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mercredi 16 août 2023

10. 25. Cheute de la seconde famille nos Roys. / Fin du Dixiesme Livre des Recherches.

Cheute de la seconde famille nos Roys.

CHAPITRE XXV.

Je laisse à nos autres Historiographes les conquestes, glorieuses victoires, & superbes arrois de cette seconde famille: car quant à moy j' ay maintenant pris pour mon partage ses ruines: Quoy faisant je ne pense rapporter peu de profit à nos Princes, & grands Seigneurs, quand de bon heur ils se feront sages par la folie d' autruy. Nous sommes les gettons des Roys, qu' ils font valoir plus ou moins, comme il leur plaist, & les Roys sont les gettons de Dieu: Jamais famille ne receut plus de faveur, & benediction du ciel, que celle des Martels en trois Princes consecutifs, Charles Martel, Pepin, & Charlemagne & jamais elle ne fut tant terrassee qu' en trois autres, qui les survesquirent, Louys le Debonnaire, Charles le Chauve, & Louys le Begue. Je nomme entre ces six Charles Martel, ores qu' il ne portast jamais titre de Roy entre les siens, mais ce fut luy qui par sa proüesse & sage conduite, fit voye aux siens à la Royauté. Joint qu' apres son decez, sa statuë fut honoree d' une Couronne Royale, en son tombeau, comme l' on peut voir en l' Eglise, & Abbaïe de S. Denis. Les trois premiers furent torrens de fortune, qui l' augmenterent: les trois derniers precipices qui la ravalerent: car quant aux autres qui leur succederent, ce ne furent que des avortons qui ne firent que contenance de regner sans regner. Et combien qu' en Charlemagne fust l' accomplissement de la grandeur de cette famille; toutesfois je dirois volontiers s' il m' estoit loisible, qu' il jetta les premiers fondemens de la ruine. Vous entendrez les raisons pourquoy.

Le Roy Pepin mourant laissa deux enfans, Charles & Carloman: Ausquels par partage fait entr'eux escheut tout ce qui estoit compris és Gaules dedans l' enceinte du Rhin, monts Pyrenees & Apennin: & à Carloman tout ce qui nous appartenoit au delà du Rhin. Cestuy-cy mourut trois ans apres le decez de son pere, delaissez de la Royne Berthe sa femme, deux enfans. Et adonc Charles, par un droict de bienseance s' empara de tous & chacuns leurs pays. Chose dont la veufve voulant avoir premierement sa raison, se retira avec ses enfans vers Tassilon Duc de Baviere, mais l' ayant trouvé trop foible, pour venir à chef de cette vengeance, elle prit sa route vers Didier Roy des Lombards, qu' elle pensoit avoir juste cause d' indignation contre luy. D' autant qu' ayant espousé en premieres nopces Theodore sa fille, il la luy avoit renvoyee dedans le premier an de leur mariage. Toutesfois le malheur voulut, que Didier ayant esté desconfit à la semonce du Pape Adrian par Charles, & despoüillé de son Royaume, fut avec sa Royauté enseveli le tort que Charles tenoit à ses nepueux. Cette histoire est aucunement touchee par nos Annalistes, & toutesfois mise au rang des pechez oubliez, comme si ce ne fust qu' une peccadille d' avoir mis à nud ses nepueux en la succession de leur pere. Peché neantmoins qui fut rudement vangé sur les siens par un juste jugement de Dieu.

Apres avoir repudié la fille du Roy Didier, il espousa consecutivement trois femmes, dont de la premiere il eut six enfans, Charles, Pepin, Louys, Bertrude, Berthe, & Gillette: de la seconde, Tetrude, & Hildude: & de la troisiesme, nuls. Charles mourut du vivant du pere, sans hoirs procreez de soy, Pepin son second fils Roy d' Italie mourut pareillement le pere vivant, delaissé son fils Bernard pour son successeur: De maniere qu' à Charles (depuis dit Charlemagne, pour la magnanimité de ses faits) ne restoit plus de masle que Louys pour son fils, & Bernard pour arriere-fils. Or est-ce la verité qu' apres le decez de sa quatriesme femme il se ferma en matiere de mariage. Mais comme il est mal aisé de tenir une bonne fortune en bride, aussi ce grand Prince ayant attaint au dessus de tous ses desirs, par les grandes victoires qu' il avoit rapportees de ses ennemis, commença de n' avoir dedans sa maison, autre plus grand ennemy que soy mesme. Se donnant à la veüe de tous diverses garces, desquelles il eut trois bastards, Dreux, Hugues, & Theodoric, sans faire estat des bastardes. Et à l' exemple de luy, ses propres filles ne manquerent de serviteurs, non plus que la plus part des autres Dames. De maniere que la Cour de ce grand Empereur, n' estoit qu' une banque de toute honte & pudeur. Qui le fit tomber en telle nonchalance de son devoir, que combien qu' en luy fut l' accomplissement de cette famille: toutes-fois la fin de sa vie fut le commencement de sa ruine.

François Petrarque fort renommé entre les Poëtes Italiens, discourant en une Epistre Latine son voyage de la France, & de l' Allemagne, nous raconte que passant par la ville d' Aix la Chappelle, il apprit de quelques Prestres une histoire prodigieuse, qu' ils tenoient de main en main pour tres-veritable. Qui estoit que Charles le Grand, apres avoir conquesté plusieurs païs, s' esperdit de telle façon en l' amour d' une simple femme, que mettant tout honneur & reputation sous pieds, il oublia non seulement les affaires de son Empire, mais aussi le soing de sa propre personne, au grand desplaisir de chacun. Estant seulement ententif à courtizer ceste Dame, laquelle par bon heur commença de s' alliter d' une fort grosse maladie qui luy apporta la mort. Dont les Princes & grands Seigneurs furent grandement resjoüis. Esperans que par cette mort Charles reprendroit comme devant, & ses esprits, & ses affaires en main. Toutesfois il se trouva tellement infatué de cet amour, qu' encores cherissoit il ce cadaver, l' embrassant, baisant, & accolant de la mesme façon que devant, & au lieu de prester l' aureille aux legations qui luy survenoient il l' entretenoit de mille bayes, comme s' il eust esté plein de vie. Ce corps commençoit desja, non seulement de mal sentir, mais aussi se tournoit en putrefaction, & neantmoins n' y avoit aucun de ses favoris qui luy en ozast parler; Dont advint que l' Archevesque Turpin mieux advisé que les autres, pourpensa que telle chose ne pouvoit estre advenuë, que par quelque sorcelerie. Au moyen dequoy espiant un jour l' heure, que l' Empereur s' estoit absenté de la chambre, commença de foüiller le corps de toutes parts: Finalement trouva dedans sa bouche au dessous de sa langue un anneau, qu' il luy osta le jour mesme. Charlemagne retournant sur ses premieres brisees, se trouva fort estonné de voir une carcasse ainsi puante. Parquoy, comme s' il se fust reveillé d' un profond somme, commanda que l' on l' ensevelit promptement. Ce qui fut fait, mais en contr'eschange de cette folie, il tourna tous ses pensemens vers l' Archevesque porteur de cet anneau, ne pouvant estre de là en avant sans luy, & le suivant en tous les endroits. Quoy voyant ce sage Prelat, & craignant que cet anneau ne tombast és mains de quelque autre, le jetta dedans un lac prochain de la ville. Depuis lequel temps l' on tenoit que l' Empereur s' estoit trouvé si espris de l' amitié du lieu, qu' il ne desempara la ville d' Aix, où il bastit un Palais, & un Monastere, en l' un desquels il parfit le reste de ses jours, & en l' autre voulut y estre ensevely: ordonnant par son testament que tous les Empereurs de Rome eussent à se faire sacrer premierement en ce lieu.

Que cela soit vray ou non je m' en rapporte, tout ainsi que le mesme Petrarque, à ce qui en est: si estoit-ce un commun bruit, qui lors couroit en la ville d' Aix, lieu ou reposerent les os de Charlemagne. De laquelle histoire ou fable Germantian a fort bien sceu faire son profit, pour averer & donner quelque authorité à l' opinion de ceux qui soustiennent les malins esprits se pouvoir enclorre dedans des anneaux. Or que Charlemagne fust grandement adonné aux Dames sur la fin de son aage, mesme que ses filles qui estoient à la suite fussent quelque peu entachees d' amourettes, Aimoïn le Moine, vivant du temps du Debonnaire, nous en est tesmoin authentique: qui dit qu' à l' advenement de ce Prince à la Couronne, la premiere chose qu' il eut en recommandation, fut de bannir de la Cour les grands troupeaux des filles de joye qui y estoient demeurez depuis le decez de Charlemagne son pere, & aussi de confiner en certains lieux ses sœurs, qui ne s' estoient peu garentir des mauvais bruits, pour la dissoluë frequentation qu' elles avoient euës avec plusieurs hommes. Quelque grandeur de souveraineté qui soit en un Roy, ores que comme homme, de fois à autres il s' eschape, si doit-il tousjours rapporter ses pensees à Dieu, & croire qu' il est le vray juge de nos actions, pour les punir quelquesfois en nous de nostre vivant, ou bien à nos enfans apres nos decez. Chose que trouverez averee en ce que je discourray cy-apres. N' attendez doncques de moy au recit de ce present suject, que des injustices, partialitez & divisions entre les peres & les enfans, guerres civiles de freres à freres, oncles qui malmenerent leurs nepueus, tromperies entremeslees de cruautez, le tout basty par juste jugement de Dieu. Et parce que des trois enfans masles de Charlemagne il ne restoit que Louys le Debonnaire son fils, & Bernard son petit fils, c' est en cestuy auquel je commenceray les discours de cette histoire tragique.


Fin du Dixiesme Livre des Recherches.

tombeau, Charlemagne, Carlomagno, Carolus Magnus, Carles Magne, Carolo Magno

10. 21. Qu' entre tous les Roys de France Clotaire second semble avoir esté le plus heureux,

Qu' entre tous les Roys de France Clotaire second semble avoir esté le plus heureux, & neantmoins qu' en luy commença la ruine de la premiere famille de nos Roys.

CHAPITRE XXI.

Combien que ce Roy Clotaire second ne fust ny grand guerrier, ny justicier pardessus les autres, toutes-fois je le vous pleuvy pour le plus heureux de nos Roys. Je n' en excepte, ny le grand Clovis sous la premiere lignee, ny Charlemagne sous la seconde, ny Philippes Auguste sous la troisiesme. Premierement il eut cette prerogative d' estre Roy, tant & si longuement qu' il vesquit, c' est à dire quarante & quatre ans, fors & excepté quatre mois. Privilege à nul autre de nos Roys octroyé. Aage toutesfois grand obstacle à l' acheminement de son heur. Car selon l' opinion des sage-mondains, il n' y a rien qu' il faille tant craindre dans un Royaume, que quand il tombe soubs la minorité d' un Roy. A plus forte raison d' un Roy qui estoit seulement aagé de quatre mois.

Mais au cas qui s' offre il y avoit plusieurs autres grandes considerations qui le devoient arrester tout court. La haine publique qu' on portoit à la memoire du Roy Chilperic son pere, pour les extraordinaires tyrannies par luy exercees sur son peuple, & plusieurs grands vices particuliers qui regnoient en luy. Pareille haine contre la Royne Fredegonde, non seulement principale ministre de ces tyrannies, ains pour avoir aux yeux de tous soüillé ses mains dedans le sang Royal. Davantage simple Damoiselle, qui par ses paillardises estoit arrivee au mariage du Roy Chilperic; laquelle pourtant n' estoit secondee d' aucun sien parent d' estofe, pour la secourir en ses necessitez & affaires. Vray qu' elle suppleoit aucunement ce defaut par ses artifices. Et au bout de cela ayant un ennemy capital Childebert Roy d' Austrasie, qui pour vanger la traistreuse mort du Roy Sigebert son pere, mettoit toutes pieces en œuvre envers le Roy Gontran son oncle; toutesfois Dieu voulut que ce Roy ayant baillé sa parole de protection, il ne la voulut aucunement enfraindre, ains comme un roch au milieu des vagues, soustint ce petit Prince contre toutes les bourasques dont on le voulut affliger. Et en cecy gist le premier establissement du bonheur de Clotaire. Mais en ce que je diray cy-apres il y avoit beaucoup plus d' obscurité. Car pendant cette enfance Gontran le tenoit pour son nepueu: mais depuis il changea avec le temps grandement d' opinion.

