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jeudi 22 juin 2023

3. 35. Des Dixmes infeodees.

Des Dixmes infeodees.

CHAPITRE XXXV.

Jusques icy nous avons deduict une police introduite en faveur des pauvres guerriers, qui s' est perpetuee jusques à nous, & la recompense que l' on leur fait sur les Religions & Monasteres, sous le bon plaisir de nos Roys. Reste maintenant à discourir des Dixmes infeodees, autre recompense, qui fut faite sur les Cures, en faveur des mesmes guerriers. Je recognoistray que tout ainsi que les Curez doivent residence actuelle sur leurs Benefices, pour l' administration des saincts Sacremens, aussi à eux appartiennent les Dixmes par la seule monstre de leur clocher, de droict divin & primitif. Toutesfois ces Dixmes recevrent selon la diversité des lieux, & des temps, divers changemens. Car quelquesfois les Evesques par une main plus forte & puissante, les firent tomber sous leur puissance, comme generaux Pasteurs, & en frustrerent les Curez. Qui fut cause qu' en l' an 1560. en l' assemblee qui fut tenuë en la ville d' Orleans, les trois Estats en firent plaintes & doleances par leurs cahiers, au Roy Charles IX. Mais le Roy craignant par ce nouveau remuëment, d' aporter des troubles entre les Ecclesiastics, passa ceste requeste par connivence, avec promesse d' y faire droict en temps & lieu. D' un autre costé aussi la commune police de l' Eglise permit que ces Dixmes peussent estre prescriptes par les autres Eglises, ores qu' elles ne fussent parochiales, par une possession de quarante ans. Pareillement s' estans sur le moyen âge de nostre Christianisme faicts nouveaux Ordres de Religions, plusieurs Evesques leur donnerent diverses Cures, esquelles ils pourroient commettre gens sous eux, qui seroient appellez Vicaires perpetuels, & administreroient en leur lieu les saincts Sacremens, se contentants d' une pension congruë pour leurs aliments * demourans pardevers ces Monasteres le droict de dixmer, sur tous les climats de la parroisse, comme estans Curez primitifs, encores que la charge, & deservissement residast pardevers leurs Vicaires perpetuels. Entre ces divers changemens s' en fit un plus grand & extraordinaire en la France. Car combien que les hommes Layz soient par disposition canonique incapables de tenir Dixmes, toutesfois il y a certains territoires en France, où ils reçoivent des Dixmes, que nous appellons Infeodees, ne leur estant ceste possession revoquee en doute par les Ecclesiastics, voire sont ces Dixmes si privilegees, que si un Curé veut agir contre eux, soustenant qu' elles luy doivent appartenir, & qu' à cest effect il les face convenir pardevant le Juge d' Eglise, auquel la cognoissance des Dixmes appartient naturellement: Toutesfois si ceux qui sont convenus alleguent que ce soient Dixmes Infeodees, ils ferment totalement la bouche à l' Official, lequel doit renvoyer les parties pardevant le Juge Royal, pour voir s' il en doit retenir la cognoissance, ou non, autrement il commettroit abus.

Or dont soit procedee ceste espece de Dixme, c' est paravanture la chose la plus obscure qu' il y ait en nostre Histoire: Parce que la commune opinion en attribuë l' invention à Charles Martel, lors qu' il recompensa la Noblesse qui l' avoit suivie encontre les Sarrazins. Disant que depuis la possession s' en est continuee entre les Seigneurs temporels jusques à nous. A la verité ceux qui ont esté de cest advis ne sont denuez de bien grand pretexte. Car le mesme Prince passant plus outre, se desborda de telle façon, qu' il fut le premier qui donna des Archeveschez & Eveschez aux Capitaines. Toutesfois je ne fais nulle doute que ceste opinion ne soit faulse. Parce que nous n' avons pas manqué d' Historiographes, dont les uns nacquirent dans la seconde lignee de nos Roys, & les autres y attoucherent de pres, uns Aimoïn, Rheginon, Flodoard, Adon, Sigebert, & neantmoins nul d' eux ne s' est souvenu de remarquer ceste induë liberalité en Charles Martel, ny mesmes Flodoard, qui d' ailleurs ne l' espargne nullement dedans son Histoire. Car parlant de luy, il luy impropere d' avoir osté l' Archevesché de Rheims à Rigobert son parrain pour la donner à un nommé Milon Capitaine: & encores qu' au chap. des Regales j' aye copié une partie de ce passage, si est-ce qu' avecq' la permission du Lecteur, je le coucheray icy tout au long. Hic Carolus ex ancilla stupro natus, ut in annalibus Regum de eo legitur, cunctis qui ante se fuerant audacior Regibus, non solum istum, sed etiam alios Episcopatus regni Francorum, Laicis hominibus & Comitibus dedit: ita ut Episcopis nihil potestatis in rebus Ecclesiarum permitteret: verum quod contra hunc virum sanctum & alias Christi Ecclesias perpetravit malum, iusto iudicio Dominus refudit in caput eius. Et là il discourt comme l' on le tenoit pour damné, par la revelation qui en avoit esté faite par S. Richer. Si sous ce passage vous voulez comprendre les Dixmes, il me semble que c' est errer. Car ceste usurpation induë meritoit bien d' être expliquee plus ouvertement par cest Autheur qui en un autre passage monstre combien on abhorroit d' exposer les Dixmes au commerce, voire à une personne Ecclesiastique. Car Hincmare Archevesque de Rheims, ayant entendu que les Religieux, Abbé & Convent de S. Denis vouloient vendre à un Curé une dixme à eux appartenant, voicy que le mesme Flodoard en dit. Je suis bien aise d' inserer tout au long les passages signalez des Autheurs manuscripts, & qui ne courent par les mains du peuple. Wiligiso cum cæteris Sancti Dionisij monachis, de eo quod audierat eos à quodam Presbytero, pretium quærere pro decima: unde maximam verecundiam dicit se habere, propter alios homines qui hoc audituri erant. Quod quantum periculum sit, eis ex divina ostendit authoritate, & canonum promulgatione. Ac inde, inde absit (inquit) fratres ut alij Ecclesiastici & Religiosi viri hoc audiant, & quia monachi de sancto monasterio sancti Dionisij decimam dereliquerunt, ut de ipso pretio infernum comparent. Multo magis autem absit ut Laici audiant, Quod nemo etiam peccatis publicis implicatus in sua parrochia facere audet. Si enim aliquis de alio monasterio, quam de nostro (Hincmare parle ainsi, d' autant qu' il estoit Religieux de S. Denis) hoc attentare, quanto magis facere praesumeret, eum ab omni communione de parrochia mea excommunicarem.

Vous voyez combien Hincmare qui vivoit du temps de Charles le Chauve detestoit ce conseil, & combien il craignoit qu' il ne vint à la cognoissance du peuple, pour le scandale, & neantmoins ce n' estoit qu' un changement de Dixme de Religieux à un Curé: Flodoard à fort bien fait son profit de cest exemple. N' estimez point que si de son temps les gens Laiz eussent possedé des Dixmes, cela luy fust demeuré au bout de sa plume. J' adjousteray qu' en tous les Concils qui furent faits sous Charlemagne, Louys le Debonnaire, Lothaire, Louys second Empereur de ce nom, & Charles le Chauve, il n' en est faite mention, combien que la pluspart d' iceux soient remplis de la desolation, qui commençoit d' être en nostre Eglise, & de l' ordre qu' ils entendoient y devoir être remis.

Je sçay bien que les compilateurs de Madbourg de l' Histoire Ecclesiastique, en la huictiesme Centurie, remarquent qu' au livre second des Concils, on trouve que Carloman fit faire une assemblee de Prelats, en l' an 742. portant entre autres cest article, Decimas occupatas à prophanis restituimus, c' est à dire, Nous restituons les Dixmes qui ont esté occupees par les gens Laiz. Que si cest article est veritable, il n' y avroit pas grande difficulté pour ceste opinion. Car ce Concil avroit esté tenu soudain apres le decez de Charles Martel. Toutesfois j' ay voulu diligemment rechercher, & ce Concil, & cest article, certes je ne l' ay point trouvé en tous les quatre Tomes des Concils. Et m' esbahy infiniement, si ce Concil est veritable, dont vient qu' en tous les autres il n' en ait esté parlé, pour reformer une chose tant prejudiciable à l' Eglise, comme celle-là. Au Concil tenu à Aix, le quatriesme an du regne de Pepin, article dixiesme, il est dit, que si les Abbez sont si mols de laisser tomber leurs Abbayes és mains de personnes Layes, & les Moines pour le salut de leurs ames en veulent sortir, faire le pourront par le congé de l' Evesque: & en ce faisant seront translatez en autres Monasteres convenables. Au Concil celebré à Aix sous le Debonnaire, il est (comme j' ay deduict cy dessus) prié de ne conferer les Abbayes des hommes, & femmes, qu' à personnes dignes, presupposant par là, le defaut qui ja estoit en l' Eglise. Aussi dés son temps mesmes trouve-l'on un Hilduin son grand aumosnier, outre les autres communs Benefices, avoir eu les Abbayes de sainct Denis en France, sainct Germain des Prez de Paris, & sainct Medard de Soissons. En celuy tenu à Paris est faite mention des gens Laiz, ausquels les Abbayes commençoient d' être baillees, & prie-l'on le Roy de tenir la main que cela ne se face à l' advenir. En un autre celebré à Mets sous Charles le Chauve, on se plainct des exactions, & coustumes induës, que les Officiers du Roy tiroient du Clergé, & aussi des alienations du bien de l' Eglise, qui avoient esté faictes par les Roys, ensemble des Religions, & Monasteres, qui s' estoient mis pour les guerres sous la protection du Roy, dont le service divin avoit esté supplanté tout à faict. Brief tout ce Concil est confit des abus & entreprises que les Laiz faisoient sur les Ecclesiastics. Et en plus forts termes au Concil de Paris, sous Louys deuxiesme, petit fils du Debonnaire, il est parlé des Seigneurs, qui de leur privee authorité avoient osté les dixmes des vrayes, & anciennes Eglises, pour les transporter à des nouvelles par eux basties: & est ordonné qu' elles seroient restablies en leur premier estat: & neantmoins en toutes ces assemblees n' est parlé un tout seul mot, des dixmes, qui avoient esté occupees par les Laiz. Enquoy selon mon advis, il gisoit plus de reformation, qu' en toutes ces particularitez.

