun cas semblable ou quelconque cas dessusdict escherra: & donnons toute audience de plaict à tous ceux, qui à nosdits usages accoustumez par nos devanciers Rois de France, & par nous continuez, & aux droicts Royaux, qui en tel cas nous appartiennent pour cause de nostre Couronne, & aux collations par nous, noz devanciers ou successeurs faictes ou à faire és cas dessusdits ou aucuns d' iceux. Et se voudroient opposer, & que plaict au procez sur aucun des cas dessusdits quelconques soient pendants au Parlement ou devant quelconques nos Comissaires, nous les appellons & mettons du tout au nient, & defendons à nos amez & feaux les gens qui tiendront d' ores en avant noz Parlemens à Paris & aux dessusdits Commissaires, que ils de ces cas ne semblables ne teignent Cour, ne cognoissance ores ne autresfois. Et voulons & ordonnons que d' ores en avant nul pourveus des cas dessusdits, se ce n' est par vertu de provision & collation Royale qu' il ait de nos devanciers ou de nous, ou de nos successeurs Rois de France, ne soit receus à plaict, on ouys en opposition, contre ceux qui és cas dessusdits ou en aucun d' iceux sont pourveus par nos devanciers ou par nous, ou seront pourveus au temps à venir par nous ou nos successeurs Roys de France, pour quelconques lettres ou octroy, qu' il ait ou empetre de nous, se expresse mention n' est faite de mot à mot de ces presentes. Et voulons que d' ores en avant tous ceux qui en semblable cas, dessusdits & chacun d' iceux ont collation de nos devanciers ou de nous ou de nos successeurs Rois de France, soient tenus & gardez en possession & saisie, paisible des benefices à eux donnez nonobstant opposition d' autre, qui par vertu d' autre collation s' y sont opposez ou opposent à present, ou vueillent opposer au temps à venir, & ce avons nous ordonné & ordonnons de certaine science enformez de nos droicts & usage dessusdits, & mandons par la teneur de ces presentes à nos amez & feaux les gens qui tiendront nostre prochain Parlement, & les Gens de nos Comptes, que à perpetuelle memoire facent ces presentes enregistrer en nos Chambres de Parlement & des Comptes, & mettre & garder pour original au thresor de nos Chartes & de nos lettres. Et à ce que ce soit ferme & stable à tousjoursmais, nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres. Donné à Vincennes, au mois d' Octobre l' an de grace, mil trois cens trente quatre.

En suitte de (laqulle) laquelle ordonnance, le Roy Philippe donna son Arrest au bois de Vincennes le septiesme Octobre 1334. entre Maistre Loys de Melun Regaliste, le Procureur du Roy joinct avec luy, & Maistre Philippes Nicolas, pourveu par le Pape, de la Chantrie de Chartres, par lequel le benefice est adjugé au Regaliste, & veut le Roy, que son Arrest soit enregistré au Parlement, Chambre des Comptes & Thresor de ses Chartes, pour servir de guidon à la posterité. Pour conclusion de ce Chapitre, s' il vous plaist considerer tout ce qui a esté par moy cy dessus deduict, vous trouverez que trois de nos Roys du nom de Philippe, donnerent grande vogue & avancement à la Regale, Philippes second, quatriesme & sixiesme.

mercredi 21 juin 2023

3. 30. De l' ordre des Regales soubs la troisiesme lignee de nos Roys,

De l' ordre des Regales soubs la troisiesme lignee de nos Roys, serment de fidelité, que les Archevesques & Evesques leur doivent avant que d' entrer en leurs charges, & des investitures que les Empereurs d' Allemaigne faisoient des Archeveschés & Eveschés. 

CHAPITRE XXX.

Voila en effect comme les affaires de la Regale se passoient en France soubs la premiere & seconde famille de nos Roys, je veux dire comme nos Roys eurent tousjours bonne part à la promotion, tant des Evesques, que des Abbez: & adoncques n' estoit ce droict restrainct ou limité à certains benefices, ains s' espandoit generalement par toute la France. 

Je recognoistray que lors je ne voy point que toutes les façons y fussent pratiquees, que nous y avons depuis apportees soubs la troisiesme lignee de nos Roys, sous laquelle sont les grandes polices de la France, par le moyen desquelles ceste lignee seule a plus duré que les deux autres. Or soubs ceste cy, comme la principale estude de nos Roys feust de ne perdre rien de leurs droicts, & neantmoints remetre toutes choses de l' Eglise en leur ordre, aussi pratiquerent ils en ce fait cy le semblable: car ils laisserent les elections au Clergé, mais demeurans dans les termes de ce qui avoit esté approuvé par les institutions Canoniques de France, ils desirerent deux choses auparavant qu' un Evesque peust apprehender la dignité: L' une que le Clergé voulant proceder à l' election d' un Abbé, il eust permission du Roy de ce faire: L' autre, que quand l' Evesque seroit esleu & confirmé, il seroit tenu de prester le serment de fidelité entre les mains du Roy. Pour le regard du premier, nous en avons & exemples & ordonnances, expresses dans l' ancienneté. Car nous lisons qu' apres le decez d' Almeric, Pierre s' estant fait pourvoir de l' Archevesché de Bourges, par Innocence Pape, le Roy Loys septiesme non seulement l' empescha en la iouyssance, mais qui plus est, ne peut jamais être dict Archevesque en France, pour avoir esté par luy en cecy negligé le consentement du Roy. Et comme il n' y a rien si sainctement introduit, en quoy l' on ne commette quelquesfois de l' abus, belle fut en ce subjet la colere de sainct Bernard contre le mesme Roy Louys septiesme, lequel ayant donné permission d' eslire, & l' election estant faite en faveur d' un autre, vouloit par les brigues & importunitez de quelques ambitieux poursuivants, que l' on procedast à nouvelle Election. Ce à quoy s' opposa vivement sainct Bernard. Et comme ainsi soit que les instigateurs de ce nouveau conseil voulussent faire trouver au Roy de mauvaise digestion ce qu' en faisoit ce sainct homme, comme intervertissant les droicts de la Couronne de France: adoncques il escrivit au Roy une lettre pleine de zele & de colere, dont le commencement & une partie de la lettre estoit telle: volui ego (dit-il) unquam in aliquo imminui honorem Regis, dignitatem regni? Deus scit, nec vestra, ut confido, conscientia id vobis respondet. Videte ne illi magis contra vos faciant, qui Electiones disturbant ne sint in Ecclesiis qui serviant Regi, sed ipsis de Ecclesiarum reditibus serviatur. Et peu apres: Neminem prorsus arbitror affuisse illi celebritati, qui de assensu vestro dubitaret, cum cam idem assensus vestris litteris teneretur: Quis enim hoc vel cogitare posset, repetendum alterum consensum, nec sufficere unum, præsertim ubi nulla extunc intervenit altera electio? Nunquid quotiens dissenserint Clerici, totiens erit requirendus favor Regis? Nec ratio, nec consuetudo hoc habet. Duquel passage nous pouvons inferer que S. Bernard ne faisoit aucune doute qu' il n' appartint au Roy d' interposer son authorité en telles elections, & que qui eust voulu soustenir le contraire, il offenseroit les Loix du Royaume: mais il desiroit aussi d' oster la corruption & abus que l' on vouloit introduire sous le pretexte du Roy, & qu' ayant esté procedé à l' Election d' un Evesque suyvant la permission qu' il en avoit faicte, il voulust pour gratifier à quelques uns, que l' on procedast à une autre, qui estoit totalement mettre soubs pieds la discipline de l' Eglise, & oster l' asseurance qu' il y avoit en matiere d' Election. Cela mesmes se trouve averé par la dispence de la Regale que Philippe Auguste accorda aux Evesques d' Arras en l' an 1203. par laquelle entre autres choses, il permeit aux Doyen, Chanoines, & Chapitre de pouvoir librement proceder à l' election des futurs Evesques, sans luy en demander congé, ny à ses successeurs.

Or apres ceste election bien & deuement confirmee par le Metropolitain, il estoit requis que l' Evesque feist le serment de fidelité au Roy auparavant qu' il peust entrer en l' exercice de sa charge, ainsi que nous recueillons de la mesme dispence d' Arras. Canonici praedictae Ecclesiae liberè poterunt eligere non requisita à nobis, vel à successoribus nostris licentia eligendi: sed electum suum confirmatum nobis præsentabunt, ut nobis fidelitatem faciat, Sicut alij Episcopi nobis facere consueverunt. 

Et encores en trouvez vous un autre passage tres-beau du temps du Roy Philippe premier, dans Yvon Evesque de Chartres en sa 206. Epistre qu' il escrivit au Pape Paschal. L' Archevesché de Rheims estant contentieuse entre Gervais & Raoul, le Roy & son Conseil favorisoient le premier: au contraire Yvon portoit le party de Raoul: & provenoit de la faveur de cestuy, non qu' il n' eust le tiltre le plus apparent, mais d' autant qu' il soustenoit n' être tenu, entrant en ce benefice, de faire la foy & hommage au Roy. La cause pour la consequence, feut remise au prochain Parlement, qu' on devoit tenir vers les festes de Noel, dans la ville d' Orleans, où tous les Princes & Seigneurs baffouerent l' opinion de cet Evesque, soustenant que Raoul devoit estre forclos de l' Archevesché, s' il ne vouloit faire le serment de fidelité és mains du Roy. Et par ce que le passage me semble fort singulier, tant pour l' ancienneté de nos Parlemens, que du present suject, je le veux transcrire tout de son long. Le Roy (dit ce Prelat) supplié par nous de vouloir faire droict à Raoul. Adquievit tandem precibus nostris, & concessit ut Radulphum ad Curiam suam, quae Aurelianis, in Natali Domini congreganda erat, secure adduceremus, & ibi cum eo & cum Principibus Regni sui, de hoc negotio, quantum fieri posset, salvâ Regni integritate tractaremus. Factum est, ut condictum erat, & convenientes in Curiam, multiplicatis intercessoribus, petitionem nostram semel & saepius replicavimus. Sed reclamante curia, plenariam pacem impetrare non potuimus, nisi prædictus Metropolitanus, per manum & sacramentum, eam fidelitatem Regi faceret, quam prædecessoribus suis Regibus Francorum, antea fecerunt Rhemenses Archiepiscopi, & caeteri, Regni Francorum, quàmlibet religiosi & sancti Episcopi. Quod persuadentibus & interpellantibus totius Curiae Optimatibus: Et si propter mandatorum rigorem minus licebat, factum est tamen, quia Ecclesiasticae paci, & fraterna dilectioni sic expediebat. Cum enim plenitudo legis sit charitas, in hoc legibus obtemperatum esse credimus, in quo charitatis opus impletum esse cognovimus. Petimus ergo flexis genibus, ut hoc eodem intuitu charitatis & pacis veniale habeat paterna moderatio.

C' estoit que le Pape Paschal avoit commandé à Raoul, de ne faire la foy & hommage au Roy, & à Yvon de luy être en cecy parrain. Mais ny l' un ny l' autre n' en feurent creus, comme chose trop prejudiciable aux droicts de nostre Couronne. Aussi le mesmes Yvon escrivant au Pape Urbain en sa 65. Epistre, luy remonstre qu' en telles soubmissions de foys & hommages, l' Eglise n' y a aucun interest, quand les Roys n' entendent rien attenter sur le tiltre qui regarde la puissance spirituelle. Quae submissio (dit-il) sive fiat manu, sive lingua, sive virga, quid refert? cum nihil spirituale se dare intendat, sed tantum aut votis petentium annuere, aut villas Ecclesiasticas & alia bona exteriora, quæ de munificentia Regum obtinent ipsæ Ecclesiae, ipsis electis concedere. Et en l' Epistre 238. Si quis verò Laicus ad hanc prorumpit insaniam, ut in datione vel acceptione virgae putet se posse tribuere sacramentum, vel rem sacramenti Ecclesiastici, illum prorsus iudicamus haereticum, non propter manualem investituram, sed propter præsumptionem diabolicam. Tellement que quand je voy la longue contestation qu' eurent les Papes avec toute opiniastreté contre les Empereurs d' Allemaigne, pour les investitures des Eveschez, voire jusques à venir aux mains, au grand scandale de toute la Chrestienté, & de n' avoir pas fait grande instance contre nos Roys pour le serment & fidelité par eux requis, ce feut pour autant que les Empereurs invetissants les Evesques avec l' anneau & le baston pastoral, dont ils leur faisoient present, estimoient conferer le tiltre contre l' auctorité du S. Siege: ainsi l' apprenons nous du moine Sigebert dedans sa Chronique. Chose expressement defendue par le Concil de Latran, tenu sous Alexandre 3. Et que pour nostre regard, nous desirions le serment de fidelité, tant à cause de leur temporel, que d' autant qu' entrans en ce grade, ils devoient être des premiers Conseillers de nostre Couronne. 

