lundi 26 juin 2023

4. 7. Des droits de Juree, & Bourgeoise du Roy.

Des droits de Juree, & Bourgeoisie du Roy.

CHAPITRE VII.

Par toutes les coustumes de Champagne, je dy de Troyes, Meaux, Chaumont en Bassigny, & par celles de Sens, & Auxerre, il n' y a rien si frequent que quand elles nous enseignent y avoir deux sortes de gens, les uns Nobles, les autres non Nobles, & des non Nobles les aucuns estre de franche, les autres de serve condition: & au surplus que ceux qui sont francs se peuvent advoüer pour Bourgeois du Roy. Et à cet adveu, il y a quelques unes de ces coustumes qui s' y donnent plus ample carriere que les autres. Et parce qu' en la Coustume du Bailliage de Troye, il me semble y avoir plus d' obscurité, voire estre celle qui par dessus toutes les autres s' en est plus voulu faire accroire au prejudice des Seigneurs hauts Justiciers, je la toucheray particulierement. Les aucuns sont Nobles, & les autres non Nobles (portent le premier & second articles d' icelle) les non Nobles sont en deux manieres: Car les uns sont franches personnes, & les autres de serve condition: Lesquelles franches personnes, tant comme elles demeureront sous le Roy, ou és ressorts du Bailliage de la Prevosté de Troyes, sous aucun haut Justicier, non ayant en sa terre les droicts Royaux, sont appellez Bourgeois du Roy, & sont ses Justiciables ordinairement en tous cas personnels, Criminels & Civils, & redeuables de Juree, s' ils ne sont Clercs, ou autrement privilegiez. Et par les neufiesme & dixiesme articles subsequens. Les Bourgeois du Roy se peuvent tels advoüer par simple adveu, sans monstrer par escrit leur Bourgeoisie, excepté au Comté de Joigny, où celuy qui se veut advoüer pour tel, doit avoir lettres de Bourgeoisie du Baillif de Troyes, ou son Lieutenant. Cette Coustume fut redigee par escrit en pleine assemblee des trois Estats du Bailliage de Troyes par Maistre Thibaut Baillet  President, & Maistre Roger de Barme, Advocat du Roy au Parlement de Paris, & lors de la redaction Milon Advocat, tant du Clergé, que de la Noblesse s' y opposa, disant que si ces articles passoient ce seroit annichiler, & reduire à neant toutes les Jurisdictions hautes & moyennes des Seigneurs. D' autant qu' en leurs Justices y avoit sujets de quatre qualitez diverses, c' est à sçavoir les Nobles, les Clercs, les Roturiers, & les Serfs, qui estoient gens de morte-main: Qu' il estoit notoire que sur les Nobles ils n' exerçoient Jurisdiction, sur les Clercs encores moins, parce qu' ils estoient exempts de la Jurisdictions temporelle: Sur les Roturiers, par cette Coustume il leur estoit prohibé: Car les Roturiers, s' ils n' estoient Clercs, ou de morte-main, estoient faits Bourgeois du Roy: Parquoy si cet article demeuroit pour Coustume, ils n' avroient Jurisdiction que sur les serfs, hommes & femmes de corps. Et aussi que par les Ordonnances du Roy sur le faict des Bourgeoisies, les Bourgeois du Roy estoient sujects à plusieurs choses que l' on n' observoit point lors: Au moyen dequoy requeroit cet article estre corrigé. Les Commissaires sondans des praticiens quelle estoit la commune observance, ils rapporterent unanimement qu' elle estoit telle que l' article portoit. Ils n' avoient garde de dire le contraire. Car cet article sortant effect enfloit grandement leurs practiques, & par consequent leurs gibbecieres. Milon en peu de paroles avoit beaucoup dit, & moy en moins de paroles je diray que je n' entendy jamais les deux premiers articles, & estime que si ceux qui les dresserent, revenoient en vie, ils seroient grandement empeschez de les nous deschifrer. Pareille obscurité, mais non si perplexe, se trouva en l' an mil cinq cens cinquante & cinq, lors de la reformation de la Coustume de Sens. Mais n' ayant entrepris de demesler ce fuseau, je me contenteray de toucher ce qui est de l' ancienneté. Toutes les Coustumes par moy cy-dessus touchees, parlent des Bourgeoisies du Roy: celle de Troyes particulierement du droict de Juree. Recognoissons doncques s' il nous est possible comment furent introduits ces droicts, & en quoy ils consistoient. Je vous ay par le Chapitre precedant discouru comme sur le declin de l' Empire, fut par les Empereurs introduite une maniere de servitude tres-fonciere; sur les pays par eux de nouveau conquis, le François entrant dans les Gaules, rendit au Romain ce qu' il avoit presté aux autres.