Par ainsi je ne doute aucunement qu' encores que sous la seconde lignee de nos Roys la desbauche de nostre Eglise fut tres-grande, toutesfois cest octroy de Dixmes, que nous avons depuis appellees, Infeodees, leur fut du tout incogneu. Et si seray encores plus hardy: car nous fusmes pres de cent ans depuis la venuë de Hugues Capet sans les cognoistre. Ne me pouvant persuader, si elles eussent esté en usage, que l' on ne leur eust donné quelque attainte en ce grand Concil qui fut tenu sous Urbain II. l' an 1097. dans la ville de Clairmont, où pour l' avancement de nostre Religion Chrestienne, fut concluë la premiere Croisade, mesmes fut censuré le vice du Roy Philippes I. & croy que l' on n' eust oublié la hardiesse des Laiz qui à face ouverte possedoient non le simple temporel, ains le bien spirituel des Eglises. Maistre Jean de Luc, personne d' honneur, en son Recueil des Arrests en donne la premiere invention à Philippes Auguste, lors qu' apres avoir longuement guerroyé il voulut recompenser ses Capitaines aux despens de l' Eglise, mais il s' abuse. Car l' on ne trouve jamais le remede qu' apres la faute commise, ny la medecine devant la maladie. Philippes Auguste commença de regner l' an 1181. & dés l' an, 1179. avoit esté tenu le Concil de Latran, qui avoit condamné telles usurpations. C' est pourquoy apres avoir consideré tout le temps, je demeure fiché en ceste opinion, que ces Dixmes laïcales furent introduites lors que nous entreprimes le premier voyage d' outre-mer. Auquel chacun pensoit faire œuvre tres-meritoire envers Dieu d' y contribuer de tous ses moyens & facultez, & à tant que plusieurs Curez pour exciter les Seigneurs des villages où estoient leurs Cures, leurs firent present de leurs Dixmes pendant leurs vies: dont ces Gentils-hommes & Seigneurs se seroient appropriez à jamais par un droict de bien-seance. Chose qui fut passee par connivence l' espace de quatre vingts ans, ou environ, jusques à ce qu' au Concil de Latran, tenu sous Alexandre troisiesme par l' article quatorze, on ne fait non seulement doute que les hommes Laiz ne puissent posseder des Dixmes, mais est en outre prohibé à ceux qui les possedoient d' une longue ancienneté de les pouvoir transporter à autres personnes de leur qualité, ains seulement aux Eglises. La teneur de l' article estoit telle. Prohibemus ne Laici Decimas, cum animarum suarum periculo retinentes, in alios Laicos possint aliquo modo transferre, si quis vero receperit, & Ecclesiae non tradiderit, Christiana sepultura privetur. Depuis ce Concil nous n' avons point douté en France qu' il n' estoit plus permis aux gens Laiz de faire nouvelles infeodations de Dixmes, mais est une regle generale que si quelqu'un en possede qui luy soient disputees par un Curé, doit outre sa longue ancienneté alleguer qu' il les possede devant le Concil de Latran, autrement sa prescription, voire de deux & trois cens ans luy seroit inutile: D' autant que toute prescription est bastie sur une possession: & c' est une regle tres-certaine, que le Lay est personne du tout incapable de posseder, & consequemment de prescrire une Dixme. A la suitte de ce Concil, en Mars, 1279. sainct Louys fit un Edict, par lequel il ordonna que si les Dixmes feodales retournoient aux Eglises, elles reprendroient leur originaire nature, sans pouvoir puis apres être possedees par gens Laiz. Edict que nous avons entendu seulement pour les Eglises parrochiales, par plusieurs arrests, & non pour les autres, ausquelles elles ne sont naturellement deuës. Au demeurant, parce que ceste matiere n' est commune, qui voudra être plus amplement informé des regles d' icelle, je le renvoye au docte du Moulin, en son Traicté des Fiefs, chap. 46. Et neantmoins encores vous feray-je part de l' ordonnance de S. Louys telle que je l' ay extraicte du vieux registre de S. Just qui est en la Chambre des Comptes. 

Louys par la grace de Dieu Roy de France. Nous faisons à sçavoir à tous ceux qui sont cy presens, comme à ceux qui sont à venir que nous pour le regard de l' amour divine & pour le salut & remede de nostre ame, & ensemblément pour le salut & pour la remembrance des ames du Roy Louys nostre pere, & de la Roine Blanche nostre mere, & de nos autres predecesseurs. Nous voulons & octroyons que toutes les personnes Layes qui ont la possession des dixmes des autres gens de nostre terre, & en nos fiements qui muevent au mehain ou sans mehain, qu' ils les puissent delaisser & donner ou en quelque autre maniere que ce soit droicturiere & convenable octroïer à Eglises à tenir sans requeste nulle qui en soit faite desormais à nous ne à nos successeurs en telle maniere que nos hoirs ou nos successeurs ne se puissent opposer en nulle maniere encontre nostre octroyement que nous en faisons maintenant, ny empescher de ores en avant. Et a fin que ce soit ferme & estable & permaigne à perdurableté, nous y feimes mettre nostre seel. Ce fut fait en l' an 1279. au mois de Mars.

3. 34. Des Oblats appellez Religieux Laiz.

Des Oblats appellez Religieux Laiz.

CHAPITRE XXXIV. 

Puis que la place de l' Oblat en un Monastere, & les Dixmes infeodees furent anciennement destinees pour ceux qui faisoient profession de la guerre, je ne ferois peut être chose mal à propos, si je les acouplois ensemblément par un Chapitre: toutesfois pour donner temps & loisir au Lecteur de se recueillir, je leur donneray discours & Chapitres divers. Jamais ne fut que les Princes & Republiques n' ayent pris soin de ceux, qui avoient esté rendus impotens par leurs guerres, en faisant service au public. Plutarque dit que Pisistrat ayant usurpé la tyrannie en la ville d' Athenes, ordonna que celuy, qui en la guerre avoit esté mutilé de ses membres, fut tout le demourant de sa vie nourry aux despens de la Chose publique. Ce qui avoit esté autrefois ja encommencé en la personne de Tersippé à la suasion de Solon. Aussi dit Aristote au second de ses Politiques passant plus outre, que tant aux Atheniens, que Milesiens, les enfans mesmes de ceux qui estoient morts pour la Republique, estoient alimentez du public. Et Alexandre le Grand se voyant à la conqueste de Persepoly, apres avoir reduit sous son obeïssance plusieurs pays, se presenterent à luy quatre mil soldats Gregeois, aux aucuns desquels, les ennemis avoient coupé le nez, aux autres les aureilles, aux autres les pieds, le supplians d' avoir pitié d' eux, & de les vouloir dispenser de ce long voyage: Et comme ce Roy estoit & liberal & debonnaire, il fit donner à chacun monture, & bonne quantité de deniers pour retourner en leur païs. Mais eux (dit Quinte Curse) cognoissans qu' il n' y avoit païs tant propre & convenable aux miserables personnes, que la solitude, ores qu' il y en eust quelques uns qui fussent poussez d' un desir de revoir le lieu de leur naissance, si est-ce que la plus grande & meilleure partie fut d' advis de demander à Alexandre lieu propice, auquel esloignez de la veuë de toute la Grece, ils pourroient cacher la deformité de leurs corps. Ce qu' Alexandre leur accorda, & qui plus est leur assigna biens & heritages pour leur nourriture & aliments. Autant en fit nostre bon sainct Louys, pour les trois cens Chevaliers Chrestiens, ausquels les infideles avoient creué les yeux. Ceste mesme consideration a fait entre nous, que s' il se trouve quelque pauvre soldat qui soit demouré estropié de l' un de ses membres au service de la Republique en la guerre, nos Roys ont pleine puissance de leur assigner une place de Religieux, pour leur viure & sustentation en certaines Abbayes, comme n' y ayans lieux plus propres, où se puisse couvrir leur calamité. Tel Religieux est par nous appellé Oblat (N. E: ablatio), ou Religieux Lay, auquel ordinairement les Abbez, ou Prieurs, ordonnent pension à l' arbitrage des Parlemens, plus, ou moins, selon la necessité du temps & saisons. Et sont nos Rois de tout temps en plaine possession de ce faire. Chose à mon jugement qui vient d' une tres-longue ancienneté. Car il ne faut faire nulle doute que du temps de la premiere institution des Abbez & Moines, c' estoient personnes seculieres, qui ne tenoient nul degré en l' Eglise, encore que toute leur profession fut de prier Dieu en leurs cellules. Ce que l' on peut amplement apprendre de plusieurs passages de S. Hierosme, & par especial au livre premier contre Jovinian, où parlant des dignitez Ecclesiastiques, il dit que l' Evesque, le Prestre, ou Diacre sont mots de charge, plus que d' honneur, ne mettant en nul rang les Abbez. Ce qu' aussi nous apprenons de plusieurs Concils, & non seulement nul Moine n' estoit Prestre, mais il estoit defendu aux Prestres de se faire Moines, comme nous apprenons de S. Gregoire au troisiesme livre de ses Epistres en l' unziesme Epistre. Et mesmes lors que l' on appella à l' ordre de Prestrise les Religieux, c' estoit pour une necessité urgente, par faute d' autres personnes suffisantes, comme l' on voit en autre passage de S. Gregoire. Et ce encores avec une grande circonspection, & dispense des superieurs, & Evesques. Et depuis ils eurent permission expresse d' être Prestres par les Concils, & par succession de temps, cela s' est tourné en necessité, estant leur profession monastique unie avec la Prestrise. Or fut ceste premiere institution cause à mon jugement que nos Roys, tant sous la premiere que seconde lignee, ne porterent jamais tel respect aux Abbayes, comme aux Eveschez. Et combien qu' és Eveschez ils estimassent qu' il fallut proceder par Election, & que quelques Concils ordonnassent le semblable pour les Abbayes, toutesfois ils ne garderent ceste Loy si estroitement pour les Abbez. Car mesmes ils les mettoient quelquefois au rang des Vassaux, lors qu' ils decernoient leurs mandements à uns & autres. A ce propos Aymoïn au livre cinquiesme dit que Charlemagne ordinavit per totam Aquitaniam Comites, Abbatesque, necnon alios plurimos, quos vassos vocant, ex gente Francorum, eisque commisit curam regni, prout utile iudicarent. Qui est à dire, qu' il establit par toute l' Aquitaine des Comtes & Abbez, & plusieurs autres que l' on appelle Vassaux, & donna ces charges à des François, pour avoir soing du Royaume, ainsi qu' ils trouveroient bon de faire. Chose qui occasionna nos Roys sous la seconde lignee de tourner ces Abbez en abus, conferans les Abbayes à Capitaines & guerriers. Mais tout ainsi que cela fut trouvé de mauvais, & pernicieux exemple, par les anciens preud'hommes, au contraire jamais vous ne trouverez en l' ancienneté que l' on se soit scandalisé que nos Roys de leur puissance absoluë conferassent les Abbayes, moyennant que ce fut à personnes dignes & recommandables, tant en suffisance, que bonnes mœurs, comme nous recueillons par expres de la seconde partie du Concil tenu à Aix, l' an 833. sous le Debonnaire, où parlant de la fonction & puissance ordinaire des Roys de France, Similiter poscimus (porte le huictiesme article) ut in Abbatissis constituendis, & Rectoribus Monasteriorum, vestrum principaliter caveatis periculum. Semblablement nous vous supplions (dirent les Evesques au Roy) que preniez garde à vostre ame lors que vous constituerez des Abbesses, & des Recteurs, & Gouverneurs de Monasteres. Au Concil tenu dans Paris de ce mesme temps, il avoit esté arresté que quiconque seroit pourveu par les Roys seuls aux Archeveschez & Eveschez, fut declaré inhabile de les tenir: d' autant qu' il y failloit parvenir par Eslection du Clergé, assistee du consentement du Prince: mais icy pour les Abbayes on dicte toute autre leçon. 