Parce que quelques annees apres n' ayant enfans il adopta le Roy Childebert son vray nepueu, luy mettant devant tout le monde certaines armes au poing, suivant la coustume qui lors estoit en telles affaires, & luy dict. Voila un tesmoignage qui vous servira de tiltre apres mon decez, pour commander à tous les païs qui sont soubs mon obeïssance. Puisque nostre malheur a voulu pour nos pechez que soyez seul demeuré de nostre lignee. Partant succederez à mon Royaume, sans esperance qu' autre que vous y ait part. Opinion en laquelle il fut depuis grandement confirmé. Car ayant esté trois & quatre fois semonds pour tenir l' enfant Clotaire sur les fonts, autant de fois eut-il la baye. Voyons ce que en dit Gregoire. Apres ces choses ainsi passees (dit-il) le Roy Gontran vint en la ville de Paris, & parla en cette façon devant tous. On dict que feu mon frere Chilperic mourant laissa un enfant, que la mere & ses gouverneurs m' ont prié de tenir sur les fonts, premierement au jour & Feste de Noël, puis de Pasques, & en apres de la S. Jean Baptiste: en toutes lesquelles assignations ils ne s' y sont trouvez. Maintenant ils m' ont derechef semonds pour mesme effect, en un temps importun & fascheux, & neantmoins encore me cachent-ils l' enfant. Qui me fait croire que c' est un enfant supposé, emprunté de l' un de nos subjects. Car s' il eust esté de quelqu'un des nostres, on n' eust jamais tant tergiversé à le representer. Partant je veux que vous sçachiez que je ne le tiendray sur les fonts, que je ne sois acertené de la verité du fait. La Roine Fredegonde l' ayant oüy tenir tels propos, pour le relever de ce doubte, luy presenta tout aussi tost trois Evesques, & trois cens preudhommes de sa Cour, lesquels tous unanimement jurerent, que l' enfant estoit vray fils du Roy Chilperic. Et par ainsi demeura le Roy Gontran content.

Et certes ce n' estoit pas sans raison que tant de tergiversations & remises apprestastent à penser au Roy Gontran. Et quelque chose que dict Gregoire, je ne doute point que le Roy Gontran ne prit pas lors en payement les sermens qui luy furent faicts. Parce que l' enfant ne fut lors non plus baptizé qu' auparavant. Or quelque beau semblant qu' il fit adoncques, si ne le voy-je point depuis plus asseuré de la legitimité de l' enfant. Qu' ainsi ne soit estant quelques annees apres gouverné par Gregoire, & Felix Evesques, Ambassadeurs qui luy furent envoyez de la part du Roy Childebert, & que plusieurs propos se fussent entr'eux passez, tant sur l' adoption de Childebert, que pour le bon accueil que Gontran faisoit aux Ambassadeurs du Roy Clotaire, dont Childebert avoit grand subject d' estre malcontent: le Roy Gontran pour les contenter leur dit, qu' il mesnageroit leurs affaires de telle façon, qu' il n' en sourdroit aucun scandale. Dabo enim Clotario (porte la langue Latine) si eum meum nepotem esse cognovero, duos aut tres civitates in parte aliqua, ut nec hic videatur exhaeredari de regno meo, ne huic inquietudinem praeparent quae ei dedero. Je donneray (dit-il) à Clotaire si je le trouve estre mon nepueu, deux ou trois de mes villes, a fin qu' il ne pense pas que je l' aye exheredé de tout point: Ny pour cela l' autre (il entendoit parler de Childebert) n' en dormira pas moins à son aise, pour le don que j' auray faict. Or ne trouvera l' on, ny dans Gregoire, ny dans Aimoïn, ny dans aucun autre des anciens, que jamais Gontran ait gratifié Clotaire d' aucune sienne ville. Partant c' est chose asseuree qu' il ne l' estima jamais estre son nepueu. Adjoustez les attentats qui furent contre luy brassez par Fredegonde, qui ne luy furent point incogneus. Bref, vous trouverez en Gregoire qu' ayans esté certains articles de paix confirmez entre Gontran, Childebert & Brunehaud. Et bien (dit Gontran demy courroucé à Felix l' un des Ambassadeurs) vous avez donné bon ordre d' entretenir ma sœur Brunehaud en amitié avecques Fredegonde ennemie de Dieu & du monde. Ce que Felix deniant, Gregoire l' autre Ambassadeur prenant la parole pour luy respondit: Que cette pretenduë  amitié estoit lors toute telle entre les deux Princesses que par tout le passé. D' autant que la mesme haine qui y estoit se reverdit de jour à autre. Et à la mienne volonté (poursuivit il) Gontran Roy que vous tinsiez moindre compte d' elle. Car comme nous avons souventes-fois experimenté, vous faictes plus d' estat de ses Ambassadeurs que de nous. A quoy le Roy repartit. Sçachez homme de Dieu, que je ne reçois point de telle façon ses Ambassades, & que je me donne bien garde d' oublier la charité dont je suis obligé envers son nepueu Childebert. Car comment pourrois-je m' attacher d' amitié avecques celle, que je sçay souventes-fois avoir attitré des hommes pour attenter sur ma vie? Nam illi (porte le Latin) amicitias ligare non possum, de qua saepius processerunt qui mihi vitam praesentem auferrent. 

De toutes lesquelles choses vous pouvez recueillir que Gontran n' estimoit luy appartenir de proximité de lignage: D' ailleurs qu' il vouloit mal de mort à la Royne Fredegonde sa mere, tant pour les conjurations qu' elle avoit encontre luy tresmees, que parce qu' il la cognoissoit n' avoir autre Dieu & Religion en son ame, que la commodité de ses affaires. Que si sur cette opinion il eust joint les deux puissances ensemble, je veux dire la sienne & celle de Childebert qui estoit son nepueu, qui ne desiroit autre chose que la soudaineté de la jeunesse, arrestee par la sage conduite du vieillard, & la vieillesse poussee par la prompte execution du jeune Prince, eussent peu aisément desarroyer l' Estat du Roy Clotaire. Mais son bonheur porta que jamais Gontran n' oza, ou ne voulut l' attaquer, ores qu' il fust souvent privé, sommé, & conjuré par Childebert son nepueu de s' armer, ou de luy permettre qu' il s' armast. Je diray plus, qu' ores que tous les deportemens de Fredegonde luy depleussent, toutes-fois estant pour la derniere fois prié par elle de vouloir estre parrein de son fils, il ne l' oza refuser; & neantmoins lisez le passage de Gregoire, vous trouverez qu' en ce dernier acte Gontran y venant y apporta plusieurs circonspections & asseurances: car avant que departir, il envoya trois Evesques à Paris, comme avant-coureurs pour sonder le gué, & luy arrivé ne voulut sejourner dedans la ville; ains se vint loger avecques sa Cour au village de Ruel, & voulut que le baptesme fust fait à Nanterre, tant luy estoient les actions de la Royne Fredegonde suspectes. Bref tant & si longuement qu' il vesquit il ne fit aucune bresche à la Royauté de Clotaire, ny ne voulut permettre que Childebert, auquel les mains demangeoient en fit, tant fut lors la fortune de ce petit Prince heureuse. Mais cet heur passa bien plus outre. Car le Roy Gontran estant allé de vie à trespas, & le Roy Childebert ayant par sa mort uny le Royaume de Bourgongne au sien, adoncques tout obstacle luy estant levé, & laschaht toute bride, il se desborda furieusement comme un torrent, sur les terres du Roy Clotaire (qui lors n' avoit que huict ou neuf ans pour le plus) les ravageant, pillant & ruinant. Mais tout aussi tost il fut arresté par la camisade que luy bailla sur la dianne, la Royne Fredegonde, ainsi que vous avez peu entendre cy-dessus. De maniere que tous les desseins par luy de longuemain projettez, furent en un instant renversez par cette Amazone. Quelque temps apres le Roy Childebert & la Royne Fallenbe sa femme decederent en un mesme jour, delaissez deux petits Princes ses enfans, sous la tutelle & puissance de la Royne Brunehaud leur ayeule, Theodebert l' aisné auquel escheut le Royaume d' Austrasie, & Theodoric puisné, qui fut fait Roy de Bourgongne: Et lors Fredegonde qui n' oublioit rien de ses advantages, obtint une autre victoire sur eux: Mais quelque peu apres vaincue d' une longue vieillesse, elle perdit la vie, delaissé Clotaire son fils aagé seulement de quatorze ans, & jusques là je ne voy rien en luy de fascheux succez: Mais non long temps apres sa fortune commença de grandement chanceler. Car les Capitaines qui estoient pres de Brunehaud prenans cette occasion en main, le heurterent si chaudement par une cruelle bataille, qu' ayans obtenu une victoire absoluë sur luy, il fut contraint d' exercer une marchandise tres honteuse avecques ses deux cousins. Car par la capitulation il fut contraint de leur quitter les deux parts de son Royaume, dont les trois faisoient le tout. Piteux Estat vrayement au bas aage de ce jeune Prince! toutesfois ayant callé la voile à cette furieuse tempeste, il commença puis apres de calfeutrer peu à peu avecques le temps son vaisseau: Et finalement les deux freres par une tres-sotte ambition, prenans grand plaisir de se ruiner l' un l' autre, le Roy Clotaire estoit aux escoutes, r'apieça tout à faict son Royaume auparavant emmorcelé, jusques à ce que pour fin de compte Theodoric s' estant faict maistre absolu du Royaume d' Austrasie, & mis à mort cruellement son frere Theodebert & les siens: Et quelque peu apres estant Theodoric decedé, ayant delaissé quatre jeunes siens enfans sous l' authorité de la Royne Brunehaud leur bisayeule, Clotaire fut faict Roy de Bourgongne sans coup ferir: mais par la trahison de Garnier Maire du Palais de Bourgongne, & ses adherans. En quoy combien qu' il y eust beaucoup de honte pour les ames genereuses, toutesfois la proposition qui de tout temps se pratique en matiere de Principautez, eut lieu. Dolus, an virtus quis in hoste requirat? Et mesmement que ce ne luy estoit pas un petit heur de s' impatronizer de deux grands Royaumes sans aucune effusion de sang d' une part ny d' autre. Et pour oster toutes espines de sa teste il fit mourir les enfans de Theodoric qui luy pouvoient nuire, & tout d' une suite leur bisayeule, a fin qu' elle ne remuast quelque nouveau mesnage contre luy, qui estoit un autre grand coup d' Estat, lors non moins familier aux Roys de la premiere lignee, que maintenant au Grand Turc, quand sur son advenement il veut asseurer sa Couronne. Et encore que toutes ses cruautez soyent subjectes à quelque controlle, toutesfois elles se pouvoient excuser sur la bonne fortune d' Auguste premier Empereur de Rome, lequel deliberant de s' investir de l' Empire avecques ses deux associez Lepide & Marc Anthoine, fit passer par le fil de l' espee tous ceux qu' il estimoit pouvoir servir de destourbier à leur dessein, tant amis, que ennemis. Et sur ce pied obtindrent de la fortune ces trois Seigneurs tout ce qu' ils desiroient. Vray qu' en fin ce tout fut uny en la personne d' Auguste. Et nostre Clotaire executa tellement & de fait ce mesme conseil, mais apres que il se fuit empieté des deux Royaumes. La cruauté barbaresque d' Auguste n' empescha pas que depuis il n' imperast heureusement sur les siens, qui fut cause que depuis aux Couronnemens de ses successeurs, on leur souhaitoit autant d' heur comme à luy. Cette cruauté aussi en nostre Clotaire n' empescha pas qu' il regnast avecques mesme heur sur les siens. Car se voyant Maistre & Seigneur d' autant de païs que le Roy Clotaire son ayeul, il commença de regner au gré & contentement, non seulement de ses anciens; ains nouveaux subjects, tous lesquels il traicta d' une mesme balance, mettant sous pieds toutes les injures passees, & communiquant aux grands Seigneurs les dignitez avecques une telle sagesse, qu' il bannit la jalouzie de leurs opinions, & de soy toutes les craintes des Princes ses corrivaux, les aucuns estans decedez de leurs morts naturelles, & les autres de la façon que je vous viens de toucher. Or regna puis apres 14. ans tout seul pacifiquement, & en fin rendit l' ame en l' autre monde d' une mort calme. Estranges mysteres de Dieu qu' une grandeur bastie sur tant de meschancetez, tant de la part de la mere que du fils, eust pris une fin si douce, & son commencement dés l' aage de quatre mois. He! vrayement si les choses fussent demeurees fermes & stables en cet estat; il y avoit assez dequoy à une ame foible d' en murmurer, & de vouloir faire le procez au Ciel. Or voyez je vous prie quelle fut la catastrophe de ces jeux tragiques. Ce Roy restoit lors seul de la race de Clovis, & possedoit les quatre Royaumes de Paris, Orleans, Soissons, & Mets, qui estoient apres le decez de ce grand Roy escheuz à ses quatre enfans. De maniere qu' il se pouvoit dire tres-grand Roy: toutesfois en ce grand Clotaire fut la closture de la grandeur de la premiere lignee de nos Roys. Dieu apres avoir longuement patienté, & esté spectateur de toutes ces detestables procedures, voulut que celuy sur lequel selon le monde on pensoit avoir estayé l' orgueil de cette famille, fust le premier fondement de sa desolation & ruine. Car en luy commencerent de se boucler les grandes victoires auparavant tant familieres à ses devanciers. Le Roy Gontran avoit pris sur les Lombards deux villes limitrophes à nostre France: qui luy payoient encore de plus douze mil escus de tribut par chacun an. Soudain qu' ils veirent Clotaire seul Roy, ils depescherent vers luy Ambassadeurs, pour le supplier leur vouloir rendre les deux villes, & de leur quitter le tribut. Ces Messieurs sceurent si bien & dextrement negocier avecques le Conseil de Clotaire par corruptions & presens, qu' ils obtindrent ce qu' ils demandoient sans coup ferir, à nostre tres-grande honte. Ces deux villes estoient les dernieres de nos conquestes en un pays estranger, & ce furent les premieres esquelles nous bornasmes nos esperances en ce subject. Car depuis qu' elles furent renduës, & le tribut quitté, n' attendez plus, ny en Clotaire, ny en tout le demeurant de sa famille aucune conqueste en païs estranger. Et pour le regard du dedans de nostre France, Clotaire est celuy sous lequel la Mairie du Palais jetta ses plus fortes racines au prejudice de nos Roys. Car auparavant elle estoit destituable à la volonté du Prince. Cestuy la rendit non hereditaire; ains viagere: car ainsi avoit-il promis à Garnier par les articles secrets entr'eux passez, qu' estant fait Roy de la Bourgongne il l' y establiroit Maire de son Palais, sans qu' il le peust destituer tant & si longuement qu' il vivroit. Parole qu' il luy tint apres s' estre rendu paisible des deux Royaumes d' Austrasie & de Bourgongne, & eut lors trois Maires du Palais, Landry sur les Royaumes de France & de Soissons, qui dés pieça avoient esté reunis en un: Garnier sur celuy de Bourgongne, & Herpon sur celuy d' Austrasie. Ces deux derniers pour les bons services qu' ils luy avoient faicts, à la reddition de ces deux Royaumes. Ces trois Mairies estans faites en eux viageres; aussi ce Roy las des longues fatigues qu' il avoit auparavant souffertes se reposa sur leurs suffisances: chacun d' eux en son endroict s' en faisant accroire comme il luy plaisoit. Et deslors en avant, tout ainsi que la Majesté de nos Roys alla au raval par leur neantise & negligence. Au contraire la grandeur des Maires du Palais s' accreut par leur diligence. Jusques à ce qu' en fin ils s' emparerent de l' Estat, le tout ainsi que je vous ay plus amplement discouru par le precedent. Et c' est le second miracle que je remarque avoir esté fait en cette premiere famille de nos Roys.

