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dimanche 13 août 2023

9. 39. Troisiesme aage de ceux qui ont mis leurs plumes sur l' explication du Droict Romain.

Troisiesme aage de ceux qui ont mis leurs plumes sur l' explication du Droict Romain.

CHAPITRE XXXIX.

Ce Chapitre est dedié au troisiesme aage du restablissement du Droict de Rome, mais premier que d' y entrer, je feray une briefve reveuë de quelques anciens Docteurs de nostre France, qui selon la vieille guise & liuree des Italiens, se meirent comme eux sur les rangs. Car combien que Guillaume Durant Provençal eust esté le premier qui se fust, contre les deffenses de Justinian, lasché toute bride dans son Speculum, si ne fut-il de telle façon suivy par les nostres, comme par les Italiens qui le renvierent sur luy. Nostre Concil Nationnal de Tours nous en avoit fermé la porte. Et neantmoins quelques esprits curieux s' en dispenserent à la longue. Uns Petrus à Bella Pertica, & Ioannes de Blavasco Bourguignons, Iacobus de Ravano Lorrain, Petrus Iacobi de Montpellier, & Gulielmus de Cuneo, voulurent estre de la partie, entre lesquels je voy ce dernier avoir esté grandement honoré de la brigade Italienne. Et eurent ceux-cy pour corrivaux dedans nostre France plusieurs doctes hommes en ce sujet, tant és Cours souveraines, que subalternes, uns Jean Fabri Seneschal de la Roche-foucaut en Angoulmois, Stephanus Aufrerij President au Parlement de Tholose, Jean Gallus Advocat du Roy au Parlement de Paris, Guido Papae Conseiller en celuy de Dauphiné, Masuerius Advocat en la Seneschaussee de Bourbonnois, que j' appellerois volontiers nostre Masurius Sabinus. Avecques lesquels j' adjousteray le docte Gulielmus Benedicti, Conseiller au Parlement de Tholose sous le Roy Louys douziesme: mais comme une plume metive. Car combien qu' il ait enrichy ses œuvres de plusieurs belles anciennetez, si est-ce que son malheur voulut que ce fut d' un stile mousse & grossier; & le semblable vous diray-je d' uns Boërius President au Parlement de Bourdeaux, de Chassannee President en celuy de Digeon, & de nostre Rebuffy, personnages de grande & singuliere doctrine au fait du Droict, comme tesmoignent leurs œuvres, mais qui ne se peurent bonnement garentir de la barbarie ancienne, encores qu' ils fussent du temps du Roy François I. mesme que l' un d' eux ait veu le regne de François II.

Le siecle de l' an mil cinq cens (dedans lequel toutesfois vesquirent Felin, Jason, Dece, Socin le jeune, Italiens, tous tachez & infectez de cette ancienne lourdise) nous apporta une nouvelle estude de Loix, qui fut de faire un mariage de l' Estude du Droict avecques les lettres Humaines, par un langage Latin net & poly, & trouve trois premiers entrepreneurs de ce nouveau mesnage, Guillaume Budé François enfant de Paris, André Alciat Italien Milannois, Uldaric Zaze Alleman né en la ville de Constance.

De ces trois le premier qui ouvrit le pas fut Budé (lors Secretaire du Roy, & depuis Conseiller & Maistre des Requestes ordinaire de son Hostel) en ses Annotations sur les Pandectes qu' il dedia en l' annee mil cinq cens huict, soubs le regne du Roy Louys douziesme du nom, à Messire Jean de Gannay Chancelier de France. Et non seulement ouvrit le pas au beau Latin parsemé de belles fleurs d' histoires & sentences; mais aussi sur le commencement de son œuvre se desborda en invectives contre la barbarie des anciens Docteurs de Droict. Cestuy fut non long temps apres suivy par Alciat. Je dis nommément suivy; car la premiere dedicace de ses œuvres est des trois derniers livres du Code, qui fut par luy faite, est de l' annee mil cinq cens treize, & celle des autres sont toutes des annees subsequentes. Et neantmoins les choses ne luy succederent pas grandement à propos entre les siens: car je ne voy point que les Italiens qui le survesquirent, ayent esté grandement soucieux de se rendre, comme luy, Humanistes. Il me souvient que m' estant acheminé de la ville de Tholose au pays d' Italie, pour y parachever mes Estudes de Droict, j' oüys trois ou quatre de ses leçons dedans la ville de Pavie. De là m' estant transporté en la ville de Boulongne, où lisoit Marianus Socinus, nepueu de Bartholomaeus, tous les Escoliers Italiens faisoient beaucoup plus de compte de cestuy que de l' autre. Voire que ceux qui plaidoient, pour s' asseurer de leurs causes, recherchoient plus le Socin. Pour cette seule consideration (disoient ils) que jamais il n' avoit perdu le temps en l' estude des lettres Humaines, comme Alciat. Il n' en prit pas ainsi à nostre Budé dedans nostre France: d' autant qu' une infinité de bons esprits se meirent sous son regiment, tant en nos Universitez de Droict, que és Cours souveraines, & autres Cours inferieures. Dedans la ville de Tholose uns Corras & du Ferrier, Forcatel, qui de son nom François fit un Forcatulus Latin, dedans Valence un Aemilius *Ferretus, dedans Cahors un Govean, lequel, ores que non François, si est-ce qu' il y commença ses Estudes, & acheva: dedans Grenoble, & dedans Orleans uns Jean Robert, & Guillaume Fournier, dedans Bourges, Baron, Duaren, & autres que je particularizeray cy-apres, & specialement le grand Cujas. Uns Gregoire Tholosan au Pontamousson, & Godefroy Parisien en la ville de Heidelbert. Je vous mets ces deux-cy sur les derniers rangs, non que je les estime moindres, mais parce qu' en leurs escrits semble estre la closture de cette nouvelle Jurisprudence. En Gregoire par son Syntagma Iuris, auquel il a si bien lié le Droict avecques l' Humanité, qu' il est mal-aisé d' y rien adjouster ou diminuer: Et quant à nostre Godefroy, il a cueilly des jardins de tous nos nouveaux Docteurs Humanistes, les plus belles fleurs dont il fait une maniere de Glosses sur tout le Droict, tout ainsi qu' avoit faict Accurse des anciens Glossateurs. Et tel Advocat plaidant au barreau contrefaict par fois le sçavant, qui ne reluit que de la plume de Godefroy sans le nommer: Mais premier que de me fermer en ce discours des Docteurs Regens de Droict, je vous veux faire part d' une chose que j' ay observee. La premiere & plus ancienne Université de Loix sous le pays coustumier est celle d' Orleans, & la derniere est celle de Bourges. Et l' une & l' autre se sont diversement renduës fort admirables en leurs professeurs de Droict. La ville d' Orleans a eu dedans nostre siecle neuf Docteurs Regens, qui de leurs Escoles furent appellez aux Cours souveraines; Minut & Truchon: celuy-là premier President au Parlement de Tholose, cestuy-cy au Parlement de Grenoble. Feu (qui dedans ses œuvres s' appelle Ignaeus) mourut second President au Parlement de Rouen. Pyrrhus Anglebermaeus Senateur de Milan, Ruzé l' Estoille, Saulsier, du Bourg, Conseillers au Parlement de Paris, Mainier en celuy de Bruxelles soubs l' Empereur Charles V. Tous ces grands personnages quitterent à l' Université d' Orleans la Theorique de Droict, pour s' attacher à la pratique és Cours souveraines: qui ne luy fut pas un petit honneur. Mais pour cela Bourges ne luy ceda en rien, car elle eut du temps de nos bisayeux un Probus qui escrivit sur la Regale, & dans nostre siecle sept grands personnages qui ont fait reluire la lecture du Droict Civil chez elle, Alciat, Baron, Duaren, Balduin, Hotoman, le Comte, & entr'eux tous le grand Cujas.

Quelques uns y adjoustent Donneau & Ragueau; mais non de telle estoffe que les autres. Tous lesquels suivirent avec grand honneur la piste de nostre Budé. Que s' il vous plaist repasser sur les Cours souveraines, & autres Jurisdictions de la France, je vous en feray un sommaire recueil, non de tous; ains de ceux qui se sont representez en ma memoire, & encores les vous estaleray-je, non selon la grandeur de leurs dignitez; ains de l' ancienneté de leurs escrits, Guillaume Budé Maistre des Requestes ordinaire du Roy, Aimarius Rivalius, Conseiller au Parlement de Grenoble, François Conan pareillement Maistre des Requestes, André Tiraqueau Conseiller, Charles de Moulin Advocat, Gille le Maistre premier President, Nicolas du Val (qui se dit en Latin Valla) Barnabé Brisson President, René Chopin, Pierre Pithou. Ces six derniers resseans au Parlement de Paris, Corras Conseiller au Parlement de Tholose, auparavant Docteur Regent, Messire Pierre du Faur (dit Petrus Faber) premier President; Ferronius Conseiller au Parlement de Bourdeaux, l' Anglaeus en celuy de Bretagne. Tous lesquels se voüerent à l' illustration du Droict Civil, en voulant illustrer le nostre: Et combien que je ne trouve en quelques uns telle polisseure de langage, que paravanture on pourroit desirer; toutesfois ils se voulurent tous seurer de la barbarie de nos vieux Docteurs. Et à peu dire le vray sejour de cette nouvelle Jurisprudence est la France: car je ne voy point qu' és autres nations ils l' honorent de la façon que faisons. Qui me fait encore adjouster à ce que dessus, ceux qui aux Cours subalternes ont fait monstre de leurs esprits en ce sujet, Louys le Charond, dit Carondas, Lieutenant de la ville de Clairmont en Beauvoisis, Argentré Lieutenant general au Siege Presidial de Rennes, Airaut Lieutenant criminel en celuy d' Angers, Coquille Advocat au Siege Presidial de S. Pierre le Moustier: Car encores que le premier ait fait preuve de ses Estudes de Droict, tant en Latin que François, & les trois autres tant seulement en François, si se sont-ils rendus admirables par leurs escrits.

Conclusion, repassant sur les trois chambrées de ceux qui ont escrit sur le Droict; En la premiere je fais grand estat d' Accurse entre les Glossateurs, en la seconde de Bartole Italien, & entre les nostres de Jean Fabre, auquel je baille pour compagnon Charles du Moulin: & nommément Estienne Fabre & du Moulin les vrais Jurisconsultes de nostre France: Et entre ceux de la troisiesme, qu' il me plaist de nommer Humanistes, je donne le premier lieu à nostre Cujas, qui n' eut selon mon jugement, n' a, & n' aura paravanture jamais son pareil. Et au milieu de ces derniers, je n' en voy aucuns qui ayent escrit en langage plus elegant que Govean, & Duaren, au peu que l' un & l' autre nous ont laissé de leurs ouvrages, & de ces deux je donne le premier lieu à Govean.

dimanche 2 juillet 2023

6. 3. Des furieux Troubles qui advindrent en France sous le Regne de Charles sixiesme.

Des furieux Troubles qui advindrent en France sous le Regne de Charles sixiesme.

CHAPITRE III.

Ce que j' ay deduit au Chapitre precedent n' estoit que roze, au regard de ce que je deduiray maintenant. Mais parce que je veux donner toutes les façons que je pourray à sujet de si haute estoffe, je reprendray les choses de leur premier estre, & Dieu vueille que cecy puisse servir de leçons aux nostres, & qu' au milieu de nos Troubles, nous nous puissions faire sages aux despens de nos ancestres.