Tellement que cela s' estant tourné en un long usage, & d' un long usage en Loy, fut cause que nos Roys se dispenserent plus librement à l' endroict des Abbayes, que des Eveschez. Et tout ainsi que sous la lignee de Martel ils confererent les Abbayes à des Capitaines, quand il leur pleut, aussi estiment quelques-uns que deslors ils se donnerent permission d' y mettre des soldats, au lieu des Religieux, quand il leur vint en fantasie. Et ne s' eslongne pas grandement de ceste opinion, Claude Sceissel en la vie du Roy Louys douziesme, quand il dit, qu' estant au païs de Languedoc en une Abbaye dont je ne me ramentoy du nom, il entendit que les Religieux de ce lieu tenoient de main en main pour Histoire tres-veritable, que Charlemagne fit tuer l' un de leurs Abbez, pour avoir refusé de recevoir dans son Abbaye un soldat, qu' il luy avoit envoyé. Chose qui peut être vraye, toutesfois je croy que ceste invention d' Oblats est principalement deuë à la troisiesme lignee de nos Roys. Et voicy comment. La Couronne de France estant devoluë en la famille de Capet, & les polices tant Ecclesiastiques que temporelles s' acheminans à meilleur train, les nouveaux ordres de Religion, qui lors furent entez par la France sur celuy de S. Benoist, avecq' charges & conditions expresses, que les Abbez seroient esleuz par les Religieux, furent cause qu' il n' y eust plus de distinction, & que de là en avant l' on proceda par Eslection, tant aux anciens Monasteres, que nouveaux. De là sourdirent deux nouvelles polices. Car les Eslections estans surrogees au lieu des Collations, nos Roys voulurent que tout ainsi qu' il n' estoit procedé aux Eslections d' un Evesque sans avoir premierement leur permission: aussi le semblable s' observast aux Eslections des Abbez, comme nous apprenons du testament de Philippes Auguste. Au surplus quittans ce grand tiltre qu' ils avoient de conferer les Abbayes, ils voulurent tourner leur privilege en une aumosne pitoyable, ne se donnans pas permission d' y mettre tel Religieux Lay que bon leur sembleroit, & sans cause: mais cognoissans que le bien des Monasteres n' estoit pas seulement dedié aux Moines, & Abbez, ains que les reparations, & les pauvres y avoient aussi leur part, ils voulurent que si aucun pour leur avoir fait service és guerres, se trouvoit perclus de l' un de ses membres, ils le pourroient recompenser d' une place de Religieux Lay. Quoy faisant c' estoit accommoder & l' Eglise, & le public ensemblément. L' Eglise, en l' excitant à une chose, qu' elle mesme sans aucune semonce du Roy devoit faire. Le public, en le deschargeant de l' obligation qu' il avoit envers ce pauvre soldat estropié, & donnant par mesme moyen courage aux siens de bien faire. Aians seulement retenu nos Roys cest eschantillon, pour être un memorial à toute la posterité de la preéminence qu' ils avoient eu autresfois sur les Monasteres. Et de fait si vous y prenez garde, ils reserverent seulement ce droict d' Oblat sur les Monasteres Electifs, & non sur les autres. Comme si l' on eut voulu dire que puis que la collation, qui appartenoit à nos Rois en ce Monastere, s' estoit tournee en Election: le moindre honneur que l' on pouvoit en ceci faire à nos Rois, estoit qu' ils peussent aumosner une place de Religieux à un pauvre soldat impotent, pour le salarier de ses pertes. Et pour ceste mesme consideration les Abbayes des Religieuses estans aussi originairement en la collation de nos Roys, ils eurent pareillement ce privilege anciennement, de pouvoir colloquer une pauvre Damoiselle en chaque Religion des Nonnains. On trouve un Arrest donné à la Purification nostre Dame 1274. dont la substance estoit telle: 

Cùm dominus Rex utendo suo iure proprio in principio sui regiminis post suam coronationem, in Abbatia sui regni de gardia sua, possit ponere, videlicet in monasterijs monachorum, unum monachum, in monasterijs monialium, unam monialem, ac moniales de Cussiaco in monasterio suo, Abbatissae regimine destituto, recipere non vellent quandam domicellam, quam dominus recipi miserat, dicentes quòd Abbatissa carebant: Ordinatum fuit quòd dicta domicella poneretur in dicta Abbatia, & de bonis ipsius viveret, sed non vestiretur donec creata esset Abbatissa. Depuis je ne voy pas que l' on ait continué ce privilege pour les femmes, mais bien aux hommes seulement, & encores en cas de necessité signalee telle que dessus. Bien est vray aussi que nous passons en cecy plus outre, par les Arrests de la Cour de Parlement, qui a sceu balancer l' un par l' autre: d' autant que le Roy peut mettre un Oblat non seulement és Monasteres de sa garde, & qui sont de fondation Royale, mais aussi en ceux qui sont de fondation Ducale, & Comtale, moyennant qu' ils soient electifs, comme dit a esté, & qu' ils valent de revenu mil, ou douze cens liures pour le moins. Au demourant je ne veux pas oublier que ce seroit grandement s' oublier, qui voudroit maintenant pourvoir les Capitaines & Seigneurs d' Abbaïes, sur ce que j' ay dit, que sur le premier establissement d' icelles, c' estoient gens Laiz, & non Ecclesiastics qui s' y habituoient. D' autant que depuis la necessité du temps a aporté en cecy toute autre discipline que celle-là. Parce que non seulement nous appellons les Abbez & Religieux à l' ordre de Prestrise: mais qui plus est, ils semblent par l' usage commun avoir partagé avecq' les Curez, le devoir commun de l' Eglise, estant demouree aux Curez l' administration des saincts Sacremens, & aux Religieux celle de la parole de Dieu. Et toutes & quantesfois que vous verrez les Rois permettre aux Capitaines, & gens de guerre de iouïr par personnes interposees des biens de l' Eglise, croyez que c' est un Prognostic tres-certain d' une mutation tres-grande de l' Estat, tout ainsi que nous veimes autresfois en ceste France sous la seconde lignee de nos Roys.

lundi 19 juin 2023

3. 23. De l' Université de Paris.

De l' Université de Paris

CHAPITRE XXIII. 

Quand je considere à part moy comme les affaires de l' Eglise Romaine, & Gallicane se passerent depuis le regne de S. Louys, cecy me fait souvenir des divisions qui furent dans la ville de Rome fort familieres entre le Senat & les Tribuns, esquelles pendant que le Senat soustenoit son authorité encontre le peuple, & les Tribuns combatoient pour la liberté populaire contre la grandeur du Senat, ils furent par les grands appellez seditieux, & perturbateurs du repos public: & toutesfois ceux qui à meilleures enseignes, & sans passion ont discouru de ceste Republique, sont d' advis que dans ces dissensions se trouva l' entretenement de son repos & grandeur: Parce que les questions que les Tribuns mouvoient aux premieres rencontres faisoient que les Consuls, & Senat estoient plus retenus en leurs actions. Parquoy demouroit chacun en cervelle, & dans les bornes de son devoir: Tellement que par ce contrepoids florit longuement ceste Republique. Ainsi en est-il advenu à nos deux Eglises. Car si vous parlez à celuy qui est seulement nourry en Cour de Rome, il dira que l' Eglise Gallicane a esté perturbatrice du repos general de l' Eglise Romaine, pour s' estre opposee aux entreprises du Pape: Aussi n' approuvent-ils dans Rome nos maximes en cest endroict: & neantmoins s' il vous plaist approfondir toutes choses à leur vray poinct, vous ne ferez nulle doute qu' à ceste France ne soit deuë la restauration generale de l' Eglise Romaine. Car qui eust laissé en ceste façon fluctuer toutes les affaires, comme elles faisoient, certainement le siege de Rome voulant prendre son vol trop haut, se fust abysmé. Et de fait, encores n' y sceumes nous donner si bon ordre, qu' il n' y ait perdu de ses plumes. Car le grand schisme de trente huict à quarante ans, & les miserables exactions qu' il produisit, aliena du tout le cœur des Bohemiens, de la Papauté, & excita par mesme moyen l' heresie Hussienne, laquelle bien qu' elle semblast être estainte pour quelques annees, si est-ce que tout ainsi que le feu couvert sous une chaude cendre, se descouvrant, produit une chaleur plus forte qu' auparavant: aussi ceste mesme opinion ayant repris air par la venuë de Luther, a depuis eslongné du Pape presque toute l' Allemagne, l' Angleterre, & l' Escosse, du sein de nostre Eglise: Luther, dy-je, prenant mesme fondement que Jean Hus, sur je ne sçay quels abus du Pape Leon X. Nous seuls qui perpetuellement avons fait teste à l' Eglise de Rome en tels accessoires, sommes toutesfois demourez ses tres-humbles, & tres-obeïssans enfans. Quand je dis nous, j' entends nos Roys, Prelats, Princes, grands Seigneurs, Cours de Parlemens, qui sont les principaux nerfs de la Republique Françoise. Car quant au peuple, encores que le malheur de ce temps nous ait divisez en deux Religions, si est-ce qu' il y en a sans comparaison beaucoup plus de secteteurs de l' ancienne. Tellement que l' on peut dire justement (car la verité est telle) que tant s' en faut que par les privileges, & libertez de nostre Eglise, nous soyons autres que nous devons envers l' Eglise Romaine, qu' au contraire c' est par une grande abondance d' humilité, & obeïssance envers le S. Siege, que nous les appellons privileges: veu que ceste liberté tant rechantee par les nostres, n' est autre chose que le droict commun, & ordinaire. Et c' est la cause pour laquelle chacun par un commun consentement, s' est induit d' appeller les Evesques, Ordinaires, comme ne faisans riens dans leurs Dioceses, qui ne fust de droict ordinaire, & que ce que l' on entreprenoit sur eux, estoit extraordinaire. Or parce qu' en ceste devote discorde des deux Eglises, qui ne tendit jamais qu' à une union, & accord, l' Université de Paris ressembla les Tribuns de Rome (car & l' un, & l' autre, par honnestes concions, & harangues, excita chacun à son devoir) il me semble qu' elle merite bien que nous luy donnions un chapitre, pour descouvrir, non ce qui est de son menage (cela se verra au plaidoyé que je fis pour elle 1564.) mais de son ancienneté, & du grand lieu qu' elle tint autresfois par la France. 

Ceux qui en ont parlé devant moy, disent que l' Empereur Charlemagne en jetta les premieres traces, & qu' estans arrivez quatre Anglois, ou Escossois, disciples du venerable Beda, en France, Alcuin, Rabam, Jean, & Claude, surnommé Clement, qui crioyent qu' ils avoient de la science à vendre, cest Empereur les ayant ouys, à leur instigation, & semonce, establit dans Paris une Université, où ces quatre grands Docteurs donnerent les premiers advancemens, & progrés aux bonnes lettres. C' est l' opinion de Robert Gaguin, puis de Nicolas Gilles, & de Boëce historiographe Escossois, lequel, pour illustrer sa patrie, dit que l' Université de Paris doit à l' Escosse son commencement, & que Clement fut Escossois. Certes je veux croire que Alcuin homme docte, selon la portee de son temps, a esté à la suitte de Charlemagne: Mais que ceste Université ait jamais esté fondee par cest Empereur, je ne me le suis jamais peu persuader, encores que pour ne me desmouvoir de ceste commune opinion, j' aye voulu rechercher pour elle tous les advantages que l' on luy sçavroit donner. Car ce ne seroit pas petite rencontre pour l' exaltation de nostre ville, que l' Université eust un tel parrain, comme ce grand Prince. Toutesfois je ne voy, ny qu' Eguinarth, ny Aimoïn, ny Rheginon, ny Adon, ny Sigebert en facent aucune mention. Car quant à l' histoire qui court sous le nom de Turpin, indubitablement elle est supposee par quelques Religieux de sainct Denis, & neantmoins encores n' en parle-elle point. Chose qu' à mon jugement ils n' eussent escoulé sous silence, s' il en eust esté quelque cas, estant ceste fondation non moins digne de commemoration, voire plus que plusieurs autres particularitez, qu' ils ont songneusement deduictes, en recitant ses faicts, & gestes. Mesmes qu' Eguinarth, qui a fait sa vie, semble avoir laissé aux autres historiographes la deduction des exploicts militaires de cest Empereur, & pris pour son partage seulement ce qui regardoit le sçavoir, & bonnes lettres, qui estoient en cest Empereur, nous discourant qu' il avoit esté nourry non seulement en sa langue naturelle, mais aussi en plusieurs estrangeres, & specialement que la Latine luy estoit aussi familiere comme sa langue maternelle. Et quant à la Grecque, qu' il l' entendoit, ores qu' il ne la sçeust prononcer: comme pareillement il avoit esté instruict aux arts liberaux, en la Grammaire par Pierre Pisan, & aux autres disciplines par Albin, surnommé Alcuin: voire avoit l' intelligence de l' Astronomie: Qu' il fit la vie des Roys de France en vers: Donna à son vulgaire les noms des mois, & des vents: Qu' à ses repas, pour ne perdre temps, il se faisoit lire, ou reciter quelque belle histoire. Brief estant la plus belle remarque dont Eguinarth embelisse la vie de Charlemagne, que le soin qu' il avoit eu aux bonnes lettres, je ne me puis persuader, qu' il n' eust à la queuë de cecy parlé de ceste Université, s' il en eust esté fondateur, tant pour la dignité du lieu, où elle est establie (ancien sejour des Roys de France, dés l' advenement de Clovis) que pour l' excellence mesme d' un tel œuvre. Estant la plus belle closture que cest historien eust peu adjouster à la suitte d' une telle narration. Joinct que combien que par les loix, & ordonnances du Debonnaire, il soit enjoinct aux Evesques d' avoir escoles en leurs Eglises, suyvant ce qu' ils luy avoient promis de faire, au Parlement par luy tenu à Latigny, & que mesmes au Concil celebré sous Lothaire Empereur son fils, dedans la ville de Paris, soit fait pareil commandement. Toutesfois je ne trouve point que l' on se soit onques souvenu de ceste Université ny mesmement qu' elle ait jamais produit un seul homme de marque, ou un seul fruit sous toute la lignee de Charlemagne, ny bien avant sous celle de Hugues Capet. Et mesmes en la seconde partie de ce Concil tenu à Paris, article douziesme, les Evesques le prient, qu' en ensuivant les traces de son pere, & a fin qu' une intention si loüable du deffunct ne devint en friche, il voulust ordonner que sous son auctorité on establit des Escoles en trois villes les plus commodes du Royaume. Quoy faisant, il procureroit un grand bien, & honneur à l' Eglise, & quant à luy, qu' il se rendroit à tout jamais recommandable à la posterité. Ce Concil estant tenu dedans la ville de Paris, l' on parloit de l' institution des Escoles publiques, sous l' authorité du Roy. Si Paris eust ja receu cest honneur d' avoir une Université de la main de Charlemagne, il ne me peut entrer en teste que l' on n' en eust fait expresse mention, pour exciter Lothaire Empereur à faire le semblable. Adjoustez que descendant beaucoup plus bas, on n' en trouve un seul mot dedans S. Bernard, homme studieux le possible, & dans les œuvres duquel on recueille plusieurs choses, qui appartiennent à l' ancienneté. Bien escrit-il à Hugues de S. Victor, qui lors estoit en estime dedans Paris. (Car vers ce temps commençoient les lettres de poindre dans ceste ville) & encores s' atacha-il à Pierre Abelard grand personnage, fors qu' il tenoit quelques propositions erronees: Mais qu' il nous ait jamais baillé le moindre esclair, dont nous puissions recueillir je ne sçay quoy de la fondation ancienne de ceste Université, il n' y en a riens. Toutes lesquelles raisons me font non seulement penser, ains croire, qu' en nos historiographes il y a eu pareil erreur au discours de l' Université, comme des Parlemens, & Pairs de France: & neantmoins erreur grandement loüable, d' avoir rapporté l' origine de ces trois grands Ordres à un si grand patron, que l' Empereur Charlemagne.

