Affichage des articles triés par pertinence pour la requête haut. Trier par date Afficher tous les articles
Affichage des articles triés par pertinence pour la requête haut. Trier par date Afficher tous les articles

dimanche 30 juillet 2023

7. 15. Vers François tant rapportez que retournez. Fin du septiesme Livre des Recherches.

Vers François tant rapportez que retournez.

CHAPITRE XV.

Encore ne veux-je oublier ce beau distique rapporté, qui fut fait sur les œuvres de Virgile.

Pastor, arator, eques, pavi, colui, superavi

Capras, rus, hostes, fronde, ligone, manu.

Et d' autant que ce distique, par un ordre de paroles, se rapporte au premier plant du sens projetté par l' Autheur, nous appellasmes en nostre vulgaire, telle maniere de vers Rapportez: esquels je ne trouve point que les autres ayent donné depuis quelque touche en la langue Latine, à propos, ores qu' ils l' ayent voulu faire. Tellement que je le puis presque dire avoir esté l' unique entre les anciens. 

Mais en nostre France, nous ne sommes voulus demeurer courts, singulierement de nostre temps. Je le dis ainsi, parce que nos devanciers François n' en sçavoient aucunement l' usage. Le premier des nostres qui à bonnes enseignes nous en ouvrit la porte fut Estienne Jodelle, en ces deux vers de traict plus admirables, que non seulement il les fit Rapportez, mais mesurer à la Grecque & à la Romaine.

Phoebus, Amour, Cypris, veut sauver, nourrir & orner,

Ton vers, cœur & chefs d' ombre, de flamme, de fleurs.

Moy mesme ay voulu depuis traduire en François le Pastor Latin, qui n' est pas œuvre sans espines.

Pastre, fermier, soldat, je pais, laboure, vains

Troupeaux, champs, ennemis, d' herbe, charruë, mains.

De fraische memoire, Jacques Faureau de Congnac jeune homme de grande promesse me fit present de ce Quatrain, auquel non content de l' avoir r'envié de 2. vers, il se voulut d' abondant joüer sur la rencontre des paroles par luy mises en œuvre.

La Mer, l' Amour, la Mort, embrasse, enflame, entame, 

La Nef, l' Amant, l' Humain, qui va, qui voit, qui vit,

Son flot, son feu; sa faux, rongne, ronge, rauit, 

Le cours, le cœur, le corps, à l' âge, à l' homme à l' ame. 

Joachim du Belay en ses premieres Amours qu' il voua à son Olive.

Face le Ciel quand il voudra reviure

Lisippe, Apelle, Homere, qui le pris

Ont emporté sur tous humains espris,

En la statuë, au tableau, & au livre.

Pour engraver, tirer, escrire, en cuivre,

Peinture, & vers, ce qu' en vous est compris, 

Si ne sçavroit leur ouvrage entrepris,

Cizeau, pinceau, ou la plume bien suivre. 

Voila pourquoy ne faut que je souhaite, 

De l' engraveur, du peintre, & du Poëte,

Marteau, couleur, ou ancre, ma maistresse.

L' art peut errer, la main faut, l' œil s' escarte,

De vos beautez, mon cœur soit donc sans cesse,

Le marbre seul, & la table, & la charte.

Estienne Jodelle qui pensoit rien ne luy estre impossible en quelque suject auquel il voulust diversifier son esprit, en feit un autre. La maistresse qu' il s' estoit donnée portoit le nom de Diane, que les anciens Poëtes disoient estre la Lune au ciel, Diane dedans les forests & Proserpine aux enfers. Sur ces trois puissances, voicy le second Sonnet de ses Amours.

Des astres, des forests, & d' Acheron l' honneur, 

Diane au monde haut, moyen, & bas preside, 

Et ses chevaux, ses chiens, ses Eumenides guide, 

Pour esclairer, chasser, donner mort & horreur. 

Tel est le lustre grand, la chace, & la frayeur

Qu' on sent sous ta beauté, claire, prompte, homicide, 

Que le haut Jupiter, Phebus, & Pluton cuide, 

Son foudre moins porter, son arc, & sa terreur. 

Ta beauté par ses raiz, par son ret, par la crainte, 

Rend l' ame esprise, prise, & au martyre estreinte,

Luy moy, pren moy, tien moy, mais helas ne me pers 

Des flambeaux forts, & griefs feux, filets & encombres: 

Lune, Diane, Hecate, aux Cieux, terre, & enfers, 

Ornant, questant, gesnant, nos Dieux, nous, & nos umbres

Le Sonnet de du Bellay est vrayement d' une belle parure, pour monstrer par un certain ordre, que les beautez de sa Maistresse tant de corps, que d' esprit, ne pouvoient estre assez dignement representées par ces trois grands personnages, dont le premier estoit le parangon en l' imagerie, le second en la peinture, & le dernier en la Poësie: toutesfois ce Sonnet est entrecoupé de vers qui ne se raportent ainsi qu' il est requis en ce subject. Et quant à celuy de Jodelle, s' il vous plaist le considerer, vous y trouverez chaque vers porter de son lez, la rencontre de la Lune, Diane, & Hecate par tiers, toutesfois les voulant reprendre, & enfiler de la longueur du Sonnet, & vers pour vers, & mot pour mot, vous n' y trouverez pas le sens complet que desirez. C' est pourquoy Estienne Pasquier mon petit fils, s' est estudié de supleer ce defaut, au moins mal qu' il luy a esté possible, & si je ne m' abuze fort à propos.

O Amour, ô penser, ô Desir plein de flame,

Ton trait, ton faux object, ta rigueur que je sens, 

Me blesse, me nourrit, conduit mes jeunes ans 

A la mort, aux douleurs, au profond d' une lame. 

Injuste Amour, Penser, Desir cours à Madame, 

Porte luy, loge luy, fay voir comme presens, 

A son cœur, en l' esprit, à ses yeux meurtrissans, 

Le mesme trait, mes pleurs, les feux que j' ay dans l' ame. 

Force, fay consentir, contrain sa resistance, 

Sa beauté, son desdain, & sa fiere constance, 

A plaindre, à souspirer, à soulager mes vœux, 

Les tourmens, les sanglots, & les cruels suplices,

Que j' ay, que je chery, que je tiens pour delices, 

En aimant, en pensant, en desirant son mieux. 

Et parce que ce Sonnet est le premier des nostres, qui represente de son lez, & de son long, permettez moy que je le vous decouppe par forme d' une Anatomie.

O Amour - O penser - O Desir plein de flame,

Ton trait - Ton fol appas  - La rigueur que je sens,

Me blesse - Me nourrit - Conduit mes jeunes ans

A la mort - Aux douleurs - Au profond d' une lame,

Injuste Amour - Penser - Desir cours à Madame,

Porte luy - Loge luy - Fay voir comme presens,

A son cœur - En l' esprit - A ses yeux meurtrissans,

Le mesme trait - Mes pleurs - Les feux que j' ay dans l' ame:

Force - Fay consentir - Contrain sa resistance,

Sa beauté - Son desdain - Et sa fiere constance,

A plaindre - A souspirer - A soulager mes vœux,

Les tourmens - Les sanglots - Et les cruels suplices,

Que j' ay - Que je chery - Que je tiens pour delices, 

En aimant, - En pensant, - En desirant son mieux. 

Ny pour tout cela ne pensez pas que j' en estime nostre Poësie Françoise plus riche. Ce que je vous ay cy dessus deduit, est pour vous monstrer, que non seulement l' esprit du François, mais la langue, se peut transformer en autant d' objects, voire plus, que l' ancienne de Rome, & soubs un titre non moins bon, comme je vous feray paroir, par ce que je vous diray cy apres. Car ne pensez pas qu' ez vers qui se retournent lettre pour lettre, nous ne puissions faire en nostre langue ce que les Latins ne firent anciennement en la leur, c' est à dire y trouver du sens, & au cours commun du vers, & à son envers. Ainsi le voy-je avoir esté pratiqué par Monsieur Dallé Conseiller du Roy, & Maistre des Comptes, à Paris, admirable en toutes gentillesses d' esprit.

Un a un, elle nu a nu. 

Vers auquel vous trouverez un sens accomply, de quelque façon que le tourniez. Car en somme c' est un Amant timide, qui desire gouverner sa maistresse seul a seul, & elle plus hardie veut que ce soit nu à nu. Le Comte de Chasteauneuf m' a envoyé ces deux autres.

Elle difama ma fidelle, 

C' est une Damoiselle aimee, qui s' estant confiee de ses Amours à une autre, avroit esté par elle malheureusement diffamee, dont son serviteur se plaint.

A reveler mon nom, mon nom relevera. 

Voulant dire que revelant, & mettant son nom en lumiere ii le relevera de l' oubly envers une posterité, & à la suite Favereau dont je vous ay cy dessus parlé, par une belle jalouzie d' esprit feit cettuy cy. 

L' ame des uns jamais n' use de mal. 

Il ne faut pas grand truchement pour interpreter cettuy cy, non plus que les trois autres, & à tant on peut voir de combien ils passent les premiers Latins, recitez par Sidonius Apollinaris. Le Seigneur de la Croix Marron, Gentilhomme Angoulmoisin mien amy, ayant veu une partie de nos vers retrogrades Latins, & François, lisant mes Recherches, m' envoya trois Quatrains parlant de l' Eucharistie qui se trouve au Sacrement de l' Autel, dont je vous feray part de ces quatre vers.