C' est pourquoy furent faits trois sortes d' hommes en la Champagne, & quelques autres contrees des Gaules: Les vaincus qui furent faicts serfs, ausquels on laissa leurs terres, mais avec tant de charges pesantes, qu' ils sembloient estre plus à leurs Seigneurs qu' à eux mesmes, & pour cette cause furent appellez tantost gens de main-morte condition, tantost hommes & femmes de corps: & les Capitaines & plus grands Seigneurs qui avoient contribué de leur vaillance à la conqueste avecques nos Roys, eurent pour leurs departemens les Fiefs, desquels despendoient ces serfs: & la troisiesme espece fut des soldats François, qui pour ne tenir tel rang que les Capitaines, n' eurent pas les places Nobles, mais aussi ne furent-ils de si basse condition comme les Gaulois, & serfs, ains conserverent la liberté en laquelle ils estoient nez, leur demeurant leur nom originaire de francs, comme si on eust voulu dire que tous Francs ou François estoient naturellement de condition libre. Mot qui depuis s' est perpetué de main en main jusques à nous, voire avec un tel privilege, que nous opposons la franche condition à la servile, comme choses directement contraires. Et de là vint encores une autre distinction pour les terres: car comme ainsi soit que le mot de Leud entre les François signifiast subject, & que des terres les unes fussent Seigneuriales, & Feodales, les autres Allodiales, qui vouloit dire Censuelles, on en fit une troisiesme espece, de celles qui estoient tenuës en Franc-alleud, c' est à dire des terres, qui estoient tenuës par les Francs, non veritablement Nobles, comme les Fiefs, mais aussi non serviles comme les autres: de tant que l' on n' en payoit aucuns droicts, & devoirs censuels. Et de cette espece est aussi faite fort frequente mention dans la plus part des Coustumes par moy cy-dessus alleguees. Par ainsi en ce pays là il y avoit trois especes de personnes, Nobles, Francs, & Serfs, & autant d' especes de terres, Nobles, Censuelles, & en Franc-alleud. Et quant aux Serfs, ayans esté manumis, ils se disoient Bourgeois du Roy, comme je diray cy-apres.

Or comme les Royaumes se changent en diverses faces par longue succession de temps, aussi fit le nostre sous la troisiesme lignee de nos Roys, sous laquelle une infinité de grands seigneurs voulurent avoir part au gasteau, tout ainsi que Hugues Capet: mesmes petit à petit se fit un Comté de Champagne façonné de plusieurs pieces, lesquelles remises en une, les Comtes de ce pays-là tindrent un grand rang par la France, s' approprians plusieurs droicts de Souveraineté, avecques la reserve du baise-main, & vasselage envers nos Roys. Toutesfois pendant leur domination, on ne peut dire que le Baillif de Troyes, ny tous les autres de la Champagne pretendissent avoir en leurs Bailliages des Bourgeois du Roy, qui deussent subir leur Jurisdiction. Car ils n' estoient lors Juges Royaux, & ne l' ont esté que depuis que le Comté de Champagne a esté reincorporé à nostre Couronne.