Mon opinion doncques est que ceste Université commença de jetter ses premieres racines sous Louys VII. & de les espandre grandement sous le regne de Philippe Auguste son fils, que l' on sçait entre nos Rois s' estre grandement addonné à l' establissement, & illustration de nostre ville, & sur tout, qu' elle en doit les premieres promotions à Pierre Lombard, Evesque de Paris, & à son Eglise: Evesque, puis-je dire, qui fut l' un des plus grands personnages de son Ordre. Opinion que je mis en avant dés l' an 1564. plaidant la cause de l' Université encontre les Jesuites. Non toutesfois que ceste Université ait esté fondee tout d' un coup, non plus que le Parlement, ny les douze Pairs: mais comme Dieu resueille les esprits sur un suject en un temps plus qu' en un autre, il semble que les lettres vers ceste faison commençassent à se desgourdir.

D' autant que sous le regime de Louys VII. vous eustes plusieurs personnages d' erudition tant dedans, que dehors la France. Et tout ainsi que ce siecle produisit plusieurs gens doctes, aussi se reveilla la devotion des Superieurs de l' Eglise en faveur des bonnes lettres. 

Sous la seconde lignee de nos Roys, je trouve dedans le second livre des Ordonnances de Louys le Debonnaire, en l' article 5. ces mots qu' il addresse au Clergé: Schola sane ad filios instruendos, sicut nobis præterito tempore ad Attiniacum promisistis, & vobis iniunximus, in congruis locis ad multorum utilitatem & profectum, à vobis ordinari non negligatur. C' est à dire: Je souhaite que suivant la promesse que me fites à Attigny, & ainsi que je le vous commanday, vous establissiez en lieux convenables des Escoles, pour l' instruction de la jeunesse, au profit & advancement de plusieurs. Toutesfois je ne voy point que sous ceste lignee, ce commandement fust de grand effect. Celuy qui porta plus de coup, fut le Concil general tenu en l' Eglise S. Jean de Latran dans Rome, sous Alexandre III. par lequel il fut ordonné que les Evesques avroient en chacune de leurs Eglises un precepteur à leurs gages pour enseigner tant la Theologie, que la Philosophie & autres bonnes lettres. En consequence duquel en un autre depuis tenu en la ville de Rheims sous Eugene III. du temps du Roy Louys VII. à l' instigation de S. Bernard il fut conclud & arresté touchant les erections des Escoles & estudes publiques en unes & autres villes. Ces commandements si souvent reïterez il ne faut faire nulle doute que la pluspart des Eglises se voulurent acquitter en cecy de leur devoir, & sur toutes celle de Paris, comme exposee au premier theatre de la France, sejour ordinaire de nos Roys. Et lors se firent deux grands partis dedans Paris en faveur des bonnes lettres: l' un en l' Eglise Cathedrale, l' autre en l' Abbaye de S. Victor de fraische memoire lors bastie par Louys le Gros: laquelle sous le regne de Louys VII. son fils, fut un receptacle de gens d' honneur: tant en la faculté de Theologie, qu' autres bonnes lettres. Tesmoins uns Hugue, Adam, Richard, & l' autre Richard, tous surnommez de sainct Victor, parce qu' ils estoient Religieux de S. Victor: tous quatre tres grands Theologiens, non despourveus de braves escoliers, comme l' on peut recueillir de l' Epitaphe d' Adam, gravé en l' airain dedans le cloistre.

Hares peccati, natura filius irae, 

Exiliique reus nascitur omnis homo. 

Unde superbit homo? cuius conceptio culpa, 

Nasci poena, labor vita, necesse mori. 

Vana salus hominis, vanus decor, omnia vana:

Inter vana nihil vanius est homine.

Dum magis alludit præsentis gloria vitae, 

Præterit, immo fugit: non fugit, immo perit.

Post hominem vermis, post vermem fit cinis, heu hex: 

Sic redit ad cinerem gloria nostra simul.

Hic ego qui iaceo miser, & miserabilis Adam,

Unam, pro summo munere, posco precem. 

Peccavi fateor, veniam peto, parce fatenti: 

Parce pater, fratres parcite, parce Deus.

Sous ces mots de pere & freres, il entendoit son Abbé & ses freres Religieux. Et certes j' oppose ceste piece à tous Epitaphes, tant anciens que modernes, & à tant soit que ce Religieux luy mesme se fust basty son tombeau pendant sa vie, ou quelqu'un de ses escoliers apres sa mort, nous pouvons de cest eschantillon juger que les bonnes lettres estoient lors à bonnes enseignes, logees dans ce monastere. Chose que vous pouvez encores recueillir de ceste belle & excellente Bibliotheque qu' ils y commencerent de bastir, & depuis par succession de temps enrichie de tous livres rares, tant celebree par nos anciens: Que si ces bons Religieux se rendoient lors recommandez parmy le peuple dedans leur Cloistre, hors la ville, par leurs estudes umbratiles: ne doubtez point que la grande Eglise exposee au beau milieu de la ville à la lumiere du Soleil, n' en voulust rapporter le dessus. Comme aussi est-ce la verité que l' on ne faisoit en ce temps-là exercice des lettres & des leçons qu' en la maison Episcopale, & ainsi l' apprenons-nous de Pierre Abelard, auquel j' ay voüé son chapitre cy apres: Auquel lieu y avoit adoncques deux grands Precepteurs, Maistre Anseaulme qui lisoit en la Theologie, & Guillaume Campellense, en Philosophie: sous lesquels le mesme Abelard fit ses premieres estudes: Ny pour tout cela n' estoit lors l' Université formee. C' estoit un Embrion que l' Eglise de Paris couvoit dans son sein pour en esclorre l' Université, de laquelle elle fut la mere, sous l' authorité de nos Roys: Et de là est venu que les degrez de Doctorie & licence, ont accoustumé d' être pris au logis de l' Evesque: & que le premier juge & censeur de la doctrine, & mœurs des escoliers, que nous appellons Chancelier de l' Université, est du corps des Doyen, Chanoines & Chapitre de ceste Eglise: De là aussi que tous les principaux de Colleges, Docteurs & Regens de l' Université, ne pouvoient entrer en lien de Mariage pendant leurs professions. Comme si les Principautez, Doctories, & Regences, eussent esté affectees à l' Eglise, dont elles avoient pris leur premiere source. Coustume qui fut estroittement observee par toutes les Facultez. Jusques à la nouvelle police qui fut introduite par le Cardinal de Toute-ville Legat en France. Car il permit par privilege special, aux Docteurs en Medecine, de pouvoir être mariez. Les Docteurs en decret presenterent leur requeste à l' Université le 9. Decembre, 1534. a fin d' avoir pareil privilege, dont ils furent deboutez: Sauf à eux de se pourvoir en la Cour de Parlement pour en être par elle ordonné ainsi que bon luy sembleroit: Et toutesfois absolument arresté pour la Faculté, tant des arts, que de Theologie, que, Vxorati à Doctoratu, & Regentia arcendi erant. Depuis le Parlement permit le Mariage aux Docteurs de decret, & le premier de cest ordre, que nous veimes marié, fut la Riviere vers l' an 1552. depuis pourveu de l' Estat de Lieutenant de Chasteleraud.

Tout cela a esté par moy discouru en passant pour monstrer que le premier fondement de l' Université a esté l' Eglise de Paris: J' adjousteray que celuy qui en jetta la premiere pierre, fut Pierre Lombard Evesque de Paris, en commemoration dequoy l' Université luy fait tous les ans un anniversaire en l' Eglise S. Marcel où ses os reposent: C' est luy qui composa ce beau livre des Sentences (fondement de la Theologie scholastique) tant celebré par ses survivans; Et sur lequel la Faculté de Theologie de Paris establit en partie, sa *profession. Il eut pour contemporain Pierre Comestor autheur de l' histoire Scholastique, qui fut enterré à S. Victor: & aussi un Galterus insigne Poëte, qui escrivit en vers Latins, la vie d' Alexandre, sous le tiltre d' Alexandreïde, grand imitateur de Lucain. C' est luy dans les œuvres duquel, nous trouvons un vers souvent par nous allegué, sans que plusieurs sçachent qui en fut l' Autheur.

Decidit in Scyllam, cupiens vitare Charibdim. 

Ce grand Evesque commença de florir vers la fin du regne de Louys VII. & s' accreut en reputation sous celuy de Philippe son fils, qui pour la grandeur de ses merites emporta par la voix des doctes, le surnom d' Auguste: & par une rencontre mutuelle de l' un à l' autre donnerent plus grande vogue aux bonnes lettres qu' auparavant. De maniere que dés & depuis ce temps là, l' Université qui avoit receu par le menu sa polisseure, se trouva toute formee. Quoy que soit vous en voyez frequente mention dont au precedant on n' avoit parlé. Et trouverez un jugement du mesme Auguste de l' an 1200, donné à *Berizy, contre des particuliers qui avoient tué quelques escoliers de Paris: Et par ce mesme Arrest il defend au Prevost de Paris de prendre jurisdiction & cognoissance de leurs forfaits, luy enjoignant de les renvoyer à leur juge en Cour d' Eglise. Sauf à decider puis apres, si le cas estoit de telle qualité que la cognoissance en deust appartenir au juge Royal. Et à la suitte de cestuy nous trouvons qu' en l' an 1215. le Cardinal de S. Estienne, Legat en France defendit à tout homme, de monter en chaize pour prescher, qu' il n' eust attaint l' âge de vingt cinq ans: & que nul ne peust lire en Theologie, qu' il ne fust âgé de trente cinq ans, & estudié par huit ans en ceste Faculté.