Or outre ce serment de fidelité, que tous les Archevesques & Evesques de la France doivent, encores estoient, la plus part d' eux, anciennement tenus de fournir à nos Roys, gens de guerre, quand la necessité le requeroit. Nous trouvons que l' Archevesque de Sens devoit 4. Chevaliers, l' Evesque d' Orleans, deux, de Chartres, 3. Paris, 3. Troyes, 2. Noyon, 5. Beauvois, 5. Lizieux, 20. Bayeux, 20. Auranches, 5. & le semblable presque en la pluspart des Abbayes du pays de Normandie.

C' est pourquoy en l' exemption de la Regale que Philippe Auguste accorda aux Evesques d' Auxerre en l' an 1206. il adjousta expressement ceste particuliere reserve, Salvo servitio nostro equitationis exercitus & submonitionis (il faut lire subventionis) sicut Episcopi Altisiodorenses nobis fecerunt. Et en celle de Nevers, de l' an 1208. Praterea exercitus & procurationes, sicut nos & prædecessores nostri ea solent & debent habere. Ces mots de Subvention & Procuration, portez par le premier & second tiltre, peuvent engendrer quelque obscurité, mais elle vous sera levee par la dispence de la Regale accordee aux Evesques d' Arras par le mesme Roy Philippes en l' an 1203. par laquelle leur quittant le service de la guerre, il ne leur veut pas remettre cest autre droict de Subvention ou Procuration. Has autem praedictas libertates Episcopo & Ecclesiae Atrebatensi in perpetuum concedimus, retenta tamen nobis procuratione nostra, quam Episc. Atrebatensis nobis debet singulis annis, si ad illum accesserimus. C' estoit un droict que plusieurs Evesques & Abbez devoient à nos Rois, quand ils passoient sur leurs Eveschez ou Abbayes, qu' ils appelloient en language François, droicts de Giste. Abbas Maioris Monasterij Turonensis, debet unum gistum, taxatum sexaginta libras Turonenses, levandas quolibet anno, si Rex visitaverit Ecclesiam. 

Et quelquesfois les Eglises s' abornoient à une fois payer ce droict, soit que les Roys les vinssent visiter ou non, Archiepiscopus Turonensis debet unum taxatum. C. libras, nec potest Rex levare gistum, nisi semel ad vitam cuiuslibet Archiepiscopi, prout in littera Archiepiscopi continetur, cuius transcriptum in registro continetur. Il n' est pas que le Comte de Champagne ne se fust donné pareil privilege sur quelques Eglises situees dedans ses terres. De ces droicts, le livre Croix de la chambre des Comtes dont j' ay extrait les precedants passages, nous en fait le denombrement en un lieu, puis en un autre, où il recite ceux que le Roy S. Louys avoit levez en certaine annee. Droits qui estoient encores en essence sous le regne de Charles 6. ainsi que nous recueillons de ce qui s' ensuit, porté par le memorial. L. Anno Domini 1382. in mense Novembri, illustrissimus Princeps dominus Carolus, Dei gratia Francorum Rex, accedens apud Atrebatem, ius suae Procurationis, quam Dominus Episcopus Atrebatensis debebat, eidem ad dictum locum accedenti per suas litteras dedit, Magistris Petro Mauchat, & Joanni Montargij suis Secretariis cum quibus reverendus pater dominus P. Mazerij Episcopus Atrebatensis, pro eis, dato iure Procurationis suprascriptae composuit in ducentis & quadraginta Francis auri, Franc* sex decim solidorum. Et de quibus satisfactum extitit ipso domino Regi stante Atrebati. Et in testimonium *præmissum * reverendus pater, litteras Regias praedictas habuit & habet penes se, una cum litteris quitationis Secretariorum praedictorum. Cela fust produit en la Chambre des Comptes, avecques la copie collationnee à l' original de l' exemption de la Regale d' Arras, vers le mois de Juillet, mil quatre cens cinquante trois. Sur ce que Messieurs des Comptes avoient expedié leur Commission pour proceder par voye de saisie sur le temporel de l' Evesché d' Arras, comme vacquant en Regale. Le temps a depuis faict mettre en oubly tant les services militaires, que ces droicts de gistes, au lieu desquels on a introduict l' Octroy des decimes sur tout le Clergé, n' estant demeuré de ceste ancienneté, que la præstation de serment au Roy, qui doibt être faicte par tous les Prelats de la France lors de leurs advenements.

lundi 19 juin 2023

3. 21. Du Concil tenu en la ville de Basle quelques ans apres le Concil de Constance,

Du Concil tenu en la ville de Basle quelques ans apres le Concil de Constance, dont fut extraicte une bonne partie de la Pragmatique Sanction faite à Bourges du temps du Roy Charles VII. 

CHAPITRE XXI. 

A l' issue du Concil de Constance il avoit esté arresté d' en renouveller un autre en la ville de Pavie à la premiere commodité. La peste fut cause que l' on le transfera à Sienne, & de Sienne en la ville de Basle. Et le fit le Pape Martin publier l' an mil quatre cens trente un, par les frequentes semonces & importunitez des Princes Chrestiens de l' Europe. Le temps sembloit lors couver sous soy une reformation generale, tant en l' Eglise Romaine, qu' en la France. Le poinct, & periode s' y trouva és années mil quatre cens trente cinq, & trente six. Car en l' annee trente cinq fut faite l' ouverture du Concil, & en l' an trente six furent ouvertes les portes de Paris à Charles septiesme, & les Anglois chassez de la ville. Eugene successeur de Martin avoit fait semblant d' approuver du commencement ce Concil: mais par toutes voyes & manieres il s' estudia de le destourner, bien est vray que ce fut en vain. Depuis le Concil de Constance, il n' y a riens que les Papes ayent tant craint que les Concils generaux, comme ceux qui se vouoient ordinairement à les reformer, par une proposition que l' on y observoit, & que l' on avoit empruntee de la faculté de la Theologie de Paris: Que l' authorité du Concil general est par dessus l' authorité du S. Siege. Proposition qui ne plaist pas à ceux qui frequentent la Cour de Rome. En ce Concil furent faits plusieurs beaux Decrets, & Ordonnances Ecclesiastiques. Le Pape Eugene avoit excommunié tous ceux qui se trouveroient à ce Concil là. Le Concil revoque toutes ces excommunications, & est le Pape cité au Concil: en confirmant certain Decret du Concil de Constance, il est dit, que l' on celebreroit des Concils generaux: le premier 5. ans apres cestuy-là, le second 7. ans apres l' autre, le tiers 10. ans apres, & ainsi de dix ans en dix ans. Que le Pape durant le Concil ne pourroit creer Cardinaux (c' estoit pour oster les brigues, qui se pourroient faire par la multiplicité des nouvelles creations, & nouveaux suffrages.) Que seant le Concil, & advenant ouverture de la Papauté, on ne pourroit proceder à election d' un nouveau Pape hors le Concil: Qu' en renouvellant l' ancienne coustume de l' Eglise, le Diocesain seroit tous les ans un Concil en sa Province, sur la discipline des mœurs de son Clergé: & de deux ou trois en trois ans le Metropolitain avecq' ses Evesques Comprovinciaux. Là aussi fut decidé des Annates, des pacifiques possesseurs triennaux, des Benefices, des Appellations, Collations, des causes, & controverses des Prestres concubinaires, des Reservations, tant generales, que speciales. En ce Concil tous les Cardinaux creez par Eugene quatriesme sont cassez, & quant à luy premierement suspendu, puis deposé de son Siege, & en son lieu Amede Duc de Savoye, qui fut depuis appellé Felix cinquiesme. Et pour conclusion arresté que le Concil estoit par dessus le Pape, en ces termes. Qualecunque nomen dignitatis, aut potestatis de Papa reperitur, ad particulares quoscunque homines, & singulares Ecclesiasticos referendum est, non supra universalem Ecclesiam: ita ut potius Papa Ecclesiae, quàm Ecclesia tota, Papae obedire cogatur. Nam & si maior sit in Ecclesia, non tamen maior est tota Ecclesia. C' est à dire, Quelque nom de dignité, ou puissance qui se trouve au Pape, cela se doit rapporter aux hommes particuliers, & à chacun des Ecclesiastiques, non pas à l' Eglise universelle, de telle façon que le Pape doit être plustost contrainct d' obeïr à l' Eglise universelle, que l' Eglise universelle au Pape. Car combien que le Pape soit le plus grand qui soit en l' Eglise, si n' est-il toutesfois plus grand que toute l' Eglise. Et neantmoins est de rechef condamnee l' heresie de Jean Hus, qui pulluloit grandement en Allemagne sous le nom des Hussiens, & declaree plus pernicieuse que celle des Nicolaïtes, Gnostiques, Cerdonians, Marcionites, Ariens, comme celle qui pervertissoit tout droict divin & humain, & qu' il ne falloit nullement revoquer en doute la puissance du sainct Siege de Rome, comme estant le seul, & unique Vicaire de Dieu en terre.

Anthoine Archevesque de Florence, parlant de ce Concil dit que tout ce qui fut ordonné du commencement d' iceluy estoit sainct, & bon, mais que depuis il fut en plusieurs façons alteré, & corrompu par les menees d' Eugene. Et de fait ce Concil n' apporta pas le remede diffinitif à la maladie: au contraire produisit un schisme. Parce que Eugene decedé on crea dans Rome Nicolas cinquiesme, en faveur duquel, pour oster le schisme, Felix de bonne & heureuse memoire se demet de la Papauté. Exemple grand de saincteté contre toutes les ambitions effrenees & detestables de ceux qui aspirent aux honneurs. Qui fut cause que les affaires de France estans restablies en meilleur train par l' extermination des Anglois: & l' Eglise Gallicane ne pouvant plus supporter tant de divisions, & discordes qui flotoient en l' Eglise Romaine, se delibera, sous l' authorité & puissance de Charles septiesme, s' assembler en la ville de Bourges en l' an mil cinq cens trente huict, où se trouverent plusieurs Prelats, Princes, & autres gens du grand Conseil: & furent extraicts des Concils de Constance, & de Basle, les Canons qui estoient les plus saincts pour la conservation de la discipline Ecclesiastique: Là fut arresté tout à fait que le Concil general estoit au dessus du Pape: Que pour les Eglises Metropolitaines, Cathedrales, & Colegiales & autres dignitez eslectives, il seroit procedé par eslection, qui seroient confirmees par leurs superieurs: Que le Pape n' attenteroit riens sur cela, sinon pour une tres-grande raison, & tres-urgente necessité, dont seroit faite mention en ses Bulles: & neantmoins que les confirmations seroient apportees à Rome: pour passer sous l' authorité du sainct Siege, dont toutesfois les Officiers de Cour de Rome, ne prendroient riens: Que toutes Reservations generales de dignitez eslectives estoient prohibees, par lesquelles estoit ostee la libre faculté d' eslire, & de confirmer: comme aussi estoient ostees les particulieres des autres communs Benefices, & les Collations d' iceux reservees à leurs Evesques & Ordinaires: fors toutesfois qu' en cas de prevention; le Pape pourroit conferer un Benefice vacquant: comme aussi pourroit-il donner un Mandat d' un Benefice, au lieu où il y en avroit dix à conferer, & de deux, où il y en avroit cinquante. Et pour le regard des procés, que l' on ne pourroit être distraict de la France en Cour de Rome, & que le Pape seroit tenu de deleguer Juges In partibus, quand on appelleroit à luy. Que nul ne pourroit être evoqué outre quatre journees hors son diocese & domicile: Que les Annates, Deports & autres telles charges seroient totalement bannies de l' Eglise: & furent par mesme moyen les mains liees aux Ordinaires en certains cas: leur estant enjoinct d' avoir Chanoines Theologaux, pour enseigner la parole de Dieu, ausquels fut commandé de faire deux fois la sepmaine leçon en Theologie. D' avantage, qu' en toute Eglise Cathedrale, la troisiesme partie des Prebendes seroit affectee aux Graduez, qui seroient tenus chasque Karesme d' insinuer leurs Nominations aux Dioceses, sur lesquels ils se seroient nommez, & la premiere vacquante leur appartiendroit, & les deux autres à ceux qui seroient pourveuz par les Ordinaires. 