mardi 15 août 2023

10. 20. Dont procederent les calomnieuses accusations contre la Royne Brunehaud, & qui fut la vraye cause de la cruauté exercee contre elle.

Dont procederent les calomnieuses accusations contre la Royne Brunehaud, & qui fut la vraye cause de la cruauté exercee contre elle.

CHAPITRE XX.

Nous avons deux Roys ausquels l' ancienneté donna le titre de Grand: Sous la premiere lignee, Clotaire second, (car ainsi est il honoré par le Greffier du Tillet) & sous la seconde Charles premier de ce nom, depuis appellé Charlemagne. Et tout ainsi que pour exalter les faits heroïques de Charles se trouverent plusieurs gaste-papiers, les uns qui par leurs Romans, les autres qui sous le nom d' Histoires, nous repeurent de plusieurs mensonges concernans l' Estat à l' avantage de ce Roy, comme de l' introduction des Pairs, des Parlemens, de l' Université de Paris, & autres particularitez, dont les vrays Autheurs de son temps, & ceux qui n' en furent esloignez n' ont parlé: Aussi les personnes Ecclesiastiques & Moines, qui sous la premiere lignee, & long temps apres s' estoient donné toute jurisdiction sur la plume en cette France, controuverent diverses fables pour couvrir la honte & pudeur de la furieuse cruauté, que Clotaire avoit exercee sur la Royne Brunehaud. Et comme par malheur chacun se plaist plus sur la mesdisance; aussi ceux qui depuis ont escrit, l' ont renvié les uns sur les autres. Toutesfois quelques uns plus retenus ont pretendu cette cruauté estre du tout fabuleuse, ne se pouvans faire accroire qu' elle eust peu se loger en une ame si debonnaire, comme estoit celle du Roy Clotaire. Chose dont il ne faut meilleur ny plus prompt tesmoignage que de Fredegaire le mesdisant, lequel apres avoir descouvert les cruautez barbaresques executees contre Brunehaud par le commandement expres de Clotaire, nous faict part tout soudain d' un traict de sa clemence admirable, que je ne die inimitable, qui fut tel.

Lendemon Evesque de Sion envoyé par Alethee Patrice de Provence, pour suborner la Royne Bertrude femme de Clotaire luy dit: que par le calcul exact qu' il avoit fait des Astres, il trouvoit que le Roy son mary devoit mourir dedans l' an, & que s' il luy plaisoit entendre au mariage d' elle, & Alethee, extraict de la race des Anciens Roys de Bourgongne, & enlever quant & soy tous les thresors, il estoit prest de l' espouser, & feroit mourir sa femme: Quoy faisant Alethee se promettoit d' arriver à la Royauté. Ce dont la Royne preude Princesse ayant donné advis au Roy, l' Evesque en ayant eu le vent se sauva de vistesse. Jamais crime de leze Majesté ne fut circonstancié de tant d' ordures, vilenies, & meschancetez que cestuy, un Prelat contrefaire le devin, mesme sur la mort du Roy son Seigneur, pour parvenir à sa malheureuse intention, de là devenir maquereau, pour non seulement suborner la pudicité d' une saincte Royne; ains pour mettre le divorce entre le Roy son mary & elle, brasser un autre mariage, fondé sur la mort future d' une autre femme; le tout sous une esperance de troubler l' Estat par nouveaux troubles & divisions. Toutesfois Clotaire par sa debonnaireté prit pour le regard de l' Evesque en payement, les humbles supplications & prieres à luy faites par un Abbé: Ordonnant pour toute peine qu' il feroit de là en avant faire residence actuelle en son Evesché, qui estoit luy imposer pour supplice, ce qui estoit du deub de sa charge. Et quant à Alethee il se contenta de sa teste, sans autres tortures de membres. Toutesfois ce fut toute autre leçon en la Royne Brunehaud: Aimoïn s' est bien donné garde de toucher cette corde d' Alethee, sçachant que cette clemence si proche desmentoit la cruauté precedante. Vray Dieu! dont pouvoit provenir cette contrarieté d' opinions en un mesme esprit, & presque en un mesme temps? car pour bien dire, il n' y eut pas moins de faute en la trop grande clemence, que ce Roy exerça contre le Patrice, & l' Evesque, qu' en la trop grande & excessive cruauté contre la Royne Brunehaud, je le vous diray en peu de paroles. Tout cecy est deu à la detestable garnison de Garnier Maire du Palais de Bourgongne.

L' an de la conqueste du Royaume d' Austrasie sur Theodebert à peine estoit expiré, que Theodoric le conquerant alla de vie à trespas l' annee fix cens dix-sept, delaissez quatre siens enfans naturels, Sigebert, Childebert, Corbe, & Meroüee, & la Royne Brunehaud son ayeule, ainsi que j' ay touché par l' autre Chapitre, & suis encore contrainct de le dire. Sigebert l' aisné aagé d' unze ans, Childebert de dix, Corbe de neuf, Meroüee de six, & Brunehaud de soixante & douze ans. En tous lesquels y avoit grande foiblesse d' aages, és Princes, pour le peu d' ans qui estoit en eux, & en la Princesse pour le trop. Et par consequent peu de ressource en eux tous, en cas de malheureux succez. C' est pourquoy les Austrasiens & Bourguignons commencerent de projetter un nouveau party. Qui fut de se soubmettre sous la puissance du Roy Clotaire, aagé lors de trente ans ou environ, lequel s' estoit grandement accommodé pendant les divisions des deux freres.