Comme le Roy faisoit un magnifique tournoy en son Hostel des Tournelles, qui commença l' apresdinee un jour de Feste-Dieu, le festin s' estant continué en banquets, & dances, jusques à une ou deux heures apres minuict, Messire Pierre de Craon, qui estoit aux aguets il y avoit quatre jours en une sienne maison pres le Cimetiere sainct Jean, se jette sur le Connestable de Clisson, son ennemy, retournant avec peu de compagnie en sa maison, lequel il blessa griefvement, & le pensant avoir tué, s' enfuit avec ses complices en la Bretagne. Soudain apres son partement, son procez luy est fait, & parfait, & par sentence de Folle-ville Prevost de Paris, du vingt-sixiesme Aoust, mil trois cens quatre-vingts douze, luy & tous ses adherans furent bannis de la France: Mais le Roy non satisfaict de cette condamnation, voulut en poursuivre la vangeance par voye de fait, deliberant d' assaillir la Bretagne, que Craon avoit choisie pour sa franchise: Mais comme il s' acheminoit à cette entreprise, avecques une puissante, & forte armee, Dieu permist que son esprit se troublast. Trouble qui apporta depuis de merveilleux Troubles en la France. Car deslors les Princes du Sang commencerent de vouloir donner voye à leur ambition, comme la bonde leur estant plainement ouverte. Clisson estoit l' un des principaux favoris du Roy, & de ce mesme party estoient le sire de la riviere, le Begue de Villenne, Jean le Mercier, sire de Montant, Jannet de Toute-ville, & Jean de Montagu. Le premier mets dont ils sont servis, fut par des lettres du vingt-cinquiesme Septembre mil cinq cens nonante deux, és presences des Ducs de Berry, Bourgongne, Orleans & Bourbon, par lesquelles le Roy leur oste tous les gages & pensions qu' ils avoient de luy. Et quelque peu apres firent emprisonner dans la Bastille les sieurs de la Riviere & Montant, puis eslargir en l' an ensuyvant, à la charge qu' ils seroient tenus de vuider le Royaume. Ayans les Princes nettoyé la Cour de tous les Mignons du Roy, ils commencerent de tramer une plus grande entreprise. Car pour bien dire ils n' avoient plus contre qui buter, que contr'eux mesmes. Chacun d' eux desiroit de manier les affaires à l' envy l' un de l' autre. Celuy qui attouchoit de plus pres de proximité de lignage le Roy, estoit Louys Duc d' Orleans son frere, le Roy ayant quelque relasche de son mal, le fit superintendant general de toutes les Finances de la France. De telle sorte qu' il n' estoit loisible d' en disposer sans son Ordonnance. Certainement c' estoit mettre par un furieux (si ainsi m' estoit permis de le dire) un glaive és mains d' un autre furieux. Parce que ce jeune Duc estoit un Seigneur volontaire, qui croyoit plus ses opinions qu' il ne devoit. Il n' y eut Prince du Sang qui ne fust grandement jaloux de cette grandeur extraordinaire. Mais sur tous, Philippes Duc de Bourgongne son oncle, & comme ce jeune Prince pensast estre au dessus du vent, aussi dés sa premiere desmarche il fit plusieurs pas de clerc: Car ne considerant qu' il estoit abbayé des autres, il voulut sous main affoiblir les monnoyes, & meit dés son arrivee une taille extraordinaire sur le peuple: Non content de ce, il voulut s' allier avecques Pierre de la Lune, qui siegeoit en Avignon, sous le nom de Benoist treiziesme, contre lequel quelques ans auparavant le Parlement, par l' advis de l' Université de Paris, avoit jugé la substraction de l' Eglise Gallicane. Et de faict il l' alla voir de propos deliberé jusques en Avignon, luy promettant tout confort & aide encontre l' Université. Cette puissance extraordinaire d' un costé avoit excité l' envie des grands encontre luy: Cette imposition nouvelle de taille, l' inimitié du commun peuple, & la conference avecques Benoist, la haine de l' Université de Paris. Le Duc de Bourgongne s' opposa à la taille que l' on avoit imposee dessus ses pays, & d' une mesme main trouvant le Roy à son appoinct en l' an mil quatre cens trois, se fit donner pareil pouvoir sur les Finances, que celuy du Duc d' Orleans. Deslors l' on veit deux partis formez par la France: Tellement que le Connestable & le Chancelier craignans que les choses s' acheminassent à pis, vindrent lors en la Cour de Parlement, puis en la Chambre des Comptes prendre le serment de fidelité de tous les officiers: Grande querelle entre ces deux Princes pour le gouvernement, prests d' en venir aux mains, grande assemblee de gens d' une part & d' autre: Toutesfois sur ce que Louys promist que le Royaume seroit gouverné par la Royne, & tous les Princes du Sang, les choses se pacifierent entr'eux pour quelque temps. Sur ces entrefaites meurt Philippes Duc de Bourgongne, qui delaisse Jean son fils, successeur tant de ses estats que de cette querelle intestine. Tout ce qui s' estoit passé estoit adoucir le mal & non le guerir. La Royne Isabelle de Baviere, & le Duc d' Orleans estans à Melun, envoyent querir le Dauphin à Paris. Le Duc de Bourgongne l' empesche, disant qu' on le vouloit enlever de la France, pour le transporter en Allemagne. En fin accord par l' entremise des autres grands Seigneurs, & specialement du sieur de Mont-agu Grand Maistre: Et pour penser les divertir de ces opinions, il fut advisé que ces deux Princes iroient guerroyer l' Anglois, l' un en Angleterre, l' autre à Calais, ce qu' ils firent: mais aussi tost reprindrent le chemin de Paris, où advint l' accomplissement de mal-heur: Parce qu' en mil quatre cens sept, deuxiesme de Novembre, le Duc d' Orleans estant party de son Hostel, prés sainct Paul sur les huict heures du soir, pour aller voir la Royne qui estoit en couche, à son retour il est meurdry pres la porte Barbette en la vieille ruë du Temple par dix assassins, conduits par Raoullet d' Orqueton-ville. Ils avoient esté seize jours cachez en une maison, lesquels à l' instant se retirerent en l' Hostel d' Artois, pour leur servir de franchise. Le Duc d' Orleans assassiné, ce meurtre produisit une grande rumeur parmy le peuple, d' autant que l' on sceut à l' instant mesme qu' il avoit esté procuré par le Duc Jean, lequel se trouvant estonné partit tout aussi tost de la ville, & prit la route de ses pays. Peu apres la Doüairiere d' Orleans demanda justice au Roy, lequel s' y disposa avec tout son Conseil. Quelques Princes parens & amis du Duc Jean luy conseilloient, ou de nier tout à plat qu' il eust esté participant du delict, ou s' il le vouloit recognoistre, pour le moins qu' il y procedast par humbles supplications, comme estant le vray moyen de pacifier toutes choses. Du commencement il fut en balance, mais apres avoir donné lieu à son second penser, il se resolut de soustenir devant le Roy, que non seulement il en avoit esté l' autheur & promoteur, mais qui plus est, que justement il l' avoit faict: Parce que le Duc d' Orleans avoit conspiré la mort du Roy par plusieurs voyes sinistres. Et sur cette resolution vint à Paris, pour ne donner occasion à ses ennemis de s' advantager prés du Roy par son absence, amenant avec luy Maistre Jean Petit Theologien, grand Prescheur, qui soustint cette proposition tant en la presence du Roy, que depuis au Parvy nostre Dame, devant tout le peuple. Cette cause plaidee devant le Roy en l' an mil quatre cens huict, la Doüairiere d' Orleans eut pour son Advocat Maistre Guillaume Cousinot. L' assassin commis en la personne du Duc d' Orleans estoit abominable devant Dieu & devant les hommes. Toutesfois la haine publique que la ville de Paris avoit acueillie contre luy, pour les raisons cy dessus touchees, fut de tel effect, que le Duc de Bourgongne non seulement fut excusé, mais qui plus est grandement loüé: Les Prescheurs de Paris se rendans protecteurs dans leurs chaires de ce cruel meurdre. Qui fut cause que la Duchesse d' Orleans voyant ses affaires ne luy succeder comme elle s' estoit promis, quitta la Cour du Roy, retournant en sa maison où elle mourut de dueil quelque temps apres, laissant trois enfans masles mineurs, Charles Duc d' Orleans, Philippes Comte de Vertus, & Jean Comte d' Angoulesme. Et par sa mort fut la cause grandement affoiblie. On commence d' adoucir les choses, plus par crainte que par Justice, dedans la ville de Chartres, où fut concluë une paix entr'eux, moyennant laquelle Louys Dauphin de France, & Duc de Guyenne espousoit la fille du Duc Jean, & Charles Duc d' Orleans, Isabelle fille de Charles VI. Le Cardinal de Bar apporta un Messel ouvert, sur lequel ils jurerent l' entretenement de cet accord: mais un bouffon qui là estoit present, fit un plaisant traict: Car à l' instant mesme il leur presenta une paix bordee de fourrure, & la leur fit baiser, disant, que c' estoit une paix fourree.

Dés lors le Bourguignon estimant estre au dessus du vent, commence d' empieter le gouvernement de toutes les affaires au prejudice de tous les autres Princes du Sang. Qui les occasionna de se joindre avec les Orleannois, lesquels couvuoient tousjours une vangeance dedans leurs poictrines. On faict une seconde paix au Chasteau de Vincestre en l' an mil quatre cens dix. Paix toutesfois qui fut si courte, que l' on ne la remarque point bonnement pour telle: parce que nonobstant icelle le Duc Jean fait decerner mandement sous le nom du Roy à tous Seneschaux & Baillifs de lever gens contre ces Princes: Eux d' un autre costé se voyans ainsi mal-menez, font entreprise sur Paris, laquelle n' ayant reüssy se retirerent au pays de Berry, & de Bourbon, les Comtes d' Alençon, d' Armignac, & d' Albret, Messire Jean de Bar frere du Duc de Bar, tous lesquels portoient la Bande pour remarque de leur association, & manderent à leur secours les Anglois contre le Duc Jean qui masquoit toutes ses actions de l' authorité du Roy, qu' il possedoit, assisté des Ducs de Guyenne, Lorraine, Baviere, de Bar, & Comte de S. Paul.

Dés lors on commença d' appeller les Orleannois, tantost Bandez à cause de la Bande qu' ils portoient, tantost Armignacs, d' autant que comme il est à croire le Comte d' Armignac estoit l' un de ceux qui se faisoit plus craindre aux Bourguignons. Le Duc Jean ne se voulut point seulement armer du pretexte du Roy, mais aussi fit estat des Bourgeois de Paris, & entr'eux des Bouchers, dont les plus signalez furent les Gois, les Saintions, les Tiberts, lesquels prindrent l' enseigne du Bourguignon, qui estoit la Croix sainct André, & sous la conduitte du Gois, ruinerent le Chasteau de Vincestre, appartenant au Duc de Berry, de la façon comme nous en voyons encores pour le jourd'huy les ruines. Le Duc de Bourgongne qui prenoit tous les advantages pour soy, faict courir un bruict, que tous ces Princes s' estoient assemblez au pays de Berry pour y creer un nouveau Roy. Le Roy le croyant, en escrit à l' Université, luy commandant de prescher pour luy, & d' une autre main on les declare en plain Parlement crimineux de leze Majesté, & tous leurs biens acquis & confisquez au Roy. Pour executer cet arrest plusieurs Capitaines sont depeschez pour lever gens, mesmes l' on charge l' Oriflambe, que l' on ne portoit à la guerre qu' aux extremes necessitez. Le siege est mis devant la ville de Bourges, qui prit long traict: pendant que les affaires se manioient de telle façon, jamais ne fut plus grande fureur dans Paris, où l' on excommunioit les Dimanches aux Prosnes les Armignacs, & en quelques lieux ils furent excommuniez à clochettes sonnans, & chandelles allumees que l' on esteignoit. On mettoit aux ornemens des Images la Croix sainct André, de laquelle plusieurs Prestres usoient en faisant les ceremonies de la Messe, ou baptizans, tant ils estoient acharnez à ce party: à peine osoit-on donner Baptesme aux enfans de ceux que l' on soupçonnoit estre des amis des Armignacs. Si un homme riche avoit un ennemy, il ne falloit que crier apres luy, voila un Armignac, & aussi tost estoit sa maison saccagee: Voila comme la ville de Paris se gouvernoit pendant le siege de Bourges, lequel se tirant à long traict, finalement Louys Dauphin Duc de Guyenne, ayant entendu que les Anglois venoient pour secourir leurs ennemis, fait parler de paix, qui est concluë & juree dans la ville de Bourges, & depuis confirmee dedans celle d' Auxerre par les Princes d' Orleans, qui estoient absens lors du traicté. Jamais paix ne fut plus solemnelle que cette-cy, parce que l' on y manda plusieurs Seigneurs du Parlement, de la Chambre des Comptes, de l' Université de Paris, le Prevost de Paris, le Prevost des Marchands, & Eschevins, & plusieurs deputez des autres villes, tous les Princes jurerent sur les Evangiles de l' entretenir, ils s' entrevoyoient & joüoyent ensemble, mesmes les Ducs d' Orleans & de Bourgongne furent veus se promener ensemblement sur leurs chevaux par la ville, qui sembloit promettre une asseurance de reconciliation entre eux, & par mesme moyen de repos general par toute la France: Mais le Diable qui s' estoit mis en possession de leurs cœurs, l' empescha. Par cette paix chacun devoit r'entrer dans tous ses biens, Offices, & Benefices. Cela demeura pour la plus grande partie inexecuté. Le Roy retourne dans Paris, suivy des Ducs de Berry, Bourgongne, Bourbon, & Comte de Vertus. Quant au Duc d' Orleans, il reprit le chemin de sa maison.

Jusques icy les affaires s' estoient menees de cette façon par l' ambition detestable du Duc de Bourgongne, qui pour empieter le gouvernement des affaires, avoit premierement fait tuer Louys Duc d' Orleans frere du Roy: Surquoy fut faite la premiere paix entre les Princes dedans Chartres: Depuis voulant enjamber sur l' authorité des Ducs de Berry, Bourbon, & autres Princes du Sang, il leur avoit fait quitter la place, lesquels s' estoient retirez avec le jeune Duc d' Orleans & ses freres. Qui causa puis apres la seconde paix de Bourges confirmee en la ville d' Auxerre. Restoit de s' attacher encores au haut point, c' estoit au Dauphin de France son gendre. Ce jeune Prince commençoit de croistre d' aage, & estant ordinairement assisté de tous les Princes du Sang, le Duc de Bar, le Duc Louys de Baviere, & Philippes Comte de Vertus luy conseillerent de prendre la charge des affaires, que son rang, son aage, sa suffisance luy commandoient de ce faire. A quoy il presta volontiers l' oreille, comme aussi y avoit il ja quelque temps que les deportemens du Duc de Bourgongne son beau-pere commençoient de luy desplaire. Tellement qu' il desapointa Maistre Jean de Nesle Seigneur de Olain son Chancelier, pour quelques paroles aigres qu' il avoit euës avec Messire Arnaut de Corbie Chancelier de France. Le Duc de Bourgongne voyoit que tous ces preparatifs se faisoient pour le desarçonner du credit qu' il avoit occupé pres du Roy, au moyen dequoy voyant une taisible ligue qui se faisoit contre luy par tous les princes du sang, mesmes par le fils aisné de France, il attacha toute sa fortune au peuple de Paris, je dy à ceux qu' il cognoissoit estre les plus seditieux de la ville: En cette nouvelle faction Lionnet de Jacqueville creature du Duc de Bourgongne prit tiltre de Lieutenant general de la ville, cestuy secondé d' un Jean Caboche escorcheur de Boeufs, de Maistre Jean de Troyes Chirurgien de Paris, Concierge du Palais, & Denys Chaumont, suivis d' une grande troupe de populace, viennent en la maison du Dauphin, là le somment pour le bien du Roy, de luy & du Royaume, qu' il eust à leur deliurer plusieurs traistres qui estoient chez luy. Et apres plusieurs contrastes, en fin fut contrainct de mettre en leurs mains, Messire Jean de Vailly son nouveau Chancelier, Edoüard Duc de Bar, cousin germain du Roy, Messire Jacques de la Riviere frere du Comte de Dampmartin, & plusieurs autres de ses favoris. A cette execution estoit present le Duc de Bourgongne, auquel le Dauphin se plaignit fort aigrement, luy imputant toute cette conjuration. Ces Seigneurs leur estant baillez, ils meirent gardes au logis du Dauphin, à ce qu' il ne peust deguerpir la ville, & en conduisans ces prisonniers firent trois ou quatre meurtres signalez de quelques uns qui se presenterent devant eux, comme estans du party contraire. Cela ne fut qu' un premier coup d' essay, car en apres fortifians leur dessein de plus en plus sous l' authorité du Duc Jean qui les instiguoit à ce faire, ils demanderent audience au Roy, suivis de dix ou douze mille Bourgeois, & presenterent un rolle au Dauphin, contenant les noms, & surnoms de ceux qu' ils vouloient leur estre liurez, entre lesquels estoit Louys de Baviere frere de la Royne Isabelle. Qui tous leur furent baillez & constituez prisonniers, tellement que la Bastille & le Louvre regorgeoient de la multitude des Seigneurs qui y estoient: On leur baille douze Commissaires pour faire & parfaire leurs procez, entre lesquels fut Messire Pierre des Essars, auquel je veux particulierement bailler un placart, pour servir de fidele exemple à tous ceux qui se rendent induëment ministres des passions des Princes. Cestuy avoit esté Gentil-homme de la maison du Duc de Bourgongne, qui le fit Prevost de Paris, par la destitution de Folle-ville, a fin d' avoir un Seigneur à sa devotion dans Paris, comme à la verité il l' eut, car l' espace de trois ou quatre ans les commandemens du Duc Jean son Maistre estoient la seule justice qu' il exerçoit: & de faict pour luy gratifier, il fit decapiter injustement, le grand Maistre de Montagu sans ordre judiciaire, apres l' avoir plusieurs fois exposé à la gesne, luy qui avoit auparavant tenu l' un des premiers rangs pres du Roy, & la principale faute dont on l' accusoit, estoit qu' il avoit abusé des Finances de France l' espace de dix ou douze ans. Or voyez je vous supplie, comme Dieu vengea puis apres cette injustice, mais avec une grande usure. Des Essars estoit arrivé aux grands honneurs, car il fut fait grand Bouteiller de France, Grand Maistre des Eaux & Forests, Superintendant general des Finances: Bref, toutes choses passoient par son entremise: Le Duc de Bourgongne eut opinion qu' au pourparler de paix de Bourges il avoit tourné sa robe, & donné advis aux Princes qu' il les vouloit faire mourir s' ils n' y prenoient garde: soit que cela fust veritable, ou non, ou bien qu' il fust las de son amitié, tant y a qu' il commença de l' esloigner de ses bonnes graces. Qui fut cause que des Essars se retira au Chasteau de Chierbourg, toutesfois depuis il revint dans Paris, sous l' asseurance que luy bailla le Dauphin, & se logea dans la Bastille, dont il estoit Capitaine: Si ne peut-il si bien faire, qu' en fin il n' en sortist par doux allechemens & belles promesses: A peine en estoit-il sorty, qu' il fut constitué prisonnier en la Conciergerie du Palais. Il y avoit douze Commissaires du tout voüez aux passions du Duc de Bourgongne, pour faire & parfaire le procez à tous ces nouveaux prisonniers, & specialement à Pierre des Essars, pour avoir mal manié les Finances du Roy: Cestuy recommandé par dessus les autres, fut aussi condamné des premiers, mais avec un Arrest fort estrange: Car les autres en furent quittes pour leurs testes sur un eschaffaut (qui n' est pas un petit gage de nos vies) mais à cestuy, on y adjousta quelques traits d' ignominie, avant que de le faire mourir, desquels Monstrelet n' a fait aucune mention: Mais dans les memoriaux de Maistre Nicole Baye Greffier au Parlement de Paris, je trouve qu' il fut trainé sur une claye, la teste raze depuis la Conciergerie du Palais, jusques aux Halles, où il fut decapité. Voyez combien les jugemens de Dieu sont grands. Cestuy pour gratifier au Duc de Bourgongne son Maistre, avoit fait mourir le sieur de Montagu, & maintenant à l' instigation du mesme Prince il meurt: l' autre fut condamné à mort sous un pretexte d' avoir mal mesnagé les Finances du Roy, & cestuy pour mesme raison, & finalement la verité est que Montagu fut mis en chemise lors qu' il fut decapité: icy la male fortune de des Essars r'envie sur cette honte, estant trainé sur une claye & razé devant sa maison, auparavant que d' arriver au lieu du dernier supplice. Quelques autres furent aussi executez. Messire Arnaut de Corbie, qui avoit avec toute integrité exercé l' Estat de Chancelier l' espace de vingt deux ans, fut desapointé, & en son lieu surrogé Maistre Eustache de Laistre President des Comptes, creature du Duc de Bourgongne. Tout cela se faisoit à la barbe des Ducs de Guyenne, Berry, & autres Princes, sans qu' ils osassent les contredire. L' Université estoit lors en grand credit, laquelle desauoüa tout ce qui avoit esté faict. Chose qui commença de leur faire reprendre leurs esprits, & de faict ils avoient adverty sous main les Ducs d' Orleans, Bretagne, & Bourbon, de s' armer pour secourir le Dauphin, que l' on tenoit en telle serre, qu' il estoit comme prisonnier en sa maison, & encores les sieurs de Baviere & de Bar, qui estoient en une tres-estroite prison. Ces Princes recommencent de lever gens à Vernueil, & depuis s' acheminent à Pontoise. Je vous supplie jetter vos yeux sur les mysteres de Dieu, & comme quand il veut il fait esvanoüir en fumee tous les conseils que nous pensions avoir bastis à chaux & à sable. Jamais Prince n' avoit gaigné tant d' authorité sur le peuple au prejudice du Roy, & des siens, comme le Duc de Bourgongne. La plus part des autres Princes s' estoient pour les deportemens extraordinaires de luy, bannis volontairement de la Cour & presence du Roy: & quant aux autres, les uns estoient prisonniers, qui avoient Juges pour leur faire leur procez, les autres bien qu' ils ne fussent proprement gardez, si estoient-ils tellement regardez par uns Jacqueville, Caboche, de Troyes, & autres seditieux de la populace, qu' il n' y avoit point grande difference entre les gardez & les regardez. Les Princes de Baviere & de Bar destinez à la mort, plusieurs autres pauvres Seigneurs se trouvoient de mesme party. Tout cecy se voyoit, les gens de bien lamentoient dans leurs ames, mais nul n' osoit lever seulement les *yeux pour faire contenance de le trouver mauvais. Comme les Juges estoient sur le point d' interposer leurs jugemens à l' apetit de leur Maistre: un seul homme de robe longue osa prendre la querelle du repos public en main: Histoire certes memorable.