Ceste Pragmatique Sanction apporta quelque repos à nostre Eglise Gallicane, mais non à la Cour de Rome, qui ne trouva jamais bonnes telles Constitutions. Et ceux mesmes qui auparavant leur dignité Pontificale, les trouvoient bonnes, soudain apres leur promotion, changerent de propos, comme l' on vit Aeneas Sylvius, lequel, comme grand personnage qu' il estoit, s' estant trouvé au Concil de Basle, où plusieurs de ces propositions avoient esté arrestees, fit un livre expres, pour monstrer qu' il n' y avoit riens en tous ces articles que de sainct, & plein de pieté: Toutesfois depuis qu' estant fait Pape, il eust changé son propre nom en celuy de Pie deuxiesme, il le retracta: Aussi combien que l' ordinaire de la France fust de passer par les Decrets de ceste Pragmatique sanction: toutesfois encores eschappoit-il à quelques-uns d' avoir leur retraicte à Rome. Et depuis nos Roys voyans qu' elle n' estoit autre chose qu' un abregé des Concils generaux de Constance, & Basle, dont ils estoient les vrais & premiers protecteurs, delibererent de n' avoir plus recours pour cest effect à nouvelles assemblees Synodales, mais bien d' y apporter remede par leurs Edicts verifiez en leurs Parlemens. Comme nous voyons qu' il advint sous le regne de Louys XI. Car comme ainsi fust que l' on voulust remettre sus, les Exactions, & Graces expectatives, il fit en l' an 1464. deux Edicts, l' un du 13. jour d' Aoust, l' autre du 10. Septembre, par lesquels fut ordonné que toutes Exactions de Cour de Rome cesseroient, & qu' elles ne seroient prises ny sur les Beneficiers, ny autres sujects de la France. Et que si aucuns, soy disans Commissaires, ou executeurs d' aucunes Bulles, lettres, mandemens, ou commandemens Apostoliques, se vouloient efforcer de les mettre à execution, & proceder contre eux par censures, excommuniemens, fulminations, ou autrement en quelque maniere que ce fust, pour les contraindre à payer, composer des despoüilles, & incompatibilitez de commandes, ne autres telles, ou semblables exactions, qu' il ne fust obey à ces executeurs: mais que defenses leurs fussent faites de passer outre, à peine de confiscation de corps, & de biens, & avecq' ce qu' ils fussent arrestez, & detenus prisonniers, & condamnez en amende envers le Roy, & que l' on se saisist, & mit entre les mains de Justice les Bulles. Et par le second Edict furent renouvellees les defenses d' aller à Rome obtenir graces expectatives, n' autres Bulles, ou lettres Apostoliques equipolens à icelles, fust sous couleur de Reservations generales, ou speciales, n' autrement, en quelque maniere que ce fust sur les Benefices tant du Royaume, que de Dauphiné, pareillement d' aller à Rome obtenir Eveschez, Abbayes, dignitez, ou autres Benefices eslectifs sans premier avoir la permission du Roy de ce faire. Et depuis ceste reformation generale ainsi faite en nostre Eglise pour tousjours obvier aux mesmes entreprises de Cour de Rome, sur les Ordinaires, on n' a jamais receu Legat en France que ses Facultez n' ayent esté approuvees, & verifiees en la Cour de Parlement. Or quant est de la Pragmatique sanction, elle se continua jusques au regne du Pape Leon X. & du Roy François premier de ce nom, par Concordat qui fut fait entre eux sur toutes les eslections, qui furent unies, & incorporees à la majesté des Roys, à la nomination desquels les Papes donnent *tous *ces Eveschez, Abbayes, & Benefices, qui estoient anciennement eslectifs: & en contr' eschange de ce, fut le vacquant de la premiere annee de toutes ces Dignitez accordé au Pape. Concordat fondé seulement sur les abus qui se faisoient aux eslections, lesquelles estoient instituees de droict divin. Que s' il convenoit pour les abus qui se trouvent non seulement en nostre Eglise, mais en tous Estats extirper le tige, ce seroit pesle-mesler toutes choses, & peut-estre qu' en ce changement les dignitez Ecclesiastiques y avroient la meilleure part. ་

lundi 17 juillet 2023

6. 28. Fin de la seconde famille d' Anjou; Comté de Provence

Fin de la seconde famille d' Anjou, avec un Sommaire discours tant sur le Comté de Provence escheu à noz Rois, que des voyages de Naples par eux entrepris.

CHAPITRE XXVIII.

Par cette Princesse Yoland, la seconde famille d' Anjou fondit en celle de Lorraine, & voicy comment.

Jean dix & neufiesme Duc de Lorraine, eut deux enfans, Charles son fils aisné qui luy succeda apres son decés, & Ferry Comte de Vaudemont, puisné.

De Charles nasquit Isabeau de Lorraine qui fut conjointe par mariage avec René Duc d' Anjou, qui se donnoit qualité de Roy de Sicile.

De ce mariage nasquirent Jean & Yoland. Car quant à une Marguerite femme d' un Roy d' Angleterre, je n' en fay mise, ny recepte, comme estant une piece hors œuvre.

Jean d' Anjou mourut auparavant René son pere, & eut un fils nommé Nicolas, qui mourut pareillement auparavant son ayeul. De maniere que toute la maison de René estoit aboutie en une seule Princesse Yoland d' Anjou.

De Ferry Comte de Vaudemont premier de ce nom, nasquit Anthoine, & de luy Ferry second.

Isabeau de Lorraine femme de René pretendoit apres le decés de Charles son pere, que le Duché de Lorraine luy appartenoit, comme seule fille & heritiere du Duc.

Anthoine au contraire soustenoit que ce Duché estoit un fief affecté aux masles qui ne pouvoit tomber en quenoüille. Partant qu' ores qu' il fust seulement issu du puisné, toutesfois estant masle il forcluoit cette Princesse. Nouveau subject de guerre entre luy & René. Auquel en fin René se trouva avoir du pire. Et ayant esté faict prisonnier d' Antoine, pour moyenner sa deliurance, il accorda le mariage d' Yoland sa fille avec Ferry fils d' Antoine. Quoy faisant on unit les deux branches de l' aisné & puisné de Lorraine ensemble. Sage conseil pour faire cesser les differents qui estoient entre eux. Mariage toutesfois que jamais René ne peut bonnement gouster pour avoir esté extorqué de luy. Tellement que tous ses projets ne tendoient qu' à coupper les aisles à son gendre. Et de faict Philippes de Commines nous tesmoigne, que s' il n' eust esté prevenu par le desastre qui advint à Charles Duc de Bourgongne contre les Souisses, il se fust donné à luy. Qui eust esté un mauvais party pour la France.

Or avoit il un frere puisné nommé Charles, auquel entre autre biens il laissa pour son partage le Comté du Maine, la Baronnie de Mayenne la Iouais, la Ferté Bernard, Sablé, & autres grandes terres & seigneuries. Ce Seigneur eut un fils portant le nom de Charles comme luy, que René par son testament de l' an mil quatre cens septante huict, institua son heritier universel: lequel choisit pour son domicile la Provence, dont il estoit Seigneur souverain, & y mourut quatre ans apres, & par son testament à l' instigation de Palamedes Forbin Seigneur de Soliers, qui avoit grande part en ses bonnes graces, institua son heritier particulier au Comté de Provence, le Roy Louys unziesme & ses successeurs Roys de France.

En ce Prince Charles dernier masle, prit fin, & le nom, & la familie d' Anjou, & fondit en celle de Lorraine par le mariage d' Yoland avecques Ferry de Lorraine, dont sont issus ces grands Princes Lorrains, que nous voyons aujourd'huy. Famille d' Anjou, (vous dis-je) enflee, tant en pretensions, que d' effect de trois Royaumes, Sicile, Poüille, & Hierusalem (& encore de celuy d' Arragon, si on eust faict droict à Yoland d' Arragon femme de Louys deuxiesme) de trois Duchez, Anjou, Lorraine, & Calabre, de trois Comtez, Provence, le Maine, & Bar; dont le dernier fut depuis erigé en Duché. Et furent les pieces esmorcillees à divers Princes: l' Arragonnois se lotit de la Sicile, Poüille & Calabre: Le Lorrain de la Lorraine & du Barrois, & encores de plusieurs autres seigneuries esparses, tant au pays du Maine, Provence, que plusieurs autres endroicts de la France. Le Roy Louys unziesme de la Provence, par le moyen du testament de Charles, & des Duché, d' Anjou, & Comté du Mayne par nostre droict de reversion à la Couronne, comme estans de l' ancien Domaine de France, qui ne tomboient en quenoüille. Car quant au Royaume de Hierusalem, ce fut un titre de parade, dont ny la premiere, ny seconde lignee d' Anjou, ne jouyt actuellement. Et comme le Roy Louys XI. estoit Prince qui ne laissoit perdre les occasions de s' advantager quand elles se presentoient, aussi se voulut-il faire accroire, que les quatre Baronnies du Duché de Bar luy appartenoient en proprieté, la force estoit pardevers luy: car quant au bon droit je m' en remets à ce en qui estoit. Tant y a que par accord faict entre luy, & René Duc de Lorraine, le seigneur de la Jaille le 14. de Mars 1479. pour le Roy de Sicile meit entre les mains de Louys pour six ans, la ville de Bar, pour en jouyr pendant ce temps, & y mettre telle garde qu' il luy plairoit. Et le lendemian (lendemain) les manans & habitans feirent le serment de fidelité au Roy, conformément au traité fait & passé entre les deux Princes. Et tant & si longuement que Louys vesquit le Prince Lorrain ne s' en oza plaindre.

Quelque temps apres son decez Charles huictiesme son fils, luy ayant succedé à la Couronne en l' aage seulement de quinze ans, René Duc de Lorraine vint en Cour, & en plein Conseil du Roy (auquel estoit Philippes de Commines, comme Conseiller d' Estat, duquel j' ay emprunté ce Placard) feit instance, tant pour le Duché de Barrois, qu' il soustenoit luy avoir esté induëment occupé par le feu Roy, que pour le Comté de Provence qu' il disoit luy devoir appartenir du chef de la Royne Yoland d' Anjou sa mere, qui avoit est plus proche habille à succeder à Charles d' Anjou son cousin germain. Et ce nonobstant le testament par luy faict en faveur du Roy Louys unziesme, comme n' en ayant peu disposer par les anciens statuts de Provence.