Les Austrasiens maniez par Arnoul & Pepin deux des principaux Seigneurs du pays, aucunement excusables, tant pour avoir veu la detestable cruauté que Theodoric avoit sur son advenement pratiquee contre son nepueu enfançon, fils du Roy Theodebert, que pour estre ses nouveaux subjects non encore duicts à luy obeïr, quand il fut prevenu de mort. Soubs quelles conditions ces deux Princes conducteurs de cette orne, entrerent en ce nouveau party, nos Histoires n' en parlent point. Mais quant aux Bourguignons qui avoient tousjours esté ses naturels & anciens subjects, ils ne s' en pouvoient excuser: estans mesmement à ce induits & conduits par les sourdes persuasions & menees de Garnier Maire du Palais, soubs la protection duquel la Royne Brunehaud s' estoit mise avecques ses quatre arriere-petits enfans; & soubs cette asseurance ayant faict proclamer en la ville de Mets, Sigebert l' aisné Roy de Bourgongne, & de Austrasie, elle le laissa és mains de Garnier pour le conduire & recognoistre Roy és villes de la nouvelle conqueste, qui estoient l' oree de la riviere du Rhin, dont elle n' estoit encore grandement asseuree. Mais au lieu de rendre ce bon & fidele service à son Maistre, il negotia le contraire, & fit promettre aux premiers Seigneurs de se reduire soubs la principauté de Clotaire. L' enfance des Princes, leur illegitimité, l' ancienneté de la Royne, sans aucun soustien, luy facilitoient en cela la voye de son dessein. Et sur l' asseurance qu' il prend d' eux; joint la secrette intelligence qu' il avoit avecques les autres Princes d' Austrasie, il ne douta de capituler avecques Clotaire: Mais soubs tel si & condition, qu' il seroit confirmé en son Estat de Maire du Palais, & qu' il n' en pourroit estre desposé, tant & si longuement qu' il vivroit. Chose qui luy fut aisément promise soubs grands sermens par Clotaire: lequel par ce moyen se faisoit Maistre des deux Royaumes à fort bon compte & petit bruit. Soubs cette asseurance Clotaire arme, & entre dedans les païs de Bourgongne & Austrasie, les fourrageans. Brunehaud qui lors sejournoit en la ville de Wormes, le somme par Ambassades de ne point passer plus outre. Mais luy asseuré des promesses qui luy avoient esté faites, declare qu' il n' en feroit rien, & qu' il ne vouloit estre creu, ny la croire de leurs differens, ains s' en rapportoit à la Noblesse, tant de Bourgongne, que d' Austrasie pour les juger. Sur cette response elle faict lever des gens, pour faire teste à son ennemy, soubs la conduite de Garnier, auquel elle avoit apres Dieu mis toute sa fiance, & luy consigne mesmement ses quatre enfans, pour les proteger. Les armees s' approchent l' une de l' autre, en bonne resolution (ce sembloit il) de joüer des cousteaux: Mais quand se vint au joindre, Garnier & ses partisans saignerent du nez, & se rendirent à celuy, qui les receut fort aisément à mercy, comme siens. Et pour rendre cette trahison en tout accomplie, Garnier meit és mains de Clotaire, tous les enfans de Theodoric, horsmis Childebert, lequel monté sur un bon roussin se garentit de vistesse; & toutesfoit ne fut depuis veu. Selon la supputation des Chroniques, il ne devoit estre lors aagé que de dix ans pour le plus, & neantmoins en ce bas aage il eut le sens & la force de se sauver des embusches du traistre. Des trois autres presentez au Roy je vous ay discouru par le precedant Chapitre ce qu' ils devindrent. Ainsi s' impatroniza le Roy Clotaire des Royaumes de Bourgongne & Austrasie, se faisant Monarque des deux Frances, tant deça, que delà le Rhin. Restoit la Roine Brunehaud, qui s' estoit sauvee en la Franche-Comté, ou és environs. Espine aucunement en la teste du Roy Clotaire: car advenant que Childebert fust retrouvé & retourné, on craignoit qu' il ne remuast quelque nouveau mesnage avecques sa bisayeule. C' est pourquoy Garnier pour complément de son bon & agreable service, la fit chercher par Herpon Comte d' Estable de Bourgongne (c' estoit lors ce que nous avons depuis appellé premier Escuyer du Roy) ayant esté trouvée, elle fut par Garnier presentee au Roy qui en fit l' execution telle que je vous ay discouruë. Tout ce que je vous ay icy presentement discouru, je l' ay emprunté d' Aimoïn. Vray que j' ay oublié la farce qui y est: car il dit que soudain apres que Brunehaud eut chargé Garnier & Alboïn, un autre sien confidentaire, de conduire Sigebert le long du Rhin, pour le faire recognoistre Roy par les villes de la nouvelle conqueste, elle escrivit tout aussi tost des lettres à Alboïn, luy commandant de le faire mourir. Les dites lettres estans par luy leües, & aussi tost deschirees en la presence de plusieurs Seigneurs, les pieces en furent sur le champ curieusement ramassees par un valet de Garnier, qui se donna le loisir de les adjuster ensemble sur une table avecques de la cire, & ayant trouvé qu' elles concluoient à la mort de son Maistre, il les luy bailla. Ce qui l' occasionna de tourner sa robbe, & de joüer tout autre rolle qu' il n' avoit promis de faire.

De ma part je ne doute point que Garnier qui estoit homme meschant, pour pallier sa trahison, ne meit du depuis ce faux pretexte en avant: mais il y en a si peu d' apparence que c' est manque de sens commun d' y adjouster foy. Ceux qui veulent donner quelque passe-port à ces lettres, disent que depuis le departement de Garnier la Royne estoit entree en deffiance de luy, sur un nouvel advis que l' on luy avoit donné. Quand ainsi eust esté, que non, Alboïn personnage de choix, & creature de la Royne, avoit peu lire ces lettres en presence d' autres Seigneurs, ne sçachant qu' elles contenoient: Mais apres les avoir leuës, voyant ce qu' elles contenoient, & qu' il les eust deschirees & mises en pieces devant eux, il est mal-aisé de le croire: Ny plus ny moins que du varlet qui se trouva à point nommé pour recueillir les pieces, & en apres se donna la patience de les rabienner sur une table, luy qui ne sçavoit qu' elles concernassent le faict de son maistre. Et vrayment il y a tant d' artifice exquis & affecté en ce discours, que l' homme le moins clair-voyant le jugera, non histoire, ains conte fait à plaisir, tel que l' on trouve dedans les histoires fabuleuses d' Herodote. Comme aussi est-ce la verité que si la Royne pendant le voyage du Roy Sigebert, fust entree en quelque nouveau soupçon de Garnier, le voyant à son retour plein de vie, elle se fust bien donnee garde (en ce grand coup d' Estat contre Clotaire) de luy laisser le commandement absolu sur son armee, & moins encores de mettre entre ses mains, non seulement son aisné, ains ses autres enfans puisnez pour les proteger. Et à vray dire cette seule consideration monstre qu' il y a eu beaucoup du Moine en Aimoïn, quand il a voulu faire passer à la monstre cette farce pour histoire.

Et tout ainsi que pour donner fueille à sa trahison, Garnier trouva ce faux pretexte; aussi pour la rendre de tout point excusable, il falloit figurer à Clotaire une Brunehaud pour la plus meschante & malheureuse Princesse, qui oncques eust esté veuë sur la terre. Or que Garnier avecques ses adherens fut celuy qui la fit depuis chercher, & estant trouvee en fit present au Roy Clotaire, pour la faire mal-mener de la façon qu' elle fut, vous le trouverez dedans le mesme Aimoïn faisant son propre fait de la mort de cette Princesse. Quelques uns, comme j' ay dit, estiment que cette mort soit une fable, pour l' enormité du supplice, singulierement de la part d' un Prince, qui en matiere de clemence fut le parangon de tous les autres, & mesme sur calomnieuses accusations. Toutesfois la grande obligation que Clotaire avoit à Garnier, qui l' avoit fraischement fait Roy de Bourgogne & d' Austrasie, sans coup ferir: Garnier vous dis-je, qui avoit interest de faire estimer par toute la populace, cette Princesse la plus detestable du monde, pour monstrer avecques quelle juste raison, il avoit affranchy son peuple de sa servitude, vous trouverez qu' il y avoit subject de la part du Roy, pour le grand contentement de son bien-faicteur d' une punition beaucoup plus griefve. L' atrocité de la peine faisoit croire que les delits dont ses ennemis la chargeoient, estoient veritables: Et à tant loüoient la nouvelle revolte de Garnier. En somme, pour finir ce Chapitre és deux Roys Clotaire & Charlemagne, par lesquels je l' ay commencé, il y eut sous leurs regnes deux grands traistres, Garnier sous Clotaire, Ganes sous Charlemagne. Contre cestuy-cy tous les Romains qui en ont escrit degenerent; d' autant que par sa trahison le Roy Charlemagne courut une mal-heureuse fortune en la journee de Roncevaux. Au contraire Garnier estoit infiniment honoré par la plume des Moines: Parce que sa trahison avoit tres-heureusement reüssi à l' advantage du Roy Clotaire. Et neantmoins Dieu ne voulut pas laisser, ny cette trahison, ny cette cruauté impunies, non point en la personne de Garnier, qui mourut de sa mort naturelle Maire du Palais de Bourgongne, ains de Godin son fils. Histoire que je veux vous discourir en passant avant que clorre ce Chapitre.

Ce jeune Seigneur soudain apres la mort de Garnier son pere, s' amouracha de Berthe sa belle mere, & l' espousa, dont le Roy Clotaire desmesurément indigné commanda qu' on le mist à mort. Toutes-fois il obtint sa grace par les intercessions & prieres de Dagobert fils aisné du Roy Clotaire, à la charge qu' il quitteroit sa nouvelle espouse: ce qu' il fit. Mais elle d' un cœur malin tout aussi tost l' accusa, qu' il avoit conjuré d' attenter contre la vie du Roy. Et ores que par plusieurs sermens par luy faicts solemnellement sur les Sainctes Evangiles és Eglises de sainct Medard de Soissons, sainct Vincent de Paris, sainct Martin de Tours, & sainct Aignan d' Orleans, il se fust purgé, combien que ce serment fust l' une des voyes que l' on practiquoit en ce temps là, pour la justification de celuy qui se pretendoit innocent, toutes-fois le Roy sans plus amplement s' en esclaircir, permeit qu' il fust assassiné par gens atitrez, au milieu d' un festin dedans la ville. Si justement, ou injustement, je m' en rapporte à ce qui en est. Tant y a que Dieu punit souvent les enfans pour les fautes commises par leurs peres: Ainsi prit en Godin fin la race & racine masculine de Garnier, & en tout ce que je vous ay par plusieurs Chapitres discouru, je voy la Justice de Dieu executee par l' injustice des hommes, pour se vanger des fautes par eux commises: Un Theodebert qui avoit violé le droict des armes au desadvantage de Theodoric son frere, estre avecques un sien fils par luy cruellement mis à mort. Et pour punir cette cruauté Theodoric mourir d' un coup de tonnerre, & en moins d' un an ensuivant ses enfans & son ayeule estre exposez à la mort par la trahison de Garnier, & commandement de Clotaire, Garnier puny apres sa mort en la personne de son fils, pour ne faire la parole de l' Eglise menteuse, quand elle dit: Ne reminiscaris peccata nostra, vel parentum nostrorum. Restoit à executer les vengeances, tant contre les anciennes cruautez de Fredegonde mere, que nouvelles du Roy Clotaire son fils: Dieu en fit une punition à la Royale. Car sans le chastier en sa personne, il voulut que dedans sa grandeur fust logé le commencement de la ruine de luy & de sa posterité, ainsi que j' ay plus amplement touché par l' un des precedens Chapitres.

dimanche 13 août 2023

9. 41. Par quelles personnes estoit anciennement la Justice renduë en la France,

Par quelles personnes estoit anciennement la Justice renduë en la France, & de quelques ineptes chicaneries que nous avons depuis tirees du Droict des Romains.

CHAPITRE XLI.

