mardi 20 juin 2023

3. 25. Des Coustumes que le Clergé appelle Louables, pour quelquesfois couvrir la pudeur de son avarice.

Des Coustumes que le Clergé appelle Louables, pour quelquesfois couvrir la pudeur de son avarice

CHAPITRE XXV.

Toutes les considerations par moy cy-dessus discouruës, ont faict que l' on ne douta jamais que noz Roys assistez des premieres dignitez de la France, ne peussent reformer leur Clergé, lors qu' ils le veirent desvoyé par ambition, ou avarice extraordinaire. Et par ce que je voy les Ecclesiastics couvrir la plus grande partie de leurs fautes, sur des coustumes que noz ancestres appellerent Loüables, je pense qu' il ne sera hors de propos, si je vous en touche quelque mot.

Il est certain que sur l' advenement de nostre Religion, nous estions tous non seulement conformes en foy, mais aussi en ceremonies. Toutesfois nous ne demourasmes longuement en cest estat, parce que les Apostres, & leurs Disciples, s' estans acheminez aux Provinces qui estoient escheuës en leurs partages, trouverent les hommes diversement preparez à recevoir le sainct caractere de nostre foy. Cela fut cause que faisans comme le bon medecin, lequel prend advis de la saison, de la temperie de l' air, de l' aage, de l' habitude & qualité de son malade, accommodant sa medecine au subject qu' il traicte: Aussi ces bons vieux peres voyans quelques nations plus farouches, & les autres plus traictables, furent contraincts d' apporter quelques observances diverses, pour allecher ce pauvre peuple, encores neuf & rude, à la religion Chrestienne, selon le plus ou le moins qu' ils le voyent être capable. D' elles nous voyons frequente mention dedans les anciens Docteurs de l' Eglise: Sainct Hierosme respondant à Lucinius, sur ce qu' il luy demandoit s' il estoit bon de jeusner, & communier tous les jours, comme on faisoit en quelques endroits, luy manda qu' il falloit suivre les traditions de chaque Eglise, specialement celles qui ne resistoient à nostre foy, ainsi qu' elles avoient esté baillees d' ancienneté. Et sainct Augustin en sa cent & dix neufiesme Epistre escrivoit à Januaire, que la plus certaine regle que l' on pouvoit practiquer en telles affaires, estoit de non seulement rejetter, mais au contraire tres-estroictement embrasser ce qui ne se trouvoit ny contre nostre foy, ny contre les bonnes mœurs, & neantmoins contenoit en soy quelque aiguillon de pieté, pour nous exciter à bien viure. Le semblable trouverez vous dans sainct Gregoire, és quarante & un & septante cinq du premier livre de ses Epistres: Et de telle diversité d' observances y en a un grand discours dans Nicephore au douziesme & dans Eusebe livre cinquiesme de leurs histoires Ecclesiastiques: Elles estoient appellees Loüables coustumes: Par ce que c' estoient observances introduites en l' honneur de Dieu: Comme quand nous voyons un jeusne être observé en un Diocese, & en l' autre, non: Une feste solemnisee d' une façon en un lieu, qui ne l' est en l' autre. Or comme toutes choses par succession de temps, vont de bien en mal, & de mal en pis, aussi l' avarice s' estant logee dans nostre Eglise, & plusieurs appellez aux dignitez Ecclesiastiques, n' avoir autre devotion dans leurs ames que leur profit particulier, voulurent couvrir leur honte de quelque tiltre specieux: Appellans leurs constitutions pecuniaires, Loüables coustumes, qu' ils tiroient d' une longue ancienneté. Comme s' il y pouvoit avoir rien de loüable en chose où l' avarice regne contre les anciens Canons & Decrets: & que nostre Seigneur chassant les marchands du temple, ne nous eust pas voulu donner à entendre qu' il ne desiroit rien tant que de voir l' avarice hors de sa maison. Du masque de ces loüables coustumes prindrent leur source, les Decimes, Annates de la Cour de Rome, les Deports des Archediacres, les Proficiats & Cathedratiques que les Evesques prenoient pour leurs bien-venues. Les deniers que les Curez pretendoient leur estre deuz pour l' administration des Saincts Sacremens. A quoy le Parlement s' est tousjours vertueusement opposé, mesmes il ne trouva jamais bons tous les statuts capitulaires qui se tournoient seulement au profit des particuliers, & non au bien general de l' Eglise. Chose qu' il me suffit de vous monstrer maintenant au doigt, à la charge d' y donner encores quelque touche, lors que je parleray des appellations comme d' abus.