Particularité que je vous touche icy par expres contre l' opinion de ceux qui se font accroire que le Roy s' en estoit emparé par un droict de bienseance seulement & sans tiltre. Car si cela eust esté vray, le Duc de Lorraine ne l' ust oublié, non plus que du pays de Barrois. Mais au cas qui lors se presentoit, il demoura d' accord le testament avoir esté faict, & revoqua seulement en doubte, sçavoir s' il avoit peu estre faict au prejudice de la plus proche lignagere. De moy je vous puis dire l' avoir eu, veu, & leu en bonne forme & authentique, en la cause du Vicomte de Martygues, que par trois diverses matinees d' uns Lundy, Mardy, & Jeudy, nous plaidasmes au parlement de Paris, l' an mil cinq cens septante trois à huis ouvert, en la presence de tous les Princes & Princesses Lorrains & Lorraines residents en cette France, moy plaidant pour Messire Henry de Lorraine Duc de Guyse, & Maistre Claude Mangot grand & excellant Advocat, pour la fille unique de Messire Sebastien de Luxembourg. Testament qui servoit à la decision de nostre cause, lequel fut fait par Charles, le dixiesme Decembre mil quatre cens octante & un, dedans lequel il institua le Roy Louys unziesme son heritier particulier au Comté de Provence, & apres luy, tous ses successeurs Roys de France. Tellement qu' il ne faut point revoquer en doute, si ce testament a esté fait, puisque René en demouroit d' accord, mais bien si Charles en avoit peu gratifier nos Roys par son Ordonnance testamentaire. En quoy il n' y avoit aucune obscurité, d' autant que la Provence est un pays de droict escrit, auquel il est loisible à chacun de disposer de tous & chacuns ses biens, par son testament. Et mesmement avoit esté cette cause prejugee en cas individu par deux diverses dispositions: La premiere du Comte Beranger au profit de Beatrix femme de Charles d' Anjou frere de S. Louys, au desadvantage de ses trois sœurs qui la precedoyent d' aage: La seconde par la Royne Jeanne premiere Comtesse de Provence en faveur de Louys Duc d' Anjou premier de ce nom. Lequel en jouyt apres le decés d' elle, & le transmeit à ses successeurs. Qui estoit du tout clorre la bouche du Prince Lorrain. Comme aussi sagement & justement le conseil du Roy fut d' advis de luy rendre le Duché de Bar, mais non le Comté de Provence. Vray que pour luy oster toute opinion de remuëment de mesnage, Pierre Duc de Bourbon beau-frere du Roy Charles huictiesme, qui lors avoit tout le gouvernement des affaires de France en main, luy feit bailler une compagnie de cent gendarmes, & pension de soixante mille liures pour quatre ans. Leçon qui luy avoit esté expres enseignee par le Roy Louys son beau-pere, avant que de mourir, luy enjoignant que sur toutes choses il empeschast qu' on ouvrist la porte aux armes dedans son Royaume, tant & si longuement que son fils seroit en bas aage. Comme aussi n' y a-il riens qu' il faille tant craindre, que la guerre, pendant la minorité d' un Roy.

Nostre Roy & le Duc de Lorraine diversement assortis des biens, terres, & seigneuries de la maison d' Anjou, restoit à partager entre eux l' esperance des trois Royaumes & du Duché de Calabre, chacun d' eux pretendants y avoir la meilleure part: car combien que les François se l' adjugeassent en consequence du testament de Charles d' Anjou, toutesfois les Princes Lorrains n' en voulurent lors quitter le tiltre. Ainsi Yoland s' intitula Royne de Sicile, jusques au jour de son decés, qui fut l' an mil quatre cens quatre vingts neuf, & apres elle René son fils: Le tout au veu & sceu de nos Roys sans aucune contradiction. Et d' un autre costé combien que Charles huictiesme cornast la guerre contre l' Arragonnois pour la recousse du Royaume de Naple, toutesfois jamais René ne feit protestation contraire. Voire en plus forts termes, sommé & interpellé par les Napolitains qui s' estoient revoltez contre leur Roy Ferdinand, de s' armer & joindre ses forces avecques les leur, comme celuy qui y avoit le principal interest, il saigna du nez, soit qu' il estimast cette querelle estre la nostre, ou qu' il se fust faict sage par les folastres voyages des Princes d' Anjou ses predecesseurs.

Tellement que ce fut une chasse morte aux Lorrains: mais non à nous autres François, & le premier de nos Roys qui s' engagea à cette querelle fut Charles huictiesme (contre l' advis des plus sages) poussé d' un boüillon de sa grande jeunesse, & de je ne sçay quels mignons apprentis au fait de la guerre. Voyage qui eut une entree heureusement courte, & une retraicte plus heureuse que ne se promettoit la sagesse de tous les Potentats d' Italie. Toutesfois je ne voy point que nostre France raportast de ce voyage autre fruict, que la perte du corps & des biens. Car c' est celuy auquel on doit l' origine de cette malheureuse maladie, que quelques uns nommerent depuis mal de Naples, pour y avoir premierement mis son siege, & les autres mal des François, parce qu' ils en porterent les premieres marques. Et pour le regard des biens, nous devons au mesme voyage le premier engagement du Domaine de la Couronne pour subvenir aux affaires de la guerre. Car le Roy Charles estant sorty du Royaume à la vanuole, sans auparavant recognoistre quel estoit le fonds de ses finances, se trouvant en la ville de Plaisance court d' argent, decerna ses lettres patentes en Octobre mil quatre cens quatre vingts quatorze, pour engager de son Domaine jusques à la somme de six vingts mil escus. Et parce que c' estoit un chemin non encores frayé par la France, il voulut authoriser ses lettres de l' advis de treize seigneurs ses principaux Conseillers. Ces lettres envoyees au Parlement furent du commencement trouvees de tres-fascheuse digestion, toutesfois la necessité n' ayant point de loy, il fut trouvé bon pour desgager nostre Roy de ce perilleux voyage de tolerer cest engagement, pour ce coup tant seulement, & sans le tirer en consequence, portoit la verification du vingtiesme Novembre au mesme an. Belle protestation sans effect. Et de moy toutes & quantes fois que je lis cette sage clause portant un, Sans le tirer en consequence, pour faire passer & donner cours à une ouverture nouvelle, je m' en ris: comme estant une clause contrevenante au naturel de ce Royaume, qui est un Royaume de consequence. Ce que nous avons depuis esprouvé en ce mesme subject: car combien que le Domaine de la Couronne soit une chose sacrosaincte, & que l' alienation n' en soit faicte qu' à faculté de rachapt perpetuel, sans aucune limitation de temps: toutesfois ce mesnage par succession de temps est arrive à tel desbord & desarroy entre nous, que horsmis les tiltres generaux du Domaine, pour le regard des terres particulieres, à peine en trouverez vous aujourd'huy aucunes, esquelles nos Roys se puissent heberger.

Discours qui n' est pas du present subject: mais pour reprendre mes brizees, l' observation que je fais en tous ces voyages de Naples, est une belle promesse de fortune sur nos arrivees, mais fascheuses fins pour closture de nos entreprises. Apres le decés du Roy Charles, trois Roys successivement & l' un apres l' autre s' y voüerent, uns Roys Louys douziesme par l' entremise du Seigneurd' Aubigny, François premier par le Mareschal de l' Autrec, & Henry deuxiesme par le Duc de Guyse, tous grands Capitaines & guerriers. Et ces trois Roys se trouverent successivement, & l' un apres l' autre deceuz de leurs esperances, apres avoir faict une despense infinie, & perte d' une infinité de Seigneurs & Capitaines de marque: J' excepte le dernier voyage, par ce qu' il fut interrompu par un changement de volonté du Pape Carrafe qui nous y avoit appellez. Que si nous eussions employé, quand les occasions s' y sont presentees, au recouvrement des pays qui nous attouchent, & sont de nostre ancien estoc, tout l' argent qu' avons despendu en la recherche de ce Royaume de nous separé, & de mœurs, & d' un long entrejet de chemins, il nous en fust beaucoup mieux pris. Lisant les Historiographes qui en ont escrit, vous trouverez de grandes fautes advenuës de la part de ceux qui prés de nos Roys estoient estimez les plus sages. Et quant à moy je les impute à nostre malheur, y ayant eu quelque Ange qui par le vouloir expres de Dieu, s' opposa aux desseins qu' entreprismes de là les Monts, & tint en bride ceux que pouvions selon les rencontres, aisément executer à nos portes aux pays bas.

mardi 23 mai 2023

2. 3. Du Parlement estably dans Paris, & des autres de ce Royaume.

Du Parlement estably dans Paris, & des autres de ce Royaume. 

CHAPITRE III. 

En ces premiers Parlements, dont j' ay discovru cydessus, se traictoient du commencement toutes matieres d' Estat, avecq' les differents de consequence: Les Baillis & Seneschaux vuidoient és Assises en dernier ressort, la plus grande partie des causes; Toutesfois pour les abuz qui s' y commettoient, les plaintes venans puis apres aux aureilles des Roys, on accueillit petit à petit tant de causes au Parlement, que pour bien dire, il devint un magazin de procés. Et de faict du mot Latin de Placita dont ils usoient pour Parlement, nous avons faict celuy de Plaids, & de cestuy, Exploicter & plaider. Je treuve un reglement faict l' an 1291. au Parlement de la Toussainct, par lequel il feut ordonné que les causes des Seneschaux de droict escrit, seroient expediees les jours de Vendredy, Samedy & Dimanche, & enjoinct aux Raporteurs des Enquestes de les voir diligemment en leurs maisons, & ne se trouver au Parlement s' ils n' y estoient mandez. C' estoit afin qu' ils eussent plus de loisir de vacquer à l' expedition des procés qui leurs estoient distribuez. Cela feut cause que le Roy Philippe le Bel, tant pour se descharger de l' importunité des poursuyvans, que son pauvre peuple de la depense, qu' il luy convenoit faire à sa suitte, declara en l' an 1302. que son intention estoit d' establir deux Parlements dans Paris, non pour les tenir sans discontinuation, ains seulement deux fois l' an, aux octaves de Pasques & de la Toussainct, à chaque seance deux mois: & quelque peu apres institua deux Chambres: celle du Parlement, que nous appellons la grand Chambre, l' autre des Enquestes, en laquelle il feit deux sortes de Conseillers, dont les uns feurent appellez Jugeurs, qui estoient seulement commis pour juger, & les autres Raporteurs, pour raporter les procés par escrit. De maniere que toutes les lettres de Chancellerie qui leurs estoient adressees, portoient: Aux gens tenans à present nostre Parlement, lors que le Parlement siegeoit, & si hors la seance, Aux gens qui tiendront nostre prochain Parlement. Et en fin par un formulaire commun pour n' y retourner à deux fois, Aux gens qui tiennent & tiendront nostre Parlement. Formulaire qui dura jusques bien avant dedans le regne de Charles sixiesme, soubz lequel le Parlement commença de se tenir sans aucune discontinuation. Ne nous restant aujourd'huy de ceste ancienneté que l' image: Parce qu' aux octaves de Pasques & de la Toussainct on fait des ceremonies, toutainsi que si c' estoient ouvertures de Parlemens qui eussent esté long temps intermis. Et à chaque ouverture, le Roy decernoit nouvelles lettres patentes en forme de commission avecq' une liste de ceux qu' il vouloit avoir seance: & n' estoit pas dit que celuy qui avoit esté appellé au precedent, y eust lieu au subsequent, sinon qu' il feust compris dans le roolle qu' on y envoyoit. Ny mesmes que tous les ans l' on tint les deux Parlements, parce que quelques fois on n' y tenoit qu' une seance, mesmes advenoit de fois à autres que l' on estoit un an entier sans le tenir. Or tout ainsi qu' au Parlement ambulatoire y avoit eu de tout temps six Pairs Ecclesiastiques & six Laiz, aussi feut ce Parlement resseant composé, part de gens Ecclesiastics qu' ils appellerent Clercs, part des Seigneurs qui faisoient profession des armes. Coustume qui estoit encores observee en l' an 1380. comme nous aprenons d' un Tombeau qui est dans l' Eglise sainct Estienne (Étienne) des Grecs en ceste ville de Paris, sur lequel est une statuë armee tout de son long, ayant à costé son espee, & autour cest Epitaphe: 

Cy gist noble homme Messire Pierre de la Neu-ville Chevalier Seigneur de Mourry, & jadis Conseiller du Roy nostre Sire en son Parlement, qui trepassa l' an de grace mil trois cens octante, le Lundy neusiesme jour d' Avril. 