Les François ayans de cette façon gaigné pied à pied la souveraineté de la Gaule, qui a esté du depuis appellee la France; comme toute Republique prend son commencement par les armes & fin par l' escritoire; aussi n' eurent ils soubs la premiere, seconde, & bien avant soubs la troisiesme lignee de nos Roys, autres Juges & Magistrats que militaires. Voire que la plus part de leurs causes criminelles se vuidoient, non par la pointe de leurs plumes; ains de leurs espees: Sous la premiere ils mesloient avecques les Coustumes des Provinces, ce qui estoit de leur Loy Salique, establie du consentement de tout le peuple, par quatre grands personnages, Wisogat (: Wisogast), Theodogast, Salogast, & Windogast; avant qu' ils fussent arrivez és Gaules. Sous la seconde ils y adjousterent les Capitulaires du Roy Charlemagne, & de ses enfans: Et sous la troisiesme quelques Ordonnances de nostre bon Roy Sainct Louys & autres Rois. Leurs Juges ordinaires estoient appellez du nom de Comtes, faisans profession des armes: & comme leur dignité se fust renduë par succession de temps feodale, on subrogea en leurs places, Vicomtes, Prevosts, & Viguiers; gens pareillement de l' espee, comme de fait vous en avez encore quelque remarque és Vicomtez que l' on a infeodees tout ainsi que les Comtez; & neantmoins en tout le pays de Normandie les Vicomtes sont les mesmes qu' ailleurs les Prevosts & Viguiers. Et sous la troisiesme lignee furent introduits les Baillifs és pays coustumiers, & Seneschaux és pays de Droict escrit, personnages qui faisoient pareillement estat des armes. Et comme ainsi fut que pendant leurs absences ils peussent commettre gens pour tenir leurs sieges (que depuis nous avons nommez Lieutenans) il leur fut par expres defendu de choisir gens de robbe longue. Qui nous enseigne que lors on jugeoit les causes par les Ordonnances Royaux, & coustumes. Ordre depuis grandement par nous changé. Car depuis que le Droict de Justinian s' est habitué chez nous, sur lequel nous avons basty Escoles de Loix, nous avons laissé aux Baillifs, & Seneschaux les armes, pour la conduite du ban, & arriereban, quand la necessité des guerres le requeroit, & à leurs Lieutenans, qui sont tous gens de robbe longue, la plume. Lesquels outre les Ordonnances Royaux & coustumes, y adjousterent en tiers pied le Droict ancien des Romains. Auquel nous avons plusieurs grandes obligations, pour avoir emprunté de luy plusieurs belles propositions politiques, sur lesquelles toutesfois nous avons enté par mal-heur, une infinité de chiquaneries. A l' extirpation desquelles Messire Michel de l' Hospital Chancelier, meit toute son estude (mais en vain) par les Edits d' Orleans de l' an 1361. de Roussillon 63. & de Moulins 65. & de fraische memoire Messire Nicolas Brulart l' un de ses successeurs (que je nomme avec tout preface d' honneur) par l' edict de l' an 1606. contre les renonciations au Velleian & Auth. Si qua mulier. Chiquanerie qui estoit un seminaire de proces par la France, dont je veux maintenant discourir, ensemble des renonciations aux benefices de division, & ordre de discussion. Tout ainsi que les choses loüables ont leurs histoires dignes de recommandation, aussi les mauvaises ont les leur, en la commemoration desquelles chacun peut faire son profit pour les fuir. Et neantmoins si quelqu'un pour avoir l' œil ou l' aureille trop delicats, trouve ce discours de mauvaise grace, ou d' un alloy qui ne luy plaise, je le veux contenter d' une autre monnoye de ma marque, que j' ay quelquesfois debitée ailleurs.

Quelque fascheux peut estre & mal apris

Se mocquera du subject que j' ay pris, 

Si je me suis dispensé de l' escrire,

Chacun estant maistre de son bon temps,

Affin de rendre & luy & moy contens,

Il se pourra dispenser de le lire.

Je commenceray par le Velleian pour en apres venir aux autres. Pour subvenir à l' infirmité du sexe feminin, il fut defendu dedans Rome par le Senatus-consult Velleian de s' obliger pour autruy sur peine de nullité. 

A cette regle generale on apporta cette exception, que la femme pouvoit en plein jugement és mains du Juge y renoncer, apres luy avoir remonstré par le menu quel estoit son Privilege. Que si nonobstant ces remonstrances, elle declaroit avoir le contract pour agreable, adoncques il ne luy estoit de là en avant loisible de s' en repentir, ny par consequent de s' aider du benefice du Velleian. Or comme toutes choses religieusement introduites se tournent à la longue souventesfois en un abus, aussi advint il le semblable à cette cy. Car au lieu de la presence du Juge, on se contenta que cette renonciation fust faite devant un Notaire ou Tabellion qui recevoit le contract. Et le plus ancien de nos Docteurs de Droict qui nous enseigna cette leçon, & des autres renonciations, dont je discourray cy apres, fut Guillaume Durant Provencal (Provençal), Autheur du Specule, vulgairement appellé par les anciens le pere de pratique. Quatuor sunt beneficia (dit-il) quibus praecipue solet in instrumento renunciare constitutioni Divi Adriani, novae constitutionis de fideiussoribus, novae constitutionis de duobus Reis debendi, & Senatusconsulti Velleiani. Et adjouste que si les contractans ne sçavent quelle est la nature de ces renonciations, & n' en ayent esté certiorez par le Notaire, la renonciation demeure nulle & sans effect. Dautant que nul n' est estimé renoncer à un droict qu' il ignoroit luy apartenir. Et ideo (adjouste-il) discreti Tabelliones ponunt hanc clausulam in instrumentis. Et renunciaverunt tali iuri quod est tale, super hoc à nobis certiorati. Et tunc tenet renunciatio. Conseil qui depuis fut suivy, non seulement au pays de Droict escrit, ains par toute cette France. Il ne parle point de l' Auth. S qua mulier laquelle prohibe aux femmes mariées de s' obliger pour leurs maris, ny de la renonciation qui leur à depuis convenu de faire, tout ainsi qu' au Velleian. Qui me fait croire que du temps de Durant cette loy n' estoit encores venuë en usage dedans nostre France.

Quant à moy j' eusse souhaité, ou que du tout le Velleian n' y eust esté introduit, ou que c' eust esté en son tout, sans rien changer des premieres & originaires procedures, qui estoient, comme j' ay dit, d' approuver en plain tribunal l' aplegement par elle fait, nonobstant le donner à entendre du Juge du Privilege à elle octroyé. Car on sçait quelques choses se trouver bonnes devant la face du Magistrat, qui autrement seroient sans excuse. Et d' improuver la fidejussion faite par la femme sans renonciation au Velleian, ou de l' approuver par le moyen d' une renonciation faite par elle tumultuairement, & à la vanuole pardevant un Tabellion ou Notaire, il n' y a pas moins de faute en l' un qu' en l' autre. Renonçant lors de pareille facilité, comme si elle se fust obligée sans y renoncer. La presence & remonstrance du Magistrat, la pouvoit aucunement plus tenir en bride contre son premier mouvement. Et neantmoins ce dernier formulaire de renonciation avoit esté embrassé avec une si estroite superstition, voire par les Cours souveraines que si le Notaire eust non seulement oublié d' apposer au contract cette renonciation, mais quand bien il l' eust apposée, & n' eust tout d' une suite adjousté ces mots. Qui luy a esté donné à entendre estre tel, que la femme ne se pouvoit obliger pour autruy si elle n' y renonçoit le contract estoit cassé, & encores en plus forts termes quand dedans la minute on eust mis ces mots. Qui luy a esté declaree estre telle &c. 

Et qu' en apres le Notaire eust estendu son & cetera sur la glosse en la deliurant aux parties: toutesfois les Juges ne prenoient cela en payement, ains cassoient l' obligation faicte par la femme. Chose qui coustoit infiniment à la simplicité de ceux, qui par les appas des plus fines femmes s' estoient laissé circonvenir és contracts par eux passez. C' est pourquoy le feu Roy Henry le grand sur l' advis de Messire Nicolas Brulart son Chancelier, par son Edit du mois d' Aoust 1606. ordonna que d' ores en avant les Notaires & Tabellions de son Royaume generalement quelconques, ne pourroient en breuets, contracts, obligations, & autres actes passez devant eux, inserer les renonciations ausdits Droicts du SC. Velleian, & Auth. Si qua mulier, ny en faire mention à peine de suspension de leurs charges, d' amendes arbitraires, dommages & interests, demeureroient toutesfois les dites femmes bien & deüement obligées sans les dites renonciations. Et pour coupper racine aux proces nez, & à naistre, tant en ses Cours de Parlement qu' autres jurisdictions, sur les choses & matieres susdites, il valide & authorize tous les contracts passez par les femmes, soit pour & avecques leurs maris, authorizées deux, ou autrement en quelque maniere & façon que ce fust, bien que les dits Droicts n' eussent esté exprimez & estendus au long, ou que la renonciation d' iceux eust esté entierement obmise. Pour estre tous les dits contracts de tel effect, force & vertu, comme si toutes ces formes y eussent esté bien gardees & observées, sans toutesfois prejudicier aux Arrests cy devant intervenus en telles matieres, qu' il entendoit & vouloit demeurer en leur force & vertu.

Edit receu avecques un si favorable accueil par la Cour de Parlement, qu' il fut aussi tost verifié, qu' apporté, ce requerant le Procureur general, & tout d' une main par la verification ordonné coppies collationnées estre envoyées aux Balliages, & Seneschaucees, pour à la diligence des Substituts du Procureur general du Roy estre leuës, publiées, enregistrées, & observees. Fait le vingt-deuxiesme de May 1607.

Je vous ay tout au long estalé ce qui concernoit en cette France le SC. Velleian, & Auth. Si qua mulier. Il me plaist vous discourir maintenant l' autre abus qui court entre nous, fondé sur une ignorance oculaire en matiere de contracts du Droict primitif des Romains, lors que deux personnes s' estoient obligées seules, & pour le tout, cette clause permettoit au creancier d' agir contre le premier des deux qu' il vouloit choisir. Fut il jamais loy plus juste que celle là? toutesfois l' Empereur Justinian la supprima là, & au cas que les deux codebiteurs fussent presens, & se trouvassent solvables, ains voulut qu' en ces deux cas, le  creancier fust tenu de poursuivre chaque debiteur pour sa quote part & portion seulement. Fut il jamais Loy plus injuste, & où il y eust plus du Tribonian qu' en celle là, que contre les paroles expresses de nos conventions, il me faille pour estre payé espouser autant de proces? que de debiteurs, en l' examen de leurs biens & Faculté. Ils eurent encores une maxime courante en leur pratique. Qu' il estoit au choix & option du creancier de s' attaquer indifferemment ou à la caution, ou au principal debiteurs. Comme si le contract impliquoit en soy une obligation du seul & pour le tout sans l' avoir exprimé. Toutesfois le mesme Justinian, par autre ordonnance voulut que l' un & l' autre estant present il falloit que le crediteur discutast au prealabe le principal debiteur, & subordinement la caution, le debiteur se trouvant non solvable. Car pourquoy ne me sera il permis d' user des termes de pratique puisque par les presens discours j' ay promis de me faire praticien? Et en cette seconde ordonnance il y avoit quelque naturelle equité qui ne se trouve en la premiere.

Voyez je vous prie en quel desarroy nous ont mises ces deux constitutions. Le Gentil-homme, le Marchand, le Laboureur, l' Artizan François, qui ne feurent jamais nourris, ny en l' ancienneté, ny en la nouveauté du Droict des Romains, estiment pour bien obligez, leurs debiteurs ou leur debiteur avec sa caution qu' eux tous s' obligeans seuls & pour le tout, cette clause soit suffisante pour se pouvoir heurter contre celuy dentr'eux qu' il leur plaist choisir. Toutesfois si vous n' y adjoustez un Renonçant au benefice de division, & ordre de discussion, vostre obligation solidaire demeure illusoire & sans effect. Ainsi l' ay-je veu observer par plusieurs jugemens, dont toutesfois je ne voy aucun fondement qu' une ignorance lourde, supine, & prepostere. Parole dont je ne demanderay pardons encores que paravanture elle soit merveilleusement hardie. Si cette clause y est neccessaire, il faut que nous y soyons abstraints, ou par nos Ordonnances Royaux, ou par nos coustumes locales, ou bien que nous soyons subjects au Droict des Romains. Nous n' avons ny Ordonnance, ny coustume pour cest effect. Il faut doncques que ce soit en contemplation du troisiesme point. Or est-ce une maxime tres-certaine que ne suivons le Droict des Romains, sinon de tant & en tant qu' il se conforme à une raison generale & naturelle. Ce que les Docteurs Italiens mesmes recognoissent par leurs escrits. Et quand ils ne le recognoistroient, c' est une leçon qui est cognuë de toute ancienneté par tout le monde. Au cas qui s' offre la constitution de Justinian non seulement ne simbolise au sens naturel de la Loy commune de tous, mais y deroge entierement. Plus belle & sortable proposition n' y a il pour la conservation de ce grand Univers, que l' entretenement des promesses qui sont faites sans dol, sans fraude, sans contrainte entre personnes majeurs de vingt & cinq ans dont les Romains faisoient bannieres publiques, comme estans fondamentales de leurs Loix. Pacta conventa servabo (disoit le Preteur) quae neque dolo malo, neque metu, neque contra bonos mores inita erunt. Et ailleurs le Jurisconsulte Ulpian disoit. Contractus accipere legem à conventionibus. Les contracts prennent leur Loy des marchez faits entre les parties contractantes. C' est une Loy naturelle entre tous les peuples: & une petite Justiniane fondée sur un, Sic volo, sic iubeo, sit pro ratione voluntas, l' effacera au prejudice non seulement des subjects de l' Empire, ains de nous qui ne le recognoissons qu' à petits semblans. Justiniane dirois-je volontiers forgée par un Tribonian, grand personnage veritablement, mais aussi grandement corrumpu, qui vendoit souventesfois (si nous en croyons Suidas) les ordonnances de son Maistre au plus offrant & dernier encherisseur. Avioustez (Adjoustez) (car je ne me puis estancher en querelle si juste comme est celle que je soustiens) qu' aprouvans cette renonciation, pour le moins faut il qu' elle soit entendue par ceux qui la font. Car nul n' est estimé renoncer à un sien droict si en y renonçant il n' a cognoissance de ce qu' il fait. Le tout en la mesme forme & maniere qu' on desiroit au Velleian avant l' edit de l' an 1606. Ainsi estoit telle la leçon de Durant qui premier introduisit cette chiquanerie en nostre France. Ce neantmoins, ny le creancier, ny les debiteurs, non pas mesmes le (les) Notaires ne sçavent que veulent dire ces mots. Renonçans au benefice de division & ordre de discußion. Menagez doncques cette chiquanerie de telle façon qu' il vous plaira, vous trouverez qu' elle n' a autre garend que l' ignorance, que les anciens ont estimé estre la mere d' injustice. Et estime qu' une Cour de Parlement sans nouvel Edit, peut par ses Arrests corriger cest abus. Et en tout evenement & à tout rompre un nouvel Edit pour cest effect ne sera de moindre devotion receu que celuy du Velleian, & Auth. Si qua mulier.