O mystere sacré, ô saincte Antipathie,

De l' Eglise (l' Espouse au Roy fils de David,)

Mon ame fut rauie alors que dans l' Hostie, 

DIEV ELLE VEID RENGE, REGNER DIEV ELLE VEID.

Je me mettrois volontiers de la partie, pour vous estaler un autre vers de ma boutique, dedans lequel par maniere de passetemps, outre la rencontre des lettres, j' ay fait entrer deux sens contraires approchans de ces deux Adages. Homo homini Deus: Homo homini Lupus. Jamais conjoint avecques l' affirmative, signifie un Tousjours, avecques la negative un Oncques: ce mot de A, est tantost verbe, tantost conjonction, par exemple, Je seray à jamais vostre serviteur, cela veut dire A tousjours. Je ne feus à jamais vostre serviteur c' est à dire, Je ne le feus oncques. Item il a esté à luy, le premier a est un verbe, le second a est une conjonction. Cecy en brief presupposé voyons quel est mon vers, non sur l' Orthographe Françoise, qui est autre qu' on ne prononce, ains sur nostre commune prononciation.

L' un a jamais esté à l' un, 

Nul a esté jamais à nul. 

Qui est autant que si vous disiez, l' un a tousjours esté à l' un, nul a esté oncques à nul. Marchandise que je ne vous pleuvy pour bonne, ains me suffit que j' aye le premier ozé (ce qui n' avoit jamais esté) je ne diray essayé, ains pourpensé en Latin, & moins en François. C' est un premier coup d' essay, qui pourra occasionner ceux qui avront plus de loisir, & esprit que moy, de mieux faire.

Tout ce que j' ay deduit cy dessus, est pour vous monstrer que si nostre langue n' a le dessus en ce subject, pour le moins elle va du pair avecques la Latine. Ce que je n' oze bonnement dire és vers que voudrions tourner mot pour mot, c' est où il semble que perdions le pied; l' ordre, & structure ordinaire de nostre langage l' empesche, ainsi que pourrez voir par ce Huitain qui est de mon creu.

Ton ris, non ton caquet, ta beauté, non ton fard, 

Ton œil, non ton venin, ta faveur non tes las, 

Ton accueil, non ton art, tes traits, non tes appas, 

Surpris, & nauré m' ont le cœur de part en part 

Cuisant, ains doux attrait, port lourd, ains gratieux, 

Mon malheur, ains mon bien, mon glas, ains ô ma flame, 

De mon cœur, de mon tout, de moy, & de mon ame, 

Un present je veux faire à toy, & non aux Cieux.

Retournez ces huit vers de la fin jusques au commencement vous y trouverez le contraire, mais avecques une contrainte telle que je pense toute autre chose qui se trouve au Latin pouvoir passer par l' alambic de nostre vulgaire, fors cette maniere de vers retournez, ainsi que pourrez voir par la rencontre de ceux cy.

Aux Cieux, & non a toy, je veux faire un present,

De mon ame, de moy, de mon tout, de mon cœur, 

O ma flame, ains mon glas, mon bien, ains mon malheur, 

Gratieux, ains lourd port, atrait doux, ains cuisant, 

De part en part le cœur m' ont nauré & surpris, 

Tes appas, non tes traits, ton art, non ton accueil, 

Tes laz, non ta faveur, ton venin, non ton œil, 

Ton fard, non ta beauté, ton caquet, non ton ris. 

Cela s' appelle vouloir aucunement estre singe, mais non representer au vif le Latin. Remy Belleau me communiqua autresfois trois Sonnets qu' il avoit tracez sur ce modelle, toutesfois ne les trouvant aujourd'huy dedans ses œuvres cela me fait juger qu' il les condamna, & neantmoins comme rien ne nous est impossible en nostre Vulgaire, quand le sçavons bien mesnager, encores y trouverez vous place pour eux, voire à meilleures enseignes, que les deux distiques qui nous furent baillez pour exemples, par Diomedes, & Sidonius, contenans un subject sans subject. Les anciens Academiciens establissoient leur bien souverain sur trois manieres de biens, de l' Esprit, du corps, & de la fortune; opinion qui n' estoit pas trop lourde, ny peu sage mondaine, lequelle j' ay voulu vous representer par cette couplet de vers. 

Avoir tu veux bien souverain, 

Sçavoir, vertu, Chasteaux, corps sain. 

Tournez les, vous y trouverez le mesme, qui est besongner à l' Antique. Sain corps, chasteaux, vertu, sçavoir, 

Souverain bien veux tu avoir. 

Et encores dés pieça je rendis ou imitay de bien pres les deux vers de Philelphe laus tua, non tua fraus.

Bienfait, non dol, loz non faveur, 

Fait t' ont donner tresgrand honneur, 

Honneur tresgrand donner t' ont fait, 

Faveurs, non loz, dol, non bienfait.

Tant y a que combien que ce ne soit sans peine & travail, toutesfois vous voyez que nostre vulgaire n' en est incapable, non plus que le Latin, sur lequel nous l' avons renvié d' un point, ayant d' abondant introduit des vers couppez, lesquels recitez de leur long, portent un sens, & couppez, un contresens. De quelle façon est ce mien quatrain.

Je ne sçavrois Maistresse vous haïr, 

Vous embrasser, c' est le bien où j' aspire, 

Mais je voudrois, vous embrassant, joüir, 

Vous delaisser j' y trouverois du pire. 

Je ne sçavrois Maistresse vous haïr, 

Vous embrasser, C' est le bien où j' aspire,

Mais je voudrois, Vous embrassant, joüir,

Vous delaisser,         J' y trouverois du pire.

Je vous ay servy de ces jeux Latins, & François, non que je ne trouve bon que nostre Poëte s' y amuse (car en ce subject qui moins en fait, mieux il fait) ains affin que chacun cognoisse que si en la langue Latine quelques uns ne furent depourveuz de tels passetemps aussi ne le sommes nous en la nostre, & desire que le lecteur prenne ce Chapitre, & le precedant de moy, comme une grotesque entre les tapisseries: & neantmoins encores ne me puis-je taire, m' estant embarassé dedans ces broüilleries. Car quelquesfois nous entons sur des vers Latins, des paroles Françoises, & y a aux uns, & aux autres du sens. Ainsi voyons nous aux Quantitez de Mathurin Cordier ce vers.

Iliades curae quae mala corde serunt, 

Il y a des curez, qui mal accordez seront.

Vers que j' ay voulu imiter par ce Distique. Je l' adresse à un nommé Charles, homme qui prenoit plaisir de broüiller le public, mais en ses affaires domestiques estoit timide le possible, qui me sembloit n' estre par viure.

Tu, tu Carle moues tot, tantos, saeua rependens,

Et tam Carle time, eïa age tu ne peris?

Tu', tu' Car; le mauvais tost, tantost se va rependant. 

Et tant Carle t' y mets, & ia agé tu ne peris.

Mestier toutesfois dont je me mocque, & auquel qui moins en fait, mieux il fait.


Fin du septiesme Livre des Recherches.

dimanche 6 août 2023

8. 37. Ferté, Parage, Piédefief, & autres dictions racourcies en nostre langue.

Ferté, Parage, Piédefief, & autres dictions racourcies en nostre langue. 

CHAPITRE XXXVII.

Entre les Romains il eut des paroles racourcies, qui ne furent trouvees de mauvaise grace, comme quand ils disoient macte pour magis aucte, & Capsis pour cape si vis, dedans les Comiques intellextin, & dixtin, pour intellexisti nè & dixisti nè. Nostre langue en eut de semblables, qui en leurs saisons furent recueillies des mieux disans. Dans nos vieux Poëtes je trouve hireté pour heredité, main pour matin, forment pour fortement, dont l' utage est pour le jourd'huy perdu: aussi dirent-ils Penancier pour Penitencier, dont aussi a usé François de Villon en ses Repuës franches.

Vrayement ce dit le Penancier 

Tres-volontiers on le fera.

Il y en a d' autres que nous mettons indifferemment en œuvre, Benisson, & Benediction, cil & celuy, Hersoir, & hier au soir, confez, & repens, dit Viginelle au commencement de Villardoüin, pour Repentant: frilleux, & froidilleux. Marrien vient de Materien. Je trouve en un vieux Registre parlant des Loges de bois, qui avoient esté faites dans Rheims au sacre du Roy Philippes le Bel, qu' en fin elles furent venduës beaucoup moins qu' elles ne valoient en Materien, & façon. Qui me fait dire que de ce mot est issu nostre Marrien, que nous avons retenu, & rejetté le Materien. Ce que nous appellons mestier, vient de menestrier. Ainsi le voyons nous dans certaines lettres de Charles cinquiesme Regent, du vingtseptiesme Fevrier 1353. pource que sur la Chartre des ouvriers, laboureurs, manouvriers, & menestriers, nous avons fait certains Statuts (c' est à dire gens de mestier.) Le Latin les appelle Ministeriales. Celuy sur lequel pour peine on empraint une fleur de Lys chaude, on dit qu' il a esté flestry, qui est un abregement au lieu de fleurdelizer, mot qui sonneroit mal aux oreilles. Ester à droict, qui est fort familier en pratique est un racourcissement d' assister à droict: Ce que vous trouverez verifié par deux passages de l' Histoire mesdisante de Louys unziesme, comme si on eust voulu dire Iudicio sistere, & dans Froissard chap. 246. du premier Tome de son Histoire, où il dit qu' il fut ordonné que le Prince de Galle seroit adjourné à comparoir à Paris en la Chambre des Pairs de France, pour assister à droict, & respondre aux Requestes contre luy faites. Et quand dans des Essars en son Amadis de Gaule, & autres Romans, vous lisez un Ce m' aist Dieu, c' est une abreviation au lieu de ce que nos anciens disoient, Ainsi m' aide Dieu, dont on fit un ainsi m' aid Dieu, faisant par succez de temps du mot d' Ainsi un ce, & de m' aid un m' aist, ainsi en use Villon:

Si pour ma mort le bien publicque

D' aucune chose vaulsist mieux

A mourir comme un homme inique

Me jugeasse ainsi m' aist Dieux.