Je vous ay dict que Philippes le Bel par son Edict de l' an 1302: promettoit d' establir deux Parlements dans Paris, & d' autant que l' Article contenoit encores d' autres promesses, je le vous veux representer mot pour mot, Præterea propter commodum subjectorum & expeditionem caussarum proponimus ordinare quod duos Parla*, & duo Scataria Rhotomagensia, & dies Trecenses bis tenebuntur in anno, quod Parlamentum apud Tholosam tenebitur, si gentes praedicta terra consentiant, quod non appelletur à præsidentibus in Parlamento. 

Qui est à dire, Item pour la commodité de noz subjects & expedition des causes, nous deliberons de faire tenir deux Parlemens dans Paris, deux Eschiquiers dans Rouen, & que les Grands jours de Troyes se tiendront aussi deux fois l' an, Et que l' on establira un Parlement à Tholoze, si les gens du pays consentent qu' il ne soit appellé de ceux qui y siegeront. Ces Eschiquiers à Rouen, & Grands jours de Troyes estoient Assises generales que l' on avoit autresfois tenuës soubz ces noms, en Normandie & Champaigne pendant que les Ducs de Normandie, & Comtes de Champaigne s' en estoient faict acroire. Ausquelles ils avoient leurs Pairs pour juger leurs causes, tout ainsi que nos Roys en leurs Parlements. 

Ce que Philippes le Bel promit lors, feut quelques annees apres mis à execution, comme l' on trouve dans un vieux Registre des Chartres du Roy. Et parce que je pense cestuy estre le premier, il me semble qu' il ne sera point hors de propos de le vous rapporter icy en son naturel, & tel que je l' ay trouvé.

C' est l' ordenance de Parlemement. Il y ara ij. Parlements, li uns desquiex commencera à l' octaves de Pasques, & li autres à l' octaves de la Toussainct, & ne durra chacun que deux mois.

Il y ara aux Parlements ij. Prelats. C' est à sçavoir, l' Archevesque de Narbonne, & l' Evesque de Rennes, & ij. Laiz: C' est à scavoir, le Comte de Dreux, & le Comte de Boulongne.

Il ara xiij. Clercs & xiij. Laiz sans eux, Et seront li xiij. Clers, Messire Guillaume de Naugaret qui porte le grand seel, le Doyen de Tours, &c. 

Li xiij. Laiz du Parlement seront li Connnestable, Messire Guillaume de Plaisance, &c. 

Aux Enquestes seront l' Evesque de Constance, l' Evesque de Soissons, le Chantre de Paris, & autres jusques à v. 

Il est à entendre qu' ils delivreront toutes les Enquestes qui ne toucheront l' honneur du corps, ou heritages. Mesmes prendront il bien leur Conseil & leur advis ensemble, mais ançois qu' il les delivrent, il en avront le conseil de ceux qui tenrront le Parlement.

Aux Enquestes de la langue doc seront le Prieur sainct Martin des champs & jusques à v.

Aux Enquestes de la langue Françoise seront Maistre Raoul de Meilleur, & jusques à v. 

Aux Eschiquiers iront l' Evesque de Narbonne, & jusques à x. entre lesquiex est le Comte de sainct Pol. 

Aux jours de Troyes qui seront à la quinzaine de la S. Jean, seront l' Evesque d' Orliens, l' Evesque de Soissons, le Chantre d' Orliens, & jusques à viij. 

Or est nostre entente que cil qui portera nostre grand seel ordene de bailler ou envoyer aux Enquestes de la langue doc & de la langue Françoise des Notaires tant com il verra que il sera à faire pour les besongnes depeschier. 

Tout cela est brusquement couché selon le langage du temps: mais parce que nous ignorons ce que chacun deust sçavoir, l' origine de ce Parlement, qui est la plus riche piece du Royaume, sous l' authorité de nos Rois, & qu' il s' est entre nous insinué une heresie d' en attribuer le premier plant au Roy Louys Hutin, j' ay voulu vous faire part de ce placart tout de son long: Car je ne fay point de doute que parlant de Messire Guillaume de Nogaret qui avoit la garde du Seel, ce Parlement n' ait esté ouvert sous Philippes le Bel. Nogaret est ce grand personnage, qui faisant un mesme attelier des armes & de la justice, prit le Pape Boniface huictiesme pour se venger de l' injure qu' il avoit faite au Roy son maistre. Joint que suivant ceste ordonnance je trouve un eschiquier tenu à Roüen en l' an 1306. où assisterent l' Evesque de Narbonne, le Comte de S. Pol, & Anguerrant de Marigny & autres Seigneurs, jusques au nombre de dix, suivant ce qui estoit porté par l' ordonnance de ce Parlement. Qui me fait penser qu' il fut tenu en l' an 1304. ou 1305. Mais tant y a que je ne fais point de doute que ce ne soit sous le regne de Philippes le Bel. 

Apres son decés, nous trouvons une ancienne escroüe faicte à S. Germain en Laye sous Louys Hutin, dans laquelle apres avoir inseré les noms, Premierement des Conseillers du conseil estroict, puis de tous les autres Seigneurs, officiers & domestiques du Roy, finalement arrivant sur le Parlement, il nomme pour President de la grand' Chambre le Chancelier, & au dessous de luy xij. Conseillers Clercs, & xviij. Laiz. 

Pour les Jugeurs des Enquestes, les Evesques de Mande & Soissons, Abbez de S. Germain des Prez, & de S. Denis, en outre sept autres Conseillers Clercs, puis six Laiz, & pour Rapporteurs neuf. 

Philippes le Long y apporta depuis des reglemens qui n' y avoient encores esté observez. Au Parlement de l' an 1319. voicy quelle estoit la teneur. Il est ordené par le Roy en son grand Conseil sus l' estat de son Parlement en la maniere qui s' ensuit.

Premierement, Il n' aura nuls Prelats deputez en Parlement: car le Roy fait conscience de eux empescher au gouvernement de leurs spiritualitez. Item en Parlement aura un Baron ou deux, & desia le Roy y met le Comte de Boulongne. Item outre le Chancelier & Abbé de S. Denis, y aura huict Clercs & douze Laiz.

Es Requestes aura quatre personnes. 

Item aux Enquestes aura deux chambres: C' est à sçavoir, Une pour delivrer toutes les Enquestes du temps passé jusques à aujourd'huy: Et l' autre pour delivrer celles qui aviendront du jourd'huy en avant. Et en celles deux Chambres aura huict Clercs, & huict Laiz Jugeurs, & xxiiij. Rapporteurs. 

Et là sont inserez tous les Conseillers par leurs noms & surnoms. Le Clerc sous la qualité de Maistre, & le Lay sous celle de Monsieur. Du premier article de ceste ordonnance est venu, que soudain qu' un President ou Conseiller est fait Archevesque ou Evesque, il faut qu' il desempare la place, & resigne son estat à un autre.

Au Parlement de l' an 1320. outre les vingt Conseillers de la grand' Chambre, on ordonne pour les Enquestes vingt Conseillers Clercs & trente Laiz, dont les seize seroient Jugeurs, & les autres Raporteurs. 

Et pour la chambre des Requestes, cinq, trois Clercs & deux Laiz, & dans les roolles sont tout ainsi qu' aux precedens, les Clercs qualifiez Maistres, & les Laiz Messires, parce que c' estoient gens suivans les armes, ny pour ceste qualité de Messire ou Monsieur, ceux-cy n' estoient plus authorisez que les Maistres, Parce que quand on parloit des seigneurs du Parlement en leur general, on les appelloit ordinairement Maistres du Parlement. En tous les autres Parlements je ne voy point leur être prescripte si ample police qu' en cestuy. Car il leur est à tous expressemment commandé d' entrer au matin à l' heure qu' on chante la premiere Messe en la Chapelle du Roy, & de n' en sortir qu' à midy. Que nul Maistre ne puisse sortir de la chambre sans le congé de son Souverain, c' est à dire de son President: ny desemparer le Parlement, sans la permission du Chancelier & du Souverain tout ensemble. Que les Baillifs, Seneschaux & Procureurs du Roy comparans, rendent raison de leurs charges pardevant deux Maistres du Parlement & un Maistre des Comptes, pour en faire leurs procés verbaux, & les raporter chacun endroit soy à leurs compagnies. Que leurs causes soient promptement expedices, afin de les renvoyer en leurs Provinces. Que les causes qui seront plaidees soient jugees le Jeudy, ou pour le plus tard les Vendredy & Samedy ensuivans, afin que l' on ne perde la memoire des plaidoyez. Que nul Maistre ne se charge de commission sinon celle qu' il pourra executer de la fin d' un Parlement au renouvellement de l' autre. Entant que touche les procés par escrit (qu' ils appelloient Enquestes) il est ordonné que huict jours avant que le Parlement commence, les Maistres du Parlement & des Enquestes s' assembleront, pour sçavoir des Raporteurs combien de procés restoient à juger, & dont peut provenir ce defaut. Que dés leur arrivee on face inventaire d' iceux, duquel on baillera copie à la chambre des Comptes: Que les anciennes Enquestes soient jugees devant que l' on entende à d' autres: Que l' on ne distribuë qu' une Enqueste à un Raporteur, & qu' il soit tenu d' en faire son raport avant que de quitter la ville de Paris: Que les gens des Enquestes soient tenus de venir toutes les apresdisnees depuis Pasques jusques à la S. Michel, & durera ceste chambre pour l' affluence des procés par tout l' an du Parlement & dehors: Et neantmoins le Parlement clos, pourront les Conseillers d' iceluy se trouver aux Enquestes, pour juger les procés avecq' les autres: Quoy faisans ils seront payez de leurs salaires & vacations extraordinaires.

Comme nous sommes en un Royaume auquel pour la facilité de nos Roys, les choses viennent fort aisemment à l' essor, aussi advint-il à la longue, qu' il n' y avoit si petit seigneur qui fut en credit, lequel ne voulut être immatriculé au nombre des Conseillers. Et peut être que la relasche & discontinuation de ceste charge, leur en donnoit plus grande envie. De là vint que se trouvant un nombre effrené de Maistres & Conseillers, le Roy Philippes de Vallois envoya lettres à la Chambre des Comptes de Paris le 10. Mars 1344 accompagnees de l' Ordonnance qu' il avoit faite par deliberation de son grand Conseil, sur l' estat des gens de ses Chambres de Parlement, Enquestes & Requestes, laquelle il vouloit être observee: Enjoint à ses gens des Comptes, de la signifier & en bailler copie à son Parlement. Et sur les serments que vous avez à nous (portent les lettres) pour quel conques impetrations & mandemens ne faites aucune chose contre la dite Ordonnance: Car nostre entente est de la garder sans rien faire au contraire, c' estoit à dire, qu' ils ne souffrissent aucun être payé des gages, fors ceux que portoit le roolle. 