Maistre Juvenal des Ursins Advocat du Roy au Parlement, personnage de singuliere recommandation avoit esté autresfois Prevost des Marchands de Paris, je dy lors que la Prevosté fut restablie: Car comme vous pouvez sçavoir, elle avoit esté supprimee pour la journee des Maillotins, advenuë contre les Daciers du Roy. Suppression qui dura plusieurs ans, estant cette authorité unie en la personne du garde de la Prevosté de Paris, & apres quelques annees remise pour l' exercice d' icelle fut choisi Maistre Juvenal, pour les singulieres vertus qui reluisoient en luy, Estat qu' il exerça plusieurs annees, pendant lesquelles il se rendit infiniment agreable au peuple, je luy ay voüé un chapitre à part, a fin de n' embarrasser cestuy-cy de conte sur conte. Il fut depuis appellé à l' Estat d' Advocat du Roy, & pour la necessité de sa charge avoit souvent l' oreille du Roy, lequel lors qu' il estoit en son bon sens portoit fort impatiemment tous les deportemens du Duc Jean: Mais les affaires estoient arrivees en tel desarroy qu' il n' en eust osé parler qu' à ses confidens, entre lesquels estoit le Seigneur des Ursins. Celuy estant en perpetuel pensement de remettre les affaires de sa ville sus, se presenta souventesfois au Duc Jean, le priant tres-instamment qu' il luy pleust assopir toutes ces seditions, & comme une fois entr'autres le Duc luy eust faict response qu' il ne tenoit pas à luy, & ne demandoit autre chose, Juvenal des Ursins avec une hardiesse inestimable, luy remonstra que pour y parvenir il falloit deux choses, l' une qu' il recogneust avoir mal fait, faisant mourir le Duc d' Orleans, & ne fust-ce que pour les maux qui en estoient depuis survenus, l' autre qu' il esloignast de soy cette vermine de Bouchers, & le faisant qu' il trouveroit cinq cens notables Bourgeois qui luy assisteroient en toutes ses affaires. A quoy le Duc respondit, que pour le regard du premier, il ne le vouloit, & quant au second il ne le pouvoit, ny ne devoit faire: Pour cela ce preud'homme ne se rend, mais ayant toute sa fiance en Dieu, advint une nuict entr'autres que comme il dormoit, il eut perpetuellement en sa bouche ce verset de David, quand il exhorte ceux qui mangent du pain de douleur & tristesse de se lever. Et à son resveil sa femme luy dit qu' il n' avoit fait toute la nuict que resuer & ravasser à ce Pseaume. Ce sage Seigneur prenant cela pour un bon & certain augure de ce qu' il devoit faire, s' advise de pratiquer quelques Quarteniers gens de bien, & les voyant disposez à son opinion, il s' achemine droict vers le Roy qui lors joüyssoit de quelques heures de son bon sens, luy remonstre que le Duc d' Orleans & ses partissans estoient au Pont de l' Arche, & que ce seroit une chose fort necessaire pour son service & conservation de son Estat, de pacifier toutes choses. Il ne falloit grandement hocher la bride aux autres Princes, parce qu' ils avoient esté cause que les Orleannois s' estoient remis sur les champs: C' est pourquoy le Roy commanda que l' on dressast des articles de paix: Ce que le Duc Jean voulant empescher, faict par les Cabochiens, qui soustiennent qu' il n' y falloit nullement entendre, sinon que l' on envoyast premierement aux autres une liste de tout ce qu' ils avoient meffait, a fin qu' ils entendissent la grace qu' ils recevroient du Roy en paix faisant. Qui estoit en bon langage une traverse pour rompre toute pacification. Des Ursins qui voyoit cela, ne fit pas grande instance au contraire, mais dist que le meilleur seroit de s' assembler pour cet effect en l' Hostel de ville. Cette proposition populaire ne peut estre par eux contredite. L' assemblee se fait, où le rolle est representé par les Cabochiens contenant un ample discours de tout ce qu' ils vouloient imputer aux Armignacs, ou Orleannois: Mais quelques uns suscitez par des Ursins, furent d' advis qu' il falloit communiquer cela par chaque quartier, où se feroit autre assemblee particuliere des dizaines, pour puis le tout rapporté au Bureau general de la ville, en estre ordonné ce que l' on trouveroit le meilleur. Chose qui estoit empeschee par les Gois, & Sanctions, & Tiberts Bouchers, avecques paroles de brauade. Les choses en arriverent à tel poinct, qu' un Guillaume Cicasse Charpentier, Quartenier, demeurant au Cimetiere sainct Jean leur respondit brusquement, Que s' ils pensoient d' une puissance absoluë maistriser la ville, il y avoit autant de frappeurs de Congnee, que d' assommeurs de Boeufs & Vaches dans la ville: Et sur cette parole, pour eviter plus grande noise, fut arresté que l' on en parleroit par les quartiers. Ce cartel depuis envoyé à tous les Quarteniers, voicy ce qui advint. Au quartier de la Cité estoit Jean de Troyes, cestuy estoit lors Eschevin & Quartenier en la Cité, Concierge du Palais, & à peu dire l' un des chefs de tous les Cabochiens, il assemble tous les principaux Bourgeois de son Quartier, toutesfois se donna bien garde d' y faire appeller le Seigneur des Ursins, qui y avoit sa demeure, sçachant que ce luy eust esté un destourbier à ce qu' il projettoit de faire. Pour cela des Ursins ne laisse de poursuivre sa premiere pointe & de s' y trouver. Chose que l' on ne pouvoit trouver mauvaise pour le rang qu' il tenoit. En cette assemblee Jean de Troyes s' advise de proposer un nouvel advis, non du tout sans apparence. Qui estoit qu' il seroit tresbon de presenter au Conseil du Roy ce cartel: s' asseurant que nul des Seigneurs n' eust osé desdire le Duc Jean: mais Juvenal des Ursins qui descouvrit cette embusche, soustint que pour parvenir à une bonne paix il falloit oublier tous les maltalens d' une part & d' autre, & fut passé par cette opinion qui courut depuis de bouche en bouche par tous les autres quartiers où la conclusion fut de mesme, nonobstant l' effort des Bouchers. C' estoit par un sage conseil combatre le peuple par le peuple, qui n' est pas un petit secret en matiere de seditions. Les choses luy estans de cette façon succedees à son desir, il s' achemine vers le Roy avec trente notables Bourgeois, & luy raconte comme le tout s' estoit passé, & qu' il ne restoit plus que d' y interposer son authorité, mais que le meilleur seroit qu' il s' en voulust reposer sur le Dauphin. Ce que le Roy trouva bon, & non le Duc de Bourgongne, auquel cet affaire pesoit, qui dist au sieur des Ursins que ce n' estoit pas la voye qu' il y falloit tenir, lequel avec une honneste hardiesse, luy respondit: Excusez moy mon Seigneur, vous en verrez bien tost l' issuë, & de ce pas, suyvant le commandement du Roy il va trouver le Dauphin, auquel apres avoir le tout discouru, il l' exhorte de se charger de cette affaire, & que s' il le faisoit, toutes choses s' achemineroient à une paix. L' ayant disposé à ce conseil, il luy donne advis de se saisir des clefs de la Bastille & du Louvre, qui estoient és mains du Duc Jean. Ce qu' il fit, & le lendemain il se promene par la ville, suivy du Duc de Berry, du Recteur, des supposts de l' Université, & de plusieurs autres Seigneurs, mesmes du Sieur des Ursins, qui tenoit le gouvernail de cette entreprise. La presence de ce Prince estonna tellement ces desesperez Bouchers, que le cœur leur faillit en un instant, & les portes tant de la Bastille, que du Louvre, furent, si ainsi le faut dire, ouvertes d' elles mesmes aux pauvres prisonniers, entre lesquels estoient les sieurs de Bar, & de Bavieres, le lendemain reservez à la mort, si Dieu ne les eust regardez d' un œil de pitié. A la suitte du Dauphin estoit Gervaisot Dionnois Tapissier, qui rencontra Jean de Troyes accompagné de plusieurs de sa faction, contre lequel il desgaina son espee, & luy dit: Paillard, à ce coup me vangeray-je de toy, & des tiens: A laquelle parole les Cabochiens furent si confus qu' en un tour de main ils se disparurent, sans plus oser lever la teste. Quelques uns estoient d' advis de les poursuivre, & de fermer les portes de la ville pour en faire un piteux massacre: mais le Seigneur des Ursins l' empescha, disant qu' il leur seroit mal-seant d' acquerir une paix par le sang de leurs concitoyens. De là ils s' en vont en l' Hostel de ville, où par le commandement du Dauphin, cet homme de bien fit un long discours des seditions qui s' estoient passees, & qu' il les falloit oublier. Pour conclusion il fut ordonné que André de Parnom Prevost des Marchands, & deux des Eschevins demeureroient. Mais quant à Jean de Troyes, & du Belloy, ils seroient ostez, & en leur lieu mis Guillaume Cicace, & Gervaisot Dionnois Quarteniers. Sur cela la paix est faite, & concluë   avec les Ducs d' Orleans, Bourbon, & autres Seigneurs, qui lors estoient dans Pontoise, c' est pourquoy on l' appella la paix de Pontoise. Le Duc de Bourgongne s' en fuit, le semblable firent Jacqueville de Laistre, de Troyes, Caboche, & les Bouchers, & aussi tous ces Juges qui avoient esté commis pour faire le procez aux Seigneurs de Baviere, & de Bar, & autres prisonniers, & commença l' on devoir une nouvelle face d' affaires: Parce qu' au lieu du Bourguignon, les Ducs d' Orleans, Berry, Bourbon, Alençon, Comtes de la Marche, Richemont, Armignac, & Vendosme commencerent de gouverner. Et quant aux offices de marque, il n' y eut que le Chancelier de Laistre desapointé, suppost du Duc de Bourgongne, & fut pourveu de son estat Messire Henry de Merle premier President, & du sien, Maistre Robert Mauger, qui aussi estoit President: De Celuy de Mauger, Maistre Jean Vailly Chancelier du Dauphin, en la place duquel fut mis Maistre Juvenal des Ursins: & là où auparavant dans Paris on avoit chargé la Croix sainct André en faveur du Duc de Bourgongne, on commença lors de porter la Bande, qui estoit le signal, & remarque des Orleannois.