Avecques les deux defaux par moy cy dessus touchez j' y en adjousterois volontiers un troisiesme, qui est l' heritier par benefice d' inventaire, dont nous faisons une banque de tromperie, pour frustrer les creanciers hereditaires de ce qui leur est bien & loyaument deu sous le masque d' un inventaire tel quel, & d' une caution baillée. Ce fut un nouveau Droict introduit par Justinian pour bonne cause, comme je pense, & paravanture pour meilleure doibt il estre banny de la France, que tous heritiers soyent purs & simples, & qu' à cette fin leur soit prefix un bon & competant delay pour s' informer des biens & moyens du defunt avant que de s' y engager, & ce pendant pour obvier aux fraudes & substractions, qu' inventaire soit fait par authorité de justice. Vous me direz que par ce moyen je ferme aucunement la porte aux successions. Quoy faisant c' est grandement offensé la memoire des nostres qui sont allez de vie à trespas. Et je vous responds que je ne trouve aucune difference entre n' avoir point d' heritiers, ou d' en avoir qui sous faux pretexte de justice rendent la succession illusoire & insolvable.

Et certes quand je voy nos bons vieux Peres avoir du commencement doubté d' ouvrir la porte au Droict de Rome, pour une reverence naturelle & legitime qu' ils portoient à leur Roy, craignans que cette ouverture ne nous assubjectist sous une puissance aubaine, s' il m' estoit en cecy loisible d' interposer mon jugement contre une venerable ancienneté, je dirois volontiers, qu' ils s' abuzoient. Par ce que sous l' authorité de nos Roys, on pouvoit emprunter du Droict Romain ce qui estoit bon, & resseper le mauvais. Mais il y avoit une autre crainte beaucoup plus considerable qui les devoit plus induire à cette opinion. Qui estoit qu' il y avoit danger que sur ce Droict on entast la chicanerie & multiplicité de proces, ainsi que nous avons; maladie vrayement incurable, quelque remede que nos Roys vueillent apporter pour la guerir.

jeudi 10 août 2023

9. 29. Invention de l' Imprimerie, & comme, & vers quel temps la langue Latine commença d' estre diversement cultivee en l' Europe.

Invention de l' Imprimerie, & comme, & vers quel temps la langue Latine commença d' estre diversement cultivee en l' Europe.

CHAPITRE XXIX.

Apres vous avoir discouru sur le fait de nostre Université de Paris, qui a produit tant de beaux & nobles esprits par le moyen des bonnes lettres; pourquoy ne me sera-il loisible de vous parler maintenant de l' Imprimerie qui baille vie aux bonnes lettres? Il me souvient d' un Epigramme dont un grand Poëte de nostre temps voulut honorer le docte Alde Manuce Imprimeur Italien, qui avoit par son impression mis en lumiere plusieurs anciens Poëtes, dont la memoire estoit, si non perduë, pour le moins aucunement esgaree: & ayant sur le commencement de son Epigramme monstré comme les Poëtes devoient estre mis au rang des Dieux, pour faire par leurs Poësies reviure les hommes illustres morts, en fin il conclud que Manuce estoit de plus grande recommandation & merite que les Poëtes, puisque par son Impression il leur redonnoit la vie.

Quod si (dit-il) credere fas Deos Poëtas, 

Vitam reddere quod queant sublatam,

Quanto est iustius, aequiusque quaeso,

Aldum Manutium Deum vocare,

Ipsis qui potuit suo labore,

Vitam reddere mortuis Poëtis.

Que si l' Université de Paris, & par mesme moyen toutes les autres ont avec le temps trouvé leurs grandeurs dedans l' Impression; pourquoy serions nous si ingrats de ne l' honorer de son embleme: veu que par une honneste liberté je veux croire que si l' ancienneté establit sept especes de sciences, je ne penseray forligner quand j' y adjousteray l' art de l' Impression pour huictiesme. Recognoissons donc s' il vous plaist quand, & par qui elle prit sa premiere naissance.

Si vous parlez à celuy qui a fait l' Histoire du Royaume de Chine és Indes Orientales, il vous dira que de toute ancienneté l' Impression y estoit en usage, & long temps auparavant qu' elle prist pied en l' Europe; ce qu' on ne peut dire de tout le demeurant de l' Univers, & par especial en nostre Christianisme, où nous n' avions, si ainsi me permettez de le dire, autres Imprimeurs que les Monasteres, aux Librairies desquels nous avions recours, comme magazins des livres manuscrits, qui plus, qui moins, selon le plus ou le moins de devotion qui residoit en ces familles pour l' exercice des bonnes lettres. Le premier qui nous garentit de cette disette fut Jean Gutemberg Gentil-homme demeurant en la ville de Majence, faisant profession des armes. Ainsi l' apprenons nous de Polidore Virgile en son deuxiesme livre de ceux qui furent inventeurs. Munster en sa Cosmographie y adjouste cette particularité, qu' ayant inventé la maniere d' imprimer, il ne la voulut tout aussi tost eventer, ains demeura plusieurs ans, luy donnant diverses façons, jusques à ce que n' y trouvant plus à redire, il la divulgua en l' annee mil quatre cens cinquante & sept. Nostre docte Veignier au second Tome de sa Bibliotheque Historiale, est de mesme opinion, & neantmoins dit que quelques uns attribuoient l' invention à un Joannes Faustius. Je veux croire qu' il y a faute en l' impression, d' autant qu' au lieu de Faustius, il faut lire Fustius. Qui ne seroit pas sans propos: Parce qu' il est autresfois tombé entre mes mains un livre des Offices de Ciceron, imprimé sur du parchemin, à la fin duquel estoient ces mots. Praesens Marci Tullij clarißimum opus, Ioannes Fusti Maguntius cinis (civis), non atramento, non plumali canna, neque aerea, sed arte quadam pulchra, manu Petri Gerrismi pueri, foeliciter effeci: finitum anno 1466. 4. die Februarij. Eloge duquel vous pouvez recueillir qu' en ce livre fut fait le premier coup d' essay de l' Imprimerie, lors fraischement inventee, & que Jean Fust est celuy auquel on le doit, sur la leçon qu' il avoit apprise de l' Autheur, si tant est qu' il y en eust un autre que luy.

Je vous ay dit que cette noble manufacture avoit esté inventee en l' an mil quatre cens cinquante & sept, & publiee en l' an mil quatre cens soixante & six. Grande chose, qui ne doit estre escoulee sous silence, que le siecle de l' an mil quatre cens fit honorer les langues Latine, & Grecque, & par mesme moyen les sciences. Auparavant, encores que vous y trouviez du sçavoir; toutes-fois en l' estallement d' iceluy, le debit se faisoit en une langue Latine goffe: & oze presque dire qu' en tous nos vieux livres Latins, qui veirent le jour depuis l' introduction de nos Universitez; voire plusieurs siecles auparavant, jusques vers le milieu de l' annee mil trois cens, il y avoit plus de barbarie, que de diction pure & nette. J' en excepte Eghinard, lequel on dit avoir esté Secretaire de l' Empereur Charlemagne, auquel par miracle particulier je trouve au peu qu' il escrivit de la vie, & mœurs de son Maistre, un langage qui ne se ressent en aucune façon de la parole barbare de son temps, ny de plusieurs autres siecles suivans. Chose qui me faict presque croire que celuy qui en fut l' Autheur, vivoit lors que la langue Latine fut rehabilitee entre nous, & que pour donner plus de foy & creance à son Histoire, il emprunta le nom d' Eghinard Secretaire de Charlemagne.

Toutesfois je me remets de cecy au jugement de ceux, qui avecques plus de diligence que moy ont fueilleté les manuscrits. Or le premier que je voy nous avoir affranchy de cette Barbarie fut François Petrarque, celuy qui entre les Poëtes Italiens a acquis le premier lieu de la Poësie Toscane: honneur toutesfois que je n' estime de telle recommandation, que celuy que je remarque maintenant en luy; d' autant que la langue Toscane se borne de l' enceinte de l' Italie, & la Latine de tout l' Univers: Ny pour cela ne pensez pas trouver en luy un langage revestu de toutes les fleurs qui depuis se trouverent en ses survivans: il ouvrit seulement le pas.

Tant y a que vous voyez en ses œuvres Latins une diction nette, un esprit moüelleux, nerveux, & sententieux, un stile court & concis. Bref vous recognoissez en luy un autre Seneque. Mais en cette conformité de plumes, il y eut cette distinction, que l' ancien Seneque ayant succedé au siecle doré d' eloquence de Ciceron, Cesar, Hortense, Saluste, Pollion, & donné quelque privilege particulier en ses escrits non familier aux anciens, fut jugé par Quintilian avoir le premier forligné de la delicatesse de la langue, & Petrarque estant né dedans un siecle barbare, s' estant aucunement mis en bute l' autre Seneque, fut le premier qui la restablit. Chose que je voy estre alloüee par Paule Jove, quand il dit de luy ces mots: Sed debeamus plurimum ingenio sudore semper aestuanti, dum litteras à multo aevo misere sepultas, è Gothicis sepulchris excitaret. 

Et Vives dedans ses livres de tradendis disciplinis: Franciscus Petrarcha ab hinc annos plures ducentis Bibliothecam iamdiu clausam reseravit primus, & pulverem situmque è monumentis maximorum authorum excußit. Quo nomine plurimum ei Latinus sermo debet, non est omnino impurus, nam squalorem sui saeculi non valuit prorsus detergere.