Parquoy au lieu de cette Bourgeoisie du Roy (dont nous parlerons en son lieu) ils introduisirent un droict de Juree, qui estoit une prestation annuelle qui se faisoit aux coffres du Compte par ceux qui se rendoyent ses justiciables. Tout ainsi que le Serf foncier ne pouvoit changer de demeure au prejudice de son Seigneur, duquel il estoit homme de corps, & de suite: Aussi au contraire, soudain qu' il estoit affranchy, il avoit les portes ouvertes, & luy estoit permis de choisir tel domicile qu' il luy plaisoit, & en ce faisant subir nouvelle jurisdiction. Chose que je recueille d' un vieux tiltre d' un Thibaut Comte de Champagne, dont la teneur s' ensuit.

Nos Theobaldus Dei gratia Rex Navarrae, Campaniae, & Briae, Comes Palatinus, notum facimus universis praesentes litteras inspecturis. Quod cum Gillo Draperius filius defuncti Andreae de Champagne, & Alix uxor eius, de Meriaco essent homines de corpore dilecti, & fidelis nostri Simonis de Meriaco, ipsi se, & haeredes suos, tam procreatos, quàm procreandos, de corporibus eorum redemissent à dicto Simone, uxore eius, & haeredibus eorundem, & possent facere sibi dominum quemcunque voluissent, nos ad instantiam, & petitionem ipsorum, detinemus ipsos sub nobis pro decem solidis, quos dicti Gillo, Alix uxor eius, & haeredes eorum nobis & haeredibus nostris reddent annuatim, in festo S. Remigij, & pro dictis decem solidis ipsos quittavimus & quittamus ab omni tallia, tolta, demanda, custodia, villae, turris, & gabiolae ab exercitu, & chevaucheia, & ab omni alia exactione, facimus rei testimonium litteris annotatum, sigilli nostri munimine fecimus roborari. Actum anno Domini 1239. mense Maio.

Ce n' estoit doncques point, qu' estant affranchy il fust soudain Bourgeois du Comte, mais il estoit en son choix & option, ou de se faire Bourgeois de luy, ou bien d' un autre Seigneur: vray que voulant estre justiciable immediat du Comte, il estoit requis outre le domicile, qu' il luy payast certaine redevance par chacun an, qui estoit appellé Droict de Juree, pour l' honneur qu' il recevoit sortant fraischement d' une servitude, d' estre mis au rang de ceux qui estoient anciens Bourgeois. Tellement que pour jouyr de ceste qualité il estoit requis deux choses, l' une que laissant son premier, & ancien domicile, il s' habituast en une ville du Comte, de laquelle il seroit de là en avant justiciable en toutes demandes personnelles & criminelles, qu' on voudroit intenter contre luy: Duquel privilege il ioüyroit tant & si longuement qu' il y seroit demeurant: Qui estoit reduire les choses au droict commun de la Justice: l' autre qu' il payast par chacun an le droict de Juree, s' il n' estoit Clerc ou Noble, ou autrement bien & deuëment privilegié. Parce que si le manumis estoit puis apres annobly, ou tonsuré, il estoit aussi affranchy de cette protestation de Juree. De maniere que l' article de la vraye &  originaire Coustume de Champagne estoit, que tant & si longuement que telles sortes d' affranchis, demeuroient sous le Comte en la Prevosté de Troyes, ou d' une autre ville Comtale, ils estoient Bourgeois du Comte, & ses justiciables en tous cas personnels & criminels, & par mesme moyen redeuables de Juree, s' ils n' estoient Clercs, ou autrement privilegiez. Je dy en tous cas personnels. Parce que s' il estoit question d' un Petitoire il falloit renvoyer par devant le Juge des lieux, où les heritages estoient assis. Ceux qui reformerent cette Coustume en l' an 1509. suivirent aucunement ces traces, changeans fort à propos le nom du Comte en celuy du Roy, pour estre reüny à la Couronne, mais toutesfois avec un tel entrelas, & embarassement de paroles que l' on voit au doigt & à l' œil, que feignans de faire la mesnagerie du Roy, ils ne firent autre chose qu' une mangerie pour eux au prejudice des Seigneurs, & de leurs sujets. Les choses estans reduites à tel poinct, que soudain qu' un fuyard a sondé le gay de sa cause pardevant son Juge ordinaire, s' il la pense perdre, il s' auoüe Bourgeois du Roy, & par ce moyen la fait renvoyer pardevant le Baillif de Troyes, qui n' est pas une petite affliction pour le commun peuple.