Grande pitié, qu' il est plus mal-aisé de supporter sa bonne, que mauvaise fortune, jusques là tout s' estoit passé par une modestie admirable: Depuis le peuple commença petit à petit d' y vouloir apporter du sien, & par mesme moyen de l' insolence, qui gasta tout. Il n' y a animal plus farouche, & fort en bride qu' une populace enflammee, qui pense ne pouvoir estre controllee par le Magistrat. En l' an 1414. l' on fait une confrairie de S. Laurent dans les Blancs Manteaux, où se trouverent le 3. d' Aoust quatre cens hommes tous bandez: Car aussi portoit elle le nom des bandez. Le 4. Septembre il advint qu' un jeune homme ayant osté une bande qui avoit esté mise à l' image S. Eustache, & l' ayant mise en pieces, en despit de ceux qui la luy avoient baillee, fut aussi tost pris, & par sentence du Prevost de Paris, eut le poing couppé sur le Pont Alais devant l' Eglise S. Eustache. Le Roy leve l' Oriflambe, qu' il met és mains de Messire Guillaume Martel Seigneur de Baqueville, en deliberation de guerroyer le Duc de Bourgongne: Et comme les affaires se manioient en cette façon, Louys Dauphin, avec les Princes & Seigneurs, esloigne du Conseil la Royne Isabelle de Baviere sa mere, & luy amoindrissant son Estat, la confine en la ville de Tours. Le Duc Jean qui n' avoit autre chose en teste que de r'entrer par quelque moyen que ce fust, prenant cette disgrace à son advantage, s' empare des villes d' Amiens, Abbeville, Senlis, Montdidier, Montlehery, Corbeil, Pontoise, Chartres, Tours, Mante, Meulan, & Beauvais: Et en toutes ces villes deffendoit de payer aides, & subsides, fors du sel, qui estoit un moyen asseuré pour gaigner du commencement le peuple, & luy causer puis apres sa ruine. Et establit en la ville d' Amiens un Parlement, dont les Arrests se deliureroient sous le nom de la Royne Isabelle, prenant tiltre & qualité de Regente en France, & y establit pour premier President, Messire Philippe de Morvilliers.

Pendant cette grande desbauche l' Anglois, qui n' esperoit autre chose que de s' aggrandir par nostre ruine, vint descendre au pays de Normandie avecques une puissante armee, la premiere ville qu' il prit fut Harfleu. Toutesfois apres quelque sejour estant assiegé de la faim, il vouloit reprendre les brisees de son pays, moyennant que ce fust bagues sauves. Les jeunes Princes de France n' en furent d' advis, ils combattent pres d' Azincourt le vingtdeuxiesme jour d' Octobre 1415. & sont vaincus, & là demeurerent sur la place quatre mille des nostres: & entr' autres furent tuez les Ducs d' Alençon, de Bar, & Brabant, le Connestable d' Albret, les Comtes de Vendosme, de Merles, de Nevers, & une infinité de grands Seigneurs pris, mesmes les Ducs d' Orleans, & de Bourbon: apres cette victoire l' Anglois se rendit maistre de plusieurs villes de la Normandie. Jamais la France ne s' estoit veuë en un plus piteux desarroy. Le Dauphin s' estoit ligué contre sa mere, elle encontre son mary, plusieurs Princes qui tuez, qui pris, la fleur de nostre Noblesse perduë, & une bonne partie de la Normandie. A la suite de cela, Louys Dauphin meurt, & quelque peu apres, Jean son frere qui le secondoit d' aage, comme pareillement Jean Duc de Berry aagé de 90. ans. Le Roy mal disposé de son esprit, abandonné presque de tous les siens, fors de Charles Dauphin, qui luy restoit seul de ses enfans masles. Adoncques le Duc Jean conduit de son ambition ancienne, estimant qu' il avoit plus beau jeu que jamais, commence d' ourdir cette tresme. Il y avoit deux de ses freres tuez en la bataille d' Azincourt, il leve gens, disant qu' il vouloit vanger leur mort contre l' Anglois: mais les Seigneurs qui estoient prés du Roy voyans que c' estoit contr'eux qu' il vouloit descocher les flesches, firent decerner lettres Patentes, par lesquelles le Roy deffendoit à tous Princes de son Sang l' entree de Paris. Sur cela on ferme les portes de Meaux au Duc Jean, y voulant entrer. Le Roy depesche Maistre Simon de Nanterre, & Jean de Vailly Presidens, pour luy faire entendre sa volonté, qui estoit qu' il ne passast outre: Mais il leur respondit brusquement qu' il n' y obeyroit, sinon de tant, & entant que l' honneur, & profit du Roy le permettoit.

Ceux qui gouvernoient lors le Roy estoient en tres-mauvais mesnage avecques les Parisiens, tant pour l' amitié ancienne qu' ils avoient porté au Duc de Bourgongne, dont ils se voyoient frustrez, que pour le mauvais succez des affaires qui estoit advenu à Azincourt pendant leur gouvernement. On commence de brasser une conjuration encontr'eux, qui estoit telle. Il y avoit gens apostez qui devoient à certain jour courir par la ville, & crier, A l' aide au Roy, & au Dauphin. Et en cette esmeute tuer tous ceux qui estoient soupçonnez de porter le party des Bandez. Cecy estant descouvert, le Parlement y met ordre le 5. Decembre 1415. & l' unziesme ensuyvant l' on reçoit advis que Jean venoit à main armee, & fut pris un Paticier qui luy avoit mandé de se haster: Parce qu' il y avoit cinq cens hommes à sa devotion dans Paris. Maistre Almery d' Orgemont Conseiller au grand Conseil, & President des Comptes, fils du Chancelier, & frere du feu Evesque de Paris, se trouve des premiers de cette conjuration. Son procez luy est fait & parfait au Parlement. Et par Arrest du dernier jour d' Avril ensuivant 1416. il fut amené de la Bastille en l' Auditoire du Chapitre de Paris, & de là conduit en un Tumbereau aux Halles avec Robin le Geay, & Renaut Millet, lesquels en sa presence furent decapitez, & luy rendu à son Evesque pour le faire raire, & declaré attaint & convaincu du crime de leze Majesté, privé de tous Offices, & Benefices, & en outre condamné à perpetuelle prison, au pain & à l' eau, & en quatre mil escus d' amande envers le Roy. En haine de cette conjuration, les chaisnes des ruës sont ostees, & la grande Boucherie de la porte de Paris abbatuë, parce que les Bouchers se trouverent avoir esté des premiers complices. On met dans Paris quatre cens hommes d' armes en garnison, dont Tanneguy du Chastel Prevost de Paris estoit le Capitaine, & pour obvier à pareils inconveniens, fut deffendu à son de trompe, & cry public, de faire assemblee de nopces, sans l' authorité du Prevost de Paris, comme aussi d' avoir aux fenestres, jardins, pots, ny bouteilles de vinaigre: Et depuis par Arrest du Parlement, sur les remonstrances faites par l' Université de Paris, il est deffendu le seiziesme jour de Septembre 1416. de tuer, ny publier qu' il fust loisible de tuer sans authorité de Justice. Au mesme mois fut arresté que ceux de la Cour de Parlement iroient à la Couture sainct Martin des Champs, pour voir combien ils pouvoient estre de gens armez. Le 24. May ensuivant lettres du Duc de Bourgongne furent interceptees plaines de sedition. Le 21. Juillet il est dit par Arrest qu' elles seroient lacerees comme seditieuses, & scandaleuses contre le Roy: Commandement à tous les Baillifs & Seneschaux qui en avoient receu quelques unes, de les brusler, & deffenses à tous n' en retenir la coppie sur peine de la hard, & de non jamais les reciter. On renouvelle le serment des Officiers du Roy, & les fait-on jurer de demeurer feaux: & le seiziesme du mesme mois furent par Arrest du grand Conseil plusieurs Conseillers du Parlement envoyez hors la ville comme soupçonnez d' estre partissans du Duc Jean: combien que le Parlement asseurast le Roy de leur innocence, & le suppliast de ne les licencier: Chose qu' on ne peut obtenir de luy, ains fut advisé qu' ils avroient sauf-conduit, par lequel le Roy mandoit qu' il les envoyoit en autres lieux pour ses affaires. Entre lesquels fut le Procureur General nommé Aiguevin, au lieu duquel fut commis en l' exercice de son Estat Maistre Guillaume le Turc. Bref on y observa tout ce que l' on pouvoit de conseil humain pour contenir le peuple de Paris en obeïssance, & luy oster toute facilité de mesfaire.

Tout cecy estoit un avant-jeu de la tragedie qui depuis fut joüee dans la ville, & pouvez recognoistre par les choses cy-dessus discouruës, que combien que l' on voulust contenir les Parisiens en leur devoir par toutes voyes politiques, eu esgard à cette inesperee conspiration qui avoit esté descouverte, toutesfois le cœur du peuple n' y estoit aucunement disposé, & pour vray dire, il n' attendoit de jour à autre que l' occasion de pouvoir secoüer le joug, estant dés pieça voüé à un autre sainct. Cette occasion se trouva par le moyen que je vous diray: L' argent faillit pour souldoyer les gendarmes de Tanneguy du Chastel, on fait assemblee de ville, a fin de lever un emprunt pour la solde seulement d' un mois: A quoy nul ne voulut entendre. Qui fut cause qu' on fut contrainct de les envoyer en la Brie, pour viure sur le bon homme. En mesme temps quelques Officiers de la maison du Roy avoient offensé Perrinet le Clerc, fils de Pierre le Clerc, Marchand Ferronnier, & Quartenier de Paris, demeurant sur le petit Pont. Le Prevost de Paris n' en voulut faire justice. Messire Jean de Villiers, seigneur de l' Isle-Adam Capitaine de Pontoise, l' un des supposts du Duc de Bourgongne, estoit lors à Vaugirard avecques ses troupes, le Duc au village de Vanves: Pierre le Clerc, comme Quartenier avoit les clefs de la porte de Bussi en garde: Son fils donne le mot à l' Isle-Adam, & desrobe les clefs à son pere, comme il dormoit, & à l' instant vient ouvrir la porte à l' Isle-Adam, qui y entra la nuict du 19. May 1417. suivy de trois cens hommes: Qui estoit peu pour prendre une si grande ville, mais elle estoit ja prise d' elle mesme: Ceux-cy commencerent de crier, La paix mes amis, la paix, Vive Bourgongne. Ils entrerent sur les dix heures de nuict: & les conduisit Perrinet jusques au petit Chastelet, où ils furent accueillis de quatre cens hommes Bourgeois armez, tous lesquels portoient la Croix S. André, blanche, & s' acheminerent à l' Hostel de S. Paul, dont ils rompirent les portes, se saisirent du Roy, qu' ils firent monter sur un cheval, luy faisant faire une piteuse monstre par la ville: & comme ils estoient ententifs apres luy, Tanneguy du Chastel enleva Charles Dauphin en chemise, & le sauva dans la Bastille, & de là en la ville de Melun avec ses principaux serviteurs, où il fit depuis long sejour.

Ce temps pendant l' Isle-Adam, & les siens joüent leurs jeux. Dés leur arrivee ils meinent prisonniers Bernard Comte d' Armignac, Connestable, Henry de Merle Chancelier, & l' Evesque de Constance son fils, Jean Gaulde Maistre de l' Artillerie, Maistre Robert de Tuilliers, Oudart Baillet Maistre des Comptes, les Evesques de Clermont, & Senlis, l' Abbé sainct Denis: Bref une infinité de Seigneurs & Prelats. Il seroit impossible de dire combien de meurdres & larcins furent faits en cette esmeute. Quelques uns disent que l' on tua huict cens personnes, les autres quinze cens, & les autres seize cens, c' est à dire en cette diversité d' opinions qu' il en fut tué si grand nombre qu' il y avoit sujet d' erreur. Le bruit court dans Paris que le Dauphin qui estoit à Melun envoyoit forces pour recourre tous les Seigneurs prisonniers. A ce bruit chacun court aux portes, & mesmes les Parisiens creent sur eux Capitaine un Potier d' estain, homme audacieux, nommé Lambert, lequel avecques ses complices, vient aux prisons, & tire tous ces Seigneurs & Prelats des prisons, mesmes les Connestable, & Chancelier, qu' ils font tous passer par le trenchant de l' espee. De là ils se transporterent au petit Chastelet où ils meutrirent les Evesques de Constance, Clermont, & Senlis. Somme il ne fut pardonné à aucun.

Apres ce tragique exploict, pour remercier Dieu de la victoire qu' il leur avoit envoyee contre leurs ennemis, ils firent une confrairie en la paroisse sainct Eustache le neufiesme Juin ensuivant. Voyez comme ils transformoient leurs passions furieuses en une folle devotion. Celuy qui avoit esté puny par les Bandez, ce fut par ce qu' il avoit osté la bande qui estoit sur l' image de S. Eustache, & mesme eut le poing coupé en la paroisse S. Eustache. Maintenant pour se venger les Bourguignons font une confrairie dans la paroisse de S. Eustache, chacun qui estoit de cette confrairie avoit un chapeau de rozes vermeilles: Et tant s' y mit de gens (dit l' histoire) que les maistres de la confrairie disoient avoir fait faire plus de soixante douzaines de chappeaux, c' estoient sept cens tant de personnes: qui estoit renvié contre la confrairie des Bandez, où il n' y en avoit que 400.

Le Duc Jean arrivé dans Paris, remet Eustache de Laistre en son estat de Chancelier, fait deux Mareschaux de France, l' Isle-Adam & Charluz, met un Admiral, & un grand Veneur, à sa poste. En ceste extraordinaire esmeute le Parlement cessa depuis le 29. de May, jusques au 25. de Juin, qu' il commença de reprendre ses esprits, & presida à l' ouverture de Laistre Chancelier, secondé par Messire Philippes de Morviliers premier President. Le vingtiesme d' Aoust autre esmeute de populace mal gré le Duc Jean, sur ce que l' on ne faisoit justice de ceux qui avoient favorisé le party Armignac, & que l' on avoit eslargy quelques uns. De cette emotion nouvelle se fait chef Capeluche, bourreau de la ville: autresfois Caboche escorcheur de bœufs, avoit esté le Gonfanonnier, & maintenant voicy un bourreau. Ils vont aux prisons le 20. Aoust 1418. tuent & massacrent tout ce pauvre peuple qui y estoit sans acception, ou exception de personnes. Le Parlement s' en fit pour ce coup croire plus qu' il n' avoit faict contre Caboche: par ce que Capeluche estant pris, & quelques autres, ils sont condamnez à mort, & fut decapité le vingt-sixiesme du mesme mois, & le trentiesme tous les bouchers de Paris font le serment de fidelité au Duc de Bourgongne, s' excusans les uns envers les autres de ce qui estoit advenu.