Ce que je vous remarque de ce grand personnage est du siecle de l' an 1300. car il nasquit l' an 1304. & mourut l' an 1374. ayant vescu soixante & dix ans. Ce que je vous deduiray cy-apres concerne le siecle de l' an 1400. Les deux premiers champions que je voy en ce siecle estre entrez en champ de bataille pour combatre cette barbarie, furent Laurent Valle Gentil-homme Romain, & Poge Secretaire de la Republique Florentine, tous deux armez d' armes de haut appareil, tant en la langue Latine que Grecque, & tous deux ennemis formels par une jalousie particuliere qu' ils avoient conceuë l' un contre l' autre. Tellement que ils s' attaquerent par unes & autres invectives Latines, & par leurs divisions particulieres s' accreut l' Estat general des bonnes lettres. Si vous croyez Raphaël Volaterran au vingt & uniesme Livre de son Anthropologie, nous devons à Poge les Institutions Oratoires de Quintilian, & les œuvres d' Asconius Pedianus: fuit in Concilio Constantiensi (dit-il) quo tempore, & Quintilianum, & Asconium Pedianum dicitur reperisse. Toutesfois je voy Quintilian avoir esté allegué long temps devant luy par Petrarque au I. livre de ses Epistres familieres, Epistre 8. escrivant à Thomas Messanense: qui me fait croire qu' auparavant il estoit en vogue: mais pour ne rendre Volaterran menteur, il faut croire qu' il n' estoit lors si correct, comme il fut depuis par la diligence & industrie de Poge: mais la beauté de ce conte est que si nous luy devons le Quintilian, qui est celuy auquel Laurent Valle a plus de creance, en sa deduction de l' elegance Latine, & ainsi le remarque Volaterran au mesme livre, Quintiliani imprimis admirator, simul & imitator. De maniere que par ce moyen il estoit grandement redeuable à Poge, avec lequel il exerçoit une inimitié irreconciliable.

Ces deux premiers entrez en champ de bataille, eurent plusieurs qui les suivirent en flote, si ainsi me permettez de le dire: Uns Marcus Antonius Sabellicus, Blondus, Georgius Trapezuntius, Aeneas Sylvius, depuis Pape, Domitius Calderinus, Bartholomaeus Capella, Rudolphus Agricola, Bartholomeus Platina, Franciscus Philelphus, Marsilius Ficinus, Ioannes Camarinus, Bartholomaeus, Baptista Guarinus, Georgius Merula, Ambrosius Calepinus, Ioannes Picus Mirandula, & Baptista Mantuanus: Mais sur tous Angelus Politianus, qui n' eut point son semblable entre tous ceux qui florirent en ce siecle, ainsi que nous voyons par ses œuvres: Et furent encores suivis par d' autres qui ores qu' ils fussent nez dedans le siecle de l' annee mil quatre cens, veirent celuy de l' an mil cinq cens, comme uns Hermolanus Barbarus, Philippus Beroaldus, Ascensius Badius, Iacobus Faber, Paulus Aemilius, Robertus Gaguinus. Tous ceux-là firent profession de la langue Latine, avecques lesquels les Grecs de nation voulurent estre de la partie; qui n' apporterent pas peu de lumiere & splendeur aux bonnes lettres: Uns Bessario depuis Cardinal, Jean Lascary de la famille des derniers Empereurs de Constantinople, Theodorus Gaza, Argyropilus, qui depuis provignerent avecques honneur la langue Grecque, que nous avons du depuis veuë grandement fleurir dans l' Université de Paris.

Ceux qui enseignerent le Latin, meslerent avecques le langage terse & poly, l' erudition & doctrine: Du depuis se trouva une nouvelle brigade, qui faisoit plus d' estat de bien parler que des sciences: Ainsi le trouverez vous dedans les lettres des Cardinaux de Bembe, Sadolet, Polus, & de Christophorus Longolius, & Petrus Bunellus. Et fut cette nouvelle secte cause qu' Erasme fit depuis un livre sous le nom de Ciceronian, pour monstrer combien cette opinion estoit prejudiciable aux bonnes lettres. Aussi ne voy-je point que ceux-là en ayent emporté le dessus; Ce fut une fleur Printanniere, ou passagere: nostre siecle porta quatre grands personnages en mesme temps, Erasme Alleman, Budé François, Alciat Italien, Vives Espagnol: & encore eusmes chez nous Adrian Tournebus, & Pierre Ramus, qui avec la superstition du langage par luy affectee traicta la Philosophie, & fit plusieurs autres livres pleins de doctrine & sçavoir: car quant aux Adversaires de Tournebus consistant en Humanité; c' est un ouvrage inimitable en varieté de sçavoir. Les Imprimeurs mesmes ont fait paroistre combien ils affectionnoient cette noble ambition: uns Aldus Manutius, & apres luy Paulus son fils dedans Venise: & en nostre France Robert Estienne par son Thezaurus linguae Latinae, qui n' eut jamais son pareil. Je ne vous fais part des autres qui se sont rendus florissans en ce sujet de nostre temps, dont le nombre est innombrable: Pour vous dire que depuis quelques annees en ça cette ardante devotion envers la langue Latine s' est grandement refroidie; & qui me fait douloir davantage, est qu' un Lipsius homme tres-docte, lequel ayant survescu tous ceux-là, & enseigné les bonnes lettres au pays Bas, a voulu prendre un party nouveau en ses escrits, les reparans de mots antiques hors d' usage. Bijarrerie que je voy aujourd'huy estre embrassee par plusieurs que l' on estime les plus doctes. De maniere que si nous n' y prenons garde, l' ancienne Barbarie se viendra loger derechef chez nous; dont Dieu par sa Saincte grace nous vueille garder. Et puis que je voy les opinions des doctes au fait de la plume se renverser de telle façon: il me plaist tout d' une mesme mesure finir ce Chapitre par un autre monde renversé. 

Le commencement de ce mien discours a esté sur l' Impression des Livres que j' ay attribuee à un Gentil-homme de Majence: Je le veux finir sur l' Artillerie, qui fut l' invention d' un Moine nommé Bertold Scuvards de l' Ordre de S. François, qui vivoit l' an 1354. Ne voyez vous en ces deux inventions un monde renversé. Un Moine inventeur de l' Artillerie, un Guerrier de l' Imprimerie. C' est pourquoy me joüant autresfois de ma plume je fis cette Epigramme Latin.

Bombardam Monacho debet male sana vetustas,

Et Monacho, cui pax alma colenda fuit. 

At mandare typis chartas à milite habemus,

Hoc unum est, currus ducit anhelus equos.


Invention de l' Imprimerie, & comme, & vers quel temps la langue Latine commença d' estre diversement cultivee en l' Europe.

9. 26. Roys, Université de Paris, leur fille.

Que nos Roys ont eu sur tous autres, bonne part en la creation & direction des Universitez de France, & que de toute ancienneté ils ont qualifié l' Université de Paris, leur fille.

CHAPITRE XXVI.

Ne pensez pas je vous supplie, que par le precedant chapitre, je vous aye deduit que nos Roys s' estoient attribuez cognoissance sur la reformation de nos Universitez: car ostee la ville de Paris, dont nous ne voyons point de titre expres de son origine, toutes les autres doivent leurs creations & fondations à nos Roys, ainsi que je vous verifieray cy apres, par le discours de ce mien Livre: Et pour demeurer aux termes de l' Université de Paris, qui est mon present sujet, le plus ancien passage auquel je trouve estre faite mention d' icelle est du Pape Celestin III. au chap. Quod Clerici. De foro compet. Ext. Nous ne voyons point la date de cette Constitution Decretale. Mais il mourut l' an 1192. doncques nostre Université estoit auparavant ce temps, & de nom, & d' effect en essence. Nous eusmes une Ordonnance faite l' an 1200. par nostre Philippes Auguste, concernant le reiglement de cette Université, qui est la plus ancienne de toutes celles que j' ay veuës. Entre le temps de la Decretale, & de ceste Ordonnance il n' y a pas grand entrejet. Davantage tout ainsi qu' en cette Université il y a un conservateur Apostolic; aussi y en a-il un Royal, pour cognoistre des differens des supposts de l' Université. Vray qu' en l' Apostolic, encore y a-il une restriction, que le suppost ne peut faire citer sa partie adverse, resseant outre les quatre diettes de la jurisdiction de l' Apostolique: mais en vertu d' une commission du Conservateur Royal, il peut appeller de toutes parts, quand c' est en & au dedans du Parlement de Paris. Belles certes, & nobles jalousies entre deux grandes dignitez, que l' Eglise pretendant estre la mere, nos Roys pretendent estre les peres: non qu' elle ait pris sa naissance de l' Empereur Charlemagne, comme j' ay dit ailleurs, ains d' autant que l' Eglise luy donnoit son estre, & la Majesté de nos Roys son bien estre. Chose que ne trouverez estrange, quand vous considererez que dés & depuis le regne de Clovis, premier Roy Chrestien des nostres, nos Roys estimerent leur Couronne avoir telle part aux affaires de l' Eglise, que c' estoient choses inseparables. Ainsi sous cette premiere famille, avant que les Maires du Palais se fussent sous le masque de leur dignité, impatronisez de l' Estat, les Concils tenus par la France estoient la plus part du temps ouverts par le commandement de nos Roys, lesquels de fois à autres y assistoient. Et combien que sous la seconde lignee, Pepin eust esté proclamé Roy de France, par l' advis du Pape Zacharie; toutesfois avec tout l' honneur & soubmission, que luy & ses successeurs porterent au S. Siege, ils ne deschevrent de l' ancien privilege de leurs devanciers, tant que la puissance Royale fut vrayement par eux exercee. Et qui fait grandement à noter, c' est que nous avons un Canon d' un Concil Nationnal tenu en ce temps là dedans Paris, rapporté par Gratian dedans son Decret sous ces mots, Principes saeculi, par lequel il fut conclud que les Roys & Princes seculiers devoient & pouvoient avoir l' œil  sur la discipline Ecclesiastique. Constitution Canonique non faite à autre fin qu' en l' honneur de celuy qui commandoit souverainement en ce Royaume: auquel nous voyons mesmement soubs la troisiesme lignee, nos Roys avoir eu tellement leurs cœurs à l' Eglise, qu' en plusieurs Eglises Cathedrales & Collegiales il y a une prebende inseparablement affectee à leur Couronne: Et non seulement leurs Cours de Parlement souveraines estre my-parties de Conseillers, Clercs, & seculiers: mais en outre les premieres & plus grandes dignitez de France, comme furent les Magistratures de nos Pairs, qui estoient de six Pairs Clercs, les uns Archevesques, autres Evesques, & les six autres Laiz, trois Ducs & trois Comtes. Tout de cette mesme façon veux-je dire l' Université de Paris estre un corps mixte, grandement redeuable à l' Eglise, mais non moins à nos Roys qui en ont esté non seulement tuteurs, fauteurs, & protecteurs, mais aussi l' ont intitulée de ce mot de fille, comme ayant esté par eux creée.

Maistre Jean Gerson preschant en l' an 1415. la veille de Pasques fleuries devant les Prelats qui estoient au Concil de Constance, parlant de l' Université de Paris; Celeberrima Parisiensis Universitas (dit-il) cultrix, & amatrix eorum omnium, quae Christianae Religionis pietatem, quae sanam doctrinam respiciunt, ipsa ad exemplar Christianissimi Francorum Regis Patris sui dignißimi, &c. Tout de ceste mesme façon trouve l' on dedans ses œuvres une Epistre adressee au Roy Charles VI. sous le nom de l' Université de Paris, par laquelle elle le supplie treshumblement comme sa fille, vouloir exaucer ses defenses, contre les fausses imputations de l' Université de Tholose. Si cette qualité ne luy eust esté d' une longue main acquise, ce grand personnage eust esté merveilleusement impudent de la luy bailler: comme aussi ne la faut-il revoquer en doute; Par l' Ordonnance du Roy Charles V. du 18. May 1366. Quamvis de iure nostro Regio, pedagiorum, & immunitatum ad nos, & forum nostrum spectet, & spectare dignoscatur, tamen filiae nostrae Universitati Parisiensi, concedimus quod Conservator privilegiorum de praemissis cognoscat, &c. 