Or estoit ce droict de Juree de six deniers pour liure des meubles, & deux deniers tournois des immeubles, sinon que l' on se fust dés le commencement aborné à certaine somme avec le Comte. Ainsi l' ay-je appris d' une sentence donnee en l' an 1420. par le Baillif de Troyes, sur un different qui se presenta entre le Procureur du Roy demandeur en execution, contre Jean Margoulet boulanger, Jean Cailler Orfevre, & Jean Houry tisserant deffendeurs: Par laquelle apres que les parties eurent escrit d' une part & d' autre, & les deffendeurs verifié leur abornement contre la pretention des six, & deux deniers par an, alleguee par le Procureur du Roy, les deffendeurs gagnerent leur cause, & furent condamnez pour une fois payer les dix sols, à quoy leurs predecesseurs avoient esté abornez. Et en ce procez fut produite la Charte du Comte Thibaut par moy cy-dessus rapportee. Au demeurant ce droict de Juree fut ainsi nommé, parce qu' il est vray-semblable que ceux qui se rendoient justiciables du Comte, faisoient un nouveau serment pardevant le Juge des lieux, ou bien que ceux qui estoient tous les ans esleuz pour faire le departement sur ceux qui estoient contribuables à cette redevance, faisoient le serment d' y proceder sans faveur, comme nous apprenons de ce que j' ay presentement recité. Et combien que l'  Ordonnance fust de payer six deniers pour chaque liure des meubles, & deux pour les immeubles: Toutesfois il y avoit une maxime generale, que nul ne payoit plus de vingt liures par an, à quelque valeur que se montassent les meubles & immeubles. Il pouvoit bien payer au dessous, mais non au dessus: & est une chose qu' il ne faut passer sous silence, que jaçoit que par la reünion du Comté de Champagne à la Couronne, le Baillif de Troyes eust esté faict Juge Royal, si est-ce que long temps apres le Baillif de Sens pretendoit que s' il y avoit quelques-uns au Bailliage de Troyes sujets des Ecclesiastics, qui se pretendissent Bourgeois du Roy, ils devoient payer le droit de Bourgeoisie en la recepte ordinaire de Sens, & non en celle de Troyes.