Jusques là toutes les affaires avoient ry au Duc de Bourgongne, á la ruine & confusion de l' Estat. Il y avoit doncques lors trois partis dedans la France, celuy du Duc de Bourgongne fortifié de la presence du Roy, & de la devotion des Parisiens, & par special de la Royne, qui avoit juré une haine mortelle encontre son fils: celuy du Dauphin à Melun (assisté de plusieurs seigneurs, tant de l' espee que de robbe longue) qui avoit fait un tres-grand amas de gensdarmes, & le dernier de l' Anglois, lequel faisoit fort bien ses affaires, pendant que les deux autres estoient acharnez à se deffaire l' un l' autre: & de fait, sous ces arrhemens en l' an 1418. le 18. Janvier il prit la ville de Roüen. Deslors le Dauphin commença de s' intituler Regent de la France. Titre que le Parlement ne luy voulut accorder. Le Duc Jean n' ayant plus pour object son ancien ennemy le Duc d' Orleans, qui estoit prisonnier en Angleterre, & tous les principaux partissans de luy ayans esté mis à mort, ne desiroit autre chose qu' une paix avec le jeune Dauphin, se promettant qu' estant reconcilié avec luy, il gouverneroit autant & plus que jamais. Il jette plusieurs pourparlers de paix en avant. Le Dauphin n' y pouvoit bonnement condescendre pour l' injure qui luy avoit esté faicte par l' Isle-Adam. Ces deux Princes se voyent à Poully le fort pres Melun, où le Duc luy fit toutes les humbles soubmissions que l' on pouvoit desirer d' un suject: Et se departirent l' un de l' autre avec une asseurance de paix qui fut concluë entr'eux, dont fut chanté un Te Deum en l' Eglise de Paris, le douziesme de Juillet, & le dernier la ville de Pontoise prise par les Anglois, qui de là en avant venoient courir jusques aux portes de Paris sans destourbier: d' un autre costé le Dauphin se saisit vers le mesme temps de la ville de Tours. J' ay recueilly d' un registre du  Parlement du 9. Aoust 1419. ces paroles: Course des Anglois devant Paris, qui estoit une grande honte aux Princes: par ce que par leurs partialitez les inconveniens estoient si grands au Royaume, qu' oncques auparavant n' en avoient esté de pareils, & qui plus est l' un d' entr'eux avoit puissance assez suffisante pour resister à la force des Anglois: Mais ils aymoient mieux la ruine de l' un d' eux, que celle des Anglois, avec lesquels le Duc de Bourgongne avoit puis n' agueres de grandes intelligences, & promesses de donner l' une de ses filles en mariage à Henry V. de ce nom Roy d' Angleterre, lesquels unis ensemble devoient à moitié de profit conquerir le Royaume, & en priver le Dauphin: Toutesfois Henry n' avoit grande envie de rien traicter avec luy au cas que le Roy luy voulsist donner sa fille Catherine de France avec les Duchez de Normandie, & Guyenne à les tenir sans souveraineté. Ce que jamais le Roy ne voulut accorder, combien que pour cecy il y eust de grandes allees, & venuës. Passage que j' ay voulu transcrire tout du long, pour monstrer qu' encores au milieu de telles tempestes il y a tousjours quelque noble cœur, auquel il faut que la patience eschappe. Ce placart estoit tres dangereux au milieu de ces coupe gorges, & neantmoins je le voy enchassé au registre du Parlement par le Greffier de son propre instinct pour un juste creue-coeur du mal public qui l' affligeoit. Jean qui se cognoissoit trop foible pour faire un troisiesme party seul, balançoit de sçavoir s' il mettroit le Roy & la Royne en la puissance de l' Anglois, ou bien du Dauphin, & luy rendroit par un mesme moyen toutes les villes qu' il occupoit. La dame du Grat sa mignongne luy conseilla de parlementer avec le Dauphin à Montereau Faut-Yonne. Il depesche Ambassades pardevers luy le 8. Septembre, & le 10. ils s' abouchent sur le pont avec certaines barrieres qui estoient entr'eux a fin de ne se méfaire. Or estoit le Dauphin suivy de plusieurs Seigneurs, & Gentils-hommes anciens serviteurs du feu Duc d' Orleans: qui tous avoient juré la vengeance de sa mort. Comme de fait ils avoient failly à cette execution au Chasteau de Pouilly, mais ce ne fut qu' une surseance. En cette derniere entreveuë se trouverent Tanneguy du Chastel, Guillaume Batillier, François Granault, Amboise de Loré, Jean Louvet President de Provence, le Vicomte de Narbonne, tous compagnons de mesme escrime sous le feu Duc d' Orleans. Comme le Duc Jean se presente, Tanneguy du Chastel luy dresse une querelle d' Allemant, disant qu' il ne rendoit au Dauphin l' honneur qu' il luy devoit, & avec une hache luy donna tel horion sur la teste, qu' il en mourut. Cela fut le 10. du mois. J' ay leu que tout son conseil n' estoit d' advis qu' il y allast, mesme qu' un Juif, qui se mesloit d' Astrologie judiciaire, l' en voulut destourner, luy disant que s' il y alloit, il y mourroit: Toutesfois son heure estant lors venuë, le conseil de la Dame du Grat sa maistresse emporta le dessus de tous les autres, & luy advint ce que le Juif luy avoit predit.

Cette mort fut la consommation de nostre malheur, car le Duc Philippes son fils se faisant heritier de la vengeance qu' il devoit à la memoire de son pere, à face ouverte se fit Anglois. Dés la premiere nouvelle qui en arriva dans Paris, les Parisiens firent le serment au Comte de S. Paul, Lieutenant general de la ville. Le Duc Philippes commence de traicter une paix entre les deux Roys, & pour premiere desmarche sont faictes trefues entr'eux le 29. Fevrier. Et le 30. d' Avril traité de paix, lequel fut juré és mains de messire Philippes de Morvillier premier President, & le 20. de May, par tous les Officiers du Parlement en presence des Ambassadeurs d' Angleterre, & publié par les carrefours à son de trompe, & cry public, & le 21. du mois contract de mariage entre Henry d' Angleterre, & Catherine de France. Qui causa puis apres une meslange, & confusion generale par toute la France, dont je parleray au chapitre suivant.

lundi 7 août 2023

8. 52. De ce mot Tintamarre.

De ce mot Tintamarre.

CHAPITRE LII.

Nous usons de cette diction Tintamarre, pour signifier un grand bruit & rumeur, & sembleroit de prime face qu' elle eust esté inventee à plaisir, & non pour autre raison que pour contenter le son de l' aureille: & par ce que cette parole en soy represente je ne sçay quoy de grand bruit, de mesme façon comme nous appellons le jeu de tablier Tric trac, pour autant que ce mot semble aucunement se raporter au son des dez: Toutesfois la derivaison en cest autre est digne d' estre remarquee en ce lieu. L' on trouve és vieilles Chartres de Berry en la sainte Chappelle de Bourges que Jean Duc fondateur d' icelle allant un jour à la Chasse, trouva grande quantité de vignerons qui estoient en un grand vignoble non esloigné de la ville de Bourges, lequel voyant ce pauvre peuple gaigner sa vie à tres-grand sueur de son corps, il se voulut informer de l' un d' eux ce qu' ils pouvoient gaigner par jour, & combien d' heures ils travailloient, & plusieurs autres particularitez, esquelles il prenoit plaisir à les escouter: A quoy luy fut entre autres choses respondu que quand c' estoit és grands jours d' Esté ils estoient tenus de prester pied à boule à leur besongne depuis les quatre heures du matin, jusques à huict & neuf heures du soir, c' est à sçavoir tant que le Ciel les favorisoit de clarté, & és plus courts jours de l' Hyver, depuis six heures du matin, jusques à sept ou huict heures du soir: estans mesmes contraints pour cest effect porter chandelles & lanternes quant & eux pour les esclairer. Le Duc prenant ce peuple à compassion, & estimant que la rigueur des maistres estoit en cela trop tyrannique en voulut effacer la coustume, & pour cette cause ordonna que de là en avant le Vigneron ne seroit tenu de s' acheminer à sa besongne devant six heures en quelque temps que ce fust, & qu' en Esté toute besongne cesseroit à six heures du soir, & en Hyver à cinq: Et pour ne rendre cette ordonnance illusoire, il commanda que ceux qui estoient plus proches de la ville, & consequemment devoient entendre plus à leur aise le son de la cloche, en donnassent advertissement en criant aux autres qui estoient plus prochains, lesquels seroient tenus de rendre le semblable aux autres & ainsi de main en main. Cecy depuis fut tres-estroittement observé en tout le pays de Berry, auquel le premier vigneron ayant sur les cinq ou six heures du soir faict la premiere clameur, il excitoit son voysin a en faire autant, & luy pareillement aux autres: Tellement qu' en toute la contree s' entendoit une grande huee, & clameur, par laquelle chacun estoit finalement adverty qu' il falloit faire retraite en sa maison: & cette mesme coustume s' observa autresfois, ainsi que j' ay ouy dire és environs de la ville de Blois en un grand cousteau de vignobles qui en est prés, où les plus proches vignerons de la ville ayans ouy l' orloge avoient accoustumé pour signal de retraitte de crier à haute voix, Dieu pardoint au Comte Thibault, s' estant le peuple fait accroire par un long succés de temps que ce fut un Comte Thibaut de Blois qui en introduisit entre eux la premiere loy & coustume. Or disent les bonnes gens du pays qu' ils avoient ouy qu' autresfois le premier qui donnoit advertissement aux autres avoit accoustumé de tinter dessus ses marres avec une pierre, & tout d' une suite commençoit à huer apres ses autres compagnons: Car Marre, comme vous sçavez, est un instrument de labour emprunté mesmement du Latin. Ainsi que nous pouvons recueillir de deux passages, du 10. de Columelle en sa maison rustique, dont est venu que presque en la plus part de cette France nous appellons marrer les vignes, ce qu' és autres endroits Labourer. Parquoy ce ne sera point à mon jugement mal deviner d' estimer que d' autant que au son du tint qui se faisoit sur la Marre, s' excitoit une grande huee entre vignerons, quelques uns du peuple François advertis de cette façon ayent appellé Tintamarre à la similitude de cecy, tout grand bruit & clameur qui se faisoit.

vendredi 30 juin 2023

4. 33. Du droict de Chambellage porté par quelques Coustumes, & dont il procede.

Du droict de Chambellage porté par quelques Coustumes, & dont il procede.

CHAPITRE XXXIII.

Le Chambellage est un droict qui se paye par le vassal au Seigneur feodal, advenant changement de main, ainsi que nous voyons en celles de Meaux, Senlis & Mante, & nommément par celle de Mante, c' est un escu qui est deu au Seigneur, par celle de Senlis vingt sols Parisis, le tout selon les cas plus particulierement specifiez par icelles, mais dont en est peu proceder, & le mot & l' usage? Je vous ay dit au deuxiesme de ces miennes Recherches, qu' il y avoit cinq Estats prés de nos Roys anciennement fort authorisez depuis la venuë de Hugues Capet. Les Chancelier, grand Chambellan, grand Maistre, grand Bouteiller & Connestable. Authorité qui se continua jusques bien avant sous le regne de S. Louys. Or eurent-ils divers droicts qui leur furent diversement attribuez, & entr'autres le grand Bouteiller á chaque mutation d' Archevesque, Evesque, Abbé ou Abbesse, avoit droict de prendre cent sols. Quoy que soit, je trouve au plus ancien Registre de la Chambre des Comptes, intitulé le Livre Croix, que ce droict fut payé à Jean Dacre grand Bouteiller, par les Archevesques de Rheims, Sens, Bourges, Tours, Lyon, & Roüen: Par les Evesques de Langres, Laon, Beauvais, Chaalons, Noyon, Paris, Soissons, Tournay, Senlis, Teroüenne, Meaux, Chartres, Orleans, Auxerre, Troyes, Neuers, Mascon, Chaalon sur Saulne, Autun, Arras, Clairmont, Limoges, Amiens: Abbez de S. Denis, S. Germain des prez, S. Geneviefve, S. Magloire, S. Cornille à Compiegne, S. Medard de Soissons, l' Abbé de Corbie, de Montreil sur la mer, S. Sulpice de Bourges, de Tournay, S. Messan, Ferriere, S. Colombe de Sens, de Valery, de Montigny les Estampes: Abbesses de Cheles, de nostre Dame de Poissy, Montmartre, Faresmoutier. Or tout ainsi que le grand Bouteiller, aussi eut le grand Chambellan un certain droict sur les vassaux qui relevoient nuëment du Roy leurs Fiefs en foy & hommage. Car comme ainsi soit que le vassal se presentant à la Chambre du Roy, pour estre receu en foy, fust introduict par le grand Chambellan, ou autres Chambellans: aussi pour recognoistre cette courtoisie, les vassaux luy faisoient present de certaine somme de deniers. Et comme il advient ordinairement que toutes choses qui sont du commencement introduites de curialité, & comme disent les Ecclesiastics d' une loüable coustume, se tournent par progrez du temps en obligation: Aussi fut-il par arrest de l' an 1272. ordonné que les Chambellans avroient droict de prendre de tous vassaux qui relevoient du Roy vingt sols pour un fief de 50. liures de rente, & au dessous: 50. sols pour un fief qui vaudroit cent liures de revenu, & cent sols, le tout Parisis, pour celuy qui valoit cinq cens liures, & au dessous. Ancienneté que je recueille du registre de S. Just, Maistre des Comptes. De laquelle encores avons nous une remarque en la Chambre des Comptes de Paris, parce que nos Roys s' estans voulu garantir de cette importunité de recevoir entre leurs mains le serment de fidelité de leurs vassaux: & ayans remis cette charge à la Chambre des Comptes lors qu' elle fut establie à Paris, toutes & quantesfois qu' un vassal y est introduit par le premier Huissier, ou son Commis, pour y faire l' hommage, il luy doit certum quid en deniers, que l' on appelle le Chambellage, & ce, à mon jugement, pour autant que ce droict estant deu au Chambellan, parce qu' il introduisoit le vassal au Roy: Aussi les premiers Huissiers faisans le semblable envers la Chambre, ils se feirent accroire que ils devoient joüyr de mesme droict.

Cela soit par moy dit, a fin de ne rien oublier de ce que je pense appartenir au present sujet. Mais pour finir ce Chapitre par où je l' ay commencé, l' une des plus solemnelles foys & hommages, qui fut jamais faicte en France, est celle de François Duc de Bretagne, à nostre Charles VII. en la ville de Chinon, le 14. de Mars 1445. où le Seigneur de Varennes Grand Chambellan fit approcher le Duc, luy disant telles paroles. Monsieur de Bretagne vous faites la foy & hommage lige au Roy vostre souverain Seigneur cy-present, à cause de sa Couronne, de vostre Duché de Bretagne, ses appartenances & dependances, & luy promettez foy & loyauté, & le servir envers & contre tous, sans aucun excepter. 