Et ayans les bonnes lettres trouvé lieu dedans Paris, sous le nom d' Université, elle fut apres esparse par toute la ville, & non au recoin que l' on luy assigne maintenant. En tesmoignage dequoy voyons nous encore le College des Bons enfans en la ruë S. Honoré pres du Louvre, l' Eglise de S. Germain de l' Auxerrois, que l' on appelle l' Escolle, & celle de saincte Catherine, que l' on surnomme du Val des Escoliers, nous servir de belles remarques, & mesmes en tous les Monasteres de la ville, où le Recteur fait sa procession, il ne la fait sinon de tant que ce sont lieux qui sont du corps de l' Université de Paris: vray que depuis que Jeanne Royne de Navarre, femme de Philippes le Bel eust construit le College de Navarre vers le haut de la montagne de Paris, en l' an 1304. ceux qui apres s' adonnerent à mesme sujet, comme il y en eut une infinité vers le regne de Charles VI. lors que l' Université estoit en grande vogue, ils choisirent tous ce mesme quartier, pour y être l' air vray semblablement plus sain, qu' en la fondriere, qui est accompagnee des esgouts de la ville. Chose qui a depuis apporté entre nous la difference que nous mettons entre la Ville, Cité, & Université: Aussi que dés son premier establissement elle faisoit ses congregations au College des Bernardins, que l' on a depuis reduites aux Mathurins pour la commodité du lieu. Un Robert de Sorbonne sous S. Louys est fondateur du College qui porte son nom, destiné pour les Theologiens, & croy que vous n' en trouverez point un plus ancien que cestuy-là. Grande chose: Qu' un simple valet de chambre de Roy ait apris aux Roys, Princes, Prelats, & grands Seigneurs une si noble Architecture. Vers ce mesme temps Guillaume de sainct Amour Theologien fut condamné par ses compagnons de la proposition par luy prise contre les quatre Ordres des Mendians.

Depuis les Roys à l' envy semblerent luy vouloir diversement gratifier: parce que Philippes le Bel par Edict de l' an 1295. ordonna que quelque emprunt qu' il fit pour la necessité des guerres, il n' entendoit que l' Université fust comprise en ce mandement, en l' an 1299. que pour une debte reelle, on ne pourroit gager un Escolier en ses meubles: Et en l' an 1311. que le Chevalier du Guet, dés son advenement jureroit de garder en tout & par tout les privileges de l' Université. Et Louys Hutin son fils, qui regna seulement un an, Que tous Escoliers peussent transporter leurs besongnes en tous endroits, où ils voudroient, sans trouble, ou inquietation d' aucun. Mais sur tous, grand fut le privilege que Philipes de Valois leur dona l' an 1340. par lequel il les exempta de tous peages, tailles, impositions, coustumes, ou autres telles charges personnelles, & qu' en tous leurs procés ils ne peussent être evocquez de la ville de Paris, a fin qu' ils ne fussent distraicts de leurs estudes: Et à ceste fin, pour conservation de leurs privileges, leur fut baillé pour Juge le Prevost de Paris, lequel pour ceste cause fut appellé Conservateur des privileges Royaux de l' Université de Paris. Et trouve-l'on aux vieux registres de l' Université, le formulaire du serment que le Prevost de Paris estoit tenu de faire sur son advenement és mains du Recteur de l' Université, pour conservation de ses privileges. Et depuis elle creut grandement en authorité, tant par le schisme de trente huict ans, qui regna en l' Eglise depuis le trespas de Gregoire unziesme, jusques à Martin cinquiesme, que par les troubles & divisions qui furent en France, entre les maisons d' Orleans, & de Bourgongne. Pour le premier, faisant vrayement ce qu' elle devoit, & au second, abusant de l' authorité, qui luy estoit sous main baillee par les chefs de part. Il n' y eut du commencement lors ordre en ceste France qui rabatit tant les coups du Pape de la Lune, qui fut Benoist XIII. comme ceste Université. Et Jean Duc de Bourgongne voyant l' authorité qu' elle avoit par ce moyen gagnee parmy le peuple, dressant une partie contre Louys Duc d' Orleans, la voulut sagement preoccuper encontre son ennemy. Qui fut cause que Louys dés l' an 1402. depescha Gentil-homme vers elle, pour la prier de vouloir bien & diligemment examiner ceste affaire, avant que de luy donner le blasme. Et voyant qu' elle prestoit l' aureille sourde à son ambassade, il se retira puis apres pour quelque temps (dit Alain Chartier en la vie de Charles septiesme) vers le Pape de la Lune, pour se liguer avec luy encontre l' Université, avec laquelle ce Pape faisoit profession expresse d' inimitié. Et creut en telle grandeur, que les gens de Messire Charles de Sanoisy grand Chambellan de France, & l' un des plus favoris du Roy, s' estans temerairement attachez à quelques escoliers, en une procession que l' Université faisoit en l' Eglise saincte Catherine du Val des Escoliers, & en y ayans blessé quelques uns, par Arrest du Roy, des Princes de son sang, & de son grand Conseil, donné en l' an 1404. il fut dit que sa maison seroit demolie, & Sanoisy tenu de fonder une Chapelle en faveur de l' Université, de cent liures de rente, & en mil cinq cens liures envers les blessez, & mil liures envers l' Université. Monstrelet adjouste que Sanoisy seroit banny & exterminé de la Cour du Roy, & tous ceux qui luy appartenoient de parentelle, & avec ce, privé de tous Offices Royaux. Ce qui fut executé, & ceste maison demolie, depuis reédifiee du consentement de l' Université, qui est aujourd'huy celle que l' on appelle l' hostel de Lorraine: Toutesfois ce fut à la charge qu' il y avroit un tableau attaché contre la paroy, au devant de l' Eglise saincte Catherine, dans lequel seroit contenuë toute l' Histoire & jugement, que l' on y peut encores aujourd'huy voir. Et fut pareillement desappoincté Sanoisy quelques mois de ses estats, pour contenter l' Université, mais puis apres restably.

Quelques annees apres, je veux dire en l' an 1407. Messire Guillaume de Tignon-ville Prevost de Paris fist pendre deux Escoliers, estudians en l' Université de Paris, l' un nommé Leger du Moussel Normant, & l' autre Olivier Bourgeois Breton, tous deux malgisans, qui avoient tué un homme de sens froid, lesquels ayans demandé leur renvoy, comme Escoliers, pardevant leur Juge, Tignon-ville sans y avoir esgard, les condamna d' être pendus, & estranglez au gibet de Montfaucon, où il les fit conduire dés l' instant mesmes, à jour failly, avec la lumiere des torches. Craignant que s' il remettoit du jour au lendemain ceste execution, ils ne fussent recoux du Roy, en faveur de l' Université. Chose dont elle appella, & en fit l' espace de quatre mois telle instance, qu' il fut ordonné par Arrest de l' an 1408. qu' ils seroient dependus, comme il fut fait. Et dit Alain Chartier que le Prevost y fust en personne, & les baisa en la bouche, & convoya avecq' ses sergens, depuis le gibet jusques au Monstier, où ils furent inhumez, estants leurs corps emmenez dans une biere, sur une charrette, & estoit le bourreau sur le cheval, vestu d' un surplis, comme un Prestre. Monstrelet adjouste, que pour garder les privileges de l' Université, il fut dit que les corps seroient rendus à l' Evesque: & au Recteur, comme il fut fait au Parvis de nostre Dame, & de là, ensevelis au Cloüestre des Mathurins, où l' on voit encores la tumbe. Le mesme Monstrelet dit, que Tignon-ville en perdit son estat: mais Juvenal des Ursins Advocat du Roy, qui estoit mieux nourry aux affaires de la France que l' autre, comme celuy qui estoit de ce temps-là, dit en la vie de Charles sixiesme, que ce fut un pretexte exquis par Jean Duc de Bourgongne pour le chasser, de tant qu' il favorisoit aux Orleannois, pour faire mettre en son lieu Pierre des Essars, l' un de ses confidents. Jamais punition, hors la mort, ne fut plus griefve envers un Juge, qui n' avoit peché que pour un grand zele qu' il avoit eu de bien faire: Mais l' authorité de l' Université estoit lors montee en tel degré, qu' à quelque condition que ce fust, il l' a falloit contenter. Elle estoit tellement peuplee, que le mesme Juvenal des Ursins atteste qu' ayant fait une procession en l' an mil quatre cens & neuf, de l' Eglise de saincte Geneviefve, à celle de sainct Denis pour l' assopissement des Troubles, qui adoncques voguoient par la France, l' assemblee se trouva si grande, que le Recteur estoit encores devant les Mathurins, lors que ceux qui tenoient les premiers rangs, estoient en la ville de sainct Denis. Et adjouste Alain Chartier, apres avoir raconté l' Histoire de Tignon-ville ces deux ou trois lignes. La dicte Université avoit grande puissance pour ce temps-là. Tellement que quand ils mettoient la main à une besongne, il falloit qu' ils en vinssent à bout, & se vouloient mesler du gouvernement du Roy, & autres choses. Cest Autheur, qui fut l' un des premiers de son siecle, n' en parloit point comme un aveugle des couleurs, parce que cela se verifia depuis par effect en une infinité d' actions qui se presenterent. Car soudain apres l' assassinat commis en la personne du Duc Louys, Maistre Jean Petit, l' un des premiers Docteurs de la Faculté de Theologie, prit la cause du Duc Jean en main, & soustint le huictiesme Mars 1407. au milieu du Parvy nostre Dame de Paris, par plusieurs raisons sophistiques, que ce meurdre estoir advenu par juste jugement de Dieu. Et depuis ce mesme Duc s' estant emparé du Roy, & ayant donné ordre de faire eslongner de la Cour tous les autres Princes du sang, qui portoient le party le plus foible, s' allia du tout avecq' l' Université, & ayant persuadé au Roy que tous ces Princes avoient conspiré contre sa Majesté, & deliberé de creer un nouveau Roy à la France, Charles sixiesme en escrivit promptement à l' Université sa fille, la priant de faire prescher & publier ceste conjuration au peuple, & qu' elle voulut prendre la protection de sa cause: A laquelle semonce tous les Prescheurs aiguisans & leurs langues, & leurs esprits commencerent à crier encontre les Armignacs. Car ainsi furent-ils nommez du Connestable Armignac, l' un des plus forts, & puissans guerriers de la faction des Orleannois: Presches qui gagnerent avecq' tel avantage le cœur des Parisiens, que jamais ils ne se peurent reconcilier avec ces Princes, encores que leur querelle fust la plus juste, jusques à ce que toutes choses estans en desolation & ruine, ils s' apperceurent, mais à tard, de la faute qu' ils avoient faite, supportans le party du Duc Jean. 

Mais pour ne m' eslongner de mon but, & monstrer tousjours quel rang tenoit lors l' Université, l' on trouve que le 7. jour de Fevrier, l' an mil quatre cens treize, assistee du Prevost des Marchands & Eschevins de la ville de Paris, elle vint remonstrer à la Cour de Parlement, qu' auparavant les Finances du Roy avoient esté mal gouvernees, & qu' elle avoit deputé certains personnages notables, pour en faire remonstrances au Roy, supliant la Cour faire le semblable de son costé. A quoy la Cour de Parlement sagement luy fit response, que c' estoit à elle de faire justice à ceux qui la luy demendoient, & non de la requerir, & qu' elle feroit chose indigne de soy, si elle se rendoit partie requerante, veu qu' elle estoit Juge. Cela fut cause que l' Université ne prenant ceste response pour payement, voulut avoir sa retraicte vers son garend ordinaire, qui estoit le Duc de Bourgongne, à l' instigation duquel le Roy fit une assemblee, & convocation generale dedans la ville de Paris, sur la reformation des Estats, où se presenta Frere Eustache Pauilly Carme, Docteur en Theologie, portant la parole pour l' Université, avecq' telle vehemence qu' il passa sur tous les Estats, monstrant les abus qui y estoient, mesme exhiba un ample roolle, dont il estoit porteur, dans lequel estoient declarez par le menu les grands & excessifs gages de tous les Officiers de la France, & que la multiplication de tant d' Officiers qu' il y avoit ne tendoit qu' à la subversion de l' Estat.