Ce qui apporta une belle dispute & plaidoirie en la Chambre des Comptes le dixneufiesme de May 1462. entre le Procureur du Roy de Sens d' une part, & le Procureur du Roy de Troyes d' autre. Sur ce que le Procureur du Roy de Sens disoit que le Roy, à cause de sa Couronne avoit la garde & protection des Eglises de son Royaume, & la cognoissance de leurs questions & differents, en ressort pardevant ses Baillifs Royaux, mesmes que quand on avoit fait quelques Appannages on avoit tousjours reservé par expres les gardes, patronages, souveraineté, & ressort des Eglises de fondation Royale, & de leurs terres: & nommément au traicté faict à Arras entre le Roy Charles VII. & le Duc de Bourgongne. Disoit outre que les temporalitez de l' Evesque & Chapitre de Troyes, & d' autres Eglises estans au Comté de Champagne estoient sujettes au Roy, & sans moyen à cause de sa Couronne & du Bailliage, ressort & Prevosté de Sens, en tous lesquels lieux le Roy, à cause de sa Couronne, avoit ses Bourgeois, qui devoient chacun an à sa recepte de Sens douze deniers Parisis de Bourgeoisie, & qui appelloit des Juges de leurs terres, les appellations se relevoient directement par devant le Baillif de Sens, & entr'autres villes. Qu' à l' Evesque de Troyes appartenoit les Seigneuries de Valants, & Villiers, & au Chapitre celles de sainct Cyre, & la Chapelle sainct Pere, esquels lieux le Roy avoit ses Bourgeois, qui payoient chacun an les dicts douze deniers Parisis à Sens: que nonobstant cela le Procureur du Roy de Troyes avoit obtenu lettres au mois de Decembre, lors dernier passé, a fin de faire payer les droits de Juree en la recepte de Troyes sur les dictes terres: chose dont iceluy Procureur du Roy de Sens s' estoit plaint aux Advocats, & Procureur generaux du Parlement, aux presentations des jours de Sens, & de Champagne, & depuis par leur advis s' estoit retiré en la Chambre. Partant concluoit à ce qu' inhibitions & deffences luy fussent faites, d' entreprendre sur ces droicts de Bourgeoisie, sous pretexte du pretendu droit de Juree. Contre lesquelles conclusions, le Procureur du Roy de Troyes, comme Comte de Champagne, disoit que le Comte de Champagne, à cause de son Comté, avoit droit de prendre Jurees par chacun an dans les limites de son Comté, sur tous les manans & habitans d' iceluy, s' ils n' estoient Clercs ou Nobles, ou autrement privilegiez: c' est à sçavoir six deniers pour liure de meuble, & deux deniers pour liure d' immeuble: toutesfois le plus puissant pouvoit estre quitte pour vingt liures par an, & de ce il avoit ioüy de tout temps: Que le Comte avoit droict de lever les Jurees sur les habitans de Valants, Villiers, sainct Cyre, & les Chapelles sainct Pere, estans de la Prevosté de Troyes, & que de ce il avoit ioüy jusques à quelque peu de temps auparavant, que le Procureur du Roy de Sens avoit appellé au Parlement de l' assiette d' icelles Jurees: Que de son dire il apparoissoit par les papiers & livres de Jurees, & Comptes ordinaires de Troyes, tant vieux que nouveaux, estans en icelle Chambre des Comptes, mesmes de l' an mil trois cens soixante deux, mil trois cens soixante trois, mil quatre cens neuf, & mil quatre cens dix. Davantage disoit que la Juree estoit de plus grand profit que les Bourgeoisies: Que le Roy pouvoit beaucoup gagner par l' un, & perdre par l' autre. Concluant par ces moyens & autres, a fin d' absolution. Le Procureur du Roy de Sens par ses repliques denioit la ioüyssance alleguee par sa partie adverse: & quant au profit, disoit que la Bourgeoisie croissoit & descroissoit selon le nombre de ceux qui payoient Bourgeoisie, ce qui n' estoit en ceux qui payoient la Juree. Et finalement que la Bourgeoisie estoit droict Royal inseparable de la Couronne, & la Juree droict du Comté de Champagne, qui se pouvoit separer par Apannage, ou autrement, & qu' il valloit mieux un denier non muable, que deux deniers muables, & que les Clercs payoient les droicts de Bourgeoisie, & non de Juree.

Cette cause plaidee au grand Bureau de la Chambre, presens les Advocats, & Procureur du Roy du Parlement, apres avoir veu toutes les pieces, il fut dit, & ordonné, que de là en avant le Receveur ordinaire de Sens recevroit comme par main tierce, & souveraine és lieux de Valans, Villiers, S. Cyre, & la Chapelle S. Pere, icelles Bourgeoisies, & en feroit recepte en ses Comptes, sans prejudice de droicts des parties, & des appellations interjettees au Parlement, le tout par maniere de provision.