De là aussi est venu que quand un homme esternuë, pour salutation nous disons Dieu vous aid, pour Dieu vous aide, & depuis pour le faire plus doux, Dieu vous y. De cette mesme abreviation vint Courfeu pour Couvrefeu quand on dict sonner le Courfeu, que depuis par corruption de langage nous avons appellé Carfou, ainsi que j' ay deduit ailleurs. Quant à la Ferté, c' est un racourcissement de fermeté, qui signifioit anciennement forteresse tant en Latin, du temps de la corruption de la langue Latine, qu' en François. Adon de Vienne parlant de Charlemagne. Rex gloriosus Carolus iterum Saxones aggressus, Firmitatésque illorum, & universam Saxoniam recepit. Et Froissard au premier Tome de son Histoire: Et aussi (dit-il) si aucuns du Royaume, & obeïssans du dit Roy d' Angleterre ne vouloient rendre les chasteaux, villes, Fermetez, & forteresses. Or que ceste diction de Fermeté se prist en la façon que dessus, nous en voyons encore certaines remarques pour le jourd'huy en la conjonction de ces deux paroles, fort & ferme.

Entre ces mots racourcis il y en a deux qui sont diversement employez en matiere des fiefs, Parage & Piédefief. En quelques Coustumes nous voyons, que quand un fief se divise entre freres, à l' aisné appartient de faire la foy & hommage de tout le fief au Seigneur dominant & feudal, tant pour luy que pour ses puisnez, lesquels sont de là en avant estimez relever de luy leurs parts & portions, & les dit-on Tenir en Parage, qui n' est autre chose qu' une abbreviation du mot de Parentage, comme si nos anciens eussent voulu dire que par le moyen de leur Parentage les puisnez tenoient leurs parts en foy & hommage de leur aisné. Ainsi dit la vieille Oraison qu' on adressoit à la Vierge Marie, A toy Roine de haut parage, c' est à dire de haut parentage. Bel est aussi l' abregement du Piédefief tant rechanté par la Coustume de Touraine: car ce mot ne sonne autre chose que le Fief qui est depecé & demembré lors que le vassal s' en joüe pour sa commodité par alienations & transports, auquel cas la Coustume apporte divers regards, comme l' on peut recueillir d' icelle.

jeudi 27 juillet 2023

7. 7. De la grande flotte de Poëtes que produisit le regne du Roy Henry deuxiesme, & de la nouvelle forme de Poësie par eux introduite.

(Chapitre VI?)

De la grande flotte de Poëtes que produisit le regne du Roy Henry deuxiesme, & de la nouvelle forme de Poësie par eux introduite.

CHAPITRE VII.

Tous ceux dont j' ay parlé cy-dessus estoient comme une pepiniere, sur laquelle furent depuis entez plusieurs autres grands Poëtes sous le regne de Henry deuxiesme. Ceux-cy du commencement firent profession de plus contenter leurs esprits, que l' opinion du commun peuple. Le premier qui franchit le pas fut Maurice Seve Lionnois, lequel ores qu' en sa jeunesse eust suivy la piste des autres, si est-ce qu' arrivant sur l' aage il voulut prendre autre train. Se mettant en butte, à l' imitation des Italiens, une Maistresse qu' il celebra sous le nom de Delie, non en Sonnets, (car l' usage n' en estoit encore introduict) ains par dixains continuels, mais avecques un sens si tenebreux & obscur, que le lisant je disois estre tres-content de ne l' entendre, puis qu' il ne vouloit estre entendu. Du Bellay le recognoissant avoir esté le premier en ce subject, disoit en un Sonnet qu' il luy adressa.

Gentil esprit ornement de la France, 

Qui d' Apollon sainctement inspiré, 

T' es le premier du peuple retiré 

Loin du chemin tracé par l' ignorance.

Et au cinquante-neufiesme Sonnet de son Olive il l' appelle Cigne nouveau, voulant dire que par un nouveau dessein il avoit banny l' ignorance de nostre Poësie: & toutes-fois la verité est qu' il affecta une obscurité sans raison. Qui fut cause que son Livre mourut avec luy, au moins ne vois-je point que depuis il ait couru par nos mains. Vers ce mesme temps estoit Theodore de Beze, brave Poëte Latin & François. Il composa sur l' advenement du Roy Henry en vers François, le Sacrifice d' Abraham, si bien retiré au vif, que le lisant il me fit autresfois tomber les larmes des yeux. Et la traduction du demeurant des Pseaumes de David monstre ce qu' il pouvoit faire, encores qu' il n' ait si heureusement rencontré que Clement Marot en ses cinquante. Auparavant qu' il eust changé de Religion, il avoit pour compagnon Jacques Pelletier du Mans, qui commença aussi d' habiller nostre Poësie à la nouvelle guise, avec un tres-heureux succés. C' est luy qui remua le premier des nostres, l' Ortographe ancienne de nostre langue, soustenant qu' il falloit escrire comme on prononçoit, & en fit deux beaux livres en forme de Dialogues, où l' un des entre-parleurs estoit Beze. Et apres luy, Louys Meigret entreprit cette querelle fortement: mesme contre Guillaume des Autels, qui sous le nom retourné de Glaumalis du Veselés, s' estoit par Livre exprés mocqué de cette nouveauté. Querelle qui fut depuis reprise & poursuivie par ce grand Professeur du Roy Pierre de la Ramee, dit Ramus, & quelque temps apres par Jean Antoine de Baïf. Tous lesquels ores qu' ils conspirassent à mesme poinct d' Ortographe, & qu' ils tinssent pour proposition infaillible qu' il falloit escrire comme on prononçoit, si est-ce que chacun d' eux usa de diverses Ortographes, monstrans qu' en leur reigle generale, il n' y avoit rien si certain que l' incertain, & de fait leurs Ortographes estoient si bizarres, ou pour mieux dire si bigarrees, qu' il estoit plus mal-aisé de lire leurs œuvres que le Grec. Cecy soit par moy dit en passant, comme estans choses qui fraternisent ensemble, que la Poësie & Grammaire.

Ce fut une belle guerre que l' on entreprit lors contre l' ignorance, dont j' attribuë l' avant-garde à Seve, Beze, & Pelletier, ou si le voulez autrement, ce furent les avant-coureurs des autres Poëtes. Apres se mirent sur les rangs, Pierre de Ronsard Vandomois, & Joachim du Bellay Angevin, tous deux Gentils-hommes extraits de tres-nobles races: ces deux rencontrerent heureusement, mais principalement Ronsard. De maniere que sous leurs enseignes plusieurs se firent enroller. Vous eussiez dit que ce temps-là estoit du tout consacré aux Muses. Uns Pontus de Tiart, Estienne Jodelle, Remy Belleau, Jean Anthoine de Baïf, Jacques Tahureau, Guillaume des Autels, Nicolas Denisot, qui par l' Anagramme de son nom se faisoit appeller Comte d' Alcinois, Louys le Carond, Olivier de Magny, Jean de la Peruse, Claude Butet, Jean Passerat, Louys des Masures qui traduisit tout le Virgile: moy mesme sur ce commencement mis en lumiere mon Monophile qui a esté favorablement recueilly, & à mes heures de relasche, rien ne m' a tant pleu que de faire des vers Latins ou François. Tout cela se passa sous le regne de Henry II. Je compare cette brigade à ceux qui font le gros d' une bataille. Chacun d' eux avoit sa maistresse qu' il magnifioit, & chacun se promettoit une immortalité de nom par ses vers, toutes-fois quelquesuns se trouvent avoir survescu leurs Livres.

Depuis la mort de Henry, les Troubles qui survindrent en France pour la Religion, troublerent aucunement l' eau que l' on puisoit auparavant dans la fontaine de Parnasse, toutes-fois reprenant peu à peu nos esprits, encores ne manquasmes nous de braves Poëtes que je mets pour l' arriere-garde, uns Philippes des Portes, Scevole de Saincte-Marthe, Florent Chrestien, Jacques Grevin, les deux Jamins, Nicolas Ramin, Jean Garnier, le Seigneur de Pibrac, Guillaume Saluste Seigneur du Bartas, le Seigneur du Perron, & Jean Bertaut, avec lesquels je ne douteray d' adjouster mes Dames des Roches de Poictiers mere & fille, & specialement la fille, qui reluisoit à bien escrire entre les Dames, comme la Lune entre les Estoilles.