A quoy le Duc respondit, adressant sa parole au Roy. Monsieur, je vous fais la foy & hommage telle & semblable, que mes predecesseurs Ducs de Bretagne ont accoustumé de faire à vos predecesseurs. Auquel hommage il fut receu en cette façon, & luy en furent decernees lettres. Je vous represente par exprez cet exemple, pour vous monstrer qu' en ces hommages signalez, le grand Chambellan estoit celuy qui avoit la charge d' introduire les vassaux au Roy.


Fin du quatriesme Livre des Recherches.

lundi 19 juin 2023

3. 21. Du Concil tenu en la ville de Basle quelques ans apres le Concil de Constance,

Du Concil tenu en la ville de Basle quelques ans apres le Concil de Constance, dont fut extraicte une bonne partie de la Pragmatique Sanction faite à Bourges du temps du Roy Charles VII. 

CHAPITRE XXI. 

A l' issue du Concil de Constance il avoit esté arresté d' en renouveller un autre en la ville de Pavie à la premiere commodité. La peste fut cause que l' on le transfera à Sienne, & de Sienne en la ville de Basle. Et le fit le Pape Martin publier l' an mil quatre cens trente un, par les frequentes semonces & importunitez des Princes Chrestiens de l' Europe. Le temps sembloit lors couver sous soy une reformation generale, tant en l' Eglise Romaine, qu' en la France. Le poinct, & periode s' y trouva és années mil quatre cens trente cinq, & trente six. Car en l' annee trente cinq fut faite l' ouverture du Concil, & en l' an trente six furent ouvertes les portes de Paris à Charles septiesme, & les Anglois chassez de la ville. Eugene successeur de Martin avoit fait semblant d' approuver du commencement ce Concil: mais par toutes voyes & manieres il s' estudia de le destourner, bien est vray que ce fut en vain. Depuis le Concil de Constance, il n' y a riens que les Papes ayent tant craint que les Concils generaux, comme ceux qui se vouoient ordinairement à les reformer, par une proposition que l' on y observoit, & que l' on avoit empruntee de la faculté de la Theologie de Paris: Que l' authorité du Concil general est par dessus l' authorité du S. Siege. Proposition qui ne plaist pas à ceux qui frequentent la Cour de Rome. En ce Concil furent faits plusieurs beaux Decrets, & Ordonnances Ecclesiastiques. Le Pape Eugene avoit excommunié tous ceux qui se trouveroient à ce Concil là. Le Concil revoque toutes ces excommunications, & est le Pape cité au Concil: en confirmant certain Decret du Concil de Constance, il est dit, que l' on celebreroit des Concils generaux: le premier 5. ans apres cestuy-là, le second 7. ans apres l' autre, le tiers 10. ans apres, & ainsi de dix ans en dix ans. Que le Pape durant le Concil ne pourroit creer Cardinaux (c' estoit pour oster les brigues, qui se pourroient faire par la multiplicité des nouvelles creations, & nouveaux suffrages.) Que seant le Concil, & advenant ouverture de la Papauté, on ne pourroit proceder à election d' un nouveau Pape hors le Concil: Qu' en renouvellant l' ancienne coustume de l' Eglise, le Diocesain seroit tous les ans un Concil en sa Province, sur la discipline des mœurs de son Clergé: & de deux ou trois en trois ans le Metropolitain avecq' ses Evesques Comprovinciaux. Là aussi fut decidé des Annates, des pacifiques possesseurs triennaux, des Benefices, des Appellations, Collations, des causes, & controverses des Prestres concubinaires, des Reservations, tant generales, que speciales. En ce Concil tous les Cardinaux creez par Eugene quatriesme sont cassez, & quant à luy premierement suspendu, puis deposé de son Siege, & en son lieu Amede Duc de Savoye, qui fut depuis appellé Felix cinquiesme. Et pour conclusion arresté que le Concil estoit par dessus le Pape, en ces termes. Qualecunque nomen dignitatis, aut potestatis de Papa reperitur, ad particulares quoscunque homines, & singulares Ecclesiasticos referendum est, non supra universalem Ecclesiam: ita ut potius Papa Ecclesiae, quàm Ecclesia tota, Papae obedire cogatur. Nam & si maior sit in Ecclesia, non tamen maior est tota Ecclesia. C' est à dire, Quelque nom de dignité, ou puissance qui se trouve au Pape, cela se doit rapporter aux hommes particuliers, & à chacun des Ecclesiastiques, non pas à l' Eglise universelle, de telle façon que le Pape doit être plustost contrainct d' obeïr à l' Eglise universelle, que l' Eglise universelle au Pape. Car combien que le Pape soit le plus grand qui soit en l' Eglise, si n' est-il toutesfois plus grand que toute l' Eglise. Et neantmoins est de rechef condamnee l' heresie de Jean Hus, qui pulluloit grandement en Allemagne sous le nom des Hussiens, & declaree plus pernicieuse que celle des Nicolaïtes, Gnostiques, Cerdonians, Marcionites, Ariens, comme celle qui pervertissoit tout droict divin & humain, & qu' il ne falloit nullement revoquer en doute la puissance du sainct Siege de Rome, comme estant le seul, & unique Vicaire de Dieu en terre.

Anthoine Archevesque de Florence, parlant de ce Concil dit que tout ce qui fut ordonné du commencement d' iceluy estoit sainct, & bon, mais que depuis il fut en plusieurs façons alteré, & corrompu par les menees d' Eugene. Et de fait ce Concil n' apporta pas le remede diffinitif à la maladie: au contraire produisit un schisme. Parce que Eugene decedé on crea dans Rome Nicolas cinquiesme, en faveur duquel, pour oster le schisme, Felix de bonne & heureuse memoire se demet de la Papauté. Exemple grand de saincteté contre toutes les ambitions effrenees & detestables de ceux qui aspirent aux honneurs. Qui fut cause que les affaires de France estans restablies en meilleur train par l' extermination des Anglois: & l' Eglise Gallicane ne pouvant plus supporter tant de divisions, & discordes qui flotoient en l' Eglise Romaine, se delibera, sous l' authorité & puissance de Charles septiesme, s' assembler en la ville de Bourges en l' an mil cinq cens trente huict, où se trouverent plusieurs Prelats, Princes, & autres gens du grand Conseil: & furent extraicts des Concils de Constance, & de Basle, les Canons qui estoient les plus saincts pour la conservation de la discipline Ecclesiastique: Là fut arresté tout à fait que le Concil general estoit au dessus du Pape: Que pour les Eglises Metropolitaines, Cathedrales, & Colegiales & autres dignitez eslectives, il seroit procedé par eslection, qui seroient confirmees par leurs superieurs: Que le Pape n' attenteroit riens sur cela, sinon pour une tres-grande raison, & tres-urgente necessité, dont seroit faite mention en ses Bulles: & neantmoins que les confirmations seroient apportees à Rome: pour passer sous l' authorité du sainct Siege, dont toutesfois les Officiers de Cour de Rome, ne prendroient riens: Que toutes Reservations generales de dignitez eslectives estoient prohibees, par lesquelles estoit ostee la libre faculté d' eslire, & de confirmer: comme aussi estoient ostees les particulieres des autres communs Benefices, & les Collations d' iceux reservees à leurs Evesques & Ordinaires: fors toutesfois qu' en cas de prevention; le Pape pourroit conferer un Benefice vacquant: comme aussi pourroit-il donner un Mandat d' un Benefice, au lieu où il y en avroit dix à conferer, & de deux, où il y en avroit cinquante. Et pour le regard des procés, que l' on ne pourroit être distraict de la France en Cour de Rome, & que le Pape seroit tenu de deleguer Juges In partibus, quand on appelleroit à luy. Que nul ne pourroit être evoqué outre quatre journees hors son diocese & domicile: Que les Annates, Deports & autres telles charges seroient totalement bannies de l' Eglise: & furent par mesme moyen les mains liees aux Ordinaires en certains cas: leur estant enjoinct d' avoir Chanoines Theologaux, pour enseigner la parole de Dieu, ausquels fut commandé de faire deux fois la sepmaine leçon en Theologie. D' avantage, qu' en toute Eglise Cathedrale, la troisiesme partie des Prebendes seroit affectee aux Graduez, qui seroient tenus chasque Karesme d' insinuer leurs Nominations aux Dioceses, sur lesquels ils se seroient nommez, & la premiere vacquante leur appartiendroit, & les deux autres à ceux qui seroient pourveuz par les Ordinaires. 

Ceste Pragmatique Sanction apporta quelque repos à nostre Eglise Gallicane, mais non à la Cour de Rome, qui ne trouva jamais bonnes telles Constitutions. Et ceux mesmes qui auparavant leur dignité Pontificale, les trouvoient bonnes, soudain apres leur promotion, changerent de propos, comme l' on vit Aeneas Sylvius, lequel, comme grand personnage qu' il estoit, s' estant trouvé au Concil de Basle, où plusieurs de ces propositions avoient esté arrestees, fit un livre expres, pour monstrer qu' il n' y avoit riens en tous ces articles que de sainct, & plein de pieté: Toutesfois depuis qu' estant fait Pape, il eust changé son propre nom en celuy de Pie deuxiesme, il le retracta: Aussi combien que l' ordinaire de la France fust de passer par les Decrets de ceste Pragmatique sanction: toutesfois encores eschappoit-il à quelques-uns d' avoir leur retraicte à Rome. Et depuis nos Roys voyans qu' elle n' estoit autre chose qu' un abregé des Concils generaux de Constance, & Basle, dont ils estoient les vrais & premiers protecteurs, delibererent de n' avoir plus recours pour cest effect à nouvelles assemblees Synodales, mais bien d' y apporter remede par leurs Edicts verifiez en leurs Parlemens. Comme nous voyons qu' il advint sous le regne de Louys XI. Car comme ainsi fust que l' on voulust remettre sus, les Exactions, & Graces expectatives, il fit en l' an 1464. deux Edicts, l' un du 13. jour d' Aoust, l' autre du 10. Septembre, par lesquels fut ordonné que toutes Exactions de Cour de Rome cesseroient, & qu' elles ne seroient prises ny sur les Beneficiers, ny autres sujects de la France. Et que si aucuns, soy disans Commissaires, ou executeurs d' aucunes Bulles, lettres, mandemens, ou commandemens Apostoliques, se vouloient efforcer de les mettre à execution, & proceder contre eux par censures, excommuniemens, fulminations, ou autrement en quelque maniere que ce fust, pour les contraindre à payer, composer des despoüilles, & incompatibilitez de commandes, ne autres telles, ou semblables exactions, qu' il ne fust obey à ces executeurs: mais que defenses leurs fussent faites de passer outre, à peine de confiscation de corps, & de biens, & avecq' ce qu' ils fussent arrestez, & detenus prisonniers, & condamnez en amende envers le Roy, & que l' on se saisist, & mit entre les mains de Justice les Bulles. Et par le second Edict furent renouvellees les defenses d' aller à Rome obtenir graces expectatives, n' autres Bulles, ou lettres Apostoliques equipolens à icelles, fust sous couleur de Reservations generales, ou speciales, n' autrement, en quelque maniere que ce fust sur les Benefices tant du Royaume, que de Dauphiné, pareillement d' aller à Rome obtenir Eveschez, Abbayes, dignitez, ou autres Benefices eslectifs sans premier avoir la permission du Roy de ce faire. Et depuis ceste reformation generale ainsi faite en nostre Eglise pour tousjours obvier aux mesmes entreprises de Cour de Rome, sur les Ordinaires, on n' a jamais receu Legat en France que ses Facultez n' ayent esté approuvees, & verifiees en la Cour de Parlement. Or quant est de la Pragmatique sanction, elle se continua jusques au regne du Pape Leon X. & du Roy François premier de ce nom, par Concordat qui fut fait entre eux sur toutes les eslections, qui furent unies, & incorporees à la majesté des Roys, à la nomination desquels les Papes donnent *tous *ces Eveschez, Abbayes, & Benefices, qui estoient anciennement eslectifs: & en contr' eschange de ce, fut le vacquant de la premiere annee de toutes ces Dignitez accordé au Pape. Concordat fondé seulement sur les abus qui se faisoient aux eslections, lesquelles estoient instituees de droict divin. Que s' il convenoit pour les abus qui se trouvent non seulement en nostre Eglise, mais en tous Estats extirper le tige, ce seroit pesle-mesler toutes choses, & peut-estre qu' en ce changement les dignitez Ecclesiastiques y avroient la meilleure part. ་

jeudi 22 juin 2023

3. 31. Des Benefices que nous avons dict vacquer en Regale soubs la troisiesme lignee de nos Roys.

Des Benefices que nous avons dict vacquer en Regale soubs la troisiesme lignee de nos Roys. 

CHAPITRE XXXI

Combien que tous les Archevesques & Evesques doibuent le serment de fidelité au Roy avant qu' ils entrent en leurs charges, & qu' à faute de le faire, le Procureur general du Roy de la Chambre des Comptes puisse faire saisir leur temporel, si est-ce que tous les Archeveschez & Eveschez de la France ne sont estimez tomber en Regale, vacation d' iceux advenant: Ores que quelques uns estiment le contraire. Opinion de prime face plausible, pour favoriser les droicts du Roy, mais erronée, bien qu' elle ne soit destituee de bons parrains: Car maistre Jean le Bouteiller en sa Somme Rurale, l' estima ainsi, & de nostre temps Monsieur de Pibrac Advocat du Roy au Parlement, la voulut faire passer par Edict, mais il en fust desdict. Il ne faut riens oster à l' Eglise, pour le donner par une nouveauté à noz Roys, ny leur oster, pour le donner à l' Eglise. La plus seure guide de noz actions, est la longue ancienneté. Or que toutes Eglises Cathedrales ne tombent en Regale, nous avons plusieurs Ordonnances qui le nous enseignent. Celle de Philippes le Bel, de l' an mil trois cens deux, portant entre autres articles, cestuy: 

Item, quantùm ad Regalias, quas nos & prædecessores nostri consuevimus percipere & habere in aliquibus Ecclesiis Regni nostri, quando eas vacare contingit: Et là il enjoint aux Receveurs, qui manient le temporel pendant l' ouverture de la Regale, d' user de la couppe des Bois, & pesche des Estangs, comme bons peres de famille. Et Philippe de Valois par autre ordonnance de l' an mil trois cens trente quatre, declare qu' és Eveschez, esquelles il avoit droict de Regale, il pouvoit conferer les Benefices à simple tonsure vacquans de faict ou de droict. Charles septiesme par une autre, que je transcriray cy-apres parle des Eveschez où il avoit droict de Regale. Et Louys douziesme par Edict de l' an mil quatre cens quatre vingt dix-neuf. Nous defendons à tous noz officiers (dit-il) qu' és Archeveschez, Eveschez, Abbaïes, & autres benefices de nostre Royaume, esquels n' avons droict de Regale, ils ne se mettent dedans ny és fortes places, sinon és Benefices & fortes places qui seroient assizes és païs limitrophes de nostre Royaume. Brief qui soustient l' opinion contraire, est plustost un flateur de Cour, que Jurisconsulte François. Aussi en vain disputeroit-on les Regales au Parlement, si sans exception, tous les Archeveschez & Eveschez vacquoient en Regale. La difference qu' il y a entre l' Evesché qui tombe en Regale, & celuy qui n' y tombe point, est, qu' au premier cas, soudain que l' Evesque est decedé, le temporel du Benefice estant saisi à la requeste du Procureur general en la Chambre des Comptes, les fruicts appartiennent au Roy, & peut conferer les Benefices à simple tonsure, vacquants, jusques à ce, que la Regale soit close: Mais en l' Evesché non tombant en Regale, quelque saisie que l' on face du temporel, c' est pour conserver les fruicts au futur successeur, lesquels ne commencent de tomber en pure perte, sinon apres que l' Evesque estant entré en possession ne rend le serment de fidelité au Roy: Et au surplus, le Roy ne peut en ce cas conferer aucuns Benefices. 

