lundi 26 juin 2023

4. 6. Bourgeoisies du Roy, droits de Juree en Champagne,

Bourgeoisies du Roy, droits de Juree en Champagne, & que nous avons en France quelques images des anciennes libertez de Rome.

CHAPITRE VI.

Puis que par le Chapitre precedant j' ay discouru des Servages, tant de la ville de Rome, que de nostre France, il me sembler n' estre hors de propos, si maintenant tout d' une suite je discoure, combien de diverses manieres de libertez il y eut pour quelque temps dedans Rome, & comme sans y penser nous les representons en la France.

Jaçoit que du droit primitif & originaire des Romains, il n' y eust dedans Rome qu' une maniere de liberté, dont indifferemment ioüissoient tant ceux qui des leurs naissances estoient libres, que les affranchis, toutesfois la chiquanerie en apporta par succession de temps trois especes: La grande, par le moyen de laquelle l' esclave par son affranchissement ioüissoit de mesmes privileges, franchises, & libertez que celuy qui l' avoit affranchy, ioüissant parce moyen du droit de Bourgeoisie de Rome. La moyenne estoit celle qui leur moyennoit pendant le cours de leurs vies, les privileges ordinaires de la liberté commune, mais arrivans au periode de la mort, leur fermoit les mains: Tellement qu' il ne leur estoit loisible de tester (qui n' estoit pas une petite disgrace) & n' avoient autres heritiers que leurs premiers Seigneurs & Maistres: Par la derniere, qui estoit appellee la moindre des trois, l' affranchy pendant sa vie estoit exposé sous la puissance de son Maistre, comme son serf & esclave: Mais avant sa mort luy estoit permis de tester, & à faute de testament ses proches parens habiles à luy succeder, apprehendoient sa succession. Distinction de personnes que l' Empereur Justinian supprima par son Ordonnance, comme un trouble-mesnage d' Estat, & reduisit la liberté à son premier pied.

Or combien qu' en cette France nous ne soyons sujets au droit des Romains, toutesfois cette mesme police s' y est dés pieça insinuee, & continuee, mais sous diverses qualitez & considerations, és Bourgeoisies du Roy en Champagne, Aulbains, & estrangers par tout le Royaume, femmes mariees au pays coustumier. La grande liberté de Rome est representee en la Province de Champagne, quand l' homme de serve condition acquiert le droit de Bourgeoisie du Roy, ainsi que je discourray cy-apres en son lieu.

Car quant à l' estranger de nation, que nous appellons Aulbain, toutes & quantesfois qu' il se vient habituer en la France, & n' est naturalizé par lettres patentes du Roy, bien & deuëment verifiees en la Chambre des Comptes de Paris, il peut tant & si longuement qu' il est sain, vendre & disposer par donations entre-vifs de ses biens, comme il luy plaist, tout ainsi qu' un vray & naturel François: mais non par testament & ordonnance de derniere volonté: mesmes n' a autre successeur que le Roy en tous & chacuns les biens qu' il a dedans ce Royaume. C' est un droit qui eschet au Prince par une prerogative speciale de sa Couronne. Ce que j' appelle image de la seconde, & moyenne liberté de Rome: mais beaucoup mieux reiglee (selon mon jugement) que celle de Rome: pour n' estre exercee que contre celuy qui ne nous est naturel sujet.

Au contraire la femme au pays coustumier, exposee sous la puissance de son mary, tant & si longuement qu' elle est mariee, ne peut de son authorité privee disposer entre-vifs de ses biens, je veux dire, les vendre, donner, aliener, ny engager, mais en ces cas est requise l' authorité de son mary sur peine de nullité. Toutesfois luy est loisible de tester, de tous & chacuns ses biens selon le desir des Coustumes où ils sont assis, tout de la mesme façon que son mary peut faire des siens: Qui est une autre image de la derniere, & plus petite liberté de Rome. Particularitez que j' ay estimé devoir estre par moy remarquees, comme celles qui sont par nous veuës sans les voir. Je veux doncques maintenant venir à nos droits de Juree, & Bourgeoisies du Roy, principal sujet du present Chapitre: qui representent la grande liberté de Rome.