Auparavant tous ceux-cy, nostre Poësie Françoise consistoit en Dialogues, Chants Royaux, Ballades, Rondeaux, Epigrammes, Elegies, Epistres, Eglogues, Chansons, Estreines, Epitaphes, Complaintes, Blasons, Satyres, en forme de Coq à l' Asne. Pour lesquels Thomas Sibilet fit un Livre qu' il appella l' Art Poëtique François, où il discourut de toutes ces pieces, & la plus part desquelles despleut aux nouveaux Poëtes. Parce que du Bellay en son second Livre de la deffense de la langue Françoise commande par exprés au Poëte qu' il veut former, de laisser aux Jeux Floraux de Tholose, & au Puy de Rouen, les Rondeaux, Ballades, Virelais, Chants Royaux, Chansons, & Satyres en forme de Coq à l' Asne, & autres telles espisseries (ce sont ses mots) qui corrompoient le goust de nostre langue, & ne servoient sinon à porter tesmoignage de nostre ignorance. Et au lieu de cela introduisismes entre autres deux nouvelles especes de Poësie. Les Odes dont nous empruntasmes la façon des Grecs & Latins: & les Sonnets, que nous tirasmes des Italiens. Mot toutes-fois qu' ils tiennent de nostre ancien estoc, comme nous apprenons d' une Chanson du Comte Thibaut de Champagne, qui estoit long temps devant Petrarque pere des Sonnets Italiens.

Autre chose ne m' a amour méry, 

De tant que j' ay esté en sa baillie,

Mais bien m' a Diex par sa pitié gary,

Quand eschappé je suis sans perdre vie, 

Onc de mes yeux si belle heure ne vy

S' en oz-je faire encor maint gent party,

Et maint Sonnet, & mainte recoirdie.

C' estoit à dire qu' il vouloit encore faire & recorder maintes belles Chansons. Car pour bien dire, & le mot d' Ode qui est Grec, & celuy de Sonnet ne signifient autre chose que Chansons: Combien que l' Italien ait depuis faict distinction entre le Sonnet & Chanson. On retint de l' ancienne Poësie, l' Elegie, l' Eglogue, l' Epitaphe, & encores la Chanson, nonobstant l' advis de du Bellay.

Celuy qui premier apporta l' usage des Sonnets, fut le mesme du Bellay par une cinquantaine dont il nous fit present en l' honneur de son Olive, lesquels furent tres-favorablement receus par la France, encores que je sçache bien que Ronsard en une Elegie qu' il adresse à Jean de la Peruse, au premier Livre de ses Poëmes, l' attribuë à Pontus de Tiart: mais il s' abuse, & je m' en croy, pour l' avoir veu & observé. L' Olive couroit par la France deux ans, voire trois, avant les Erreurs amoureuses de Tiart. Et pour le regard de l' Ode, si vous parlez à Ronsard il se vante en la mesme Elegie, en avoir esté le premier inventeur, en laquelle faisant mention comme Dieu avoit resveillé les esprits à bien escrire. 

De sa faveur en France il resveilla

Mon jeune esprit, qui premier travailla

De marier les Odes à la Lire.

Si à du Bellay, il vous dira que ce fut Pelletier: Ainsi le dit-il escrivant à Ronsard contre les Poëtes envieux de son temps: Auquel lieu il se trompette aussi avoir esté le premier sonneur de Sonnets

Pelletier me fit premier 

Voir l' Ode dont tu és Prince, 

Ouvrage non coustumier 

Aux mains de nostre Province, 

Le Ciel voulut que j' apprinsse 

A le raboter ainsi, 

A toy me joignant aussi, 

Qui cheminois par la trace 

De nostre commun Horace, 

Dont un Daimon bien appris, 

Les traits, la douceur & la grace 

Grava dedans tes esprits.

La France n' avoit qui pust 

Que toy remonter de cordes 

De la Lyre le vieil fust, 

Où bravement tu accordes 

Les douces Thebaines Odes, 

Et humblement je chantay 

l' Olive, dont je plantay 

Les immortelles racines. 

Par moy les graces divines 

Ont fait sonner aßez bien

Sur les rives Angevines 

Le Sonnet Italien.

Quant à la Comedie & Tragedie, nous en devons le premier plant à Estienne Jodelle: Et c' est ce que dit Ronsard en la mesme Elegie. 

Apres Amour la France abandonna, 

Et lors Jodelle heureusement sonna 

D' une voix humble, & d' une voix hardie, 

La Comedie avec la Tragedie,

Et d' un ton double, ore bas, ore haut,

Remplit premier le François escharfaut. 

Il fit deux Tragedies, la Cleopatre, & la Dion, & deux Comedies, la Rencontre, & l' Eugene. La Rencontre ainsi appellee, parce qu' au gros de la meslange, tous les personnages s' estoient trouvez pesle-mesle casuellement dedans une maison, fuzeau qui fut fort bien par luy demeslé par la closture du jeu. Cette Comedie, & la Cleopatre furent representees devant le Roy Henry à Paris en l' Hostel de Reims, avec un grand applaudissement de toute la compagnie: Et depuis encore au College de Boncour, où toutes les fenestres estoient tapissees d' une infinité de personnages d' honneur, & la Cour si pleine d' escoliers que les portes du College en regorgeoient. Je le dis comme celuy qui y estois present, avec le grand Tornebus en une mesme chambre. Et les entreparleurs estoient tous hommes de nom: Car mesme Remy Belleau, & Jean de la Peruse, joüoient les principaux roulets. Tant estoit lors en reputation Jodelle envers eux. Je ne voy point qu' apres luy beaucoup de personnes ayent embrassé la Comedie: Jean de Baïf en fit une sous le nom de Taillebras, qui est entre ses Poëmes: Et la Peruse une Tragedie sous le nom de Medee, qui n' estoit point trop descousuë, & toutes-fois par malheur, elle n' a esté accompagnee de la faveur qu' elle meritoit. 

Tu vins apres (dit Ronsard) enchoturné Peruse, 

Espoinçonné de la Tragique Muse, 

Muse vraiment qui t' a donné pouvoir 

D' enfler tes vers, & grave concevoir 

Les tristes cris des miserables Princes 

A l' impourveu chassez de leurs Provinces, 

Et d' irriter de changemens soudains 

Le Roy Creon, & les freres Thebains, 

Ha cruauté! & de faire homicide 

De ses enfans la sorciere Colchide.

Il ne fait aucune mention de Robert Garnier: D' autant qu' il ne s' estoit encores presenté sur le Theatre de la France: Mais depuis que nous l' eusmes veu, chacun luy en donna le prix, sans aucun contredit, & c' est ce que dit de luy mesme Ronsard sur sa Cornelie.

Le vieil Cothurne d' Euripide 

Est en procez entre Garnier, 

Et Jodelle, qui le premier 

Se vante d' en estre le guide, 

Il faut que ce procez on vuide, 

Et qu' on adjuge le Laurier 

A qui mieux d' un docte gosier 

A beu de l' onde Aganippide

S' il faut espelucher de prés 

Le vieil artifice des Grecs, 

Les vertus d' un œuvre, & les vices. 

Le subject & le parler haut,

Et les mots bien choisis, il faut 

Que Garnier paye les espices.

Il dit vray, & jamais nul des nostres n' obtiendra Requeste civile contre cet Arrest. Au demeurant Garnier nous a fait part de huit Tragedies toutes de choix & de grand poids, de la Porcie, de la Cornelie, du Marc Anthoine, de l' Hippolite, la Troade, l' Antigone, des Juifves, & de la Bradamante. Poëmes qui à mon jugement trouveront lieu dedans la posterité.

Quant aux Hymnes, & Poëmes Heroïques, tel qu' est la Franciade, nous les devons seul & pour le tout à Ronsard: Lequel ne pouvoit estre du commencement gousté, les uns disoient qu' il estoit trop grand vanteur, les autres trop obscur: Obscurité toutesfois qui n' estoit telle que celle de Seve: D' autant qu' elle provenoit de sa doctrine & hautes conceptions: Et eut Melin de sainct Gelais pour ennemy, lequel estant de la volee des Poëtes du regne de François premier, par une je ne sçay quelle jalousie, degoustoit le Roy Henry de la lecture de ce jeune Poëte, & par un privilege de son aage, & de sa barbe, en fut quelque temps creu. Qui fut cause qu' en cette belle Hymne que Ronsard fit sur la mort de la Royne de Navarre, apres avoir imploré tout secours & aide de cette ame sanctifiee, il conclud par ces trois vers: 

Et fais que devant mon Prince 

Desormais plus ne me pince 

La tenaille de Melin. 

Ce dernier vers fut depuis changé en un autre, apres leur reconciliation: Car à vray dire Ronsard surmonta en peu de temps, & l' envie, & la mesdisance. Entre Ronsard & du Bellay estoit Estienne Jodelle, lequel ores qu' il n' eust mis l' œil aux bons livres comme les deux autres, si est-ce qu' en luy y avoit un naturel esmerveillable: Et de faict ceux qui de ce temps là jugeoient des coups, disoient que Ronsard estoit le premier des Poëtes, mais que Jodelle en estoit le Daimon. Rien ne sembloit luy estre impossible, où il employoit son esprit. A cause dequoy Jacques Tahureau se joüant sur l' Anagramme de son nom & surnom, fit une Ode dont le refrain de chaque couplet estoit, 

Io le Delien est né. 

Et du Bellay le loüant comme l' outrepasse des autres au subject de la Tragedie, Comedie, & des Odes, luy addressa un Sonnet en vers rapportez, dont les six derniers estoient. 

Tant que bruira un cours impetueux, 

Tant que fuira un pas non fluctueux, 

Tant que soudra d' une veine immortelle  

Le vers Tragic, le Comic, le Harpeur, 

Ravisse, coule, & vive le labeur 

Du grave, doux, & copieux Jodelle. 