Voila ce que je pense appartenir au faict de la Juree de Champagne, reste maintenant de parler des Bourgeoisies du Roy, esquelles on vouloit practiquer en Champagne l' Ordonnance de Justinian. Car tout ainsi que cet Empereur ostant toutes les obscuritez qui se trouvoient en la difference des libertez, voulut que tout homme qui estoit affranchy dans la ville de Rome, fust estimé Citoyen Romain, & ioüist de mesmes franchises que son Maistre. Qui n' estoit pas un petit privilege à l' effect mesmement des Jurisdictions. Car vous sçavez que lors que sainct Paul s' advoüa Citoyen de Rome, il ferma la bouche au Proconsul de la Palestine, qui renvoya la cognoissance de son faict à l' Empereur, quelque distance de lieuës qu' il y eust de la ville de Hierusalem à Rome. Le semblable advint-il en France, parce que les Serfs ayans esté manumis par leurs Maistres, se maintindrent à la longue, Bourgeois du Roy, & par ce moyen ne pouvoient estre ailleurs poursuivis que pardevant les Juges Royaux souverains, que nous appellons maintenant, Suzerains. Ainsi voyons nous estre porté par le cent trente-cinquiesme article de la Coustume de Sens, qu' une franche personne se peut advoüer & faire Bourgeois de la Bourgeoisie de Sens, si elle est de la Prevosté ou du ressort du dit Sens, en faisant les devoirs de Bourgeoisie, & des solemnitez en tels cas requises: Et le semblable au trente & cinquiesme article de la Coustume d' Auxerre. Quelles devoient estre ces submissions, nous le recueillons de l' Ordonnance de Philippes le Bel de l' an mil trois cens deux. Par laquelle il estoit permis à tout homme de s' advoüer Bourgeois du Roy, en faisant les submissions à ce requises, qui estoient de se venir presenter pardevant le Juge Royal de la ville, dont il desiroit estre dict Bourgeois, & que là en presence de deux ou trois notables Bourgeois, il promit d' achepter une maison en la ville dedans l' an & jour: chose dont il bailleroit caution, & de ce seroit faict acte que l' on mettroit és mains d' un Sergent qui le signifieroit au Seigneur de la Jurisdiction duquel ce nouveau Bourgeois entendoit estre exempt, & luy en bailleroit coppie, a fin qu' il n' en pretendist cause d' ignorance, & jusques à ce qu' il eust satisfaict à ce que dessus, il ne pouvoit ioüyr du droict de Bourgeoisie. Et neantmoins passant plus outre, il estoit encores porté, que de là en avant luy & sa femme devoient prester residence actuelle au lieu de la Bourgeoisie, pour le moins depuis le jour & feste de la Toussaincts jusques à la sainct Jean Baptiste, sinon qu' ils en fussent empeschez par maladie, pelerinage, ou autre legitime empeschement, lequel cessant, ils seroient tenus de retourner trois ou quatre jours apres pour le plus tard en leur maison: & leur estoit permis de s' absenter de la sainct Jean Baptiste jusques à la Toussaincts, pour faire leurs foings, moissons, & vendanges, & que s' il estoit possible ils se trouvassent en leurs Bourgeoisies aux Festes solemnelles de l' annee, & aussi apres avoir esté receuz Bourgeois, si aucun s' en vouloit soubstraire, il seroit tenu de payer les charges ordinaires, tant au lieu de son premier domicile, que celuy de sa Bourgeoisie. Au demeurant cette nouvelle Bourgeoisie ne l' exemptoit de la Jurisdiction de son Seigneur, pour la poursuite des droits, & devoirs Seigneuriaux, ny en action petitoire pour les heritages qui estoient assis en son ancien domicile, ny pour les excez par luy commis trois mois auparavant que d' estre faict Bourgeois. Ordonnance depuis en tout & par tout confirmee par le Roy Jean en l' annee mil trois cens cinquante & un. Chose certes tres-juridique, & par laquelle en conservant ce qui estoit de la dignité Royale, n' estoit faict aucun tort aux Jurisdictions des Seigneurs hauts Justiciers, ny aux sujets que l' on veut aujourd'huy distraire de leurs Jurisdictions ordinaires, sous umbre d' un simple adveu de Bourgeoisie, sans plus ample information. La plus belle coustume pour cest effect, & plus approchante de cette Ordonnance est celle d' Auxerre, à laquelle le Lecteur pourra avoir recours, depuis le trentecinquiesme article jusques au 41. inclus. Le commencement de l' Ordonnance de Philippes le Bel estoit tel. Haec ordinatio facta est per nos, & consilium nostrum de mandato nostro super modo tenendi, & faciendi Burgesias regni nostri ad removendam, ac tollendam fraudem, quae olim fuerat occasione, seu causa dictarum Burgesiarum, ratione quarum aliquando subiecti nostri graviter opprimebantur, ad nos suas querimonias deferentes. Et en la fin, Actum Parisiis die Lunae post mediam quadragesimam. Anno Domini 1302.