Ceux qui lors avecq' plus de nez jugeoient des affaires, cognoissoient fort bien que jamais la France n' avoit nourry dans son sein un plus certain ennemy que le Bourguignon, pendant qu' il pretextoit ses actions du masque d' un Roy mal ordonné de son bon sens, lequel il avoit en sa possession. Le premier qui oza remedier à ce mal dedans la ville de Paris, fut Maistre Juvenal des Ursins Advocat du Roy, personnage qui de son temps fit une infinité de bons offices au public, tant aux armes, comme en la justice. Cestuy, apres avoir longuement couvé un creue-cœur dedans soy, voyant le commun peuple attedié des grandes tyrannies, & extorsions, qui se faisoient dans la ville par les Bouchers, & Cabochiens, sous l' authorité du Duc Jean, qui lors estoit pres du Roy au bois de Vincennes, delibere d' en venir à chef. Et pour y parvenir, encores est-il contrainct d' avoir recours à l' Université. Pour le faire court, avecq' l' aide d' elle, il y besongne de telle façon, qu' il separe le Roy d' avecq' le Duc de Bourgongne, & fait dissiper, & esvanoüir à un clin d' œil tous ces mauvais garnimens, qui tenoient la ville sous leurs pieds, donne ordre que les prisons soient ouvertes à des plus grands Seigneurs de la France qui estoient dans la Bastide, destinez d' être defaits quelques jours prochains. Et tout d' une suitte fait approcher du Roy tous ces pauvres Princes qui avoient esté bannis de sa presence, les uns pour poursuivre une juste vengeance de la cruelle mort qui estoit advenuë à leur pere, les autres pour prester l' espaule à une querelle si bonne que celle-là. Et comme il n' y a riens qui soit plus doux au cœur de l' homme que se ressentir d' un tort qu' il a souffert, aussi soudain apres le retour de ceux-cy, ce fut seulement de joüer à beau jeu beau retour, & user de mesme pretexte que l' autre, pour combattre leur ennemy, c' estoit la presence du Roy. Et neantmoins encores pour y fraper coup, fallut-il interposer l' authorité de l' Université. J' ay leu unes lettres patentes qui furent lors depeschees sous le nom de Charles VI. par lesquelles il advertissoit de tous les costez ses principaux Officiers de la deliberation qu' il avoit prise en son Conseil de faire la guerre au Duc Jean, au bas desquelles estoit escrit, A la relation de son grand Conseil tenu du commandement de la Royne, & de Monseigneur le Duc de Guyene, auquel le Roy de Sicile, Messieurs les Ducs d' Orleans, & de Berry, Louys Duc de Bavieres, les Comtes de Vertus, & de Richemont, de Vendosme, & plusieurs du grand Conseil, & du Parlement, le Recteur, & plusieurs de l' Université estoient. Qui monstre que l' on les appelloit quelquefois au conseil des affaires d' Estat: & depuis comme le naturel du François est de s' attacher aux extremitez, le Parisien recevant pareil traictement des Armignacs, comme il avoit fait des Bourguignons, encores voulut-il reprendre ses anciennes brisees, & introduisit de nuict l' lsle-Adam, qui fit tels ravages, comme l' Histoire de ce temps-là en est chargee. 

Or comme ainsi soit que toute personne qui se donne plus de puissance, se donne par mesme moyen fort aisément plus de volonté qu' il ne doit, & qu' en nos actions il soit fort aisé de glisser d' une liberté (encores qu' elle soit honneste du commencement) en une licence effrenee: aussi ceste Université passant plus outre, se mit en fin à l' essor: d' autant qu' irritee des indignitez qu' elle enduroit des Ordinaires, elle appella de l' ordonnance de l' an 1417. faite en faveur d' eux: mais elle trouva icy un obstacle par l' authorité de la Cour de Parlement qui fit arrester le Recteur en la maison d' un chantre de la saincte Chapelle, & constituer prisonniers en la Conciergerie ceux qui tenoient rang plus bas. Ce qui rendit de là en avant l' Université quelque peu plus retenuë, non toutesfois de telle maniere qu' encores elle ne s' en voulut ressentir, mesmement contre le Parlement: mais en fin trouva qu' elle avoit trop forte partie à combatre. Parce qu' en la mesme annee ayant obtenu du Roy des privileges trop advantageux, & les voulant faire verifier, la Cour de Parlement ne le voulut faire. D' autant qu' il y avoit quelques clauses pour esmouvoir à sedition, & manda querir aucuns des chefs, & principaux de l' Université, pour le leur remonstrer: mais ils ne se voulurent contenter de ces remonstrances, & persisterent à leur requeste. Disans que si on ne les publioit, ils cesseroient leurs leçons. Nonobstant ce, ils n' obtindrent à leur intention, s' estant mesmement le corps de la ville de Paris opposé à ceste verification, & presenté requeste, a fin d' être receu partie: sur laquelle il avroit esté ordonné que les parties viendroient plaider au premier jour. Quoy voyant l' Université, & que ses affaires ne reüscissoient selon son desir, tourna sa pensee à nouveau conseil. Soustenant qu' elle ne devoit plaider en la Cour, & qu' elle avoit ses causes commises pardevant le Prevost de Paris, Conservateur de ses privileges. A l' instant mesmes le Prevost la vendique, & demande le renvoy pardevant soy, pour luy faire puis apres droict sur ses privileges. Cecy estoit du 25. Juin 1417. Pareille requeste le 4. Juillet, autre le 13. ensuyvant, a fin qu' on leur rendist leurs privileges. La Cour craignant quelque esmeute (car ce fut l' an que l' Isle-Adam estoit entré dans Paris) ne voulut interposer expressement son authorité sur ce renvoy: mais tirant prudemment les choses en longueur, en fin avecq' la colere, s' esvanoüit aussi la requeste en fumee, & se presentant nouveau succés d' affaires en la France par le meurdre du Duc Jean en la ville de Montereau, aussi prit-on nouveaux desseins: & neantmoins fut ceste querelle de l' Université totalement assopie par l' Edict du Roy Charles VII. verifiee le deuxiesme May, 1446. par lequel fut ordonné que la Cour cognoistroit des causes d' icelle, quand le cas y escherroit.

Les Anglois s' estans en l' an 1420. impatronisez de l' Estat, par le mariage qui fut fait avec Catherine de France, je ne voy plus que l' authorité de l' Université soit telle, comme elle estoit auparavant en telles affaires. Bien luy communiqua l' on de tous les principaux actes du procés que l' on faisoit à Jeanne la Pucelle, dedans la ville de Roüen. C' estoit parce que les Anglois pretendoient que Jeanne pour avoir pris l' habit d' homme, estoit heretique, & qu' il estoit question du fait de la Religion, dont on a tousjours estimé en France qu' il en falloit avoir l' advis de l' Université, depuis qu' elle fut establie: Finalement tous ces anciens troubles estans avecq' le temps assopis, & les Anglois chassez du Royaume, par la vaillance des grands Capitaines de Charles VII. tout ainsi que dedans ces dissensions estoit nee, aussi avec leur mort s' estaignit ceste grandeur plus oiseuse, que profitable à ceste Université, estant par ce moyen reduite en son premier ordre, & se contenant dedans ses anciennes bornes. Elle fut reformee en l' an 1452. par le Cardinal de Toute-ville Legat en France. Et certes qui voudra repasser par toute les Universitez de l' Europe, il n' en trouvera une seule qui revienne au parangon de ceste-cy, de laquelle nous pouvons dire que tout ainsi que du cheval de Troye sortirent innumerables Princes, & braves guerriers, aussi nous a-elle produit une infinité de grands personnages, dont la posterité bruira tant que le monde sera monde. En la Theologie, un Gerson, un Clamengis. Car je ne veux faire mention de Pierre Lombard pere de tous, qui est sans pair: en la faculté de Decret, un Rebufy, un Quentin, en la Medecine, un Sylvius, un Fernel, un Tagault, un Gonteric: en la Philosophie, & en toutes bonnes lettres, un Guillaume Budé, auquel, outre l' accomplissement qu' il eut de toutes les disciplines, on doit l' institution des Lecteurs (que nous appellons Professeurs du Roy) sous le Roy François premier, comme celuy qui luy en donna les premiers memoires, un Jean Faber, un Adrian Turnebus, un Pierre Ramus, un Robert Estienne. Es Mathematiques, un Oronce, En la langue Grecque, le mesme Budé, & un Tusan: en l' Hebraïque, un Vatable, & ce non comparable Mercerus, a fin que je ne parle des vivans, dont ceux qui viendront apres nous, pourront parler sans envie. Car quant à l' œconomie de ceste Université, concernant la distribution de ses dignitez, & autres menuës parcelles: on les pourra plus amplement entendre par mon Plaidoyé encontre les Jesuites. 

mardi 13 juin 2023

3. 17. Des Graces, Expectatives, Mandats, Indults Apostolics, Exactions faictes en Avignon,

Des Graces, Expectatives, Mandats, Indults Apostolics, Exactions faictes en Avignon, & du remede que nostre Eglise Gallicane y apporta. 

CHAPITRE XVII. 

Je ne veux point que l' on pense que j' aye fait ce chapitre au desadvantage du Siege de Rome: au contraire c' est son exaltation, pour monstrer que la primace de nostre Eglise ne pouvoit être exercee, qu' au lieu que sainct Pierre avoit choisi pour luy & ses successeurs, sans qu' il en advint un scandale. Belle chose & digne d' être trompetee aux oreilles de tout le monde, que Dieu establissant sa vraye Religion, voulut que la ville de Rome, Siege ancien de l' Empire, fut aussi le premier Siege de son Eglise, sur lequel toutes les nations jetteroient leurs veuës. 

N' attendez de moy en tout ce chapitre qu' un chaos, pesle mesle & confusion des affaires de nostre Eglise, dont nous fusmes en ceste France les premiers forgerous. Toutes & quantesfois que noz Roys parerent aux coups de Rome par les armes de nostre Eglise Gallicane, toutes choses leur succederent à point sans scandale. Mais quand ils y voulurent apporter de l' homme, & manier nostre Religion, comme une affaire d' Estat, ils gasterent tout. Je vous ay cy-dessus discouru la querelle de Boniface VIII. & Philippes le Bel, & comme les desseins du Pape avoient esté rendus illusoires. Toutesfois Boniface estant decedé & l' interdiction levee par Benoist XI. son successeur, qui ne siegea que huict mois, Clement V. Gascon, estant fait Pape, tout le soin de Philippes le Bel fut de s' entretenir non seulement en bon menage avecq' luy, mais par un nouveau dessein, pour ne tomber à l' advenir au desarroy où il s' estoit veu, projetta de l' attirer en France avecques toute la Cour, a fin que de là en avant les Papes & les Roys de France eussent occasion de viure en perpetuelle alliance. Ce qui en facilitoit le passage, estoit que Jeanne Comtesse de Provence avoit fait present de la ville d' Avignon & du Comtat, au sainct Siege.