Telle estoit l' opinion commune, voire de ceux qui mettoient la main à la plume, comme vous voyez par ce Sonnet: Telle estoit celle mesme de Jodelle: Il me souvient que le gouvernant un jour entre autres sur sa Poësie (ainsi vouloit-il estre chatoüillé) il luy advint de me dire, que si un Ronsard avoit le dessus d' un Jodelle le matin, l' apres-disnée Jodelle l' emporteroit de Ronsard: & de fait il se pleut quelquesfois à le vouloir contrecarrer. L' une des plus aggreables chansons de Ronsard est celle qui se trouve au second livre de ses Amours, où il regrette la liberté de sa jeunesse.

Quand j' estois jeune, ains qu' une amour nouvelle 

Ne se fust prise en ma tendre moelle

Je vivois bien-heureux: 

Comme à l' envy les plus accortes filles

Se travailloient par leurs flames gentilles 

De me rendre amoureux.

Mais tout ainsi qu' un beau poulain farouche, 

Qui n' a masché le frein dedans sa bouche 

Va seulet escarté:

N' ayant soucy sinon d' un pied superbe 

A mille bonds fouler les fleurs & l' herbe,

Vivant en liberté.

Ores il court le long d' un beau rivage,

Ores il erre en quelque bois sauvage,

Fuyant de saut en saut: 

De toutes parts les Poutres hannissantes 

Luy font l' Amour, pour neant blandissantes 

A luy qui ne s' en chaut.

Ainsi j' allois desdaignant les pucelles 

Qu' on estimoit en beauté les plus belles, 

Sans respondre à leur vueil:

Lors je vivois amoureux de moy-mesme, 

Content & gay sans porter face blesme, 

Ny les larmes à l' œil.

J' avois escrite au plus haut de la face, 

Avecques l' honneur, une agreable audace 

Pleine d' un franc desir: 

Avec le pied marchoit ma fantaisie

Où je voulois, sans peur ne jalousie, 

Seigneur de mon plaisir. 

Par le demeurant de la chanson il recite de quelle façon il se fit esclave de sa Dame, & la misere en laquelle il fut depuis reduit: Au contraire Jodelle sur la comparaison du mesme cheval voulut braver Ronsard: & monstrer combien la servitude d' amour luy estoit douce: Le premier couplet de la chanson est.

Sans estre esclave, & sans toutesfois estre 

Seul de mon bien, seul de mon cœur le maistre, 

Je me plais à servir, 

Car celle-là que j' aime, & sers, & prise, 

Plus que tout bien, plus que toute franchise,

Me peut à soy rauir. 

Je vous passeray icy plusieurs autres sixains, pour venir à ceux ausquels il s' est esgayé en la comparaison du cheval dompté encontre le Poulain farouche.

Moy maintenant (combien que passé j' aye 

Des premiers ans la saison la plus gaye) 

En mes ans les plus forts, 

Non au Poulain semblable je veux estre, 

Mais au cheval qui brave sert son maistre, 

Et se plaist en son mords.

Ayant hanny de joye apres sa bride, 

Cognoist la main qui adroite le guide, 

Le peuple à l' environ.

L' orgueil premier de son marcher admire,

Et plus encor' quand on le volte & vire 

Au gré de l' esperon.

Laissant ce peuple en un moment derriere, 

Comme un vent vole au bout de sa cariere, 

Les courbetes, les bonds,

La bouche fresche, & l' haleine à toute heure

Vont tesmoignans, qu' en œuvre encor' meilleure

Il est bon sur les bons.

Doux au monter, & plus doux à l' estable, 

Au maniment, & craintif, & traitable, 

Aux combats furieux.

Sans cesse il semble aspirer aux victoires, 

Presque jugeant que du maistre les gloires 

Le rendront glorieux.

Je ne suis point presomptueux, de sorte 

Que tout cecy je vueille qu' on raporte 

D' un tel cheval, à moy,

Mais je diray que l' amour qui commande 

Amon (à mon) esprit, autant comme il demande 

Le sent prompt à sa loy. 

Tel frein luy plaist, tel esperon l' excite,

Il s' orgueillit souz l' Amour du merite 

De son gentil vouloir.

Portant l' Amour, sa charge il ne dédaigne, 

Ains volontaire, en sa sueur se baigne, 

S' en faisant plus valoir. 

Cela s' appelle à bien assaillir, bien defendre. Il y a plusieurs autres couplets, que de propos deliberé je laisse. Il estoit d' un esprit sourcilleux, & voyant que tous les autres Poëtes s' adonnoient à la celebration de leurs Dames, luy par un privilege special voulut faire un livre qu' il intitula Contr'amours, en haine d' une Dame qu' il avoit autresfois affectionnée, dont le seul premier Sonnet faisoit honte à la plus part de ceux qui se mesloient de Poëtiser, tant il est hardy.

Vous qui à vous presque egalé m' avez 

Dieux immortels dés la naissance mienne,

Et vous Amans, qui souz la Cyprienne 

Souvent par morts amoureuses vivez:

Vous que la mort n' a point d' Amour privez, 

Et qui au fraiz de l' umbre Elisienne, 

En rechantant vostre amour ancienne, 

De vos moitiez les umbres resvivez.

Si quelquesfois ces vers au Ciel arrivent, 

Si quelquesfois ces vers en terre vivent, 

Et que l' Enfer entende ma fureur:

Apprehendez combien juste est ma haine, 

Et faites tant que de mon inhumaine,

Le Ciel, la Terre, & l' Enfer ait horreur.

Vous pouvez juger par ce riche eschantillon quel estoit le demeurant de la piece. Bien vous diray-je qu' il m' en recita par cœur une vingtaine d' autres, qui secondoient cestuy de bien prés. Et toutesfois pour avoir desdaigné de mettre en lumiere ses Poësies de son vivant, ce que le Seigneur de la Motte Conseiller au grand Conseil en recueillit apres son decés, & dont il nous a fait part, est si esloigné de l' opinion qu' on avoit de luy, que je le mescognois: Je ne dy pas qu' il n' y ait plusieurs belles pieces, mais aussi y en a-il une infinité d' autres, qui comme passevolans, ne devoient estre mises sur la monstre. Et me doute qu' il ne demeurera que la memoire de son nom en l' air commes de ses Poësies.

Quant à Pontus du Tiard ses Erreurs amoureuses furent du commencement fort bien recueillies, mais je ne voy point que la suite des ans luy ait depuis porté telle faveur. Aussi semble que luy mesme avec le temps les condamna, comme celuy qui adonna depuis son esprit aux Mathematiques, & en fin sur la Theologie. En tant que touche Remy Belleau, je le pense avoir esté en matiere de gayetez un autre Anacreon de nostre siecle. Il voulut imiter Sannazar aux œuvres dont il nous a fait part. Car tout ainsi que Sannazar Italien en son Arcadie, fait parler des Pasteurs en prose, dedans laquelle il a glassé toute sa Poësie Toscane: Aussi a fait le semblable nostre Belleau dans sa Bergerie. La Poësie de Philippes des Portes est doux-coulante, mais sur tout je loüe en luy, qui est Abbé de Bon-port, la belle retraicte qu' il a faite, & comme il est surgy à Bon port, par sa traduction de tous les Pseaumes de David en nostre langue Françoise. Marot nous en avoit seulement donné cinquante: Beze tout le demeurant, & des Portes seul a fait tous les deux ensemble. Au regard de tous les autres, encores que diversement ils meritent quelque Eloge en bien ou en mal, si ne veux-je asseoir mon jugement sur eux, pour ne donner suject aux autres de juger de moy. Je me contenteray seulement de dire que jamais chose ne fut plus utile & agreable au peuple que les Quadrains du Seigneur de Pibrac, & les deux Sepmaines du Seigneur du Bartas: Ceux-là nous les faisons apprendre à nos enfans pour leur servir de premiere instruction, & neantmoins dignes d' estre enchassez aux cœurs des plus grands: Et quant à du Bartas, encores que quelques uns ayent voulu controler son style comme trop enflé, si est-ce que son œuvre a esté embrassé d' un tres favorable accueil, non seulement pour le digne suject qu' il prit à la loüange non d' une Maistresse, ains de Dieu, mais aussi pour la doctrine, braves discours, paroles hardies, traits moüelleux & heureuse deduction dont il est accompagné.

