mardi 27 juin 2023

4. 13. Qu' il y eut certain siecle en France, pendant lequel la signature estoit incogneuë.

Qu' il y eut certain siecle en France, pendant lequel la signature estoit incogneuë.

CHAPITRE XIII.

Cette proposition semblera de premiere rencontre estrange, si est elle vraye. Je l' ay apris autresfois par plusieurs vieux & anciens tiltres, esquels on ne voyoit que le seel, & armes de ceux qui avoient fait quelque disposition, sans qu' avec ce, le nom & seing y fussent adjoustez, ainsi que depuis on a usé par la France. Et ne faut point estimer que ce fust l' ignorance du temps qui en fut cause, ains une coustume qui par je ne sçay quel long usage s' estoit insinuee entre nous. Sainct Bernard le premier de son siecle, en la doctrine des sainctes lettres, en sa trois cens trentiesme Epistre, Sigillum non erat ad manum, sed qui leget agnoscet stilum, quia ipse dictavi. Je n' avois point mon  cachet en ma main (dit il) mais qui me lira, cognoistra mon stile, car j' ay dicté cette lettre. Si au dessous de la lettre il eust mis son nom, il n' eust esté besoin de renvoyer la faute de son cachet à son stile. Le semblable se trouve en l' Epistre trois cens trente neufiesme, qu' il escrit à Baudoüin Evesque de Noyon. Materies locutionis pro sigillo sit: Quia ad manum non erat. Il vouloit dire que le sujet & le stile feroient paroistre que c' estoit luy qui escrivoit à faute de son cachet. Cela mesme s' observe encores aujourd'huy presque par toute l' Allemagne, & Souïsse. Et cecy ne se pratiquoit point seulement és escritures privees, ains publiques, comme nous apprenons de cet article de l' Ordonnance de Philippes le Long, de l' an 1319. où il veut que les forfaictures seront converties à payer les aumosnes deuës sur le thresor, & qu' il n' entend donner de son domaine, si ce n' est au cas que faire il doive. Puis adjouste. Et est à entendre que sceaux, & escritures sont de nostre propre domaine, & seront tenus les Seneschaux, & Baillifs signifier aux gens de nos Comptes les valeurs des dites forfaictures, & en quoy elles seront, & quand elles escherront, dedans le mois qu' elles seront advenuës au plustost convenablement qu' ils en pourront avoir faict inventaire, & qu' ils appellent avecques eux deux preud'hommes à la confection de cet inventaire, lesquels (porte le texte) mettront leurs sceaux avec les sceaux des dits Baillifs, & seront leurs noms escrits dedans les dits inventaires. Il ne parle ny de seing ny de paraphe au dessous de l' inventaire, ains seulement du seel: & neantmoins veut que dans l' inventaire les noms des preud'hommes soient inserez avec celuy du Baillif: & quand je voy que les contracts passez pardevant Notaires ne portent execution que par le moyen du seel, je me fais presque acroire que les Tabellions ne signoient. Toutesfois les autres en jugeront à leur fantasie. Qui est une ancienneté qu' il ne faut aisément contemner, pour les obscuritez qui en peuvent provenir au Palais, sur des vieux tiltres que l' on produit, esquels il n' y a que le seel sans autre signature.

4. 12. D' une coustume ancienne que l' on observoit en France en matiere de prisonnier de guerre.

D' une coustume ancienne que l' on observoit en France en matiere de prisonnier de guerre.

CHAPITRE XII.

Par l' Edict du Roy Jean, lors que par l' advis des trois Estats il fit la premiere augmentation de la Gabelle sur le sel, & imposition pour un an de huict deniers pour liure sur toute denree venduë, entre autres articles il y en avoit un, par lequel il deffendoit aux Connestables, Admiraux, Maistres des Arbalestiers de ne prendre part & portion de ce qui avroit esté pris par les soldats sur l' ennemy, nonobstant le droict par eux pretendu, si ainsi n' estoit qu' eux ou leurs gens eussent esté en la besongne. C' estoit que le Connestable qui a toute charge sur les gens de cheval, & le Maistre des Arbalestiers qui estoit Colonnel le l' infanterie, avoient droict de prendre sur les prises faites sur les ennemis, ainsi que nous voyons aujourd'huy les Admiraux, tant du Ponant, que Levant, l' avoir sur celles qui ont esté faictes en mer, estans declarees de bonne prise. Outre cela je trouve que ce fut une coustume ancienne en cette France, que toutesfois & quantes que la rançon de guerre excedoit dix mille liures, le prisonnier appartenoit au Roy, en payant par luy les dix mille liures au maistre du prisonnier, pour le moins le tiré-je d' un passage qui me semble à ce propos fort notable. Quand Jeanne la Pucelle fut prise devant Compieigne par le bastard de Vendosme, qui en saisit Messire Jean de Luxembourg, l' un des principaux favoris du Duc de Bourgongne, l' Evesque de Beauvais les interpella de la mettre entre ses mains, a fin de luy faire & parfaire son procez, comme ayant esté prise en & au dedans de son Diocese: Pour les inviter à ce faire il dit que le Roy Henry offroit de bailler à Jean de Luxembourg 6000. liures, & assigner au bastard de Vendosme 300. liures de rente de son Estat. 

Qui n' estoit point peu de recompense à l' un & à l' autre, eu esgard à la pauverté & disette qui estoit provenuë de la longueur des guerres: puis il adjouste dedans l' acte de sommation ces mots: Et où par la maniere avant dite, ne vueillent, ou soient contens d' obtemperer à ce que dessus, combien que la prise d' icelle femme ne soit semblable à la prise du Roy, Princes, ou autres de grand estat, lesquels toutesfois se pris estoient, ou aucun de tel estat, fut Roy, le Dauphin, ou autres Princes, le Roy les pourroit, s' il vouloit, selon le droict, usance & coustume de France, avoir moyennant dix mille liures, le dit Evesque somme, & requiert les dessusdits au nom que dessus que la dite pucelle luy soit deliuree en baillant seureté de la dicte somme de dix mille francs, pour toutes choses quelconques. Cette sommation est l' une des premieres pieces qui se trouvent au procez de la Pucelle, & ne pense point que l' Evesque de Beauvais eust esté si impudent de proposer cette coustume, mesme contre des seigneurs de marque, si elle n' eust esté vraye: Tellement que pour ce point je le croy, mais non qu' il fust en sa puissance de faire le procez a une prisonniere de guerre, quelque sophistiquerie que les Escoliers eussent sçeu trouver pour faire tomber la vie de cette brave guerriere à la mercy des Anglois.