Et là il ordonne qu' il n' y avroit de là en avant en son Parlement, prenans gages que quinze Clercs, & quinze Laiz, outre les trois Presidens qui avoient gages separez, Messire Simon de Bussy, Jacques de la Vache, & Pierre de Denneville. En la chambre des Enquestes, quarante, xxiiij. Clercs, & seize Laiz. Aux Requestes du Palais huit, cinq Clercs, & trois Laiz: Et d' autant qu' il y avoit eu grand nombre de personnes nommez en ces estats auparavant par son grand Conseil, leur accorde l' entree & seance sans gages. Vray qu' advenant la mort des autres, ils pourroient estre surrogez en leurs lieux, s' ils estoient certifiez capables par le Parlement. Ceste ordonnance fut presentee par Messieurs des Comptes le 15. du mesme mois de Mars avec les noms, & surnoms de tous les Maistres, & lors s' estoit esvanoüie la difference de Jugeurs & Raporteurs des Enquestes. Quelques uns se sont accroire que le Parlement fut deslors fait perpetuel & sans aucune discontinuation, parce qu' ils voyent ce roolle enregistré au registre des anciennes Ordonnances de la Cour, & que les autres precedans ne s' y trouvent; ains seulement en la chambre des Comptes, ou au tresor des Chartres. Qui n' est pas une opinion degarnie de quelque raison : ayant mesmement esgard que Messieurs des Comptes en furent porteurs: Chose qu' ils n' ont oublié dedans leurs Memoriaux: mais toutesfois opinion desdite par une demonstration oculaire: Car aux mesmes Memoriaux on trouve lettres du 12. Aoust 1347. adressees aux gens des Comptes, par lesquelles le Roy leur mande, que d' autant que le Parlement ne siegeoit lors, il avoit delegué quelques Conseillers & Maistres, pour faire le procés aux Lombards Usuriers, lesquels il vouloit être payez de leurs vacations & salaires tels qu' il avoit ordonnez par chacun jour. Par autres lettres du 28. Decembre 1352. le Roy Jean ordonne à maistre Jean Hauvere, maistre des Requestes de son hostel les gages de xxiiij. sols parisis par jour, tant qu' il seroit à sa suitte, & qu' aux autres mois ausquels il ne devoit toucher gages, toutesfois il les receust, Dum tamen eisdem diebus (dit le texte) nostro praesente Parlamento sedente sicut alij Consiliarij nostri dicti Parlamenti pro expeditione causarum eiusdem, insistat. Nostram tamen gratiam prædicto nostro praesente Parlamento finito, volumus non durare. Et qui est un argument indubitable, c' est que pendant la prison du Roy Jean, Charles V. son fils lors Regent, en plaine assemblee des Estats apres avoir apporté quelque reglement & police sur le fait du Parlement, par ses lettres du huitiesme Fevrier 1356. declare que son intention estoit de faire que les Chambres du Parlement, Enquestes & Requestes se tinssent à l' advenir sans aucune discontinuation. Ce fut un conseil par luy projecté, & deslors le Parlement se tint avec plus grande assiduité qu' auparavant: mais non avec suppression generale de l' ancienne observance. Mais apres qu' il fut decedé en l' an 1379. la minorité du Roy Charles sixiesme, la foiblesse de son cerveau, les partialitez des Princes furent tante, qu' ayans leurs esprits bandez ailleurs, on ne se *souvint plus d' envoyer nouveaux roolles de Conseillers, & par ce moyen le Parlement fut continué.

Et deslors furent mises sus les eslections de Presidens & Conseillers, tenans de là en avant leurs Estats à vie: & jusques alors vous ne voyez dedans les registres aucune mention des elections. Il n' est pas neantmoins qu' auparavant ceste nouvelle police encores il n' y eust quelque desordre au nombre des Conseillers ou Presidens: Car combien que Charles cinquiesme pendant sa Regence voulut reduire le Parlement au nombre prefix par Philippes de Valois, si est-il contrainct d' y laisser Dorgemont, quatriesme President supernumeraire avec Bussy, la Vache & Denne-ville, à la charge que vacation de l' un des Estats advenant par mort, cest Estat demoureroit suprimé. Ce mesme Dorgemont fut depuis fait Chancelier de France. En l' an 1406. Mauger fut fait cinquiesme President & depuis aussi Chancelier. Le penultiesme Fevrier 1465. sous le regne de Louys unziesme, Halé receu troisiesme Advocat du Roy: Et le sixiesme Avril 1491. fut tenu le Conseil du Roy en la chambre des Comptes, où estoit le Chancelier avec plusieurs autres Seigneurs, & entre autres Maistres Pierre Chouard, Jean L' huillier, Jean le Maistre Advocats du Roy en son Parlement, & Maistre Christofle de Carmonne son Procureur general. 

D' une chose me suis-je esbahy, qui merite de n' être teuë, car ailleurs n' ay je observé pareille histoire. Pendant la prison du Roy Jean, & Regence de Charles son fils, depuis cinquiesme Roy de ce nom, les trois Estats seditieusement assemblez dedans la ville de Paris, firent demettre de leurs charges plusieurs personnages, tant du Parlement, que chambre des Comptes & finances. Le tout par les factions du Roy de Navarre, qui en ceste eclypse, commandoit aux opinions de la populace. A quoy le Regent callant la voile à la tempeste, fut contraint d' acquiescer. Mais depuis les affaires de France reduites en leur calme, ils furent tous restablis en leurs dignitez, par lettres patentes du 28. de May, 1359. Et entre les autres y estoit Un Regnaut d' Acy Advocat general, & aussi * Monsieur (c' est à dire du Roy) & de nous en Parlement (c' est à dire du Regent) c' est le propre texte des lettres: comme si la qualité d' Advocat general au Parlement, eust esté distincte de celle d' Advocat du Roy, & du Regent.

Le Parlement ayant commencé d' être tenu sans discontinuation, & les Conseillers continuez en leurs charges, cela fut cause que les Seigneurs suivans les armes furent contraints de quitter la place, & la resigner aux gens de robbe longue. Chose qui introduisit au Parlement (comme j' ay dit presentement) les elections, lesquelles estoient confirmees par nos Roys. Et de ces deux nouvelles polices, sourdit aussi une nouvelle question entre-eux: Parce que le dixiesme de Decembre 1410. l' election & provision de quelques Presidens & Conseillers des Enquestes fut retardee, d' autant que les Nobles soustenoient qu' en concurrence de Nobles & Roturiers on devoit premier eslire les Nobles quand ils se trouvoient suffisans, les autres soustenans au contraire, que sans avoir esgard au lignage, il falloit jecter l' œil sur la capacité & vertu. Et se presentant depuis ceste question devant le Roy, en la balance de deux il jugea pour celuy qui estoit extraict de noble lignage.

D' un autre costé aussi n' estans plus les Conseillers distincts par l' exterieur des habits, & chacun estant revestu d' une longue robbe, nos Roys ayant osté les elections, s' en voulurent faire accroire selon les occasions, gratifians à gens Laiz & mariez, des Conseilleries affectees aux Ecclesiastiques, vray que les provisions estoient accompagnees de dispenses, que le Parlement estoit contrainct de passer: Non toutesfois sans contraste, parce que nous trouvons registre de la Cour du vingtdeuxiesme Avril 1486. par lequel il fut arresté que nul Lay ne seroit plus receu en l' office de Clerc. Et en l' an 1490. quatriesme de Mars, Turquan receu en l' office de Clerc à la charge de non soy marier, & s' il faisoit le contraire, consentoit d' être privé de son estat. Le seiziesme Avril 1518. que Crespin qui avoit l' office de Clerc seroit receu comme Lay: & a commandé le Roy Edict, pour n' en recevoir plus de ceste façon, porte le registre: Finalement apres la prise du Roy François premier, l' an 1523. aux instructions de la Cour envoyees à Madame la Regente sa mere, le dixiesme Avril sur la reformation de l' Estat, entre autres articles estoit cestuy-cy. Que l' on ne baillast plus les offices de Clercs à gens Laiz. Ce nonobstant la desbauche s' y estoit avec le temps de telle façon plantee, que c' estoit une vraye meslange des uns & des autres par les dispenses que l' on y avoit apportees du temps des Roys François premier, & Henry deuxiesme, jusqu' à ce que par l' introduction du Semestre en l' an 1553. estans les Juges redoublez, ce nouvel desordre & confusion reduisit les choses à leur ancien ordre. Parce que les Laiz qui auparavant avoient des offices de Clercs prindrent des offices de Laiz nouvellement creez, laissans les leurs aux gens d' Eglise, qui voudroient avoir entree en la Cour, & depuis la reünion des deux Semestres, les choses demourerent long temps en ce mesme estat.

Puis que je me suis estendu si avant en la distinction des Conseillers Clercs & Laiz, je ne veux obmettre de parler d' une troisiesme espece, je veux dire de ceux qui ont seance au Parlement, & non voix deliberative. Ce sont les Archevesques & Evesques: chose qui a pris diverses faces, selon la diversité du temps. Le Parlement Ambulatoire, comme j' ay dit, estoit composé au dessous des Pairs, de plusieurs Prelats, Ducs, Comtes, & Barons: Ny pour cela il ne faut pas estimer que sous la troisiesme lignee de nos Roys, la porte fust ouverte à tous Archevesques, Evesques & Abbez, ains à ceux qui estoient specialement reservez. Il se trouve un vieux registre de l' an 1289. par lequel il est deffendu à Philipot le Commun, & Jean Autre, portiers du Parlement, de ne laisser entrer nully des Prelats en la Chambre sans le commandement des Maistres. Et depuis par ordonnance de Philippe le Long, la porte leur fut tout à fait fermee, comme j' ay deduit cy dessus. Au reglement qui fut fait par Charles V. lors Regent en l' an 1359. apres avoir limité le nombre des Conseillers du Parlement à trente qui prendroient gages, ne voulant qu' il y en eust davantage, il excepte puis apres les Prelats, Princes & Barons, dont il y en avroit tant qu' il luy plairoit. D' autant qu' ils ne prenoient nuls gages, & ne chargeoient les finances du Roy. Reserve qui leur ouvrit puis apres le pas, de telle façon que les Abbez mesmes y eurent entree jusques en l' an 1401. que par arrest du 29. Avril il leur fut deffendu de seoir de là en avant avecques les Maistres. Et depuis l' Abbé de Clugny ayant presenté sa requeste pour y avoir seance, par arrest du penultiesme Janvier 1482. elle luy fut enterinee, pour ceste fois tant seulement en consideration du grand lieu dont il estoit extrait, joinct qu' il estoit chef d' Ordre. Et le mesme an fut par privilege special permis à l' Archevesque de Narbonne d' avoir voix deliberative. Ainsi que nous voyons aujourd'huy les choses être reglees, tous Archevesques & Evesques y ont seance, & non opinion, fors les six Pairs Ecclesiastics, l' Evesque de Paris, & Abbé de S. Denis. Privilege qui luy avoit esté aussi particulierement accordé par Philippe le Long, lors qu' il ferma la porte à tous autres Prelats. Cela sera par moy dit en passant, comme estant une piece que je ne pouvois oublier sans faire tort à ceste histoire.

Je vien maintenant à la Chambre des Requestes du Palais, à laquelle (apres avoir discovru tant de la Chambre du Parlement, que de celle des Enquestes) je veux donner plus de façon: d' autant qu' outre ceste-cy, il y a encore la Chambre des Requestes de l' Hostel du Roy. Le Sire de Joinville dit que S. Louys son maistre, avoit acoustumé de l' envoyer avecq' les sieurs de Nesle & de Soissons, aux plaicts de la porte, & s' il y avoit quelque chose qu' ils ne peussent bonnement vuider, ils luy en faisoient le rapport, & lors envoyoit querir les parties, & jugeoit leur cause. Auparavant que le Parlement fut fait sedentaire, je trouve un roolle des Officiers de la maison du Roy, au bout duquel sont ces mots. Monsieur Pierre de Sargiues ( : Sargives), Gilles de Compieigne, Jean Mailliere. Ces trois orront les plaicts de la porte, & aura Gilles de Compieigne autant que Monsieur Pierre de Sargives, & mangera avecques le Chambellan. De ma part je ne fais aucune doute, que ces Seigneurs estoient ceux que depuis nous avons appellez Maistres de Requestes: & les plaicts de la porte, les plainctes & requestes que l' on presentoit au Roy, dont la cognoissance leur estoit commise. Depuis que le Parlement fut fait resseant, il y en eut six, trois Clercs, & trois Laiz. 