Mais sur tout on ne peut assez haut loüer la memoire du grand Ronsard. Car en luy veux-je parachever ce chapitre. Jamais Poëte n' escrivit tant comme luy, j' enten de ceux dont les ouvrages sont parvenus jusques à nous: & toutesfois en quelque espece de Poesie, où il ait appliqué son esprit, en imitant les anciens, il les a ou surmontez, ou pour le moins esgalez. Car quant à tous les Poetes qui ont escrit en leurs vulgaires, il n' a point son pareil. Petrarque s' est rendu admirable en la celebration de sa Laure, pour laquelle il fit plusieurs Sonnets & Chansons: Lisez la Cassandre de Ronsard, vous y trouverez cent Sonnets qui prennent leur vol jusques au Ciel, vous laissant à part les secondes & troisiesmes Amours de Marie & d' Helene. Car en ses premieres, il voulut contenter son esprit, & aux secondes & troisiesmes vacquer seulement au contentement des sieurs de la Cour. Davantage Petrarque n' escrivit qu' en un subject, & cestuy en une infinité. Il a en nostre langue representé uns Homere, Pindare, Theocrite, Virgile, Catulle, Horace, Petrarque, & par mesme moyen diversifié son style en autant de manieres qu' il luy a pleu, ores d' un ton haut, ores moyen, ores bas. Chacun luy donne la gravité, & à du Bellay la douceur. Et quant à moy il me semble que quand Ronsard a voulu doux-couler, comme vous voyez dans ses Elegies, vous n' y trouverez rien de tel en l' autre. Quant aux œuvres de du Bellay, combien que du commencement son olive fut favorisee, si croy-je que ce fut plustost pour la nouveauté que pour la bonté: Car ostez trois ou quatre Sonnets qu' il deroba de l' Italien, le demeurant est fort foible. Il y a en luy plusieurs belles Odes & Chants Lyriques, plusieurs belles traductions, comme les quatre, & sixiesme livres de Virgile, toutesfois il n' y a rien de si beau que ses Regrets qu' il fit dans Rome, ausquels il surmonta soy-mesme. En Ronsard, je ne fais presque nul triage. Tout y est beau, & ne m' émerveille point que Marc Antoine de Muret, & Remy Belleau, tous deux personnages de marque, n' ayent estimé faire tort à leurs reputations, celuy-là en commentant les Amours de Cassandre, & cestuy, celles de Marie. Ses Odes, ses Sonnets, ses Elegies, ses Eglogues, ses Hymnes, brief, tout est admirable en luy: Mais sur toutes choses ses Hymnes (dont il fut le premier introducteur) & entre elles celles des quatre Saisons de l' annee: Entre ses Odes, celle qu' il fit sur la mort de la Royne de Navarre, qu' il appelle Hymne triomphal, & l' autre qu' il adressa à Messire Michel de l' Hospital, depuis Chancelier en France. Il n' est pas qu' en folastrant il ne passe d' un long entreject des Poëtes qui voulurent faire les sages. Lisez son voyage d' Erceveil, où il contrefaict l' yurongne, en une drolerie qu' il fit avec tous ceux de sa volee, rien n' est plus accomply ny plus Poëtique. Lisez un petit livre qu' il intitula, les Folastries, où il se dispensa plus licentieusement qu' ailleurs de parler du mestier de Venus (& pour cette cause l' a depuis retranché de ses œuvres) il seroit impossible de vous en courroucer sinon en riant. Il desroboit hardiement des traicts d' uns & autres Autheurs, mais avecques un larcin si noble & industrieux, qu' il n' eut point craint d' y estre surpris: Le premier plant des quatre Saisons de l' année est dans une vingtaine de vers Maccaronées de Merlin de Cocquaïo. Et sur ce plant il en bastit quatre Hymnes qui sont des plus belles de toutes les siennes.

Apres qu' il se fut reconcilié à l' envie, il eut cette faveur du ciel, que nul ne mettoit la main à la plume, qui ne le celebrast par ses vers: & sur la recommandation de son nom, aux jeux Floraux de Tholose, on luy envoya l' Englantine. Soudain que les jeunes gens s' estoient frottez à sa robbe, ils se faisoient accroire d' estre devenus Poëtes. Qui fit puis apres tres-grand tort à ce sacré nom de Poëte. D' autant qu' il se presentoit tant de petits avortons de Poësie, qu' il fut un temps, que le peuple se voulant mocquer d' un homme, il l' appelloit Poëte. Les Troubles estans survenus vers l' an 1560. par l' introduction de la nouvelle Religion, il escrivit contre ceux qui estoient d' advis de la soustenir par les armes. Il y avoit plusieurs esprits gaillards de cette partie, qui par un commun vœu armerent leurs plumes contre luy. Je luy imputois à malheur, que luy auparavant chery, honoré, courtisé par tant d' escrits, se fust fait nouvelle bute de mocquerie: mais certes il eut interest de faire ce coup d' essay: parce que les vers que l' on escrivit contre luy, esguiserent & sa colere, & son esprit de telle façon que je suis contraint de me desmentir, & dire qu' il n' y a rien de si beau en tous ses œuvres que les responses qu' il leur fit, soit à *repouss leurs injures, soit à haut-loüer l' honneur de Dieu, & de son Eglise. Conclusion * luy qui d' ailleurs en commune conversation estoit plein de modestie, magnifie sur toutes choses son nom par ses vers, & luy promet immortalité en tant de belles & diverses manieres, que la posterité avroit honte de ne luy *enterine* requeste. Ses envieux s' en mocquoient, ne cognoissans que c' est le propre d' un Poete de se loüer, mesmes qu' il a diversifié cette esperance en tant de sortes, qu' il n' y a placard plus riche dans ses œuvres que cestuy-cy. Grand Poete entre les Poetes, mais tres-mauvais juge, & Aristarque de ses livres: Car deux ou trois ans avant son decés estant affoibly d' un long aage, affligé des gouttes, & agité d' un chagrin & maladie continuelle, cette verve poëtique, qui luy avoit auparavant fait bonne compagnie, l' ayant presque abandonné, il fit reimprimer toutes ses Poësies en un grand, & gros volume, dont il reforma l' oeconomie generale, chastra son livre de plusieurs belles & gaillardes inventions qu' il condamna à une perpetuelle prison, changea des vers tous entiers, dans quelques uns y mit d' autres paroles, qui n' estoient de telle pointe, que les premieres: Ayant par ce moyen osté le garbe qui s' y trouvoit en plusieurs endroicts: Ne considerant que combien qu' il fust le pere, & par consequent estimast avoir toute authorité sur ses compositions: si est-ce qu' il devoit penser qu' il n' appartient à une fascheuse vieillesse de juger des coups d' une gaillarde jeunesse. Un autre peut estre reviendra apres luy qui censurera sa censure, & redonnera la vie à tout ce qu' il a voulu supprimer. J' enten qu' il y a quelqu'un (que je ne veux nommer) qui veut regrater sur ses œuvres quand on les reimprimera. S' il est ainsi, ô miserable condition de nostre Poete: d' estre maintenant exposé souz la jurisdiction de celuy qui s' estimoit bien honoré de se frotter à sa robbe quand il vivoit.

samedi 5 août 2023

8. 20. Assassin, Assassinat, Apannage, mots empruntez des Voyages d' Outre-mer.

Assassin, Assassinat, Apannage, mots empruntez des Voyages d' Outre-mer.

CHAPITRE XX.

En matiere d' Estat c' est une chose fort familiere, quand on se trouve le plus foible, de hazarder l' un de ses sujects contre le chef des ennemis pour le faire mourir, a fin de se garentir du danger où l' on estoit. Le Roy Porsenna au siege de Rome en eust peu dire quelque chose, quand Scevola, pour sauver sa ville, le pensa tuer, prit son Secretaire au lieu de luy. Ainsi fut meurdry le Roy Sigisbert à l' instigation de Fredegonde, lors que Chilperic son mary estoit par luy estroitement assiegé en la ville de Soissons, ou Cambray. Ainsi Amurath Roy des Turcs, dans sa chambre par un soldat qui faisoit semblant de luy vouloir baiser les mains: qui fut cause (dit Theodore Spadugin) que depuis il fut ordonné que les Gardes tiendroient les mains de tout homme qui viendroit salüer le grand Turc, pour obvier de là en avant à tel inconvenient. Et à peu dire, de nostre temps en cette façon fut occis François Duc de Guyse en l' an mil cinq cens soixante & un, par Poltrot devant Orleans: la mort duquel fit lever le siege, & tout d' une suite apporta la Paix par tout le Royaume. Cela s' est fait par des particuliers. Mais que tout un peuple par Loy ancienne du pays fust voüé à faire de tels meurdres, quand il en recevoit commandement par son Prince ou Superieur, je n' en trouve que deux manieres de gens, ceux qui de nostre jeune aage suivirent la secte des Anabaptistes soubs Jean Leïdan, & anciennement au Levant les Assaßins, subject de ce present chapitre. Celuy qui premier en introduisit l' usage fut un Seigneur, lequel lors de nos voyages d' outremer s' estant fortifié dans un Chasteau de tres-difficile accés, attiroit à sa suite plusieurs gens ramassez, ausquels il donnoit des brevuages pour les endormir d' un profond somme, & à leur resveil ils se trouvoient en une maison de plaisance, où ils estoient accueillis de toutes sortes de voluptez par personnes à ce atiltrees: Et apres avoir passé en cette façon quelques jours, finalement estans endormis par cette potion, puis resveillez on les presentoit à leur Prince, lequel s' informant d' eux de tout ce qu' ils avoient faict en dormant (car à vray dire ils estimoient que ce fust un Songe) il leur faisoit promesse d' un tel Paradis, là & au cas que pour la deffense de leur Religion ils voulussent entreprendre de tuer ceux des Chrestiens qui leur seroient par luy commandez: ce qu' ils sceurent fort bien exploicter, & depuis tels commandemens s' estendirent non seulement encontre les Chrestiens, mais aussi contre tous autres, ores qu' ils fussent Mahumetistes, ainsi qu' il sembloit bon à leur Roy. Chose à quoy ils se voüoyent d' un cœur si franc, & gay, que leur commun mauldisson estoit, Mauldy sois tu comme celuy qui s' arme de peur de mouri. Nicetas Senateur de Constantinople dit qu' ils portoient tel respect aux commandemens de leur Seigneur, que si seulement ils eussent descouvert à un clin d' œil, que sa volonté estoit qu' ils mourussent, ils se fussent precipitez du haut en bas d' une maison, & exposez au meillieu de cent espees, ou jectez au feu, ou dans l' eau, plustost qu' ils ne luy eussent obey: & qu' estans par luy deleguez pour tuer quelques Princes, ils se transportoient vers eux, comme leurs serviteurs, ou comme ayans à leur dire quelque chose à l' aureille pour  leur profit, & trouvans leur apoint, ils ne doutoient de les tuer, à la charge d' estre puis apres tuez. Vray que le passage est corrompu, les appellans Chaßins, au lieu d' Assaßins, tout ainsi qu' en un autre endroict vous trouverez Blachiens ceux qu' on disoit Valachiens. Guillaume de Nangy acquiesçant à cette opinion, dit que ce Roy des Assassins estoit non seulement redouté des Chrestiens, mais aussi des Sarrazins: Et parce que son passage fait grandement à mon intention, il me plaist de le vous transplanter icy tout au long. Ce tres-mauvais, & mal-veillant Seigneur de Assassins habitoit en la confinité & contree d' Antioche & de Damas en Chasteaux tresbien garnis sur montagnes: Celuy Roy estoit moult redouté & craint des Chrestiens, & des Sarrazins, Princes prochains, & lointains: pource que moult de fois eux par ses messagers indifferemment faisoit occire: car aucuns enfans commandoit de sa terre estre emmenez en ses Palais, & illec apprenoient toutes manieres de langue, & estoient enseignez d' aimer leurs Seigneurs sur toutes autres choses, & à luy jusques à la mort obeyr, qu' ainsi pourroient aux joyes de Paradis parvenir, & quiconque mouroit en obedience, estoit honoré au gré de la terre des Assassins: & ainsi à leur Roy obeyssans, moult de Princes occirent, comme ceux qui de leur mort avoient peu de crainte. 