Je ne sçay par quel destin le pays de Provence semble avoir presque tousjours eu sa fortune liee avec celle d' Italie. C' est la premiere de la Gaule qui fut conquise par les Romains long temps auparavant qu' ils eussent desseigné de s' impatronizer de tout le pays. Et laquelle leur estoit si agreable qu' entre toutes les autres Provinces à eux subjectes, ceste-cy fut d' un mot special appellee Province sans suitte de parole, comme la recognoissant par cela, l' une des plus belles Provinces qu' ils eussent. Et depuis, bien qu' elle se fust separee de la domination d' Italie par l' envahissement que les Visegots en firent & de tout le Languedoc: Toutesfois Theodoric Roy des Ostrogots ayant usurpé l' Italie, re-unit de rechef avecq' l' Italie ce mesme pays de Provence, estant fait tuteur d' Atalaric Visegot son arriere fils. Pareillement au partage des trois enfans de Louys le Debonnaire, à Lothaire son fils aisné escheut l' Italie avecq' la Provence. Et jaçoit que depuis selon les mutations des regnes, il fut erigé en Royaume par Charles le Chauve, & donné à Bosson son beau frere: si est-ce qu' encores advint-il que Louys fils de Bosson se fit Roy d' Italie, & apres luy Hugues, l' un de ses successeurs: En cas semblable, long temps apres, furent les Estats de Naples, Sicile, & de Provence, unis soubz mesmes seigneurs. Et tout ainsi qu' au temporel, le semblable advint au spirituel. Parce que dés le temps mesmes de sainct Gregoire, l' Eglise Romaine avoit quelques biens, & heritages à elle appartenans dont l' Evesque de Vienne en avoit occupé partie: Duquel bien sainct Gregoire parle assez souvent en ses Epistres, l' appellant Patrimoniolum, & le recommande à ceux, ausquels il avoit quelque part en France. Mesmes y envoya Vincent Soudiacre pour le gouverner. Pareillement les premiers Evesques des Gaules, qui embrasserent la grandeur & authorité du sainct Siege, sont ceux de Provence (quand je dis Provence, j' entends aussi le Dauphiné, qui n' estoient vers ce temps là separez) & les lettres les plus frequentes que verrez être adressees par sainct Gregoire à noz Evesques, sont principalement à ceux de Provence. Et finalement fut donné aux Papes Avignon, & autres villes adjacentes par un certain instinct, & pour entretenir ceste ancienne liaison, voire que l' on dit encores Provence être un Pays d' obeissance de la Papauté.

Suivant le nouveau conseil de Philippes le Bel, le Pape Clement V. se retire en la ville d' Avignon, où ayant par mesme moyen attraict tout l' attirail de Rome, bien que le Roy pensast par ce moyen avoir mieux estably ses affaires, si est-ce que le plus grand malheur qui advint jamais à l' Eglise, fust ceste retraicte. Car le Pape estimant que le Roy luy estoit grandement redeuable de ceste gratification, se persuada aussi qu' il le devoit en contr'eschange gratifier de tout ce qui luy seroit agreable. Chose dont il ne l' eust osé esconduire. De sorte que lors commencerent à venir en desordre les Mandats, & Graces expectatives, tant generales que particulieres: & pareillement les exactions de Cour de Rome sur les Beneficiers: (Car encores que le Siege se tint dans Avignon, si l' appelloit on tousjours Cour de Rome) & de mesme suitte les Decimes, que depuis l' on imposa dessus le Clergé. Estans les choses arrivees en tel excés, que nul homme de vertu ne pouvoit obtenir, voire esperer un seul Benefice, ains tomboit le tout à la table des Cardinaux d' Avignon. A quoy mesmement prestoient l' espaule les plus grands Seigneurs du Royaume qui avoient part au gasteau.

Ces Graces expectatives estoient Mandements, par lesquels les Papes lioient les mains des Ordinaires, leur enjoignans que le premier Benefice vacquant de telle ou telle condition, fut conferé à ceux, qui leurs estoient par eux recommandez. Et ne sçavoit-on anciennement que c' estoit de telles reservations en l' Eglise. Qui faict qu' en tout le Decret de Gratian il n' en est faicte nulle mention. Depuis on les mit dans Rome en avant, mais avecq' quelque sobrieté, premierement par prieres, puis par commandemens expres. Et n' avoit accoustumé un Pape de greuer, sinon une fois une Eglise, & encores d' un Benefice tant seulement. Pour ceste raison estoit coustumier d' adjouster tousjours ceste clause, moyennant que nous ne vous en ayons point escrit pour un autre. Avec le temps on passa plus outre, & neantmoins voyant que les Ordinaires se rendoient quelques fois refractaires à ces Mandemens, s' il estoit advenu qu' au prejudice d' un Mandataire, les Evesques en eussent pourveu un autre, le Pape vouloit qu' ils fussent contrains de bailler pension à son denommé, jusques à ce qu' il eust esté remply du premier Benefice vacquant. Et pour encores être mieux obey, il envoyoit premierement lettres monitoriales, ou preceptoriales à l' Evesque, & s' il se rendoit difficile à y obeyr, il decernoit puis apres des lettres executoriales. C' estoit qu' il addressoit ses bulles à un Abbé, ou autre ayant une dignité Ecclesiastique, pour mettre à execution ses Bules, & pourvoir son mandataire à la premiere vacquation qui adviendroit d' un Benefice. La meilleure de toutes ces constitutions Decretales estoit contre tout ordre de droit, toutesfois un tas de Canonistes Courtizans, les voulurent flatter de propositions plus hardies, soustenans que c' estoit une chose de mesme effect & vertu, de voir un benefice mis en reserve par le Pape, comme s' il eust vacqué en Cour de Rome. Et depuis ceste invention se meit au desbord, & fit sa derniere preuve en France, ainsi que je disois maintenant dessouz le siege d' Avignon.

Comme pareillement fut celle des Exactions, lesquelles estoient de trois especes. L' une qui venoit soubs le pretexte des visitations, l' autre soubs le nom de vacquans des premieres annees des benefices, que nous appellasmes depuis Annates: & la derniere soubs celuy des Decimes. En tant que touche la premiere, elle prit son estoc de plus loing, & voicy comment. Le principal soing des Evesques est d' avoir l' œil sur toutes leurs ovailles, & par special sur les personnes Ecclesiastiques. Et à ceste cause leur estoit enjoinct par tous les plus anciens Concils de visiter tous les ans leur Clergé: C' est une charge fonciere qui est annexee à leur mitre, dont ils sont redeuables envers leurs inferieurs, tant s' en faut que leurs inferieurs leurs en doivent payer chose aucune. Toutesfois comme il eschet ordinairement que les plus foibles soient tousjours opprimez par les plus forts, aussi petit à petit il advint que les Evesques faisans, ou en personnes, ou par l' entremise de leurs Archidiacres leurs visitations, ils se firent payer quelques deniers pour le defroy de leur despence. Chose qui fut tres estroittement defendue par l' Eglise Gallicane, en un Concil tenu à Chalons sous la lignee de Charlemagne. Qui monstre que deslors l' abus commençoit à naistre. Or le Pape se pretendant Ordinaire des Ordinaires, avoit dés pieça attiré par devers soy ce droict de Visitation: lequel on tourna en coustume depuis le siege d' Avignon: Car fust que l' on visitast ou non, il fassoit payer au Pape le droict de ces Visitations, appellees autrement Procurations. Chose dont les Beneficiers avoient passé condamnation volontaire. De tant qu' ils sentoient beaucoup moins de charge, & incommodité en leurs benefices, n' estans visitez, que s' ils l' eussent esté. 

De ceste mesme hardiesse Jean vingt-deuxiesme, successeur de Clement cinquiesme, introduisit sur les Benefices, les Annates: Qui estoit, que de tous les benefices vacquans en & au dedans le Royaume de France, il pretendoit que le revenu de la premiere annee luy estoit deu. C' est luy qui fit dresser les Extravagantes, tout ainsi que Clement les Clementines, de la lecture desquels livres on peut aussi aisement recueillir quel estoit l' Estat de ce temps là. Et au milieu des corruptions telles que dessus, encores s' en engendra une autre de plus pernicieux exemple que celles-cy, & qui à la longue a presque apporté la ruine, & desolation de l' Eglise. Ce fut d' imposer des Decimes par les Papes sur tout le Clergé, lesquelles auparavant on n' avoit accoustumé de lever que par devotion pour subvenir aux voyages d' outremer: & comme un abysme en produit aisement un autre, aussi l' abus s' y planta à perte de veuë. Boniface IX. confirma les Annates à toute sa posterité par une sentence Decretale. Clement septiesme d' un autre costé ordonna que de tous les Benefices de la France il prendroit la moitié du revenu pour l' entretenement de son Estat, & de ses Cardinaux, sur peine de privation totale des Benefices à ceux qui s' y opposeroient: & eut l' Abbé de S. Nicaise de Rheims ceste commission: d' avantage fit plusieurs autres exactions non auparavant cogneues par l' ancienneté. Nous trouvons une Ordonnance de Charles sixiesme, de l' an mil trois cens octante cinq, où il recite que trente trois Cardinaux creatures de Clement VII. en Avignon, prenoient la plus grande partie des fruicts & emolumens des benefices de la France, par ce qu' ils n' en avoient ailleurs, defraudans par ce moyen les gens doctes des Universitez, du talent qui leur estoit deu. D' avantage, que combien qu' un Evesque peust tester & creer un executeur de son testament & delaisser sa succession à un heritier ab intestat: toutesfois soudain qu' il estoit decedé, le Pape envoyoit arrester par un Collecteur tous ses biens meubles, & immeubles, tant propres, qu' acquests, & les approprioit à son usage, sans en reserver une seule parcelle, pour la reparation de l' Eglise, & sans payer les debtes du deffunct, comme s' il n' en eust peu contracter aucune, au prejudice de ses droicts. Et le semblable faisoit à l' endroict d' un Abbé estant decedé, auquel son Eglise devoit succeder. D' ailleurs tant & si longuement qu' une Abbaye vacquoit, & jusques à ce que son successeur eust pris possession paisible, le Pape en percevoit les fruicts. Adjoustant que les collecteurs levoient au profit du Pape le revenu du premier an de tous les benefices vacquans par resignation, permutation, ou autrement, en quelque façon que ce fust, voire encore qu' ils vacquassent en Regale, ou en Patronage lay, & que les Cardinaux prenoient pensions enormes sur les Benefices, ne laissans moyens aux titulaires d' eux nourrir & alimenter. Pour ces causes le Roy veut & ordonne que les Juges ordinaires procedent par voye de saisie sur ces pensions, ensemble sur le temporel, des Eglises, pour proceder aux reparations du consentement des personnes Ecclesiastiques: veut aussi que les heritiers des Evesques leur sucedent, & les Monasteres aux Abbez, & que le Pape ne puisse rien prendre sur les benefices, qui estoient en Regale, ou patronage lay, c' estoit aucunement se garentir du desordre, mais non tout à fait, comme depuis nous feismes soubs le Pape Benoist treziesme: car à la verité en ce grand besoin l' Eglise Gallicane monstra à bonnes enseignes ses forces. 

vendredi 9 juin 2023

3. 13. Que depuis la venuë de Hugues Capet, jusqu' au regne de S. Loys ...

Que depuis la venuë de Hugues Capet, jusqu' au regne de S. Loys les Papes s' authoriserent plus en grandeur sur les Evesques & Ordinaires, qu' ils n' avoient fait auparavant, et dont en proceda la cause. 

CHAPITRE XIII. 