La charge desquels estoit d' être ordinairement par quartier en Cour, & le demourant de l' annee au Parlement ou autres lieux, comme il leur plaisoit, & estoient de telle auctorité qu' à la suitte du Roy, ils secondoient le Chancelier, comme aussi au Parlement, ils presseoient tous les autres Conseillers au dessous des Presidens. En l' escrouë du Parlement tenu sous Louys Hutin, on insere premierement les Conseillers du Conseil estroict, & au dessous on baille son lieu particulier au Chancelier, & apres luy aux six maistres des Requestes, contenant l' intitulation de l' article ces mots: Clercs Suivants & Laiz, maistre Michel Mauconduit, maistre Pierre Bertrand, maistre Pierre de Chappes, messire Jean Darrablay, messire Ferry de Villepestre, messire Jean de Courtier, desquels y aura tousjours à Cour j. Clerc & j. Lay. Liquel prendront à Cour en la maniere accoustumee au temps du Roy le pere, & li autre se il vienne, ne prendront riens se il ne sont mandé. Lors que l' on vient au denombrement des Seigneurs du Parlement, apres avoir mis le Chancelier devant tous les Conseillers Clercs, comme chef, on met immediatement apres luy les trois Maistres des Requestes Clercs, cy dessus nommez, & les trois autres Maistres des Requestes Laiz dessus tous les Conseillers Laiz. Ces Seigneurs estoient quelquesfois appellez Suivants, mais d' ordinaire Poursuivants, non pour les villipender, ains par un tiltre special d' honneur. Parce que leurs charges entre toutes les autres estoient necessairement affectees à la suitte du Roy, pour recevoir les requestes qui luy estoient faites. Qui fut cause que depuis oubliant le premier tiltre, on les nomma Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. Et parce qu' en ce subjet ils se dispensoient quelquesfois trop legerement, jugeans fort souvent des Requestes au prejudice des parties, qui gisoient en plus grande cognoissance de cause, leur fut enjoinct que de toutes les requestes de Justice que l' on leur presenteroit ils seroient tenus de les renvoyer chacune en leur chacune: c' estoit de faire seeller lettres qui seroient adressees aux Juges ausquels devoit appartenir la cognoissance de telles matieres, & non de les decider. Or tout ainsi qu' en matiere de medailles les antiques sont de plus grande recommandation que les modernes, aussi vous veux-je icy representer l' ancienne ordonnance de Philippe le Long. Non vrayement au mesme langage qu' elle fut faite: car le malheur du temps a voulu, qu' en ceste-cy & plusieurs autres par moy alleguees on ait changé le langage, selon le temps qu' elles estoient copiees. Qui est cause que je suis contraint de les vous debiter telles que je les ay trouvees. 

Philippe par la grace de Dieu Roy de France & de Navarre, faisons sçavoir à tous, nous avoir fait extraire de nos Ordonnances faites par nostre grand Conseil, les articles cy apres escrits, lesquels nous voulons être tenus & gardez fermement sans corrompre par nos Poursuivants. 

Premierement avons ordené que deux de ceux des Requestes seront continuellement avec nous suivans la Cour, & non plus, j. Clerc, & j. Lay, lesquels seront tenus de seoir chacun jour à heures accoustumees en leur commun pour ouïr les requestes que faites leurs seront, & ne passeront ne soufferront passer aucunes lettres contraires à nos ordonnances. 

Les dits Poursuivants ne deliu * ne passeront nulles requestes qui touchent nostre Parlement, Chambre des Comptes, ou nostre Tresor, ainçois iceux requereurs renvoyeront aux lieux là où il appartiendra chacun endroit soy. 

Et pource que moult de requestes ont esté souvent faites à nos predecesseurs & à nous, qui passees ont esté frauduleusement sous umbre d' aucune couleur de raison, lesquelles se discutees eussent esté pardevant ceux qui sont instruits & ont cognoissance des besongnes, n' eussent pas esté passees: comme de moult de gens, qui requierent recompensation de services, restitution de dommages, graces de dire contre les arrests donnez en nostre Parlement, & plusieurs autres choses semblables, où moult de fraudes & deceptions ont esté faites au temps passé. De toutes icelles requestes nous doivent les Poursuivants qui avec nous seront, adviser, afin qu' elles ne passent & qu' elles soient envoyees aux lieux où il appartiendra. 

Nous avons ordené pour tousjours avoir plaine cognoissance des choses qui se feront pardevers nous, qu' un livre soit fait que l' on appellera Journal, auquel on escrira continuellement ce que fait aura esté en nostre Conseil estroit, dont memoire soit à faire. Et à celuy livre faire & garder nous avons ordené maistre Pierre Baux nostre Clerc: Auquel il sera dit & devisié par ceux qui seront presens de nostre estroit Conseil, ou par l' un des Poursuivants si appellé estoit, au cas que les autres fussent absents chacun jour, ce qui fait aura esté en nostre dit Conseil, dont mention soit faire. Et y seront mis expressemment les noms de ceux qui avront esté aux besongnes Conseillers. 

Et peu apres: C' est ce que les Notaires nous poursuivans doivent faire & garder sur les choses qui s' ensuivent.

Item que les dits Notaires ne porteront nulles lettres pour porter seeller, avant qu' elles ayent esté releuës à ceux qui les avront commandees, & ce mesmes doivent faire tous les autres Notaires, combien qu' ils ne poursuivent la Cour. Et toutes ces choses doit chacun des dits Poursuivants & Notaires tenir & garder fermement sans corrompre, & si aucun cas venoit qu' ils ne peussent esclaircir par les articles dessusdicts, voulons pour eux acertener sur ce, qu' ils ayent recours à nostre Chambre des Comptes, où nous avons fait registrer nosdites ordonances, & bailler en garde.

Ce mot de pour joinct avecq' une autre parole emporte quelque emphase grande, comme nous voyons en ces mots, pour-parler, pour-penser, pour-chasser.

Au demourant de ces deux pieces: je veux dire du denombrement de Louys Hutin, par moy n' agueres touché, & de la presente ordonnance, vous pouvez presque recueillir dont viennent leurs charges & fonctions. Car ces Seigneurs estans necessitez d' être à la suitte du Roy pres du Chancelier, ils furent faicts ses commensaux, voire que pension luy fut assignee pour les recevoir à sa table: aussi estoient-ils comme ses Lieutenans pour le seau: & de là est venu que les principales lettres Royaux doivent être signees en queuë par l' un d' eux. De là qu' ils president au petit seau estably pres des Parlements, comme representans la personne du Chancelier absent, & neantmoins leur presence & authorité n' y est pas requise pour faire que les lettres portent effect de sentence, mais pour ne permettre qu' elles soient seellees, si par le narré d' icelles on voit qu' elles contreviennent aux Ordonnances Royaux, & pour le surplus renvoyer l' adresse des lettres pour être jugees par les Juges selon l' exigence des cas. De là, que tout ainsi que dés le temps de Philippe le Long ils secondoient les Conseillers du grand Conseil qui estoit pres du Roy, comme vous voyez de ceste ordonnance: Aussi voyezvous qu' ils font le semblable au Conseil d' Estat qui est aujourd'huy pres du Roy. Et de cela mesmes advint que le grand Conseil ayant pris nouvelle forme, ils y tindrent les premiers lieux. Et pour achever par où je devois commencer de l' ordre qui fut tenu dés le temps mesmes de Louys Hutin vient qu' ils siegent au Parlement devant tous les autres Conseillers. Chose qui apporta autresfois une dispute qui est encores indecise. Car comme ainsi fut qu' à l' ouverture du Parlement de la S. Martin l' an 1407. ne se trouvast aucun President pour recevoir les serments des Advocats & Procureurs, qui apporta un merveilleux scandale à la compagnie, les Maistres des Requestes, & les Conseillers entrerent lors en contention à qui appartenoit ce premier lieu: ceux-là soustenans que tout ainsi qu' ils estoient les premiers en seance, aussi la presseance leur devoit appartenir. Et ceux-cy que residens perpetuellement au Parlement, le plus ancien de leur college devoit estre preferé aux autres. Surquoy chacun ne voulant rien rabattre de son opinion, on deputa quelques Seigneurs de la Cour pardevers le Roy & son Conseil, pour definir ce different. Toutesfois sans approfondir l' affaire, on trouva cest expedient, de decerner lettres par lesquelles du Drac President aux Requestes fut commis pour presider. Depuis en l' absence des Presidens & des Maistres des Requestes, j' ay veu sans controverse le plus ancien des Conseillers Laiz presider & prononcer les Arrests en l' Audience, sans que les Conseillers Clercs ayent revoqué ceste puissance en doute. Mais pour ne me detraquer de mon chemin, & n' oublier rien de ce qui concerne l' authorité des Maistres des Requestes, ils eurent cognoissance & jurisdiction contentieuse en deux poincts, l' un quand le tiltre d' un office Royal estoit contentieux entre deux parties, l' autre quand on poursuivoit en action pure personnelle un officier domestique du Roy qui estoit à la suitte de sa Cour. Nous apprenons cela d' une ordonnance de Philippe de Valois de l' an 1344. 

Et de ces deux est fort aisé d' en rendre raison: car pour le regard des offices il failloit necessairement que les parties eussent recours au Roy pour les en avoir pourveuz: Lequel s' en reposoit sur les Maistres des Requestes: comme aussi la faveur de ses domestiques meritoit bien qu' ils ne fussent distraicts pour causes legeres du service qu' ils devoient rendre à leur maistre: Partant fut la cognoissance de telles affaires commise pareillement aux Maistres des Requestes. Entre les ordonnances du Roy Jean est ceste-cy du 28. Decembre 1359. par laquelle il veut que toutes jurisdictions soient delaissees aux Juges ordinaires, sans que les subjects puissent être travaillez ailleurs, excepté seulement que les Maistres des Requestes de son Hostel avroient la cognoissance des offices, & aussi des Officiers de son Hostel en actions pures personnelles, en deffendant & non en demandant. Au demourant ils furent du commencement trois, puis six, & estans creuz en nombre plus grand, Philippe de Valois par son Edict du huictiesme Avril 1342. declara qu' il ne pourvoiroit plus à nul de ces offices qu' ils ne fussent reduicts au nombre ancien de six. Du temps de Charles VIII. ils estoient huict, quatre Clercs, & quatre Laiz. Nombre qui avoit esté continué jusques au Roy François I. sous lequel commença le desordre. Vray que de fois à autres on en creoit des extraordinaires: qui estoit cause que les autres s' intituloient Maistres ordinaires, pour ne laisser enjamber sur leur authorité ancienne. 

J' ay voulu de propos deliberé premierement discovrir des Maistres des Requestes de l' Hostel, parce que la Chambre des Requestes du Palais n' est qu' une image de ces premiers, & à vray dire a emprunté d' eux la jurisdiction qu' elle exerce pour le jourd'huy. Car quelle rencontre & communauté a l' exercice de leur jurisdiction avecques le mot de Requestes, qui est leur principale qualité? Or pour entendre cecy de fonds en comble, faut noter qu' aux Parlements qui furent tenus dans Paris sous Philippe le Bel, & Louis Hutin, je ne voy être faite aucune mention d' une Chambre des Requestes: car lors les requestes estoient responduës par les Conseillers du Parlement & des Enquestes. Et tout ainsi qu' à la suitte du Roy il y avoit les Maistres des Requestes de son Hostel, qui estoient destinez pour juger les Requestes qui luy estoient presentees, sinon les remettre à sa cognoissance si elles estoient de trop grand poids, aussi voulut-on introduire semblable ordre pour les Requestes qui seroient presentees au Parlement. C' est pourquoy sous le Roy Philippe le Long, outre les deux Chambres, du Parlement, & des Enquestes, on y en crea une troisiesme, qui fut celle des Requestes. Enquoy l' on suivit presque la mesme forme, que celle que l' on observoit pres du Roy: Parce que comme du commencement on appelloit telles Requestes les plaicts de la porte du Roy, aussi mit-on la Chambre des Requestes hors l' enclos des deux autres Chambres, comme celle qui estoit introduitte pour juger les plaicts de la porte du Parlement, qui estoient les requestes que l' on luy presentoit. Et où ils y trouveroient de l' obscurité ils devoient en communiquer aux Maistres du Parlement. Du commencement on y mit quatre Conseillers, deux Clercs & deux Laiz, en apres cinq, trois Clercs, & deux Laiz, & finalement huict, conformemment aux huict Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. La plus ancienne Ordonnance qui en parle est celle de Philippe le Long, de l' an 1320. par moy cy dessus touchee, dont je transcriray les articles. 