Gerson vivoit sous le regne de Charles VI. duquel nous voyons deux lettres patentes, l' une de l' an 1383. sur la conservation des privileges de l' Université: Si donnons en mandement (portent elles) à nos feaux Conseillers sur le fait des Aydes ordonnez pour la guerre, que nostre tres-chere & tres-amee fille l' Université de Paris, les Recteurs, Maistres, Bacheliers, Escoliers, Lisans & Estudians, & c. L' autre de l' an 1391. aux gens tenans l' Eschiquier de Rouen, dont les mots sont tels. Nostre amee fille l' Université de Paris, & c. Deffences aux Officiers de Normandie de cognoistre des causes des Escoliers & supposts de la dite Université, ny les troubler en leurs privileges. Charles VIII. par autres lettres de l' an 1488. portans mesme confirmation l' appelle pareillement sa tres-chere & tres-amee fille: Le semblable fait le Roy Louys XII. par son Edit donné à Blois le 9. Avril 1513. Et le Roy François I. de ce nom par son Edit du mois d' Avril 1515. l' appelle non seulement sa tres-chere, & tres-amee: mais aussi sa fille premiere aisnee: Et fait encore le semblable par autre Edit du 5. Juin 1543. Et son fils Henry II. du nom suit ses mesmes traces par son Edit fait à Fontainebleau au mois de Septembre 1547. Et par autre du mois de Mars 1554. Henry, & c. Combien que les Maistres Principaux des Colleges, nos Lecteurs ordinaires & Precepteurs de nostre tres-chere & tres-amee fille aisnee l' Université de Paris: & a fin que je ne m' esloigne de ce qui s' est passé par mes mains quand en l' an 1564. je plaiday la cause de l' Université de Paris contre les Jesuistes (depuis appellez Jesuites) M. Pierre Versoris leur Advocat ayant ou par mesgarde, ou peut estre par artifice occupé le barreau des Pairs, (qui est du costé des Conseillers Laiz) pour y faire sa proposition & demande, pour faire incorporer ses parties au corps de l' Université de Paris, je m' arrestay de propos deliberé contre luy, & soustins que c' estoit la place de l' Université de Paris, fille aisnee du Roy. Et comme il eut fait quelque instance au contraire, & soustenu qu' il pouvoit plaider en ce mesme lieu. Monsieur de Thou premier President, apres nous avoir oüis d' une part & d' autre, en communiqua à tous Messieurs les Conseillers au Conseil, & par Arrest donné par jugement contredit, il fut ordonné que Versoris desempareroit ce barreau, & le lairroit à l' Université tout ainsi comme és causes des Pairs. Ce fut nostre premiere demarche; & ne me repentiray jamais de croire, que les premieres estudes en sont deuës à l' Eglise, mais la creation d' Université à nos Roys, puis qu' ils s' en disent les peres, & l' appellent pour leur fille aisnee; Aussi est-ce la verité, que c' est la premiere & plus ancienne de toutes les Universitez de la France.

mercredi 9 août 2023

9. 24. Escoles de France, Picardie, Normandie, d' Angleterre: cette cy aujourd' huy nommée d' Allemagne,

Escoles de France, Picardie, Normandie, d' Angleterre: cette cy aujourd' huy nommée d' Allemagne, & depuis quel temps, & pourquoy.

CHAPITRE XXIV.

Il ne faut faire aucune doubte qu' entre les quatre nations de l' Université de Paris, à chacune desquelles fut du commencement voüée une grande Escole pour y entendre les leçons des Arts, il y en avoit une qui portoit particulierement le nom d' Angleterre. Ainsi le voy-je par expres, en l' accord que Simon Cardinal de saincte Croix legat en France fit en l' an 1275. entre la nation de France d' une part, & celles de Picardie, Normandie, & Anglesche d' autre part. Distinction qui estoit encores en essence sous le regne de Charles VI. comme je recueille d' une cause qui fut traitée de son temps au Parlement de Paris dont le fait estoit tel. Un Jourdain de Olivis Anglois, Maistre és Arts, & Bachelier en Theologie, se donnant qualité de Vichancelier de saincte Geneviefve, & ayant sous soy creé trois examinateurs, Maistre Jean Troüillet Picard, Jean de Vaux Normand, Guison Anglois, pour proceder à l' examen des Maistres és Arts, qui vouloient passer Maistres és Arts en l' Eglise saincte Geneviefve, il fut empesché de ce faire par l' Abbé & le Chancelier, qui formerent contr'eux complainte en cas de saisine & nouvelleté: avec lesquels demandeurs se joignit le Procureur de la nation de France, pour l' interest qu' il y pouvoit avoir. La cause du commencement introduite pardevant le Prevost de Paris, ou son Lieutenant conservateur, depuis devoluë par appel au Parlement. Soustenoient l' Abbé, & le Chancelier, que combien qu' à eux seuls appartint privativement de tous autres  de commettre un Vichancellier & quatre examinateurs de telle nation qu' il leur plaisoit, fors toutesfois & excepté qu' ils estoient tenus d' en prendre un de la nation Françoise: toutesfois les defendeurs de leur authorité privée s' estoient dispensez de cette regle concluans pour cette cause aux fins &c. A quoy les deffendeurs venans à respondre, le narré de l' Arrest estoit tel Dictis ex adverso proponentibus & dicentibus, quod in Universitate Parisiensi sunt quatuor nationes, videlicet Gallicana, nec non Picardiae, Normaniae, & Angliae. Je vous laisse leurs moyens qui ne furent trouvez bons, & les demandeurs maintenus & gardez en leurs possessions & saisines, me contentant de vous dire que par l' Arrest qui est du douziesme Juillet mil trois cens octante deux, deuxiesme du regne de Charles sixiesme, il est fait mention de la nation d' Angleterre tout ainsi que des trois autres, & tant & si longuement que ce Roy regna, l' Escole Anglesche fit part & portion de l' Université. Car mesme Henry cinquiesme Roy d' Angleterre de ce nom espousa Catherine de France fille du Roy Charles sixiesme, portant le contract de mariage clause expresse d' exheredation de Charles son fils, en faveur des enfans qui naistroient de ce mariage. Et en l' an mil quatre cens vingt deux ces deux Roys estans decedez, Henry sixiesme leur fils fut qualifié Roy de France, & le Duc de Bethfort son Oncle, regent pendant la minorité de son Neueu (: nepueu), commanda absolument dedans Paris jusques en l' an mil quatre cens trente six que le Roy Charles VII. fils de Charles VI. y entra. Et ne faut faire aucune doubte que jusques à ce periode il semble que l' Escole Anglesche perdit son credit, ny ne changea de nom. Tellement que si par advis de pays il falloit examiner cette histoire, on pourroit dire que quand les portes de Paris furent ouvertes au Roy Charles VII. elles furent d' une mesme main fermées aux Anglois ses ennemis capitaux. Toutesfois cette histoire est d' une plus longue haleine, dont je me suis voulu esclaircir au mois d' Octobre 1612. par les mains de Maistre Jan Cecile Frey Procureur, Pierre Valens Doyen, & Jean Bidaut receveur de la nation d' Allemagne, qui me communiquerent leurs vieux Registres, par lesquels nous trouvasmes ensemblement que de toute ancienneté les congregations de cette nation, qui se faisoient aux Mathurins, estoient sous le nom de l' Anglicane, jusques au dernier Registre qui commençoit l' annee 1425. dedans lequel je voy commencement de changement en l' an 1431. Ces quatre nations contiennent sous soy diverses provinces, & nommement sous la nation Anglesche estoit comprise celle d' Allemagne qui ne tenoit pas petit rang & authorité en cette Escole, ains se parangonnoit à l' Anglesche, de maniere que l' an mil quatre cens & trente un sous un Albert de Bourdon Gueldrois, Procureur de cette nation, s' estant tenuë aux Mathurins une congregation, elle est recognuë par le Registre avoir esté faite par la nation d' Allemagne. Facta congregatio nationis Allemaniae apud sanctum Mathurinum (porte le texte) die quinta Maij 1431. Alberto de Gourdan procuratore dictae nationis Baccalaureo ex Theologia nato de campis. C' est au pays de Gueldre.

Et le semblable au mois de Septembre ensuivant. Facta congregatione nationis Allemaniae (porte le Registre) apud sanctum Mathurinum vigesima Septembris 1431. Magistro Conrado Wildam Saltis burgensis Diocesis procuratore. C' est la ville de Ratinberg. Ny pour cela les Anglois ne laissoient d' estre tousjours enfans de l' Université, se faisans les congregations tantost sous le nom de la Faculté d' Angleterre, tantost sous celuy d' Allemagne. Brief depuis l' an mil quatre cens trente & un jusques en l' an mil quatre cens trente & six, par une contrecarre d' elections, tout ainsi que vous voyez ores l' Alleman, ores l' Anglois, estre eleus Procureurs de cette nation Angleche (Anglesche), aussi voyez vous les congregations porter sur leur frontispice tantost le nom de la nation d' Allemagne, tantost d' Angleterre. Et le dernier Anglois Procureur avant l' entrée du Roy Charles septiesme dans Paris, fut un Ollanus Magnus, personnage de quelque recommandation selon la portée du temps.

Chose vrayement admirable, ains miraculeuse, que je ne puis passer sous silence sans encourir marque d' ingratitude envers ma patrie, que lors que les Anglois penserent avoir atteint au comble de leurs heurs dedans nostre France, ce fut lors qu' ils commencerent de cheoir. Le plus grand contentement qu' ils eurent chez nous pendant le regne de leur jeune Roy, fut la prise qu' ils firent au siege de Compiegne de nostre Jeanne la Pucelle: En faveur de laquelle ils chanterent un Te Deum laudamus dedans l' Eglise nostre Dame de Paris, pour action de graces à Dieu: & ores que prisonniere de guerre, toutesfois son procés criminel luy fut fait & parfait, pour se vanger de la honte qu' elle leur avoit procuree, faisant fidele service à son Roy. Et par sentence du troisiesme jour de May mil quatre cens trente & un, renduë par l' Evesque de Beauvais, elle fut declaree Heretique relapse, & ordonné qu' elle seroit mise és mains du bras seculier. Veit-on jamais traict de prosperité plus benin que cestuy, & toutesfois Dieu voulut que le cinquiesme du mesme mois & an, deux jours apres la sentence, les Anglois possedans encore la ville de Paris, commencerent de se voir descheuz de l' ancienne dignité qu' ils avoient en l' Université. Premier & fatal prognostic de leur cheute future: tant avoit sur eux de pouvoir l' influence de nostre Pucelle.

Et neantmoins ne pensez pas qu' à l' arrivee du Roy Charles septiesme dedans Paris, l' Anglois fust tout à fait exterminé de son ancienne Escole: Car combien que de là en avant toutes les congregations se fissent sous le nom de la nation d' Allemagne; toutesfois j' en trouve une pendant la procure d' Alberic Textoris du sixiesme jour de Decembre mil quatre cens quarante & un, & une autre pendant celle de Goda Holandois, avoir esté faicte sous le nom de la nation Anglesche. Toutes les autres du depuis jusques à huy sous celuy de la nation de Allemagne: & ne verrez aucun Anglois promeu à la dignité de Procureur, ains seulement Alleman. Or le premier qui en fut pourveu depuis l' entree du Roy Charles, fut le mesme Arbert de Bourdon Gueldrois, dont j' ay parlé cy-dessus. Cestuy avoit premier franchy le pas en l' an mil quatre cens trente & un, au prejudice des Anglois, & luy-mesme fut le premier honoré de cette Procure sous le Roy Charles, par une je ne sçay quelle fatalité. Parce que le nom de Bourdon en Aleman signifie fin. Comme celuy auquel devoit prendre fin aux Escoles la nation Anglesche. Et depuis les Allemans ayans empieté cette dignité, firent razer du frontispice des Escoles, tout ce qui concernoit l' Anglois, & graver l' Aigle, & l' image de l' Empereur Charlemagne, non comme fondateur de l' Université, ains comme leur particulier patron, tirant son extraction de la nation Germanique.