Il dit vray: car par eux fut proditoirement mis à mort le Comte de Tripoly, & quelque temps apres Edoüart d' Angleterre, plus Thierry Prince de Tir. Philippe Auguste estant de retour de son voyage de Hierusalem, eut advis que le mesme Richard Anglois, avoit attitré quelques uns de ce peuple pour le meurdrir, qui le fit tenir sur ses gardes plus ententivement que de coustume. Sainct Louys en l' un de ses Voyages d' Outremer fut adverty qu' on luy vouloit dresser pareille embusche. Le tout de la mesme façon, que sur nos jeunes ans nous vismes un Jean Leïdan Prince des Anabaptistes, dont j' ay cy-dessus parlé, qui depescha douze de ses supposts pour tuer tous les Princes d' Allemagne, a fin de maintenir contr'eux sa Religion.

Tout de cette mesme façon les Jesuites ont introduit en leur Republique,  un nouveau formulaire d' Estat, non seulement contre ceux qui pretendent guerroyer leurs Roys, Comme contre le feu Prince d' Orenge, qu' ils firent assassiner dedans Anvers l' an mil cinq cens quatre vingts quatre par un Baltasard Girard, & encores contre le Prince Maurice son fils, l' an mil cinq cens quatre vingts dix-neuf, par Jean Parme: mais contre les Roys, & Roynes mesmes en & au dedans leurs Royaumes: Ainsi l' attenterent-ils par quatre fois contre la defuncte Royne Elisabeth d' Angleterre, par leur Jesuite Campian ou Campiense, l' an mil cinq cens septante huict. Par Guillaume Parry l' an mil cinq cens octante quatre à ce poussé & induict par Benedetto Palmio dedans la ville de Venise, & depuis confirmé dedans Paris, par Hannibal Coldreto: Par Patrice Culan 1588. persuadé par un meschant Jesuite nommé Holt. Et par Edoüard Squirre l' an mil cinq cens nonante sept par les inductions de leur Pere Richard Walpod. Ainsi deux fois contre nostre grand Roy Henry IIII. reduict sous l' obeyssance du sainct Siege de Rome, l' une en l' an mil cinq cens nonante trois par Pierre Barriere dit la Barre, dedans la ville de Melun, au beau milieu de la trefue, l' autre en celle de Paris l' an mil cinq cens nonante quatre par Jean Chastel dedans la Paix: celuy la mené à la main par les instructions & memoires de Varade & Commole Jesuites, & cestuy-cy nourry en leur escole dedans Paris: Ainsi l' ont-ils voulu de fraische memoire pratiquer, en l' an mil six cens cinq par leur Garnet contre Jacques Roy d' Angleterre, Escosse & Hibernie, c' est à dire la grande Bretagne. Et qui est une chose pleine de pitié & d' horreur tout ensemble: C' est que tout ainsi que le Prince des Assassins du Levant promettoit un Paradis asseuré à ceux qu' il mettoit en œuvre, là & au cas qu' ils mourussent sur cette querele, aussi font le semblable nos Jesuites à leurs champions, ausquels ils administrent premierement le Sainct Sacrement de penitence, puis celuy de communion, & armez de cette devotion leur laschent franchement la bride pour executer leurs detestables parricides. Institution impie, abhominable, & abhorrente de nostre Religion Chrestienne, mais grand artifice du Diable, pour les faire redouter, & consequemment quelquesfois embrasser par les Princes & grands Seigneurs, a fin de ne tomber en leurs aguets. Et qui est un malheur admirable, ce venin s' est espandu dedans quelques autres membres de nostre Eglise. Comme nous vismes par le malheureux parricide commis le deuxiesme jour d' Aoust mil cinq cens octante neuf en la personne de nostre bon Roy Henry troisiesme, à Sainct Cloud, par frere Jacques Clement Jacobin. Que Jean Mariana Jesuite a solemnizé comme chose tres-saincte au premier livre de son institution du Prince, chapitre sixiesme. Mais pour ne m' esloigner de mon but, combien que du commencement ces Assassins demeurassent en certaine contree, toutesfois ils furent depuis espandus en forme de secte par tout le Levant, ainsi que nous tesmoigne Jean Sire de Joinville, que les appelle Beduins: Mais il est certain que leur vray nom estoit d' Assassins, comme nous apprenons de Raphael Volaterran en sa Geographie, de Paule Aemile en ses Croniques de France, & de Guillaume Nangy par moy cy dessus allegué. Nicolas Gilles en ses Annales les appelle Arsacides d' un mot corrompu. Or d' eux est venu que la posterité tant en France, qu' en Italie: (car & François & Italiens entreprenoient d' ordinaire ensemblement tels voyages de Levant) appella Assassins ceux qui de sens froid, & guet apens faisoient des meurdres, & Assaßinats le mal qui en advenoit.

Au regard de l' Apanage, qui a exercité plusieurs esprits de la France, pour sçavoir dont il prenoit son origine: il est certain que tant sous la premiere que seconde lignee de nos Rois, mesmes bien avant sous la troisiesme, les Apannages estoient incogneus entre les enfans puisnez de la Couronne, tels que nous les observons aujourd'huy. Paul Aemile, autheur duquel je fais grand compte entre tous nos Historiographes, dit que Baudoüin Comte de Flandres, & Louys Comte de Blois s' estans croisez avec le Venitien, Baudoüin s' estant emparé de l' Empire de Constantinople, departit entre ses principaux Capitaines quelques Provinces, par forme de Panage. Nous y avons adjousté quelques formalitez tirees de nostre vieille Loy Salique.

vendredi 28 juillet 2023

7. 14. Des vers Latins retournez, & comme les François de nostre temps ont emporté en cecy le devant des anciens.

Des vers Latins retournez, & comme les François de nostre temps ont emporté en cecy le devant des anciens.

CHAPITRE XIV.

Je veux sur ce sujet discourir plus que nul autre n' a fait par le passé: Quoy faisant, paravanture la façon passera l' estoffe, & me feray-je tort à moy-mesme espinochant sur ces pointilles. Diomede au 3. Livre de sa Grammaire, appelle cette engeance de vers Reciprocos, Sidonius Apollinaris, Evesque de Clairmont en Auvergne, au 9. de ses Epistres, Recurrentes, nostre Estienne Tabourot, Retrogrades, dedans ses Bigarrures: Et moy je les veux nommer Retournez. Desquels il y a deux especes, les uns qui se tournent lettre pour lettre, & les autres mot pour mot. De la premiere Sidonius nous en a representez trois. 

Roma tibi subito, motibus ibit amor, 

Si bene te tua laus taxat, sua laute tenebis 

Sole medere pede, ede perede melos. 

Il y en a encore un autre ancien qui court par nos mains.

Signa te signa temere me tangis & angis. 

Esquels 4. vers se trouvent mesmes paroles par l' envers, comme à l' endroict, mais non aucun sens: hors-mis que pour y en trouver au dernier, quelques gausseurs font parler le diable, lequel portant en l' air sur son eschine un Chrestien, luy conseille de faire le signe de la Croix, a fin que ce luy fust sujet de le precipiter du haut en bas.

Et neantmoins ne pensez pas que la langue Latine ne soit capable de recevoir sens en telle maniere de vers: ainsi le verrez vous par cestuy, dont Messire Honoré d' Urfé Comte de Chasteau-neuf m' a fait part, Seigneur qui par un bel entrelas, sçait mester les bonnes lettres avec les armes.

Robur aue tenet, & te tenet Eua rubor. 

Qui est à dire que Eva avoit esté la premiere honte de nostre malheur, & Ave la premiere force de nostre restablissement. Symbolizant en cecy avec ce bel hymne de nostre Eglise, chantant que la Salutation Angelique pour nous sauver, changea ce fascheux nom d' Eva, en celuy d' Ave. Ce vers est une meditation spirituelle pour le salut de nos ames: Celuy que je vous reciteray cy-apres, sera une meditation temporelle pour la guerison de nos corps; auquel un sage medecin promet tout doux traitement à son malade, moyennant que pendant sa fievre il se vueille abstenir de trop boire.

Mitis ero, retine leniter ore sitim. 