Le plus ancien passage où je trouve être faicte mention de telle espece de Regales, soubz la troisiesme lignée de noz Rois, est la dispense que donna le Roy Louys le Gros à l' Archevesque de Bourdeaux & ses Evesques suffragants, & tout d' une suitte le Roy Louys le Jeune son fils. in nomine sanctae & individuæ Trinitatis: Amen. Ludovicus Dei gratia Francorum Rex tibi dilecte in Domino, Gaufride Burdegalensis Archiepiscope, cum suffraganeis Episcopis, Ramundo Agennensi, Lamberto Angolismensi, Guillelmo Xantonensi, Guillelmo Pictaviensi, Guillelmo Petragoricensi, necnon cum Abbatibus Burdegalensis Provinciae, vestrisque successoribus in perpetuum. Regiae maiestatis est, Ecclesiarum quieti, pia solicitudine providere, & ex officio suscepta à Domino potestatis, earum libertates tueri, & ab hostium seu malignantium incursibus defensare. Sic nimirum Regalis apicem dignitatis, nobis à Domino, à quo omnis potestas est, consecutos esse constabit si iuxta Evangelicam institutionem, & Apostolicae doctrinae traditionem, in sanctae Dei Ecclesiae ministerium accincti, pro eiusdem contuenda libertate, qua Christus eam liberavit, & pacis quieti operam demus. Ea propter petitionibus vestris, communicato priùs Episcoporum, Abbatum & Procerum nostrorum consilio assentiente Ludovico filio nostro, iam in Regem sublimato, duximus annuendum, & in sede Burdegalensi, & in praedictis Episcopalibus sedibus, & Abbatiis eiusdem Provinciæ, quae defuncto illustri Aquitanorum duce, Comite Pictaviensi Guillermo, per filiam ipsius Alienoram, iamdudum filio nostro Ludovico, sorte matrimonij cedit, in Episcoporum & Abbatum suorum Electionibus, canonicam omnino concedimus libertatem, absque hominij, iuramenti, seu fidei per manum datae obligatione. Porrò decedentis Archiepiscopi, & suffraganeorum ipsius Episcoporum, sive Abbatum decedentium res universas successorum usibus, Regia authoritate servari volumus, & concedendo præcipimus, illaesas. Hoc quoque adijcientes, ut omnes Ecclesiae infra denominatam Provinciam constitutae, praedia, possessiones & universa ad ipsas, iure pertinentia, secundum privilegia, iustitias & bonas consuetudines suas, habeant & possideant illibata. Quinimò Ecclesiis ipsis universis & earum ministris, cum possessionibus suis, Canonicam in omnibus concedimus libertatem. Quod ut perpetuæ stabilitatis obtineat munimentum, scripto commendari, & sigilli nostri autoritate, & nominis nostri charactere corroborari præcipimus. Actum Parisiis in Palatio nostro publicè, anno incarnationis Verbi M. CXXXVII. Regni nostri XXVII. Ludovico filio nostro in Regem sublimato, anno IIII. In praesentia Gaufridi venerabilis Carnotensis Episcopi, & Apostolicae sedis Legati, Stephani Parisiensis Episcopi, Augerij Abbatis Beati Dionysij, Girardi Abbatis Iosephati, Algrini à secretis nostris. Astantibus in Palatio nostro, quorum nomina subtitulata sunt & signa. Signum Radulphi Viromanduorum Comitis, & dapiferi nostri, Signum Guillermi Buticularij, S. Hugonis Camerarij, S. Hugonis Constabularij. Data per manum Stephani Cancellarij. 

Remise qui feut confirmee, voire transcripte mot pour mot par le Roy Louys le Jeune, dont le commencement estoit tel.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis: Amen. Ego Ludovicus Iunior, Magni Ludovici filius, Dei gratia Rex Francorum & Dux Aquitanorum, Tibi dilecte in Domino Gaufride &c. Et la fin de ce tiltre. Actum Burdegali, in Palatio nostro publicè, anno incarnati Verbi M.C.XXXVII. Regni nostri IIII. In praesentia Gaufridi Burdegalensis Archiepiscopi, Heliae Aurelianensis Episcopi, Raimundi Agennensis Episcopi, Lamberti Angolismensis, & Guillermi Xantonensis Episcoporum: Augerij Abbatis sancti Dionysij, adstantibus in Palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt & signa. 

S. Radulphi Viromanduorum Comitis & dapiferi nostri, Signum Guillermi Buticularij, S. Hugonis Constabularij. Data per manum Stephani Cancellarij.

Octrois que je penserois avoir esté faicts en un mesme jour par le pere & le fils, n' estoit que je voy l' un fait dans Paris, & l' autre dans la ville de Bourdeaux, Siege, comme il est vray semblable, de Louys le Jeune, qui avoit espousé l' heritiere de la maison d' Aquitaine. Joinct qu' il y a plus d' Evesques presents au dernier qu' au premier. Et combien que ce soient les deux tiltres les plus anciens, si recueille-je d' eux une plus longue ancienneté: car je me persuade que les Ducs d' Aquitaine pendant leur souveraineté, iouïssoient des droicts de Regales en & au dedans leurs destroicts, & que ce Duché estant de nouveau reuny à la Couronne par le mariage de Louys le Jeune: ces deux Roys, pour rendre leurs Evesques plus enclins & devots à leur obeyssance, exercerent envers eux ceste nouvelle liberalité. Ce n' est pas ce pays seul où les Ducs feirent le semblable: car par le traicté qui feut faict entre le Roy S. Louys, & Pierre Mauclerc Duc de Bretaigne, les collations des Benefices en Regale feurent reservees à ce Duc dedans son Duché. Et passeray encores plus outre pour la Normandie: Car quand je voy que tout ce pays-là est subject à la Regale sans exception & reserve d' aucun Evesché, il me semble voir les Ducs en iouïr, & que par la reünion du Duché à nostre Couronne, noz Roys continuerent ceste mesme possession.

J' adjousterois volontiers que non seulement quelques Eveschez, mais aussi quelques Abbaïes estoient tenuës en Regale. Parce que le mesme privilege que ces Princes donnent aux Evesques, est pareillement estendu dessus les Abbez. Et depuis Pilippes (Philippes) Auguste fils de Louys le Jeune voulant sortir de la France pour s' acheminer au voyage d' outremer, baillant toute charge & intendance à la Royne sa femme & à l' Archevesque de Rheims son oncle, entre autres prerogatives, leur donna ceste-cy par expres: Si verò contigerit sedem Episcopalem vel Abbatiam in Regalia vacare, &c. Toutesfois la memoire, pour le regard des Abbaïes, s' en est effacee avec le temps.

Entre les tresors des anciennetez de la France, je n' en trouve point de plus riche que les memoriaux de nostre Chambre des Comptes, & specialement pour la matiere des Regales. C' est pourquoy outre les deux passages precedents, je vous veux encores estaler ce que j' en ay peu recueillir, & tenir d' eux en foy & hommage la plus grande partie de ce chapitre. Quel est l' usage de la Regale, comme elle s' ouvre & se ferme, de quelle façon il y faut proceder, vous le trouverez au Memorial cotté C, en ces mots Latins grossement couchez, & toutesfois je les vous representeray tels qu' ils sont: Je desire qu' il y ait moins de mignardise en ce que j' escris au present chapitre, & plus de respect pour vous representer au naïf, en subject de si haute estoffe, la venerable ancieneté. Dum Episcopus alicuius Episcopatus ubi Dominus Rex habet Regaliam, ab humanis decedit, immediatè per obitum ipsius, est Regalia in dicto Episcopatu aperta, & succedit Rex loco boni & legitimi administratoris, in omni temporalitate dicti Episcopatus, confertque beneficia non curata, & hoc durante tempore ipsius Regaliae. Quæ quidem Regalia debet vigere & habere locum in dicto Episcopatu donec & quousque futurus successor Episcopus legitimè intrans, suum debitum fidelitatis iuramentum, dicto Domino nostro Regi, prout tenetur, fecerit, Quodque literae Regiae attestantes dictum iuramentum sic fuisse factum, præsentatae, registratae, & expeditae fuerint in Camera Compotorum (: Computorum: Comptes: -p: Comtes). Et quod Receptor seu Commissus ad ipsius Regaliae receptum receperit mandatum à dicta Camera emanatum, per quod ei mandatur, ut levet manum Regis, & permittat dictum Episcopum, uti & gaudere, ponendo ipsam temporalitatem ad plenam deliberatiam: nec ante receptionem huiusmodi mandati à dicto Receptore seu Commisso reputatur dicta Regalia clausa: Sed usque ad diem ipsius receptionis tenetur reddere compotum & rationem de fructibus huiusmodi temporalitatis, & confert Rex beneficia non curata tanquam in Regalia vacantia. Et hoc de iure & consuetudine Regis & suae Coronae. 

Il parle seulement de l' Eglise vacante par mort, comme estant la plus signalee vacation. Non que pour cela il entende forclorre les autres qui adviennent par resignations, forfaictures, promotions d' un Evesché à autre, dont nous voyons diverses instructions dans les mesmes Registres. Au demourant, par les instructions portees par l' article cy-dessus recité, nous sommes enseignez que le Roy iouyst du temporel, & confere les benefices qui n' ont charges d' ames: & que ceste Regale dure jusques à ce que le futur successeur ait fait le serment de fidelité au Roy. Collation de benefices qui semble être aucunement contraire à nostre droict Canon, & neantmoins tant favorisee en ceste France, que si le Roy faict ceste grace à un Prelat de le recevoir à foy & hommage par Procureur, il entend par ceste reception luy donner pleine mainlevee de son temporel, mais non de la collation des (be-fices) benefices, ainsi que nous apprenons de l' Ordonnance de Charles VII.

Charles par la grace de Dieu Roy de France. A noz amez & feaux Conseillers les gens tenants & qui tiendront nostre Parlement à Paris, les Maistres des Requestes de nostre Hostel, aux Prevost de Paris, Baillis de Vermandois & d' Amiens, & à tous noz autres Officiers & Justiciers, salut & dilection. Il est venu à nostre cognoissance qu' à l' occasion de ce que nous octroyames à feu le Cardinal Evesque de Teroüenne, qu' il nous peut faire le serment de feauté du dict Evesché de Teroüenne par Procureur. Ce qu' il feit, & parce moyen luy deliurasmes les fruicts & revenu de la temporalité d' iceluy Evesché que paravant tenions en nostre main à cause & par le moyen de nostre droict de Regale, le dit feu Cardinal ou ses Vicaires souz couleur & au moyen de la dicte deliurance par nous à luy faicte des dicts fruicts (combien qu' il ne nous eust faict le serment en presence) eust donné & conferé plusieurs prebendes & autres benefices vacants à la collation du dict Evesque depuis la reception du dict serment de feauté par Procureur & la deliurance des dicts fruicts: Et pareillement les avons donnez & conferez à autres par le moyen de nostre dict droict de Regale. Sur quoy se sont meuz & assiz plusieurs procés pardevant vous avec ceux qui ont eu collation du dit Cardinal & de ses Vicaires: Et à ceste occasion sont plusieurs des dictes prebendes & autres benefices contentieux en grande involution de procés, au grand prejudice & detriment de la dicte Eglise & du service divin. Et pource que voulons & desirons pourvoir à la confusion & detriment des dicts benefices, & multiplication des dicts procés, & aussi pourvoir à l' entretenement du dict service divin, & à la conservation de nos dicts droits de Regale, & qu' avons esté advertis & acertenez des droicts de nostre Couronne, & l' usage ancien avoir esté & être, qu' és Eveschez où avous droict de Regale, mesmement quant à la collation des Benefices, la dicte Regale demeure tousjours ouverte, jusques à ce que les nouveaux Evesques nous ayent faict en personnes les serments de feaulté, quelque serment qui nous en soit faict par Procureur, & quelque deliurance que facions des fruicts de la temporalité. Avons declaré & declarons que par la reception du serment de feauté du dict Cardinal par Procureur, & par la deliurance à luy faicte des fruicts du temporel du dict Evesché, nous n' avons entendu ne n' entendons nous être departis ne desistez de la collation des benefices du dit Evesché, comme vacants en Regale, ne la transferer au dict Cardinal: Ainçois estoit & est nostre intention de donner & conferer les dicts benefices conmme vacants en Regale, jusques à ce que le dict Cardinal nous eust faict en personne le serment de feaulté, ainsi qu' il est accoustumé de faire en tel cas. Si vous mandons & expressément enjoignons que nostre presente declaration vous entreteniez & gardiez & faictes entretenir & garder selon sa forme & teneur, sans aucunement venir au contraire: Car ainsi nous plaist-il être faict, nonobstant quelconques lettres subreptices impetrees ou à impetrer à ce contraires. Donné au Montil lez Tours le quatorziesme Fevrier mil quatre cens cinquante & un, & de nostre regne le trentiesme.

Ordonnance qu' il m' a semblé devoir icy être tout au long inseree pour être unique en son espece, que j' ay tirez du Memorial cotté L, En la marge duquel, Budé garde des Chartes du Roy, meit ces mots, Habui originale pro ponendo in thesauro Chartarum Regis. Ainsi signé, Budé. Chose que j' ay voulu remarquer pour vous monstrer combien ceste Ordonnance feut recommandee. Je vous diray maintenant en gros, quels sont les Archeveschez & Eveschez qui tombent entre nous en Regale. Dans le livre Croix, sont ces mots. Dominus Rex, prout constat per antiqua scriptae Camerae, consuevit capere Regalia cùm vacabunt in Provincijs & Diocesibus quæ sequuntur. In tota Provincia Senonensi & eius suffraganeis, excepta Diocesi Altissiodorensi in qua Decanus & Capitulum dicuntur fecisse permutationem cum Rege. In tota Provincia Rhemensi, excepta Diocesi Cameracensi. In tota Provincia Bituricensi, excepta Lemovicensi, Carnutensi, Rutenensi, Albiensi, Mimatensi.

In tota Provincia Turonensi, excepta Macloviensi, Trecorensi, Corisopisensi, Burcensi, Venetensi, Rhedonensi, Dolensi. 