Des le temps de l' Empereur Arnoul, avoit esté fait un Concil en la ville de Tibour l' an 895. portant entre autres articles cestuy: In memoriam beati Petri Apostoli honoremus sanctam Romanam Apostolicam sedem, ut quae nobis sacerdotalis dignitatis mater est, debeat esse magistra Ecclesiastica rationis. Quare servanda est cum mansuetudine humilitas, ut licet vix ferendum, ab illa sancta sede imponatur iugum, feramus & pia devotione toleremus. Ce Concil fut tenu en Allemagne, & ne sçay s' il fut observé selon sa forme & teneur, bien vous diray-je que tout ainsi que nos Evesques de France ne s' y trouverent, aussi n' en sceumes nous l' usage tant que la seconde lignee de nos Roys dura: Vray que sous la troisiesme, ce fut tout autre discours: Car jamais les Papes n' estoient arrivez à telle extremité de grandeur, comme ils se virent l' espace de cent ou six vingts ans, & me semble qu' il y eut deux causes qui les y pousserent. Nos voyages d' outremer, & le provignement de nouveaux Ordres de Religions & Monasteres. Les voyages d' outremer produisirent une infinité de Capitaines & Soldats, qui avec les armes materielles se promirent, sous l' authorité du S. Siege, de replanter la Religion Chrestienne au Levant: & les nouveaux Ordres de Religions, infinis guerriers, qui avecq' les spirituelles firent estat de restablir la discipline de l' Eglise, qui par les calamitez & desbauches des guerres estoient tombees en desolation.

Les voyages d' outremer commencerent sous Philippes Roy de France premier de ce nom, à l' instigation de Pierre l' Hermite, natif d' Amiens, sous l' authorité d' Urbain second, en un Concil tenu dans la ville de Clairmont en Auvergne. Auquel voyage le consentement general de tous les peuples Chrestiens condescendit. Et à la suitte de cestuy y en eust cinq autres, dont je parleray en leur lieu. En ces voyages pour les authoriser d' avantage, on avoit le premier recours au S. Pere de Rome. Puis chargeoit-on la Croix, le Bourdon, & l' Escharpe, comme si ce ne fust pas tant une guerre, qu' on alloit faire, qu' un pelerinage. Et s' estans les pelerins rendus diversement confez, ils s' acheminoient gaiz, & gaillards à ceste entreprise, comme asseurez d' acquerir par ce moyen Paradis. Ce que le Pape mesmes leur promettoit, leur donnant planieres absolutions de leurs pechez, & non sans cause. Car mourans en ces voyages pour la Foy & Religion Chrestienne, ils mouroient comme Martyrs. Or comme ainsi soit que deslors du premier voyage, chacun se voüast au sainct Siege de Rome, & que par son advis, il eust esté entrepris, au milieu de nostre Eglise Gallicane, aussi rapporta-l'on puis apres à luy tous les fruicts qui en provindrent. Dedans ces voyages se formerent quatre Ordres de Religieux portans les armes pour la deffence & protection de nostre Religion Chrestienne, les Chevaliers du sainct Sepulchre, les Chevaliers de S. Jean de Jerusalem, autrement Chevaliers de Rhodes, les Templiers, les Teutoniques, & Allemans, autrement Chevaliers de la Vierge Marie. Tous lesquels voulurent recognoistre pour leur seul Chef & Superieur le Pape.

Tout de ceste mesme façon nostre Eglise estant tombee en grand desordre par l' ignorance de nos Prelats, se planta une nouvelle devotion entre les bons & fideles Chrestiens, de fonder Ordres nouveaux de Religions & Monasteres. Qui fut l' accomplissement de la grandeur du sainct Siege, dessus tous les Ecclesiastics de la France. Car ceux-cy voyans le peu de soing qu' avoient eu les Evesques en la discipline Ecclesiastique sur leurs Dioceses, d' ailleurs que toutes les Abbayes anciennes lesquelles avoient pris source de S. Benoist, & ses disciples, estoient indifferemment donnees aussi bien aux gens Laiz, & seculiers, comme aux Ecclesiastics, pour ne tomber en ce desarroy, se voulurent affranchir des Ordinaires, qui leurs estoient mauvais garends envers les Roys, & avoir recours à la ville de Rome, sous la protection de laquelle ils se mirent, recognoissans le Pape principalement entre tous les autres. Encontr' eschange dequoy les Papes ne furent avaricieux en leur endroict. Car ils exempter les aucuns de la puissance de leurs Evesques, contre les coustumes anciennes de l' Eglise, & affranchirent les autres des dixmes qui estoient deuës naturellement aux Curez par la seule monstre de leurs clochers. Et de ces nouveaux Ordres le nombre n' en est pas trop petit, Clugny, Grandmont, la Chartreuse, Cisteaux, Premonstré, qui tous mesmement prindrent leur source & origine de ceste France. Et depuis se sont grandement espandus par toute l' Europe. Tellement que qui voudra considerer les affaires de nostre France de pres, ce n' est pas sans grande raison que l' on a donné à nos Roys le tiltre de Roys Tres-chrestiens de tout temps immemorial: Parce que chaque famille de nos Roys a dequoy se le vendiquer. La premiere, d' autant que quittant le Paganisme, auquel elle estoit nourrie se voüa non seulement à la foy Chrestienne, mais encores poussee d' un tresbon instinct, ne degenera point en l' erreur Arrienne, ainsi que firent plusieurs peuples qui butinerent l' Empire Romain. La seconde, pour autant qu' elle planta la Papauté en France. Et la troisiesme, pour avoir esté l' un des principaux motifs de ces voyages d' outremer, & que sous elle toutes ces grandes & sainctes Religions furent fondees en ceste France: à la suitte desquelles vindrent aussi les quatre Ordres des Mendians, qui pareillement eurent recours, ainsi que les autres à Rome. Lesquels depuis apporterent une infinité de fruit à la Chrestienté par leurs saintes exhortations. Qui m' a fait mille fois esmerveiller pourquoy Guillaume de sainct Amour, & apres luy Jean de Meun en son Romant de la Roze, les abhorroient, pour avoir voüé une pauvreté, tant en general que particulier. Car la mendicité dont ils font profession n' est une mendicité telle qu' est celle d' un tas de mendians valides & vagabonds, qui pour demourer perpetuellement inutiles à la Republique, vont caïmandans par les maisons. Au contraire ce pauvre peuple vacquant journellement au service de Dieu, & aux presches, se remet à la devotion des gens de bien, de luy faire aumosnes, selon qu' ils pensent le meriter. Et n' y a plus grand moyen pour ruiner la devotion, que la grandeur des biens, & possessions terriennes, que l' on donne à perpetuité aux Eglises. Parce que soudain que nature se trouve gorgee, & à son aise, elle quitte fort aisément ce qui despend de la necessité de sa charge, pour s' adonner à oysiveté, comme l' experience a depuis monstré en la plus part des autres Religions, lesquelles comblees de biens, semblent être demourees en friche, en ce qui dependoit de leur devoir: estant tout le faix tombé sur ces quatre Ordres derniers. Pour laquelle cause, quelques-uns voyans les demeures, ensemble les deportemens de tous ces Moines, dirent, que les Benedictins, qui furent les premiers Religieux prindrent pour leur partage les villes esquelles ils avoient choisi leurs domiciles: Et la pluspart des autres Ordres, les champs, forests, & montagnes: Tellement que s' estans de ceste façon accommodez des choses terriennes, ces derniers, qui portent le nom & tiltre de Mendians, prindrent pour leur lot seulement Le Ciel. Toutesfois soudain que l' on leur ouvrira la porte à la iouyssance des biens & possessions, comme il semble que l' on ait fait par le Concil de Terente, & qu' ils s' en trouveront remplis, il y a grandement à craindre qu' il ne leur en preigne comme aux autres. Si ne faut-il pas denier ce pendant que les premiers, aussi bien que ces derniers, n' ayent apporté tres-grande utilité à nostre Religion Chrestienne. Car ce fut le principal instrument, par lequel nostre Eglise fut reformee, & reduite en un meilleur train, du grand desbaux qui s' estoit trouvé en la France, sous la lignee de Charlemagne. Aussi au lieu que sous la premiere famille de nos Roys, & devant, on parloit des grands Evesques: sous ceste derniere on parla principalement des grands Abbez, & Religieux, qui florirent tant en ceste France, qu' ailleurs. D' uns Bernon, Odon, Odilon, trois premiers Abbez de Clugny, d' un Brunon fondateur de la Chartreuse, d' un S. Bernard de Clairvaux, d' un S. Dominique extirpateur par ses presches, de l' heresie Albigeoise, pour laquelle cause ceux de sa famille furent depuis appellez freres Prescheurs: d' un S. François premier, dont vindrent les freres Mineurs: d' un S. Bonaventure restaurateur de cest ordre: d' un S. François deuxiesme, qui fut Autheur des Hermites, que nous appellames Bons-hommes, parce que lors que ce sainct homme vint en France, à la semonce de Louys unziesme, la commune voix du peuple l' appella pour sa preud' hommie, Bon-homme. Et encores dans Hugues, & Richard Religieux de sainct Victor, d' uns Gratian, Raimond, Durant, Sigebert, Hugues Chartreux, Albert le Grand, & S. Thomas d' Acquin son disciple, tous deux de l' Ordre des freres Prescheurs, & une infinité d' autres que l' on peut recueillir de l' ancienneté, qui par oubliance ne tombent maintenant sous ma plume. Voire que les Evesques quittoient quelquesfois leurs Eveschez pour choisir ceste saincte conversation, comme fit Hugues Evesque de Grenoble coadjuteur de Brunon, & Albert Patriarche de Constantinople, l' un des premiers ordinateurs de la Religion des Carmes. Au contraire de leurs Religions estoient souvent appellez au premieres dignitez de l' Eglise, voire jusques à la Papauté. Car Eugene le tiers avoit pris l' habit de l' Ordre de Clairvaux de S. Bernard, & avons leu plusieurs Dominicains, & Franciscains être montez jusques à ce hault, & premier degré de l' Eglise. Sous la premiere lignee, c' estoit une forme de peine que de tondre, & releguer en une Religion un enfant d' ancienne maison. Sous ceste derniere, ce fut honneur. Et tout ainsi que sous les deux premieres lignees de nos Roys, les Evesques gouvernoient quelquesfois leurs maistres, aussi sous ceste derniere veit-on Hildebrand Moine de Clugny dans Rome, en ceste France Sugger Abbé de S. Denis, manier toutes les affaires, celuy-là de la Papauté, cestuy de nostre Royaume, & plusieurs autres de mesme qualité, pour les grands advantages qu' ils avoient aux lettres & sciences, soit en la Theologie, soit pour les anciens Decrets, & constitutions de l' Eglise, & pour les Histoires qui semblerent s' estre confinees dans leurs Cloüestres. Et mesmes sembloient thesauriser en livres dans leurs Monasteres, desquels jaçoit que l' ancienneté des ans, & le malheur de nostre temps nous en ait fait esgarer plusieurs, si recueille-l'on de leurs Biblioteques encores plusieurs beaux brins, dont l' on peut embellir le public.

Tous ces Abbez & Religieux ayans reduit leurs Republiques devotes sous l' arbitrage du sainct Siege, & les Evesques estans à demy reduits dés la seconde lignee de nos Roys, les Papes attaignirent lors au comble de grandeur sur tous les Benefices de la France, dont ils furent estimez les Generaux & Universels protecteurs, & non seulement sur les Benefices, mais aussi sur tout ce qui sembloit appartenir à la police Ecclesiastique. Et de la mesme façon que les Religieux, le semblable fut pratiqué par les Chanoines des Eglises Cathedrales. On avoit quelques siecles auparavant erigé en Colleges les Clercs, qui assistoient aux Evesques en leurs Eglises, que l' on appella Chanoines: ceux-cy pareillement se mettans sous l' authorité du sainct Siege, commencerent de se separer de table d' avec leurs Evesques, & leur faire teste. Tellement que les choses se passans en ceste sorte, nous allames chercher dans Rome les Pardons, & Indulgences, la confirmation de tous nouveaux Ordres de Religion: à nul qu' au Pape ne fut permis de canoniser la memoire des ames beatifiees, à luy seul appartint la planiere ouverture des Concils Generaux, & plusieurs autres choses de mesme suject, que nous ne pouvons ny ne devons luy envier pour une infinité de raisons que je laisse aux Theologiens, m' estant icy proposé seulement d' escrire l' Histoire de la Papauté, & comme elle a pris divers plis.