Dont Nicolas Borbonius, que j' estime l' un des premiers Poëtes Latins de nostre temps, & de nostre France, m' a fait present. L' un & l' autre vers, quelques jours apres par moy monstrez à Pierre Reignol jeune Advocat plein de doctrine, & digne d' une grande fortune, me promist d' en faire non un, ains deux, ausquels y avroit accomplissement de sens. Et comme je m' en fusse mocqué, estimant que ce fust une rodomontade d' esprit, ou un Parturient montes d' Horace, toutes-fois quelque temps apres il me vint saluër de ce distique, que je trouvay admirable, apres l' avoir digeré, sur l' explication qu' il m' en fit.

Nemo *grec tetigit: tax attigit, & *grec, omen,

Ore feris animos, omina si refero.

Vous me trouverez d' un grand loisir, voulant deschifrer ce Distique, toutes-fois parce qu' en cette petite piece il y va de l' honneur de nostre France, pour monstrer ce que le François peut, és choses esquelles il tourne son entendement, je vous prie m' excuser, & n' estimer que je pedentise, si je fais un petit commentaire sur ces deux vers. Omen (en Latin) est augurium, & futurae rei enunciatio, ore hominis, quasi divino furore perciti. Tax est sonitus quem facit percußio. Et en cette signification, Plaute en sa Comedie de Persa en usa. Mot qui nous est autant naturel qu' au Romain, quand faisant joüer le marteau de nos portes, nous disons pour la rencontre du son, qu' il fait Tactac. Ces deux paroles de cette façon expliquees, ce jeune homme par forme d' un court Dialogue, introduit deux entreparleurs, dont le premier en ces mots, Nemo *grec tetigit omen, dit que le sage homme n' avoit jamais touché aux fantasques predictions des choses futures, comme estans une vraye folie: Et l' autre de contraire advis, respond brusquement, voire par une hyperbole, en ces mots, Tax attigit & *grec omen: voulant dire que non seulement le sage y avoit atouché, par la voix de l' homme inspiré d' une fureur, mais aussi le son d' un Tactac le luy pouvoit donner à entendre, & tout suivamment adjouste ce Pentametre.

Ore feris animos, omina si refero.

Tu me guerroyes de paroles, quand je soustien cette opinion de prediction. Et combien que je ne face grand estat de cette denree, toutes-fois comme je ne laisse aisément passer les occasions, lors qu' elles se presentent aussi depuis quelques jours en ça, me trouvant en une compagnie, où un personnage d' honneur portoit le surnom de Souriz, où sur la rencontre de ce mot ayant esté attaqué par quelque gausseur, je pris pour le mocqué sa defense, remonstrant que si en Latin il portoit le nom d' une bestiole, Sum Mus, on en pouvoit faire un Summus: Qui estoit d' un petit, faire un bien grand personnage. Et comme cette parole me fut à l' impourveu tombee de la bouche, aussi tost que je fus retourné en ma maison, sans grandement marchander avec ma plume je fis ce vers.

Sum Mus ore, sed is Sum Mus, si des ero Summus.

Vers paravanture champignon d' esprit, qui doit prendre fin du jour de sa naissance, dedans lequel toutes-fois vous trouverez non seulement un sens accomply, ains un contre-sens du petit au grand, sans aucun changement en la suitte des lettres, quand de ces deux mots Sum Mus, sur le commencement du vers, vous en faites un Summus en un mot vers la fin, & derechef voulant retourner le vers de ce Summus vous faites Sum Mus: & semblablement de Sum Mus premier mot un Summus. Et pour vous monstrer que le François est inimitable en matiere d' imitation, voire qu' il fait à ceux la leçon qu' il veut imiter, je vous diray que le 14. de Mars l' an 1574. un jeune Advocat Provençal, nommé André Mestrail, m' estant venu visiter, me dit qu' ayant leu mes Recherches, & signamment l' un des Chapitres du 6. Livre, cela avroit en luy excité un nouveau desir de braver toute l' ancienneté. Et de fait me fit present d' un petit Poëme de 54. vers Latins, tous retrogrades, qu' il avoit fait nouvellement imprimer, le tout comme un Roma tibi subitò, & au dessous un sien commentaire, pour monstrer qu' ils estoient intelligibles. Oeuvre peut estre aucunement ingrat d' un costé, mais grandement miraculeux d' un autre: Et je serois plus ingrat envers sa memoire, puis qu' il avoit esté induit à ce faire par ce qu' il avoit veu de moy, si je n' en faisois icy une honneste commemoration. 

Il s' estudia par un commentaire qui est au dessous, de monstrer qu' en toute cette suite de vers, il y a quelque sens. Chose dont je ne veux estre garend. Mais soit qu' il y en ait ou non, tant y a que ce sont 54. vers retrogrades, qui contrecarrent à bon escient les 4. de l' ancienneté. Toutes-fois comme ce Poëme est plein d' uns & autres Epigrammes, aussi y trouverez vous l' Epitaphe de nostre Roy Henry le Grand, que l' Autheur introduit parlant. Duquel je me contenteray de vous faire part du premier distique, que j' employe pour tout le tombeau, comme portant un sens bel & accomply.

Arca serenum me gere Regem (munere sacra)

Solem, aulas, animos, omnia salva, melos.

Discours que j' ay pris plaisir de vous mettre en son jour, non seulement en faveur de nostre France, mais aussi pour vous monstrer que s' il y a eu faute de sens aux quatre premiers vers Latins anciens, elle proceda des ouvriers, & non de la langue qu' ils mirent en œuvre, je veux dire de la langue Latine. Et suis cependant tres-glorieux, que non seulement nos François ayent de nostre temps fait sur ce sujet, honte à l' ancienneté, mais aussi que par hazard j' en aye esté aucunement le premier promoteur. Bien sçay-je qu' en cecy il y a plus de curiosité, que d' estude: mais si les anciens, voire un Evesque de marque, ne desdaignerent d' en faire estat par leurs livres, pourquoy ne le renvierons nous sur eux? Voila ce qui concerne les vers Latins, qui se retournent lettre pour lettre. Car quant à ceux qui se tournent mot pour mot, Diomede nous tesmoigne que l' usage en fut introduit de son temps, & remarque ces deux-cy, qui furent comme je croy de sa forge.

Veliuolis mare pes, fidentes tramite tranant, 

Caerula verrentes sic freta Nereïdes.

Et Sidonius Apollinaris ces deux autres.

Praecipiti modo quod decurrit tramite flumen

Tempore consumptum iam cito deficiet. 

Et estoit tombé en ce mesme accessoire Virgile long temps auparavant sans y penser au premier de son Aeneide.

Musa mihi caussas memora quo numine laesus, 

Laesus numine quo, memora caussas mihi musa. 

Et combien que Diomede, & Sidonius eussent mis leurs deux distiques sur la monstre, les estimans dignes d' estre veus, toutes-fois je n' y trouve pas grande grace. Ceux qui par une longue trainee des ans leur succederent, y apporterent bien plus de façon, & plus belle. Parce que faisans parler le courant du vers d' un sens, ils firent parler le revers d' un contre-sens. Et le premier qui joüa ce personnage fut François Philelphe, dedans ses Epistres, voulant depeindre de ses couleurs, un grand Prelat qui luy desplaisoit. 

Laus tua, non tua fraus, virtus, non copia rerum,

Scandere te fecit, hoc decus eximium. 

Tournez ce distique vous y trouverez le contraire. 

Eximium decus hoc fecit te scandere rerum 

Copia, non virtus, fraus tua, non tua laus. 

Jeu qui a grandement depuis provigné: Et nommément de nostre aage, nostre Joachim du Bellay, dedans ses Epigrammes Latins, y rencontra tres-heureusement. Nous avions lors deux grands ennemis, le Pape Jules le tiers, & l' Empereur Charles cinquiesme: & à la suite de luy Ferdinand son frere Roy des Romains, lesquels il voulut diversement gratifier de ces trois distiques.

Ad Iulium tertium, Pontificem Maximum. 

Pontifici sua sint divino numine tuta

Culmina, nec montes hos petat omnipotens. 

Ad Carolum quintum Caesarem.

Caesareum tibi sit foelici sydere nomen,

Carole, nec fatum sit tibi Caesareum.

Ad Ferdinandum Romanorum Regem.

Romulidum, bone Rex, magno sis Caesare Maior

Nomine, nec fatis aut minor Imperio.

Plus hardy est celuy que j' ay mis au sixiesme livre de mes Epigrammes, en un vers qui en fait deux, l' un Exametre, l' autre Pentametre. Car je fais parler le Catholique par cet Exametre.

Patrum dicta probo, nec sacris belligerabo.

Et le Huguenot par le Pentametre retourne, & retrouve dedans l' Exametre.

Belligerabo sacris, nec probo dicta Patrum.

Encore n' ay-je esté content de cestuy. Car au 2. Livre, je fis cet Epigramme en haine d' une paix fourree qui avoit esté par nous faite.

Mens bona, non nova fraus, pietas, non aulica fecit

Curia, id edictum Rex bone, pacificum; 

Plebs pia, non fera lex poterit, nunc vivere tecum,

Crescere, non labi, vis puto, sordidulè. 

Imperium, Deus, hoc servas, non perdis, amore

Fervida fit, nec pax haec tegit insidias. 

Magnifice, tibi Rex, succedant omnia, nunquam

Praelia sint, imo pax tibi perpetuo.

Retournez cette Epigramme de la fin au commencement, vous y trouverez une suite continuelle de contrarietez de sens. Tout ce que j' ay cy dessus discouru est pour le regard des vers Latins retournez.