In Provincia Burdigalensi solùm. Verùm de Pictaviensi computatum fuit anno 1306. sed Rex per literas totum istud præcepit restitui Episcopo. 

In tota Normania habet Regale.

In Provincia Auxitana & Arelatensi, & per consequens in tota lingua Occitana nihil habet. 

Ecclesiae cadentes in Regaliam.

Senonensis

Parisiensis

Carnotensis

Aurelianensis

Aeldensis

Trecensis

Rhemensis

Morinensis

Catalaunensis

Tornacensis

Suessionensis

Belluacensis (Bellvacensis).

Laudunensis

Ambianensis.

Noniomensis

Silvanectensis

Bituricensis

Claramontensis

Turonensis.  

Cenomanensis

Eduensis (Edvensis).

Cabilonensis.

Rhotomagensis.

Abricensis

Constantiensis

Lexoviensis

Bajocensis

Saginensis.

Ebroïcensis.

In Provincia Auxitana & Arelatensi, & per consequens in tota lingua Occitana nihil habet.



La preface de ce present placard monstre qu' il avoit esté extraict de quelques autres vieux registres de la Chambre, & à tant, qu' on y doibt adjouster plus de foy.

Par le quatriesme Article il est porté que le Roy a droict de Regale, In tota Provincia Turonensi, excepté Maclovensi, Trecorensi, Corisopitensi, Burcensi, Venetensi, Rhedonensi, Dolensi. Qui sont sept Eveschez assises au pays de Bretaigne, dependants de l' Archevesché de Tours: Et ne faut trouver estrange cela, parce que lors que cest article feut fait, noz Rois n' estoient Ducs de Bretaigne. Et neantmoins la verité est que par le traicté & accord qui feut fait entre nostre Roy S. Louys, & Pierre Maulclerc Duc de Bretagne, le droict de Regale feut par expres reservé au Duc sur les Eveschez qui estoient en & au dedans sa Province. C' est pourquoy ce Duché estant aujourd'huy uny & incorporé à la Couronne de France, ceux qui soustiennent que toutes ces Eveschez peuvent vacquer en Regale, ne sont pas destituez de raison. Tant y a que depuis quelques annees les Thresoriers & Chantres de la saincte Chappelle de Paris (selon le privilege à eux octroyé (dont je parleray en son lieu) ayants faict saisir souz le nom & authorité du Procureur general de la Chambre des Comptes de Paris, le temporel de l' Evesché de Nantes, comme estant l' Evesché tombé en Regale, Messire Louys du Bec Evesque, avroit obtenu mainlevee des gens des Comptes de Bretaigne: dont le Procureur general du Roy du Parlement de Paris avroit appellé, la cause plaidee, & appointee au Conseil, depuis par Arrest du 23. Decembre 1598. donné au rapport de Monsieur le Voix Conseiller, il fut dit qu' en faisant droict sur l' appel, il avoit esté mal, nullement, & incompetemment procedé & ordonné, bien appellé par le Procureur general, la saisie faicte de l' Ordonnance de la Chambre des Comptes de Paris, le 18. Decembre 1594. declaree bonne & valable: Ordonné que les fruicts & revenu temporel de l' Evesché de Nantes saisis seroient baillez & deliurez aux Thresorier & Chanoines de la saincte Chapelle, depuis l' ouverture de la Regale jusques à la closture deuëment faicte, ou la juste valeur & estimation d' iceux.

Cecy soit par moy remarqué en passant, mais pour reprendre les brisees de ce vieux Memorial que je vous ay voulu icy patronner, je ne veux pas dire que ce soit une leçon en tout & par tout asseuree: Car depuis la Cour de Parlement par ses Arrests y a adjousté ou diminué, selon les occurrences des procés dont elle a peu informer sa Religion. Si puis-je dire que ce memoire est comme un fanal qui apporte grande lumiere à l' obscurité qui se trouve en noz Regales. Et de faict Monsieur le President le Maistre en a faict banniere en son traicté des Regales. Or en tous les precedents Articles je n' y trouve difficulté qu' en celuy où il parle de la Province de Bourdeaux, auquel il semble n' y avoir point de sens parfaict, pour l' obscurité qui resulte de ce mot (Solùm.) Celuy qui nous redigea ce placard par escrit, voulut dire que toute la Province de Bourdeaux estoit franche de la Regale, toutesfois que l' on avoit compté pour l' Evesché de Poictiers, mais que puis apres le Roy fit rendre les deniers. Qui estoit en bon language declarer que tant l' Archevesque de Bourdeaux que ses suffragants en estoient exempts.

Et parce que au premier Article il dict que toute l' Archevesché de Sens y estoit subjecte fors & excepté l' Evesché d' Auxerre, & que le Roy en avoit faict un eschange avec le Chapitre, il s' abuse. Le Roy Philippe Auguste luy remit la Regale de sa pleine liberalité comme nous apprenons du mesme livre Croix, par moy cy-dessus allegué.

In nomine sanctae & individuae Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex: Noverint universi præsentes, pariter & futuri, quod nos intuitu pietatis & ob remedium animæ nostræ & parentum nostrorum, damus & concedimus in perpetuum Ecclesiae Altissiodorensi quicquid iuris habebamus in Regalibus Altissioderensibus, vacante sede. Itaque Decanus & Capitulum, eidem Ecclesiae custodient Regalia, sede vacante, & omnes proventus qui ex inde procedent, & Præbendas, si quas interim vacare contigerit, ad opus futuri Episcopi. Salvo Servitio nostro Equitationis exercitus & subventionis, sicut Episcopi Alissiodorenses nobis fecerunt. Quod ut perpetuum robur obtineat, sigilli nostri auctoritate, & Regij nominis Charactere inferius annotato, præsentem paginam confirmamus. Actum Parisiis, Anno Domini M.CC.VI. Regni verò nostri anno XXVII. adstantibus in Palatio quorum nomina subscripta sunt & signa, Dapifero nullo, signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, Signum Droconis Constabularij, Data vacante Cancellaria. 

Et au dessoubz est la signature du Roy Philippe par une abbreviation de son nom, telle que noz Roys souloient faire diversement, à Arras. Le mesme Roy exerça pareille liberalité envers l' Eglise de Nevers, ainsi qu' il apparoist par la Chartre portee au Memorial, cotté D.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex. Noverint universi, præsentes pariter & futuri, quod nos dilecto & fideli nostro Guillermo Niuernensi (Nivernensi) Episcopo, totum ius illud quod habebamus in Regalibus Niverrsensibus concedimus & quittamus in perpetuum ipsi & successoribus suis, & donationes etiam Praebendarum. Ita quod vacante sede nihil de mobilibus vel immobilibus per nos vel per alium capiemus in domibus Episcopi, nec in castellis & villis eiusdem, neque in hominibus Regalium, nec in rebus eorundem, neque in prædictis Regalibus aliquid prorsus retinemus, præter exercitus & procurationes, sicut nos & prædecessores nostri ea solent & debent habere. Concedimus etiam ut vacante sede eadem Regalia sint in manu Decani & Capituli Nivernensis, ut tam ea quam Praebendae & dignitates, si qua interim vaacuerint, ad opus futuri Episcopi, salvae & integrae reserventur. Quod ut perpetuae stabilitatis robur obtineat, sigilli nostri auctoritate, & Regij nostri characteris inferius annotati praesentem paginam confirmamus, Actum apud Fontem Belliaudi, Anno incarnationis Dominicae, M.CC.VIII. Adstantibus in Palatio quorum nomina supposita sunt & signa. Signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, Signum Droconis Constabularij. Data regni nostri anno XXX. vacante Cancellaria, per manus fratris Guarini. Et au dessouz est un pareil seing qu' à l' autre.

Pour le regard du second Article portant que toute l' Archevesché de Rheims estoit subjecte à la Regale fors & excepté l' Evesché de Cambray, il s' abuse. Car encores trouvons nous la remise qu' en feit le mesme Roy Philippe aux Evesques d' Arras dont la teneur estoit telle.

In nomine sanctae & individuæ Trinitatis, Amen. Philippus Dei gratia Francorum Rex. Noverint universi præsentes pariter & futuri, quod vacante quocumque modo sede Atrebatensi, medio tempore, Capitulum Atrebatense reservabit penes se ad opus Episcopi qui substituetur ibidem, omnia Regalia & omnes reditus & proventus Regalienses, & quicquid ad Episcopatum noscetur pertinere: Ita quod nec in homines Episcopi, nec in eorum res, pro aliquo quod pertineat ad Regalia, manum mittemus. Et si medio tempore aliquam Praebendam vel plures Praebendas vacare contigerit, similiter reservabuntur substituendo Episcopo conferenda postmodum cum ad electionem fuerit perventum, & Canonici praedictae Ecclesiae libere poterunt eligere non requisita à nobis, vel à successoribus nostris, licentia eligendi: sed electum suum confirmatum nobis praesentabunt, ut nobis fidelitatem faciat, sicut alij Episcopi nostri nobis facere consueverunt. Quia verò Radulphus ipsius Ecclesiae Electus, & Canonici Atrebatenses, nos humiliter rogaverunt, ut intuitu Dei expeditionem & exercitum nostrum ipsi Electo & suis successoribus quitaremus: Nos amore Dei, & ob remedium animae nostrae, ipsi Electo & suis successoribus, illud in perpetuum quitavimus & quitamus. Has autem prædictas libertates Episcopo & Ecclesiae Atrebatensi: Retenta tamen nobis procuratione nostra, quam Episcopus Atrebatensis nobis debet singulis annis, si ad illum accesserimus. Quod ut perpetuum robur obtineat, sigilli nostri munimine, Regij nominis charactere inferius annotato, praesentem paginam praecepimus roborari. Actum Parisiis, anno incarnati Verbi, millesimo ducentesimo tertio, Regni vero nostri vigesimo quinto. Adstantibus in Palatio nostro, quorum nomina supposita sunt & signa. Dapifero nullo, Signum Guidonis Buticularij, Signum Matthaei Camerarij, S. Droconis Constabularij nostri. Data vacante Cancellaria.

De vous particulariser icy tous les Arrests qui ont esté donnez en matiere de Regale, je ne me le suis proposé non plus que toutes les regles que l' on y observe. Je vous renvoye pour cest effect aux traictez de Maistre Arnoul Ruzé ja dis Conseiller en la Cour de Parlement de Paris, Philippe Probus Docteur Regent en l' Université de Bourges, Messire Gilles le Maistre, premier President, & Maistre René Chopin Advocat au mesme Parlement en son livre, De sacrâ Politiâ, & encores Maistre Loys Charondas en ses Pandectes Françoises. Je me contenteray seulement de vous inserer icy tout au long l' ordonnance de Philippes de Valois, (fondement de la maxime generale que l' on pratique en ceste matiere,) tiree du Memorial de la Chambre des Comtes, quoté B.

Philippe par la grace de Dieu, Roy de France, Sçavoir faisons à tous presens & à venir, que comme il ait esté mis en doute par aucuns, se nous avons droict, & à nous apartenit de donner les Provendes, dignitez & benefices quand ils avoient esté ou estoient trouvez non occupez, vacants, & unis de fait tant seulement ou temps de nostre Regale, és Eglises de nostre Royaume, esquelles nous avons droict de Regale, & ce ceux à qui noz predecesseurs ou nous les avons donnez, en devoient iouyr. Nous nous tenons & sommes suffisamment & deuëment informez que noz devanciers Rois de France pour cause de la Regale & de la noblesse de la Couronne de France, ont usé & accoustumé, & ont esté en possession & saisine de donner les Provendes, dignitez & benefices, quand ils ont esté trouvez en temps de Regale, vacquans de droict & de fait, ou de droit tant seulement, ou trouvez non occupez, unis & vaquants tant seulement & que nous aussi en avons usé, usons & entendons à user, comme de nostre droit Royal, toutesfois que aucun cas semblable ou quelconque cas dessusdict escherra: & donnons toute audience de plaict à tous ceux, qui à nosdits usages accoustumez par nos devanciers Rois de France, & par nous continuez, & aux droicts Royaux, qui en tel cas nous appartiennent pour cause de nostre Couronne, & aux collations par nous, noz devanciers ou successeurs faictes ou à faire és cas dessusdits ou aucuns d' iceux. Et se voudroient opposer, & que plaict au procez sur aucun des cas dessusdits quelconques soient pendants au Parlement ou devant quelconques nos Comissaires, nous les appellons & mettons du tout au nient, & defendons à nos amez & feaux les gens qui tiendront d' ores en avant noz Parlemens à Paris & aux dessusdits Commissaires, que ils de ces cas ne semblables ne teignent Cour, ne cognoissance ores ne autresfois. Et voulons & ordonnons que d' ores en avant nul pourveus des cas dessusdits, se ce n' est par vertu de provision & collation Royale qu' il ait de nos devanciers ou de nous, ou de nos successeurs Rois de France, ne soit receus à plaict, on ouys en opposition, contre ceux qui és cas dessusdits ou en aucun d' iceux sont pourveus par nos devanciers ou par nous, ou seront pourveus au temps à venir par nous ou nos successeurs Roys de France, pour quelconques lettres ou octroy, qu' il ait ou empetre de nous, se expresse mention n' est faite de mot à mot de ces presentes. Et voulons que d' ores en avant tous ceux qui en semblable cas, dessusdits & chacun d' iceux ont collation de nos devanciers ou de nous ou de nos successeurs Rois de France, soient tenus & gardez en possession & saisie, paisible des benefices à eux donnez nonobstant opposition d' autre, qui par vertu d' autre collation s' y sont opposez ou opposent à present, ou vueillent opposer au temps à venir, & ce avons nous ordonné & ordonnons de certaine science enformez de nos droicts & usage dessusdits, & mandons par la teneur de ces presentes à nos amez & feaux les gens qui tiendront nostre prochain Parlement, & les Gens de nos Comptes, que à perpetuelle memoire facent ces presentes enregistrer en nos Chambres de Parlement & des Comptes, & mettre & garder pour original au thresor de nos Chartes & de nos lettres. Et à ce que ce soit ferme & stable à tousjoursmais, nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres. Donné à Vincennes, au mois d' Octobre l' an de grace, mil trois cens trente quatre.

En suitte de (laqulle) laquelle ordonnance, le Roy Philippe donna son Arrest au bois de Vincennes le septiesme Octobre 1334. entre Maistre Loys de Melun Regaliste, le Procureur du Roy joinct avec luy, & Maistre Philippes Nicolas, pourveu par le Pape, de la Chantrie de Chartres, par lequel le benefice est adjugé au Regaliste, & veut le Roy, que son Arrest soit enregistré au Parlement, Chambre des Comptes & Thresor de ses Chartes, pour servir de guidon à la posterité. Pour conclusion de ce Chapitre, s' il vous plaist considerer tout ce qui a esté par moy cy dessus deduict, vous trouverez que trois de nos Roys du nom de Philippe, donnerent grande vogue & avancement à la Regale, Philippes second, quatriesme & sixiesme.