Avons ordené & ordenons sur l' Estat de nos Requestes en tel maniere: C' est à sçavoir qu' il y aura trois Clercs & deux Laiz: lesquels venrront le matin à l' heure que ceux du Parlement, & demourront jusques à midy, s' il en est mestier, & orront continuellement & par bonne deliberation lesdites (les dites) requestes. 

Si aucune requeste estoit baillee à ceux des Requestes, laquelle ils ne peussent pas bonnement depescher, ils en parleront aux gens de nostre Parlement quand midy sera sonné, & si la requeste estoit si pesante qu' il en convenist avoir greigneur deliberation, en parleront quand l' en sera aux Arrest (c' estoit les jours des Jeudy, ainsi qu' il a esté dit cy dessus) & le diront à celuy à qui ladite (la dite) requeste touchera, afin qu' il sçache qu' on ne le face pas attendre sans cause. 

Ceux des Requestes n' entreront en la Chambre du Parlement, fors pour les cas dessusdits, se ils n' y sont mandez, ou se ils n' y ont affaire pour leurs propres besongnes, ou pour leurs amis especiaux: & en ce cas si tost comme ils avront parlé, ils s' en istront, & iront faire leurs offices. 

Ceste Ordonnance nous enseigne que lors ces Messieurs representoient les Conseillers qui jugent aujourd'huy les instances à la barre. Les grands empeschemens des Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy, qui estoient à la suitte du grand seau, furent cause qu' au long aller les causes des domestiques de la maison du Roy qui estoient pendantes devant eux, furent renvoyees aux gens tenans les Requestes du Palais. 

Il y avoit entre eux symbolization de noms, & de charges sous diverses rencontres. Ceux qui estoient pres du Roy estoient dicts Maistres des Requestes de l' Hostel du Roy. Les autres Maistres des Requestes du Palais. Ceux-là avoient cognoissance des requestes presentees au Roy. Ceux-cy de celles qui estoient presentees au Parlement. En ceste rencontre de noms & de functions, il fut aussi aisé de faire changer de main aux procedures que l' on faisoit de la suitte de la Cour du Roy. Les officiers domestiques du Roy pensans avoir plus prompte expedition aux Requestes du Palais, obtindrent commissions, pour intenter leurs causes personnelles, mais tant en demandant que deffendant, comme aussi d' y faire renvoyer celles qui estoient intentees pardevant les Maistres des Requestes de l' Hostel. Ces commissions furent dés leur primitive origine appellees Committimus. Des personnelles on creut avecques le temps le privilege, & l' estendit-on aux possessoires, & encores aux mixtes, c' est à dire à celles qui tiennent de la personalité & realité ensemble, comme sont les instances de partages, rescisions, retraicts lignagers, & feudaux. Voire voulut on que ces Seigneurs eussent cognoissance du merite du Committimus, privativement de tous autres Juges: Je veux dire que si une cause estoit renvoyee pardevant eux en vertu d' un Committimus, tout autre Juge eust soudain les mains liees, & leur renvoyast la cause, sauf à eux d' examiner si elles estoient de leur cognoissance. Chose que je voy avoir esté ainsi jugee par Arrest dés le 8. Juillet, 1367. Auquel temps les Committimus commençoient seulement de poindre. Cela se faisoit pour-autant que ces Comissaires à cause de leurs Conseilleries faisoient part & portion de la Cour. Et comme ainsi fust que les Maistres des Requestes de l' Hostel s' en voulussent faire croire au prejudice des autres, ne pouvans bonnement endurer que leur jurisdiction fut en ceste façon divisee, le Roy Charles VII. en l' an 1453. evoqua aux requestes du Palais toutes les causes de la nature que dessus, qui estoient pendantes & indecises devant les Maistres des Requestes de l' Hostel. Et le 5. Juillet en l' an 1452. avoit esté faite la publication de l' auditoire des Requestes du Palais par le President Thiboult, & l' Evesque de Paris.

Deslors on reprit la premiere & plus ancienne discipline du Parlement: parce que les Conseillers de la grand Chambre & des Enquestes commencerent de cognoistre des Requestes qui leurs estoient presentees: & à ceste fin avoient accoustumé de se presenter en la grand salle du Palais pres la porte de la grand Chambre, appuyez sur une grand barre que l' on voit encores à l' entrée à la muraille, & qui se peut oster quand on veut. Et combien que l' usage de ceste barre soit perdu, tant y a que de là vient que nous appellons toutes instances qui sont entees sur des Requestes, instances pendantes à la barre.

Cela soit par moy touché en passant, mais pour revenir à la Chambre des Requestes du Palais, n' y ayans du commencement que les Officiers de la maison du Roy qui peussent iouyr du Committimus, chacun vouloit emprunter ce tiltre sous faux gages. Qui fut cause que Charles VI. sous lequel les Committimus commencerent d' entrer en plus grand credit qu' auparavant, par son Ordonnance de l' an 1386. voulut que nul ne peut iouyr de ce benefice, s' il ne iouyssoit actuellement des gages. On passa puis apres plus outre parce que tous les Conseillers du Parlement & des Enquestes voulurent avoir ce privilege, ensemble les Greffiers, Notaires & Secretaires de la Cour, mesmes il fut dit par Arrest du 14. Decembre, 1408. que quatre Clercs du Greffe Civil, deux du Criminel, & un des presentations, avroient leurs causes commises aux Requestes du Palais. Les Advocats y voulurent aussi avoir part, & non sans cause: D' autant qu' en une ancienne Ordonnance inseree dans le vieux stile du Parlement, où il est parlé du serment qu' ils doivent faire à la Cour, ils sont appellez Advocats & Conseillers du Parlement : Aussi les Advocats, tant plaidants que consultants sont honorez du chaperon fourré, qui est la vraye remarque du Magistrat du Palais: Et encores on donne aux plus anciens seance sur les fleurs de Lys vis à vis des gens du Roy. Tout ainsi que les Advocats, aussi les Procureurs du Parlement se meirent de la partie. Tant de sortes de personnnes voulans avoir part à ce gasteau, cela fut cause que le Chancelier Brissonnet, sous le regne de Charles VIII. declara en plain Parlement, le 16. Fevrier 1497. qu' il ne delivreroit plus de Committimus qu' aux domestiques du Roy, & specialement qu' il n' en seelleroit plus pour les Advocats, il ne parle point des Procureurs. Qui me fait dire que lors ils ne iouissoient de ce privilege. Car il y avoit beaucoup plus de raison de le leur refuser, qu' aux Advocats. Ceste mesme querelle a depuis esté soustenuë, tant par le Chancelier Olivier, que de l' Hospital, mais ils ne l' ont peu gagner. Par l' Edict de Moulins de l' an 1566. est fait un article expres de ceux qui pouvoient iouyr du Committimus, où sont compris les principaux Officiers de la Couronne, les Conseillers du Conseil Privé, les Maistres des Requestes de l' Hostel, Notaires & Secretaires du Roy, les Officiers domestiques couchez en l' Estat du Roy, & de la Royne sa mere, ses freres, sœurs, oncles, tantes, enfans de France. Douze des plus anciens Advocats du Parlement, & autant des Procureurs. Les Chapitres & communautez des Eglises qui de ce avoient privilege pour les affaires de leurs Eglises. Il ne parle point des Conseillers du Parlement, & autres qui en dependent. Mais il n' estoit besoin de les y comprendre, comme chose assez entenduë, puis que quelques Advocats & Procureurs y estoient compris, & neantmoins encores n' a cest article sorty son effect, parce que sans acception de personnes quiconque est Advocat ou Procureur au Parlement, il iouit de ce benefice, je dirois volontiers malefice, pour être une grande pitié de distraire un pauvre homme de sa jurisdiction ordinaire, quelquesfois de cent & de six vingt lieuës. Nos ancestres aux causes legeres, comme simples personnelles, mesmes en deffendant seulement, voulurent que les domestiques du Roy, procedassent devant les Maistres des Requestes de l' Hostel, à la suitte de la Cour, pour n' être destournez du service qu' ils devoient au Roy. D' avoir depuis sur ces personnelles enté les actions possessoires & mixtes, tant en demandant que deffendant, & sur ce pied permettre à un officier domestique de quitter sa jurisdiction ordinaire, & choisir celle des Requestes du Palais, afin d' affliger sa partie adverse, paravanture est-ce une chose qui meriteroit reformation, si nostre France en estoit capable : Cela aucunement recogneu, par l' Edict du mois de Janvier 1560. sur la doleance des Estats tenus à Orleans, furent tous sieges des Requestes supprimez, establis és autres Parlements, fors celuy du Parlement de Paris. Ordonnance qui ne sortit jamais effect, au contraire on les a depuis augmentez, ainsi que les occasions s' y sont presentees, mesmes en l' an 1580. Henry III. fit une seconde chambre des Requestes au Parlement de Paris.

Or au paravant que le Parlement fut continuel, il ne faut point faire de doute que Messieurs des Enquestes & Requestes ne tenoient tel rang que Messieurs de la grand Chambre. Les adresses des lettres se faisoient aux gens qui tiennent ou tiendront nostre Parlement, Enquestes & Requestes, coome si ces derniers fussent separez du Parlement. Il n' est pas que l' on ne trouve plusieurs lettres, esquelles apres les gens du Parlement on met immediatement les gens tenans les Comptes, puis les Enquestes & Requestes. Et combien que le Parlement fait continuel, ait osté ceste difference, & que sous le nom de la Cour de Parlement, on compreigne la grand Chambre, avecq' les Chambres des Enquestes & Requestes: si est-ce que la grand Chambre a tousjours eu de grandes prerogatives sur les autres. Un procés ayant esté conclud & arresté en l' une des Chambres des Enquestes, entre le Mareschal de Rieux, & les marchands frequentans la riviere de Loire, les Presidents y trouvans quelque chose à redire, ils en firent plainte à la grand Chambre, laquelle par son Arrest du 7. Janvier 1409. ordonna que le procés seroit reveu avecq' les Conseillers qui l' avoient jugé: & depuis par autre Arrest du 4. Decembre, 1411. fut trouvé que les Enquestes avoient bien jugé. Ils ne pouvoient mettre les appellations au neant, qui est une moyenne voye entre le bien & mal jugé. Cela leur fut permis le 8. Janvier 1422. Et par Arrest du 5. Janvier 1505. il fut ordonné que quand les Presidents de l' une des Chambres des Enquestes seroit absent, il ne seroit permis aux autres d' y presider, ains appartenoit à la grand Chambre d' y commettre celuy qu' elle voudroit. L' authorité de ceste grand Chambre est telle qu' il n' y a celuy des Enquestes qui avecques le temps n' espere & ne desire y avoir seance, comme derniere ressource de ses pensemens. Et y a une histoire fort notable d' un different qui se presenta le 29. May 1422. entre Maistre Jacques Brulard, President aux Enquestes, & maistre Guillaume Guy Conseiller, à qui avroit le devant de l' autre pour cest effect, Guy combattant l' autre de l' ancienneté de sa reception, qui estoit de dix ans entiers, & Brulard de sa qualité de President. Surquoy les Chambres assemblees fut dit & ordonné que Brulard seroit preferé à l' autre : Je dy nommément les Chambres assemblees: parce qu' auparavant que le Parlement fust fait continuel, on ne sçavoit que c' estoit d' assembler les Chambres.